Femme

Partie supérieure d'une statue avec pilier dorsal

Égypte > provenance inconnue

Fin du Moyen Empire à début de la Deuxième Période intermédiaire > 2045-1974 avant J.-C. > 1700-1539 avant J.-C.

[voir chronologie]

Pierre dure noire 

H. 8,7 cm ; L. 5,7 cm ; P. 5 cm

Co. 815

Commentaire

Etat de conservation

L’objet est en assez mauvais état de conservation  : la statuette ayant été brisée au niveau de la taille, la partie inférieure du corps et des bras manque. La pierre présente des traces d’usure en surface, voir notamment au sommet de la perruque, à l’arrière du pilier dorsal, et sur le visage, dont les traits sont aujourd’hui difficilement lisibles. L’ensemble est légèrement encrassé. Aucune trace de polychromie ne s’observe.

Description

La statuette Co. 815 représente une femme, dont seule la partie supérieure est conservée. Il est difficile de reconstituer sa position originelle, debout ou assise, de même que celle de ses bras, le plus probablement ballants le long du corps d’après le fragment conservé. 

L’usure a gommé les détails de la représentation d’origine. Au niveau du visage, seule la cavité des yeux est conservée et les traces de l’arête du nez et du creux de la bouche se devinent encore. Cependant, on reconnaît un visage ovale, doté d’un petit menton et de grandes oreilles, seuls éléments bien conservés des traits de la femme. Elles se dégagent nettement de la perruque, dont elles retiennent les pans. Cette perruque, mi-longue, retombe sur ses épaules. S’évasant au niveau de ces dernières, elle est légèrement aplatie sur le sommet du crâne et reste rectiligne à l’arrière. Une légère incision horizontale sur le front, précisant la limite de la perruque, se remarque sur le front bombé.

Ce qui a été conservé du corps indique une silhouette élancée, un cou délié, une poitrine petite et ronde, une taille étroite et des bras minces. Cette statue représente une dame idéalisée, image d’une jeunesse éternelle. En l’absence de traces, il est difficile de reconstituer le vêtement moulant que portait la femme. Le piler dorsal étant anépigraphe, l’identité de la commanditaire de la statue Co. 815 reste inconnue. 

Hors contexte de découverte, sans inscription, ni connaissance de son circuit d’achat, la datation de cette statuette reste approximative. Le type de la perruque, de forme très évasée et s’arrêtant sur les épaules est particulièrement en vogue chez les particuliers du Moyen Empire (HARVEY 2001, p. 656, fig. 2a  : Coiffures and Wigs, Female, Wf.1). La forme de cette perruque peut être comparée, par exemple, à celles de trois statues datées de la fin du Moyen Empire et réalisées en serpentinite. Conservées au musée royal de Mariemont, et achetées au Caire chez l’antiquaire Maurice Nahman en 1912, elles représenteraient un même homme à trois âges différents (inv. n° B.495, B.496 et B.497, voir DELVAUX, in DERRIKS, DELVAUX 2009,  p. 56-63). Ce traitement lisse d’une chevelure, par ailleurs aplatie sur le crâne, rappelle celle des statues de personnages de la fin du Moyen Empire (voir dans les collections de la Glyptothèque Ny Carlsberg de Copenhague, la statuette fin XIIe début XIIIe dyn. inv. n° AEIN 932 dans JØRGENSEN 1996,  p. 180-181 : n° 74) mais également la statuette plus tardive (XIIIe-XVIIIe dynastie) du chef des scribes Ren-seneb Inv. n° AEIN 60 (JØRGENSEN 1996, p. 210-211 : n° 89). Bien que les courbes de la statuette Co. 815 semblent bien indiquer une représentation féminine, le type de perruque est au contraire plutôt masculin. L’image d’un couple, contemporain de la XIIIe dynastie, en témoigne : le groupe statuaire musée du Louvre inv. n° E 11176 bis, avec la perruque gonflante tri-partite longue pour l’épouse et la perruque plus courte, aux pans retombant sur les épaules et aplatie sur le crâne pour l’époux (DELANGE 1987, p. 136-137). 

L’emphase sur la forme et la taille des oreilles est particulièrement caractéristique de la statuaire de la  seconde moitié de la XIIe, puis de la XIIIe et ce jusqu’à la XVIIe dynastie. L’étude de Roland Tefnin a montré qu’il s’agissait d’un élément important de l’idéologie du bon gouvernement au Moyen Empire, tout particulièrement sous le règne de Sésostris III, indiquant à quel point le souverain prêtait attention aux suppliques de son peuple et écoutait ses prières (TEFNIN 1992, p. 149-160).

La statuette Co. 815 est la représentation d’une dame, provenant  d’une petite chapelle privée placée sur un parcours processionnel divin. Elle date probablement de la fin du Moyen Empire ou de la Deuxième Période intermédiaire. Par comparaison avec d’autres statuettes, elle serait plus précisément à situer entre la fin de la XIIe dynastie ou le début de la XIIIe dynastie. 

Inscription

Anépigraphe. 

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Biron, "Dans la rotonde droite vitrine n° 35", 69, "Partie supérieure (jusqu'au dessous des seins) d'une statuette de femme en granit noir. Perruque longue retombant de chaque côté des épaules. Pilier dorsal anépigraphe. Haut. 8 cent. Estimée cinquante francs".

Donation Rodin à l’ État français en 1916.

 

< Retour à la collection

Horus

statue naophore

Égypte > provenance inconnue

Datation  > Nouvel Empire à Basse Époque

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 65 CM ; L. 28,5 CM

Calcaire polychrome

Co. 1002

Commentaire

Etat de conservation

L’œuvre est en assez bon état de conservation, malgré des pertes de matière dues à l’érosion et à une pierre par endroits pulvérulente, occasionnant de nombreuses cassures et épaufrures, notamment sur la base et les côtés. Le bouchage est très inesthétique. L’objet a visiblement été arraché à une paroi ou, plus vraisemblablement, à une statue naophore, et aucun des chants n’est d’origine : on constate à l’arrière et sur les côtés de profondes traces de ciseau, en tous sens, tandis que la partie supérieure paraît avoir subi un traitement plus délicat, et n’avoir été rattachée que plus récemment.

Description

Cette statue représente le dieu Horus debout dans un naos, figuré sous les traits d’un homme à tête de faucon. Sa coiffure classique, une perruque tripartite dont les mèches maintenues par des rubans retombent sur sa poitrine, est surmontée d’un uraeus endommagé et d’un large disque solaire. Le dieu est également vêtu d’un pagne court, maintenu autour des reins par une large ceinture et lui aussi endommagé. Le bras droit est plaqué le long du corps, poing fermé, et enserrait peut-être à l’origine le petit rouleau stylisé symbolisant une pièce d’étoffe ou de papyrus. Quant à la main gauche, elle tient devant le corps un sceptre dont la partie supérieure est manquante, mais dont l’empreinte ne laisse aucun doute : il s’agit, comme c’est normalement le cas, du sceptre-was, symbole de puissance et attribut de la plupart des dieux masculins de manière générale.

Horus apparaît ici au sein d’un naos surmonté d’un disque solaire ailé et encadré d’inscriptions portant une formule dédicatoire. Le terme de « naos » désigne autant le tabernacle abritant la statue d’une divinité que, par extension, la pièce qui l’accueille au sein du temple et en constitue la partie la plus sacrée. Le naos, pourvu de portes, était ouvert tous les matins afin d’accomplir les rites du culte journalier – en particulier présenter les offrandes et laver, habiller et parfumer la statue – et il était scellé à nouveau tous les soirs. La niche est ici profonde de cinq centimètres environ pour donner l’illusion que le dieu, ou sa statue, se trouve à l’intérieur ; un mortier rose a été déposé dans l’angle inférieur gauche. Quelques traces de pigments sont encore présentes : c’est peut-être le cas de dépôts blancs dans les hiéroglyphes, et surtout des restes d’ocre rouge sur le disque solaire et sur le bord inférieur de la bordure et d’ocre jaune ailleurs.

Horus, dont le nom est une forme hellénisée de l’égyptien originel Herou signifiant « le lointain, le distant », est une divinité majeure de la cosmogonie égyptienne. Il apparaît dans la documentation dès l’époque protodynastique, comme symbole principal de la monarchie qu’il demeure par la suite tout au long de l’histoire pharaonique. Outre cet aspect fondamental, il est souvent considéré comme une divinité céleste, et est rapidement associé à la ville de Nekhen, d’ailleurs nommée en grec Hierakonpolis ou « ville du faucon » en référence à l’important culte qui y est voué à Horus. Même si les premières représentations de faucons connues, remontant à la période prédynastique de Nagada II, proviennent de cette localité, il est difficile d’affirmer si le faucon est déjà une divinité à cette époque, ni même s’il est déjà symbole de cette cité ou le deviendra seulement ensuite, à la Ière dynastie. Quoi qu’il en soit de la réalité historique, cet aspect monarchique d’Horus et ses racines prédynastiques sont ensuite repris et réinterprétés, dans un récit mythico-historique élaboré dès l’Ancien Empire, pour faire de ce dieu l’acteur mythique de l’unification de l’Égypte. Le royaume d’Horus centré sur Hierakonpolis aurait alors affronté celui de Seth et sa capitale Naqada/Noubet, avant de vaincre celui-ci et d’étendre son pouvoir sur l’ensemble du pays.

Ce n’est que bien plus tard, à la Ve dynastie où le culte d’Osiris grandit considérablement en importance, que cet aspect d’Horus dit « Horus l’Ancien » est entremêlé à la théologie osirienne. Un deuxième personnage divin, lui aussi fondamental, naît alors : Horus « le Jeune », fils d’Isis et Osiris, conçu à la suite du meurtre du roi Osiris par son frère jaloux Seth, et après que sa mère ait réuni le corps coupé en morceaux, inaugurant par là-même la momification. Élevé par Isis à l’abri de son oncle, Horus le Jeune livre à Seth, une fois adulte, un combat acharné qu’il finit par remporter. Il incarne dès lors le fils qui lave l’honneur de son père et est donc assimilé à un nouvel aspect monarchique, celui de l’héritier royal qui succède à son père. Le culte d’Horus est donc extrêmement actif pendant toute l’histoire pharaonique, mais il l’est particulièrement, comme celui de la triade osirienne en général, au Ier millénaire avant notre ère (voir COULON, 2005, p. 1-23, et COULON, 2011, p. 21-24).

 

L’œuvre Co. 1002 présente clairement des caractéristiques stylistiques de cette période, avant laquelle les statues de dieux présentées dans des naos sont peu fréquentes. Le disque solaire ailé qui surmonte la structure, et ses deux uraeus à la symétrie imparfaite, évoquent également le style assez schématique de nombreuses productions « populaires » en calcaire de la fin du Nouvel Empire et de la Basse Époque. Celle-ci pourrait de plus provenir d’une statue naophore (ce qui est plausible au vu du type d’objet, mais incertain au vu de ses dimensions imposantes), un type statuaire inventé à la XVIIIe dynastie et qui se développe principalement à la troisième période intermédiaire (BARBOTIN 2017, p. 45). La posture frontale du dieu, enfin, évoque d’autres représentations à échelle plus réduite, telles que la figurine votive Co. 2386 du musée Rodin, et surtout un autre petit naos très similaire conservé au Museu Egipci de Barcelone (inv.no. E731). Il est très probable que ces deux objets aient été originellement placés dans des sanctuaires.

Historique

Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian le 11 septembre 1912.

BOREUX 1913 : Hôte Biron, 273, "Petite stèle [dessin], évidée en forme de niche A, dans laquelle est sculpté un Horus hiéracocéphale debout, coiffé du disque et de l’uraeus, et tenant devant lui, de son bras gauche demi plié, le sceptre [dessin]. En haut de la stèle est figuré le disque ailé ; les légendes qui encadrent la niche paraissent donner au défunt (en a) le nom [hiéroglyphes] Calcaire. Cassées en 2 morceaux. Haut. 63 cent. Larg. à la base : 27 cent. Estimé trois cent francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

 

Commentaire historique

L'oeuvre fut achetée auprès de l’antiquaire Joseph Altounian qui l’expédia dans un lot d’objets le 31 août 1912 et le décrivit ainsi :  « 1 fausse porte de tombeau au milieu homme debout avec tête d’épervier (Mastaba) 300  » (ALT 147, archives musée Rodin).

 

L’antiquaire Joseph Altounian, écrivait à Rodin du Caire le 10 Août 1912 : « Cher Maître, J’ai l’honneur de vous faire savoir que je viens de rentrer aujourd’hui même au Caire après avoir accompli le voyage dans la Haute-Égypte dont voici les principales étapes. Éléphantine, Abydos, Phylae, Héracleopolis, Sakhara, Memphis, etc., ou j’ai séjourné pour recueillir pour votre collection des fragments de bas-reliefs, granit, calcaire, basalte, bref tout ce que j’ai jugé pouvant vous intéresser. Ce lot renferme 24 pièces des bas-reliefs et des reliefs en creux des grands et des petits, le tout appartenant aux différentes dynasties ayant régné dans les régions que j’ai traversées, plus 19 pièces de fragments en ronde bosse le tout présente la sculpture des meilleures dynasties. » J. Altounian était parti du Caire en juillet 1912, et l’on peut suivre son périple sur son agenda (archives Altunian) : Minieh, Mallawi, Assiout, Abou Tig, Assiout, Sohag, Achmim, Abou Tig, Baliana, Abydos, Baliana, Keneh, Kous, Louxor, Sohag, Achmim, Sohag, Mallawi, Le Caire, où il arriva le 7 août.

 

Le 28 Août 1912, Altounian écrit au sculpteur : « Cher Maître J’ai l’honneur de vous annoncer que je suis arrivée à Paris depuis quelques jours. Je me suis présenté 77 rue de Varenne mais on m’a dit que vous étiez absent ; jour cela. Je vous adresse la présente à votre adresse à Paris espérant qu’on vous la faira suivre. Donc je vous prie cher Maître de me dire le jour que vous rentrez à Paris afin que je vienne vous soumettre le bordereau avec la nomenclature des objets que je vous ai expédié du Caire.». Le 6 septembre, Altounian recevait de Rodin « la somme de frs 850 (huit cent cinquante francs) comme prêt pour m’aider à dégager les 6 caisses antiques de la Douane ; Monsieur Rodin n’est pas engagé à acheter ce lot d’antiquités s’ils ne lui plaisent pas. Il achètera que ce qu’il lui plaira.». Rodin choisit un grand nombre d’œuvres de ce lot dont l'oeuvre Co.1002 et versa à l’antiquaire 5000 francs le 11 septembre 1912.

 

L'oeuvre fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

 

< Retour à la collection

Homme

Partie supérieure d'une statue avec pilier dorsal

Égypte > provenance inconnue

Basse Époque

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 13,7 CM; L. 10,2 CM; P. 6,6 CM

Grauwacke

Co. 894

Commentaire

Etat de conservation

L’œuvre est en bon état de conservation. On remarque de nombreux éclats et cassures. En plusieurs endroits du visage, on observe des traces d’un enduit ou d’une colle blanche ; il s’agit probablement de tentatives de restauration anciennes.

Description

Cette statuette, cassée au niveau des bras et de l’abdomen, représentait un personnage masculin, coiffé d’une perruque évasée, tirée derrière les oreilles et formant à l’arrière une suite de chevrons imbriqués les uns dans les autres. Elle est pourvue d’un pilier dorsal inscrit de deux colonnes de hiéroglyphes. L’attitude et le costume, autant que les inscriptions, indiquent sans ambiguïté qu’il s’agit de la représentation d’un particulier.

 

Le torse est nu et dépourvu de parure, et la partie conservée du bras gauche permet d’observer que les bras étaient légèrement décollés du corps. Il s’agissait peut-être d’une statuette théophore, avec le personnage agenouillé ou debout et présentant à bout de bras une effigie divine. De telles statues et statuettes font leur apparition au cours de la XVIIIe dynastie et se multiplient au cours du premier millénaire avant notre ère. Le style de celle-ci évoque clairement cette dernière période, au plus tôt la Troisième Période intermédiaire et très probablement plutôt la Basse-Époque. Beaucoup de statues de ce type sont des « statues-cubes », mais ce n’est clairement pas le cas de l’objet Co. 894, dont les bras sont bien détachés du corps. Le reste de la statue étant manquant, on ne peut déterminer si elle était simplement théophore, ou plus spécifiquement naophore, c’est-à-dire que le personnage aurait alors présenté l’image du dieu enclose dans un naos.

 

Ces objets incarnent une évolution dans la culture matérielle et les pratiques religieuses privées à partir du Nouvel Empire, se prolongeant et s’amplifiant aux siècles suivants. De telles statues, de taille très variable, étaient originellement placées dans des sanctuaires, et il n’est pas rare de voir des pierres relativement nobles employées pour leur réalisation (voir PERDU, 2012, p.13-21 ; p.34-35.). Le premier millénaire voit la multiplication de statues et statuettes de particuliers déposées dans les parties accessibles des temples. Cette coutume permettait aux particuliers d’entretenir une relation privilégiée avec la divinité tutélaire du sanctuaire, et même d’espérer partager les offrandes destinées au culte journalier, si leurs représentations se trouvent sur le chemin emprunté par les prêtres après avoir servi l’autel divin (voir PERDU, 2012, p.34-35).

 

La collection égyptienne du musée Rodin possède une statue similaire et de la même période conservée sous le numéro d’inventaire Co. 3378. Le musée du Louvre possède lui aussi plusieurs statues et statuettes de même type, comme les nos. inv. A94 (N95),  E25390 + E25475 et E 25459. Il en existe dans la plupart des collections égyptologiques importantes, parmi lesquelles on peut par exemple citer l’œuvre inv.no. 51.28.1 du Metropolitan Museum of Arts de New York.

 

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 :  Hôtel Biron, 311, "Partie supérieure (tête et torse) d'une statuette d'époque saïte, en basalte gris. La partie subsistante du pilier dorsal donne [hiéroglyphes]. Le visage a été refait entièrement. Haut. Max. 13 cent. 1/2. Estimé dix francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

 

 

Commentaire historique

La statuette fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

< Retour à la collection

Relief

Déesse sous forme de vache Hathor

Egypte > provenance inconnue

Nouvel Empire à époques tardives, probablement

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 17,2 CM : L. 21,5 CM ; P. 3 CM

Calcaire

Co. 3387

Commentaire

Etat de conservation

Le relief est en bon état de conservation, mais une profonde cassure (moderne) entaille l'encolure de l'animal. Le revers a été retravaillé et aplani à une époque proche de sa mise sur le marché de l'art. Les chants gauche, droit et inférieur présentent des cassures. Des inclusions sont visibles en surface, y compris au revers.

Description

Une vache debout, tournée vers la gauche, se détache en faible relief de la surface de la pierre. Placée en position de la marche apparente, ses pattes reposent sur une ligne de sol. La pierre est parcourue de veines de différentes teintes et des inclusions sont visibles sur toute la surface du relief, y compris au revers. On observe de nombreuses traces ocre-rose sur l'animal, ainsi que sur le fond et les chants supérieur et droits. Un engobe ocre-rose se retrouve sur d'autres stèles en calcaire de la collection Rodin, à l'instar de la stèle Co. 982. L'origine de cette coloration reste indéterminée pour Co. 3387 car, dans la cassure de l'angle supérieur droit, cette teinte rosée s'observe également à l'intérieur de la pierre. Aucune autre trace de polychromie n'est décelable.

Ce bas-relief ne figure pas n’importe quelle vache : on s’en aperçoit au fait que l’animal porte clairement un collier, identifiable malgré la large cassure comme un collier-menat, l’un des attributs principaux du culte d’Hathor, et qui se reconnaît notamment à son contrepoids arrondi qui repose sur le garrot. Il s’agit en fait d’une représentation de cette déesse sous sa forme zoomorphe ; celle-ci peut également apparaître en tant que femme dont la tête est surmontée de cornes bovines encadrant le disque solaire et coiffée d’une dépouille de vautour, coiffe qu’elle a en commun avec Isis dont elle partage d’ailleurs beaucoup de caractéristiques. Beaucoup plus rarement, elle peut également prendre les traits d’une femme à tête de vache.

 

Déesse associée à la maternité, à l’amour, à la sexualité, à la musique et à la joie, Hathor est souvent désignée comme étant la fille et « l’œil » de Rê. Elle est l’une des divinités les plus anciennement attestées en Egypte, puisque les premières attestations de son clergé remontent à l’Ancien Empire ; elle pourrait même être beaucoup plus ancienne, si l’on considère que la déesse archaïque Bat, figurée par une tête de vache, en est déjà une manifestation. Dans tous les cas, Bat finit par se confondre tout à fait avec Hathor lorsque celle-ci émerge comme déesse à part entière et devient rapidement une divinité cruciale du panthéon, notamment du fait de sa relation très étroite avec la monarchie. Déesse nourricière, dans sa forme de vache, Hathor est en effet rapidement représentée comme la nourrice du roi, dont le lait participe à lui conférer une substance divine. Dès le début du Moyen Empire, Montouhotep II se proclame ainsi « fils d’Hathor » ; beaucoup plus tard, Hatchepsout lui emboîte le pas en consacrant une chapelle entière de son temple funéraire à cette déesse et à son rôle de nourrice divine du souverain. Ce lien privilégié avec la monarchie continue à être de mise jusqu’à la période ptolémaïque, où plusieurs temples accueillent des mammisis, des kiosques cultuels dédiés à la représentation du roi enfant et des divinités qui l’entourent, dont au premier chef Isis et Hathor.

 

Ce relief pourrait provenir d’une paroi de sanctuaire, ou bien également d’un tombeau, même de particulier : à partir du Nouvel Empire, Hathor y apparaît dans certaines scènes sous les traits d’une vache faisant face au défunt. Le relief est cependant trop incomplet pour pouvoir trancher entre ces deux possibilités.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 45, "Bas relief fragmentaire en calcaire jadis peint. Vache Hathor tourné vers la gauche, ayant le menat sur les épaules. Larg. 20 ; Haut. 18. Estimé soixante francs."

Donation Rodin à l'État français 1916.

 

< Retour à la collection

Fragment de bas-relief figurant un corps d’homme

Égypte > Région thébaine, probablement

Fin de la Troisième Période Intermédiaire > XXVe ou XXVIe dynastie

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 24  CM : L. 40,5 CM ; P. 3,5 CM

Calcaire polychromé

Co. 3081

Commentaire

Etat de conservation

L’œuvre est en bon état de conservation. La surface est en effet toujours lisse et on n’observe que peu d’inclusions ou d’éclats. 

Description

Ce bas-relief en calcaire, sculpté en creux, représente un homme assis sur un siège, tourné vers la droite, le bras droit avancé et le bras gauche replié sur la poitrine, dans une attitude tout à fait classique des hommes de haut rang représentés assis. Il est vêtu d’une peau de léopard et paré d’un collier ousekh, aux détails soignés et dont le pendentif porte encore des traces de couleur verte. On observe également d’importants restes d’ocre rouge, tirant parfois sur l’orangé, sur les carnations. Le fait que ce personnage ait la peau ocre foncée montre sans ambiguïté qu’il s’agit d’un homme, selon les canons égyptiens, et le fait qu’il soit vêtu de la pardalide  signale qu’il occupait des fonctions sacerdotales.

 

L’homme était vraisemblablement initialement penché vers une table d’offrande. De telles scènes, ainsi que les formules les accompagnant, avaient vocation à permettre la subsistance du ka du défunt dans l’au-delà, en lui assurant magiquement un apport permanent d’offrandes alimentaires, si les offrandes réelles venaient à faire défaut. L’immortalisation par le texte et l’image de ces offrandes dans la pierre permettait ainsi de rendre éternels les cultes funéraires initialement rendus par des officiants religieux. Il est possible que le défunt ait été accompagné de son épouse ou d’autres de ses proches, qui pouvaient se trouver derrière lui ou de l’autre côté de la table d’offrandes dans la composition originelle.

 

Aucune des tranches n’est d’origine. Le relief fut arraché à la paroi d’un tombeau. Le bas du relief est cassé juste sous la cuisse et au-dessous du genou. Le revers a été retravaillé et aplani. Cependant, des similarités de style permettent d’affirmer que ce fragment appartenait au même bâtiment que le fragment Co. 937. L’un et l’autre proviennent de toute évidence d’un tombeau, et au vu de leurs caractéristiques stylistiques, il est probable qu’ils soient datés de la XXVe ou de la XXVIe dynastie, en vertu de leur style volontairement archaïsant, très prisé à cette période. La peau de panthère rappelle en effet le vêtement des prêtres et hauts fonctionnaires de l’Ancien Empire et la perruque rappelant de son côté le Moyen Empire (voir PISCHIKOVA 1998, p. 63-65). Par ailleurs, la ressemblance stylistique frappante avec le relief Co. 6419 ainsi qu’avec un relief fragmentaire provenant d’une tombe de la nécropole de l’Assassif, conservé au Musée de Brooklyn (inv. no. 86.226.9), pourrait faire supposer que ces fragments proviennent eux aussi des nécropoles thébaines.

 

Seule la partie inférieure du torse du personnage est conservée sur ce fragment. Il s’agit de toute évidence du propriétaire du tombeau, très certainement figuré dans une scène de présentation d’offrandes. Il devait donc y avoir une table d’offrandes situé en face de lui, avec peut-être des porteurs apportant des victuailles.

Œuvres associées

Ce fragment appartenait certainement au même relief que le fragment Co. 937.

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

Boreux 1913 : Hôtel Biron, 232 Fragment rectangulaire en calcaire peint dans lequel est sculpté en creux le milieu du corps (des pectoraux aux genoux) d’un personnage assis. Le bras droit est étendu au dessus du genou ; le bras g. replié vers la poitrine tenant sans doute [dessin]. Au cou collier à deux pendentifs accolés. Ancien Empire. 40 x 24. Estimé cent francs.

Donation Rodin à l'État français 1916.

Numéro Louvre E15561.

Commentaire historique

Le relief fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français (musée Rodin, Ph. 13620). Il était présenté dans une vitrine avec d'autres reliefs égyptiens, le bras tourné vers le haut.

 

< Retour à la collection

Statue d’Imeneminet

Fragment de groupe statuaire

Égypte > Saqqâra très probablement

Nouvel Empire, probablement XVIIIe dynastie

[VOIR CHRONOLOGIE]

Calcaire polychrome

H. 43 CM : l. 14 CM : P. 10 CM

Co. 950

Commentaire

Etat de conservation

Malgré son état fragmentaire, Co. 950 est en bon état de conservation. Sa polychromie est bien conservée ; on peut ainsi observer du rouge, du jaune, du bleu, du vert et du noir [voir description et technè].

 

Les pieds, ainsi que la main et l’avant-bras gauche (jusqu’au-dessus du coude) sont manquants. Ces lacunes s’expliquent par le fait que l’œuvre a été prélevée sur un ensemble plus grand ; l’homme appartenait à un groupe statuaire réunissant plusieurs personnages, réalisés en haut-relief et partageant le même appui dorsal. Le bord droit serait d’origine. Il a conservé des traces d’outils, partiellement masquées par de petits amas de matière plâtreuse. Cette même matière se remarque derrière la tête, comblant un éclat, et dans une large coulure à la partie inférieure. La partie gauche présente des traces de sciage, l’image du dignitaire ayant été isolée de son groupe statuaire d’origine ; la partie supérieure est d’origine. La partie inférieure a été sciée, privant la statue de ses pieds. Le revers correspond à une zone d’arrachement ; des traces d’outil (petite gouge ?) s’observent dans sa partie inférieure.

 

La représentation masculine souffre de plusieurs lacunes en surface et de nombreuses abrasions. Le nez et la bouche ont été arasés. Certains éclats sont sans doute antiques, comme celui sur l’épaule droite. Une préparation blanche se remarque au bord de cette lacune, sur le fond du relief. Elle recouvrait sans doute un mortier, qui aurait comblé cet éclat.

La surface de la représentation sculptée est recouverte d’une couche de cire parfois épaisse d’un demi-millimètre environ, sauf sur la chevelure.

Description

Co. 950 représente un homme debout, vu de face. Son bras droit pend le long du corps ; tandis que le bras gauche, qui est partiellement conservé, s’écarte du buste. Torse nu, il est vêtu d’un long pagne sur lequel une inscription hiéroglyphique est peinte. L’image a été séparée du groupe statuaire auquel elle appartenait mais il est possible de restituer que le coude gauche, légèrement plié, passait derrière le dos du personnage aux côtés duquel il se tenait. La statue a été sectionnée au niveau des chevilles. La composition a été réalisée comme un haut-relief, le défunt étant complètement adossé sur une plaque qui s’élève jusqu’à l’arrière de sa tête.

 

Son pagne, très allongé, devait s’étendre jusqu’aux chevilles. Placé haut sur les hanches, il descend en arrondi jusqu’en dessous du nombril. Un trait rouge vient à la fois souligner la ceinture et dessiner la boucle permettant de maintenir le pagne, située à gauche du nombril. Un trait rouge indique également les bords des pans latéraux du vêtement, le pan droit recouvrant le gauche. La partie centrale du pagne forme un triangle qui s’évase vers le bas. Une ceinture frangée y est dessinée en rouge, les trois traits horizontaux et les franges verticales mettent en valeur l’inscription en colonne peinte à l’origine jusqu’en bas du pagne.

Une perruque, uniforme et arrondie, descend jusqu’aux épaules. Elle recouvre partiellement les oreilles, laissant les lobes découverts. L’impression de rondeur du visage est accentuée par des joues larges aux pommettes non marquées et par un menton légèrement indiqué. Les sourcils et les grands yeux légèrement tombants, cerclés de khôl, ont été peints en noir. Malgré un éclat masquant partiellement l’œil droit, on remarque que les yeux ne sont pas symétriques ni placés à la même hauteur, l’œil gauche étant plus haut que le droit. Les lèvres closes sont droites et parallèles. Le cou, large et court, est marqué de deux plis horizontaux, caractérisque post-amarnienne. Plusieurs détails anatomiques du corps ont été indiqués : les pectoraux, le ventre et le nombril, les pliures au niveau des aisselles et des coudes.

 

Un large collier ousekh multicolore orne son cou. Un fond jaune est posé en aplat sur toute la surface, tandis que des lignes rouges permettent d’indiquer les rangs du collier et de souligner les contours des perles oblongues, vertes et bleues. Le bracelet qu’il arbore au poignet droit (seul poignet visible) est constitué d’une alternance de bandes de couleur rouge, jaune, vert et bleu, sur un fond jaune. Les couleurs ont été apposées largement, débordant sur l’espace vide situé entre le poignet et le pagne, de la même manière que le noir de la perruque déborde en périphérie de la tête et sur les épaules.

 

Les marques de sciage et les reprises à l’outil observables indiquent que la statue Co. 950 a été prélevée sur un ensemble plus grand : un groupe statuaire réunissant plusieurs personnages partageant le même appui dorsal. Placée dans une niche située à l’intérieur de la chapelle funéraire, une telle statue était le point central de l’hommage rendu au défunt et à sa famille. Les inscriptions peintes sur l’avant du pagne nous apprennent l’identité du personnage : il s’agit du prêtre pur Imeneminet, fils du dignitaire à qui était destiné ce groupe statuaire. Il est donc probable de restituer qu’Imeneminet était placé à la droite de son père, le bras gauche derrière son dos et que sa mère se trouvait peut-être à la gauche de son père, figurés ensemble pour l’éternité. De nombreuses représentations de couples ou de groupes familiaux sont connues à l’époque pharaonique, même si des variations existaient dans la position des personnages et de leurs bras. Le calcaire était le matériau privilégié pour ce type de représentation : une pierre facile à sculpter, sur laquelle les détails gravés et la polychromie sont bien visibles.

 

L’iconographie (style de la coiffure, des bijoux, du pagne long avec inscription en colonne dans la partie centrale) permet de rapprocher Co. 950 du Nouvel Empire, en particulier de l'art post-amarnien, à la fin de la XVIIIe dynastie (vers 1550-1295 av. J;-C.). Dans la statuaire de cette période, de nombreux exemples présentent un couple assis côte à côte, un bras passé dans le dos du conjoint :

- Néferhebef, sa femme et son fils (Louvre Inv. N° A57)

- Un couple conservé au British Museum (Inv. N° EA2301)

- Nebouaou et son épouse (Metropolitan Museum of Art Inv. N° 19.2.3), en grès peint.

(pour plus d’exemples, voir HEMA 2005)

 

Plusieurs fragments provenant de la chapelle memphite d’un Imeneminet, général des armées sous le pharaon Toutankhamon-Horemheb, sont connus  à ce jour dans différents musées (citons, en particulier, le musée du Louvre à Paris et la Glyptothèque Ny Carlsberg à Copenhague). Cette tombe a été démantelée au XIXe siècle et est encore à retrouver (sur la bibliographie de cette tombe, voir DELANGE 2019, « Commentaire » p. 322-325). La collection égyptienne du musée Rodin conservant deux reliefs de la chapelle, le Co. 6417 et le Co. 3076 (actuellement exposé au musée du Louvre), il est tentant d’associer l’image du prêtre-pur homonyme du fragment statuaire Co. 950 à cette tombe.

Inscription

Une colonne de hiéroglyphes est peinte à l’avant du pagne, dans la partie centrale, sous une frange dessinée en rouge. Comme pour le collier et le bracelet, du jaune a été posé en aplat sur une couche de préparation blanche. Deux traits verticaux rouges marquent les limites externes de la zone colorée. La couleur rouge a également été utilisée pour dessiner certains hiéroglyphes (comme le signe de la côte d’animal Aa15) et délimiter l’emplacement d’autres hiéroglyphes (comme le signe de l’eau N35). Finalement, l’intérieur de ces signes entourés de rouge a été peint en bleu directement sur le jaune. Cette technique est rendue visible par les hiéroglyphes en lacune dans la partie inférieure de l’inscription.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 287, "Statue d'un personnage debout s'enlevant en demi ronde bosse sur une dalle de pierre calcaire, le bras droit pend le long du corps, le gauche un peu écarté tenait quelque chose qui a disparu. Le personnage a un collier bariolé autour du cou ; il est vêtu d'une longue jupe qui va de la taille aux pieds. Sur cette jupe inscription verticale d'une ligne dont les hiéroglyphes sont peints en couleur bleue et rouge sur un vernis jaune. Cette inscription donne le nom d'un [hiéroglyphes]. L'avant bras gauche manque ainsi que les pieds. Epoque thébaine. haut. 46 cent. environ. Estimée deux cent cinquante francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

Commentaire historique

Le fragment fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

< Retour à la collection

Le général Imeneminet et sa mère Dépet

Fragment de bas-relief

Égypte > Saqqâra, chapelle d’Imeneminet (probablement)

Nouvel Empire > fin de la XVIIIe dynastie, règne d’Horemheb

[VOIR CHRONOLOGIE]

Calcaire

H. 41 CM ; l. 38,5 CM ; P. 3 CM

Co. 3076

Commentaire

Etat de conservation

Ce fragment de relief, aujourd’hui de forme trapézoïdale, a été déposé de la paroi d’une chapelle funéraire : on le constate au fait qu’aucun des chants n’est d’origine et que tous ont été repris à la râpe (chants droit et supérieur) ou poncés (chant gauche). La scène a été coupée en bas (les jambes des personnages s’arrêtent en haut du mollet et les pieds de leurs fauteuils manquent) et sur le côté gauche (le début de l’inscription en colonnes et le bras droit d’Imeneminet ont disparu). La scène devait à l’origine se prolonger également à la partie supérieure dans la mesure où l’inscription est incomplète (voir plus bas, « Inscription »).

 

L’état de conservation de l’œuvre est bon, hormis diverses épaufrures sur toute la face gravée et plusieurs éclats au niveau des visages, consécutifs à des coups. En effet, le visage de la dame Dépet est très endommagé, ses traits ne sont même plus discernables tandis que celui de l’homme est abîmé au niveau de la bouche. La perruque d’Imeneminet présente du bouchage ocre. De très légères traces de pigment rouge sont discernables sur son pouce et son bras.

Description

Deux personnages, un homme et une femme, élégamment vêtus et richement parés, sont assis sur des chaises pourvues de petits coussins. Seule la chaise de la femme présente un haut dossier vertical. Des offrandes alimentaires sont empilées sous sa chaise, il s’agit peut-être d’un cuissot et de fruits ou légumes (voir le fac-similé de N. Couton-Perche). Les personnages paraissent assis l’un derrière l’autre, mais ils sont en réalité côte à côte, grâce à la convention du « décalage latéral », que dénote notamment la superposition des genoux de la femme et du séant de l’homme.

 

L’homme, à gauche, est vêtu d’un long pagne plissé – qui remonte sur les reins et s’arrête au niveau des genoux – noué à la taille, et d’une longue tunique transparente, plissée à l’extrémité des manches, qui vont, en s’évasant, presque jusqu’au coude. Ce type de superpositions de matières et de drapés est caractéristique de la mode vestimentaire du Nouvel Empire et plus particulièrement des XVIIIe et XIXe dynasties. Il porte une perruque mi-longue à pans coupés : des boucles finement ciselées retombent sur le front et les épaules tandis que la calotte est gaufrée comme le montrent les chevrons incisés dans la pierre. Son menton s’orne d’une courte barbe, son cou ceint d’un collier à double rangée de grosses perles. De la main gauche, il tient réunis le sceptre de commandement, une massue piriforme et un boomerang. L’extrémité de son bras droit est en lacune. L’œil est étiré, les canthi sont accentués. L’iris est tourné vers le haut. Son sourcil est représenté par un trait finement incisé qui suit la courbe de l’œil.

 

La femme, quant à elle, n’arbore aucun bijou, même si elle est vêtue et coiffée avec la même élégance. La finesse de sa longue robe moulante est suggérée par le modelé du sein et la présence du nombril en transparence : le lin le plus fin est l’apanage des classes les plus riches. Comme pour l’homme qui l’accompagne, sa longue tunique est pourvue de manches évasées et plissées ; la robe est peut-être asymétrique, puisque le bras gauche apparaît nu sous l’épaule. Sa perruque longue, tressée avec sophistication, est retenue par un bandeau lisse qui lui ceint le front. Elle est surmontée de deux corolles de lotus et de papyrus (l’une épanouie, l’autre en bouton), et d’un cône de parfum. Son bras droit serre sur sa poitrine un bouquet savamment composé tandis qu’elle étend légèrement le bras gauche devant elle, la paume tournée vers le bas. Ce geste typique révèle qu’il s’agit d’une scène de repas funéraire, où les défunts sont présentés face à une table de victuailles vers laquelle ils tendent la main, sans pour autant jamais porter la nourriture à leur bouche. Il est donc très probable que le fragment manquant à gauche représentait un guéridon chargé d’aliments, et que la main droite d’Imeneminet, manquante, s’avançait dans sa direction.

 

L’élégance et la jeunesse idéalisées des personnages sont complétés par la figuration de l’ensemble des critères de beauté caractéristiques de la fin de la XVIIIe dynastie : corps féminin mince et élancé, au sein rond, corps masculin svelte mais néanmoins bien nourri, avec les discrets bourrelets sous la poitrine, doigts longs et fins. La richesse de leurs costumes (vêtements, perruques, parures) et leurs attributs attestent de leur fonction élevée à la cour, que confirme l’inscription : « le scribe royal, grand chef de l’armée, Imeneminet, et sa mère, la maîtresse de maison, Dépet ».

 

Le général Imeneminet est un haut dignitaire du règne d’Horemheb, à l’extrême fin de la XVIIIe dynastie (vers 1330-1300 av. J.-C.). C’est un nom courant, et ce personnage qui portait également les titres de « premier chef de Memphis, général du maître du double pays, responsable du temple de Thoutmosis III » (PORTER MOSS 1981, p. 701-702) ne doit pas être confondu ses divers homonymes.

 

L’existence de ce personnage nommé Imeneminet est attestée par plusieurs reliefs fragmentaires provenant de sa tombe à Saqqâra, qui ont été recensés par DJUŽEVA 2000. L’emplacement exact de celle-ci n’est malheureusement pas connu, mais il est probable qu’elle se trouvait non loin de celle réalisée par le général Horemheb avant qu’il n’accède au trône, soit à proximité du complexe funéraire d’Ounas et du monastère Saint-Jérémie (voir PORTER MOSS 1981, p. 655 et pl. LXII pour la localisation). Parmi les autres éléments provenant de sa tombe, on peut citer un bas-relief en calcaire exposé au musée du Louvre (B6), où est à nouveau représentée sa mère Dépet, en compagnie de son père Amenmès ; cf. PORTER MOSS 1981, p. 701-2). Même si ce relief est de plus grandes dimensions et la polychromie en est mieux conservée, l’attitude de la mère est très semblable sur les deux fragments, et celle du père est comparable à celle d’Imeneminet lui-même sur le fragment Co. 3076. Un autre relief conservé au musée archéologique de Parme, troisième photo ; la datation Amenhotep III est erronée) comporte une formule d’offrandes aux divinités et une longue énumération des titres et fonctions d’Imeneminet et son rôle administratif, militaire et religieux de premier plan.

 

Il a également été suggéré que l’objet Co. 6417 aurait pu appartenir à la tombe d’Ameneminet (CARPANO 1994, p. 63), mais cette proposition ne s’appuie que sur des indices stylistiques, l’inscription étant illisible et le relief très fragmentaire.

Inscription

Cinq colonnes de signes hiéroglyphiques gravés en creux sont visibles au-dessus des personnages. Elles se lisent de gauche à droite. Le début du texte n’est pas compréhensible en raison de la conservation du fragment. Claire Lalouette, dans une notice manuscrite de l’œuvre, ajoute que « la scène originelle devait se prolonger également à la partie supérieure : en témoignent l’hiéroglyphe légèrement incomplet (le haut de l’arc manque) qui commence à la troisième colonne verticale de texte, et le sens même de celui-ci (si les quatre premières colonnes se font bien logiquement suite tel quel, la première et la cinquième colonne devaient commencer plus haut). »

(Traduction fournie par D. Farout)

Historique

Acquis par Rodin auprès de Joseph Altounian le 24 décembre 1910 ?

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 237, Bas relief fragmentaire en calcaire, représentant un homme et une femme tourné vers la gauche, agenouillés l’un derrière l’autre. L’homme tient le sceptre [dessin] et un vase : la femme tient des fleurs. Manteaux et jupes plissés. Inscription de 5 lignes donnant le nom du scribe, chef des soldats [hiéroglyphes] et de la dame Dpit. Les figures sont abîmées, et le monument a été si remanié qu’il a perdu toute valeur. Époque thébaine. 40 x 36 ½

Donation Rodin à l'État français1916.

Déposé au musée du Louvre depuis 1986 et  actuellement exposé dans la salle 639 (Sully, premier étage, parcours chronologique des Antiquités égyptiennes), vitrine 3 « les tombes des notables de Memphis », à côté du relief B6 « Imenmès et Dépet, les parents du général Imeneminet ».

Commentaire historique

Le relief fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français (musée Rodin, Ph. 13620).

 

< Retour à la collection

Painmou/Pyrdès debout

Statue de dignitaire dans l’attitude de la marche

Égypte > Mendès probablement

Époque hellénistique et romaine > Ptolémées > IIe s. avant J.-C.

[voir chronologie]

Diorite

H. 43,8 CM : l. 23,3 CM : P. 25 CM

Co. 1116

Commentaire

Etat de conservation

L’œuvre, bien que lacunaire, est en bon état de conservation. La statue a été cassée horizontalement au niveau de la taille (la cassure n’est pas franche) et au-dessus des genoux. L’extrémité du pan de retour interne du pagne est cassée en biseau. Les bras, à l’origine positionnés sur les côtés, manquent. La trace des mains est conservée en creux contre chaque cuisse. Au dos, l’appui dorsal est encore présent sur toute la hauteur conservée de la statue. Plusieurs épaufrures et abrasions de la surface ont pu être observées, notamment sur les côtés des cuisses ; néanmoins, la statue a conservé la majeure partie de son poli d’origine.

Aucune trace de polychromie n’est visible.

Description

Ce fragment de statue en diorite représente un homme mince dans l’attitude de la marche, la jambe gauche en avant. Les empreintes des avant-bras et des mains indiquent que ses bras étaient plaqués le long du corps, les mains placées de part et d’autre du haut des cuisses, les poings sans doute serrés. Seuls son abdomen et ses cuisses, recouvertes d’un pagne court, sont conservés.

 

Torse nu, il est vêtu du pagne-chendjyt traditionnel, aux deux pans superposés à l’avant (le pan gauche sur le droit), et dont la languette trapézoïdale est visible entre ses jambes. Moulant et entièrement lisse, le pagne est maintenu sur ses hanches par une ceinture simple, portant une inscription hiéroglyphique incisée. Le pagne-chendjyt, à l’origine vêtement royal, devient, dès l’Ancien Empire, un élément ponctuel de la garde-robe des particuliers, avant qu’ils ne se l’approprient de manière plus fréquente au Moyen Empire (VANDIER 1958, p. 106, 108, 249). Aux époques tardives, il est de loin le costume court le plus répandu dans la statuaire (PERDU 2012, p. 46).

 

La silhouette du dignitaire est svelte, sa taille devait être cintrée. Le ventre a reçu un traitement particulièrement soigné : les flancs sont creusés pour mettre en valeur le bas de l’abdomen, légèrement bombé. On notera la régularité du trou circulaire signifiant le nombril, placé au creux d’un renflement en forme de goutte très réaliste.

 

L’attitude de l’homme debout, avec la jambe gauche avancée, est certainement la plus commune et donc la plus emblématique de la statuaire privée de l’Égypte ancienne. Des exemples en sont connus dès l’Ancien Empire, où on les trouve dans les mastabas, puis au Moyen Empire, où ils se répandent dans les temples. Par la suite ils ne cessent de se multiplier, jusqu’aux époques tardives, où on constate une remarquable diversité des formes (PERDU expo 2012, p. 50). Des parallèles à Co. 1116 peuvent ainsi être datés de la XXVe dynastie (VIIe s. avant J.-C.), telle la statue de Khonsouirâa au Museum of Fine Arts de Boston (Inv. N° 07.494), qui est presque complète (ne manquent que les pieds).

Au musée du Louvre est exposé un torse royal en grauwacke (Inv. N° E 25492), celui de Nectanébo Ier, un des derniers pharaons égyptiens (XXXe dynastie, 378-361 avant J.-C.).

 

Co. 1116 est datée avec certitude de l’époque ptolémaïque, en raison de son inscription. Il s’agit de la représentation d’un dignitaire de la ville de Mendès, nommé Pyrdès en grec (ou Painmou en égyptien), fils de Ânkhhor. Bernard von Bothmer (BOTHMER 1960) fut le premier à faire le rapprochement entre Co. 1116 et deux autres statues fragmentaires. L’une est conservée au musée de Cleveland (Inv. N° 1948.141) et représente Amenpayom, grand général de la ville de Mendès. La deuxième, au nom d’Archibios, est actuellement au musée Nelson-Atkins de Kansas City (Inv. N° 47.12). Sur ces deux statues le torse est conservé, ainsi que les mains, refermées sur les cylindres, sur celle de Kansas City. B. v. Bothmer (BOTHMER 1960, p. 125) suppose que ces trois statues ont été réalisées à la même époque et dans le même atelier de Mendès, étant donné que, d’après les inscriptions, les trois dignitaires sont originaires de cette ville. Mendès (aujourd’hui Tell el-Rob‘a) est une ancienne cité égyptienne dans le delta oriental, capitale et résidence royale à la XXIXe dynastie (de 399 à 380 av. J.-C.). Par ailleurs, un pharaon de cette dynastie, Achôris, est représenté dans la même attitude que les trois statues sus-mentionnées (Boston, Museum of Fine Arts Inv. N° 29.732).

 

Deux inscriptions hiéroglyphiques sont gravées en creux sur Co. 1116. La première est visible à l’avant, sur la ceinture du pagne. Il s’agit d’une ligne encadrée de deux traits. Comportant deux textes, le sens de lecture a été réparti depuis le centre (textes A et B). Orienté vers la droite ou vers la gauche, la gravure de l’inscription s’achève au niveau des bras. Autrement dit, elle ne continue pas entre le bras et l’appui dorsal. La deuxième inscription se trouve au revers de la statue, sur le pilier dorsal. Elle se compose de deux colonnes, qui se lisent de gauche à droite (textes C et D). Bien que les textes soient lacunaires, on y apprend les noms du dignitaire et celui de son père, ainsi qu’une partie de ses fonctions.

Les inscriptions de la ceinture nous apprennent en texte A qu’un certain Painmou (nom de type égyptien assez fréquent à la Basse Epoque, cf. RANKE 1935, p. 101 (7), est fils de Ankhhor et père divin (prophète) d’Harpocrate de Mendès. En texte B, pyrts (Pyrdès, nom de type grec, à lire Philôtas ?, cf RANKE 1935, p. 135 (8), fils de Ankhor, est père divin d’Osiris-Hémag et père divin d’Isis, la grande mère divine. Le dignitaire représenté sur cette statue, vraisemblablement un égyptien indigène intégré dans l’élite dirigeante, aurait porté un double nom. Nous pouvons donc supposer qu’il était bilingue, capable de s’exprimer et d’écrire en égyptien (sa langue natale, conservée dans la classe sacerdotale), comme en grec (langue des dirigeants).

L’inscription dorsale mentionne en texte C un dieu à l’identité non conservée, « fils de Kheredou-Ânkh, fille de Baneb[ded]… ». Une hypothèse de De Meulenaere (1966, pp. 44-45) suggère que ces inscriptions se rapporteraient à Imouthès (l’équivalence grecque d’Imhotep), dieu guérisseur à l’importance grandissante sous les Ptolémées. La mère d’Imouthès, Kheredou-Ânkh, est ici dite fille de Banebded. Il relève cette mention, qui pourrait constituer un indice pour établir un lien entre l’Imhotep contemporain de Djéser, qui aurait eu pour mère une Kheredou-Ânkh, avec la Kheredou-Ânkh de la statue Co. 1116, élevée à cette époque au rang de divinité.

 

L’attitude de Co. 1116 peut être rapprochée de trois autres statues de la collection Rodin :

  • Co. 3386, datée de la XXIIe dynastie, au nom du vizir Ânkh-Osorkon.
  • Co. 1420, au nom de Nectanébo Ier (un des derniers pharaons égyptiens, à la XXXe dynastie).
  • Co. 1414, qui représente le roi Ptolémée III Évergète Ier.

Inscription

Ceinture

Texte A : (D-G)

Le père divin / prophète (?) d’Harpocrate, le grand dieu qui réside à Mendès Painmou fils de Ânkhhor

Texte B (G-D)

Le père divin / prophète (?) d’Osiris Hémag, et d’Isis la grande, mère du dieu Pyrts (Philôtas ?), fils de Ânkhhor.

 

Pilier dorsal

Texte C (G-D)

« …Philôtas ( ?), fils de Ânkhhor. Il dit à son maître bien aimé : j’appartiens à tes gens, ô héritier de Path, fils de Kheredou-Ânkh, fille de Baneb[ded]… »

Texte D (G-D)

« …du ba-ir-ouann dans le nome de Mendès, pour donner toute santé… ».

 

Sur le culte d’Harpocrate de Mendès : Urk. II, 31.

Le dieu était assimilé au culte de Banebdjed et Hatmehat, ses parents, avec lesquels il forme la triade de Mendès. DE MEULENAERE, MACKAY 1976, 178-180.

 

Traduction Dominique Farout (2020).

Historique

Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian le 11 septembre 1912.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 16, "Bas du torse - jusqu'aux genoux - d'un personnage (roi ?) ; inscriptions sur la ceniture. Pilier dorsal à deux lignes. Les inscriptions sont difficiles à lire. Granit. Haut. 45 ; Haut. 25. Estimé mille francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

Commentaire historique

Ce fragment fut acheté auprès de l’antiquaire Joseph Altounian qui l’expédia dans un lot d’objets le 31 août 1912 et le décrivit ainsi :  « 1 frag. statue manque buste ayant seulement les jambes portant draperie granit gris à pois noir (matière rare) 80 » (ALT 147, archives musée Rodin).

 

L’antiquaire Joseph Altounian, écrivait à Rodin du Caire le 10 Août 1912 : « Cher Maître, J’ai l’honneur de vous faire savoir que je viens de rentrer aujourd’hui même au Caire après avoir accompli le voyage dans la Haute-Égypte dont voici les principales étapes. Éléphantine, Abydos, Phylae, Héracleopolis, Sakhara, Memphis, etc., ou j’ai séjourné pour recueillir pour votre collection des fragments de bas-reliefs, granit, calcaire, basalte, bref tout ce que j’ai jugé pouvant vous intéresser. Ce lot renferme 24 pièces des bas-reliefs et des reliefs en creux des grands et des petits, le tout appartenant aux différentes dynasties ayant régné dans les régions que j’ai traversées, plus 19 pièces de fragments en ronde bosse le tout présente la sculpture des meilleures dynasties. » J. Altounian était parti du Caire en juillet 1912, et l’on peut suivre son périple sur son agenda (archives Altunian) : Minieh, Mallawi, Assiout, Abou Tig, Assiout, Sohag, Achmim, Abou Tig, Baliana, Abydos, Baliana, Keneh, Kous, Louxor, Sohag, Achmim, Sohag, Mallawi, Le Caire, où il arriva le 7 août.

 

Le 28 Août 1912, Altounian écrit au sculpteur : « Cher Maître J’ai l’honneur de vous annoncer que je suis arrivée à Paris depuis quelques jours. Je me suis présenté 77 rue de Varenne mais on m’a dit que vous étiez absent ; jour cela. Je vous adresse la présente à votre adresse à Paris espérant qu’on vous la faira suivre. Donc je vous prie cher Maître de me dire le jour que vous rentrez à Paris afin que je vienne vous soumettre le bordereau avec la nomenclature des objets que je vous ai expédié du Caire.». Le 6 septembre, Altounian recevait de Rodin « la somme de frs 850 (huit cent cinquante francs) comme prêt pour m’aider à dégager les 6 caisses antiques de la Douane ; Monsieur Rodin n’est pas engagé à acheter ce lot d’antiquités s’ils ne lui plaisent pas. Il achètera que ce qu’il lui plaira.». Rodin choisit un grand nombre d’œuvres de ce lot dont le fragment Co.1116 et versa à l’antiquaire 5000 francs le 11 septembre 1912.

 

La statue fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

< Retour à la collection

Relief funéraire

Figure d'enfant ou d'homme, tournée vers la gauche

Égypte > provenance inconnue

Ancien Empire

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 21,5 CM : L. 12,5 CM; P. 5,5 CM

Calcaire polychromé

Co. 6418

Commentaire

Etat de conservation

L’œuvre est en bon état de conservation malgré des impacts et rayures. On observe de nombreux éclats, traces d’impact et d’outils sur l’ensemble de la surface. Tout le fragment a été enduit, à une époque proche de sa mise sur le marché de l’art, d’une substance jaunâtre. Des traces de fossiles végétaux (dendrites ?), piégés dans la pierre, se remarquent (voir en particulier au niveau de l’oreille de l’enfant) ainsi que de nombreux dépôts et inclusions rouges ainsi que des traces de lichens noirâtres.

Description

Ce bloc de pierre calcaire, provenant d’une paroi et partiellement retaillé, n’a conservé qu’une partie de la scène initiale, à savoir le buste d’un enfant ou d'un homme, visage tourné vers la gauche, levant le bras droit devant lui, le bras gauche le long du corps. Au-dessus du personnage, trois grands hiéroglyphes signifiant le mot ânkh, « vie », correspondraient assez probablement aux éléments d’un nom propre. Ces derniers peuvent également avoir fait partie d’une formule funéraire à destination du défunt. L’analyse des pigments en 2012 a mis en évidence la présence de pigments ocre rouge au niveau du collier-ousekh (pré-rapport de Sandrine Pagès-Camagna, 24 septembre 2012).

 

La représentation d’un enfant est reconnaissable à la mèche dite « de l’enfance », placée à gauche de son crâne et ressortant d’une coiffure très courte, à moins qu’il ne s’agisse d’une calotte enserrant le crâne. Cette mèche tressée, longue et recourbée à son extrémité, descend jusqu’à son torse. Elle est caractéristique des petits garçons et des très jeunes hommes (voir pour comparaison le masque funéraire de jeune garçon musée Rodin Co. 3251). L’enfant (ou l’adolescent) est paré d’un collier-ousekh ainsi que d’un long collier en corde au bout duquel est suspendu un pendentif cordiforme (sur cette amulette en forme de cœur, voir pour comparaison la peinture sur mouna du tombeau de Métchéchi (probablement VIème dynastie) dont le musée du Louvre conserve 43 fragments. Le jeune Ihy y est figuré au pied de son père, sur plus petite échelle. Vêtu d’un pagne court, il porte une tresse de l’enfance terminée par un pompon. Un long collier, terminé par un pendentif en forme de cœur, orne (ou protège) sa poitrine (musée du Louvre Inv. N° E 25524, in ZIEGLER 1990, N° 20 pp. 135, 138, 139 et 147). Il faut aussi noter qu’il est fréquent que les enfants sont généralement représentés comme des adultes en miniature dans les reliefs, et ce particulièrement à l’Ancien Empire.

 

La composition laisse à penser qu’il n’y a pas d’autre personnage à proximité immédiate derrière l’enfant, et que d'autres personnages pourraient se trouver plutôt devant. La disproportion des signes par rapport à la représentation de l’enfant évoquerait une scène familiale, où le défunt et ses titres étaient figurés en taille héroïque par rapport à sa famille et ses familiers. L’enfant du relief Co. 6418 était donc probablement placé en miniature à proximité de son père, représenté en « taille héroïque ». Il est probable de restituer qu’il tenait de sa main droite la jambe paternelle ou bien son bâton de dignitaire. S’il semble plausible de suggérer que ce relief provient d’un parement de tombe, il est néanmoins possible, de part l’épaisseur du bloc, que ce relief provienne du décor d’une stèle fausse-porte. La fausse-porte faisait partie de la superstructure de la tombe et était donc accessible aux vivants. Elle fonctionnait comme un point de rencontre entre le défunt et les vivants et était un lieu essentiel pour l’accomplissement du culte funéraire et des rites permettant la régénération du défunt dans l’Au-delà.

 

Il ne fait aucun doute que ce relief a été exécuté à l’Ancien Empire, et les nécropoles présentant un style aussi proche de celui des ateliers de la capitale sont peu nombreuses à cette période. Il est donc très probable qu’il provienne de la région memphite – Giza ou, plus plausible encore, Saqqara avec les mastabas de laquelle ce relief partage beaucoup d’affinités.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 111, "Fragment de bas relief en calcaire jadis peint. Un personnage tourné vers la gauche, à mi-corps, surmonté des mots [hiéroglyphes]. 21 x 12. Estimé deux cents francs."

Donation Rodin à l'État français 1916.

Commentaire historique

Le relief fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français

 

< Retour à la collection

Plaque

Scène mythologique

Egypte> provenance inconnue 

Les derniers temps >Basse époque ou Période ptolémaïque 

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 18,7 CM; L. 29,9 CM; Pr. 8,2 CM 

Calcaire 

Co. 941 

Commentaire

Etat de conservation

L'œuvre est en bon état de conversation. La surface du bloc est altérée et, bien que le relief demeure globalement lisible, il est clairement érodé. Elle est également parsemée de lichens grisâtres, ainsi que de quelques traces de terre qui pourraient indiquer un enfouissement temporaire. Aucune trace de polychromie n’est observée. Les chants, particulièrement émoussés, sont peut-être originaux comme tendrait à le prouver la ligne incisée qui les encadre, mais sont très épaufrés. Ils ne présentent pas de traces d’outils, contrairement au revers.  

Description

Ce bloc de calcaire rectangulaire présente sur sa face principale une scène en léger relief. De gauche à droite, on reconnaît un cobra entourant un disque solaire ; un faucon juché sur une base et arborant le pschent ; un dieu hiéracocéphale trônant ; enfin un cobra, coiffé d’une couronne solaire à plumes leur fait face.   Placée au centre de la composition et tournée vers la droite, la divinité à corps d’homme et à tête de faucon est assise sur un trône à dosseret.  Une cassure, qui traverse le bloc en diagonale, a effacé les traits du visage mais il est néanmoins possible d’y reconnaître la face d’un faucon. Le dieu est vêtu d’un pagne et d’un corselet. Sur la perruque longue tripartite qui recouvre son crâne, un disque solaire pourvu d’un uraeus semble inachevé. Le dieu tient dans la main droite la croix ankh, symbole de la vie, et dans la gauche le sceptre was, symbole d’autorité et de pouvoir. Le trône sur lequel il est assis est orné d’un motif de plumes partiellement effacé et, dans l’angle inférieur gauche, d’un relief très érodé dans lequel on reconnaît néanmoins le sema-tawy, le symbole de l’union des Deux-Terres. Cette figure pourrait aussi bien représenter le dieu Horus que le dieu solaire Rê, quasiment indissociables dans l’iconographie. Une vignette rectangulaire placée devant son visage a été gravée, prévue pour accueillir une colonne d’écriture. Cet emplacement a été laissé anépigraphe.  Face à lui, un cobra se dresse, tourné vers la gauche. Le serpent est coiffé d’un disque solaire à plumes, placé entre deux cornes effilées. Cette représentation serait donc à comprendre comme celle d’un uraeus, le cobra femelle qui protège la personne du roi, ce qui confirmerait l’identification de la divinité placée en face de lui comme un Horus, dieu du pouvoir monarchique et placé sur un trône décoré d’un sema-tawy. L’image d’un dieu faucon, couronné du pschent, est gravée derrière la divinité centrale. L’épervier est tourné vers la droite, patte gauche avancée. La présence d’un socle sur lequel l’oiseau se tient permet de suggérer qu’il s’agit de la représentation d’une statue cultuelle.     Dans l’espace laissé vide derrière lui, un disque solaire a été gravé. Un long uraeus l’entoure.  L’ensemble de la scène est situé dans un cadre. Une colonne à chapiteau papyriforme se devinant dans l’angle supérieur gauche, les quatre images divines seraient peut-être situées dans un sanctuaire. La disposition des représentations divines incite néanmoins à voir en ce relief une plaque servant de modèle de sculpteur, ce que suggère également la vignette laissée anépigraphe placée devant le visage du dieu central. L’érosion de la surface rend difficile la lecture des détails, mais certaines zones comme l’œil du faucon semblent ébauchées, ce qui corrobore l’idée d’un travail inachevé. On connaît plusieurs autres plaques décorées similaires, pour lesquelles la même interprétation a été suggérée (voir, en particulier, au Chicago Art Institute le relief sur plaque en calcaire Inv. N° 1920.258).

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian le 11 septembre 1912.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 41, "Bas relief (en deux morceaux) représentant Horus hiérocéphale tourné vers la droite, assis entre un faucon coiffé du pschent et un ureus ; ce dernier est coiffé du disque, des cornes et de la double plume. Calcaire. Larg. 30 ; Haut. 18. Estimé quatre vingt francs."

Donation Rodin à l'État français 1916.

Commentaire historique

Ce bas-relief fut acheté auprès de l’antiquaire Joseph Altounian qui l’expédia dans un lot d’objets le 31 août 1912 et le décrivit ainsi :  «  [1 bas relief roi assis dev. Un serpent sectionné en deux morceaux. Calcaire » (ALT 147, archives musée Rodin).

L’antiquaire Joseph Altounian, écrivait à Rodin du Caire le 10 Août 1912 : « Cher Maître, J’ai l’honneur de vous faire savoir que je viens de rentrer aujourd’hui même au Caire après avoir accompli le voyage dans la Haute-Égypte dont voici les principales étapes. Éléphantine, Abydos, Phylae, Héracleopolis, Sakhara, Memphis, etc., ou j’ai séjourné pour recueillir pour votre collection des fragments de bas-reliefs, granit, calcaire, basalte, bref tout ce que j’ai jugé pouvant vous intéresser. Ce lot renferme 24 pièces des bas-reliefs et des reliefs en creux des grands et des petits, le tout appartenant aux différentes dynasties ayant régné dans les régions que j’ai traversées, plus 19 pièces de fragments en ronde bosse le tout présente la sculpture des meilleures dynasties. » J. Altounian était parti du Caire en juillet 1912, et l’on peut suivre son périple sur son agenda (archives Altunian) : Minieh, Mallawi, Assiout, Abou Tig, Assiout, Sohag, Achmim, Abou Tig, Baliana, Abydos, Baliana, Keneh, Kous, Louxor, Sohag, Achmim, Sohag, Mallawi, Le Caire, où il arriva le 7 août.

 

Le 28 Août 1912, Altounian écrit au sculpteur : « Cher Maître J’ai l’honneur de vous annoncer que je suis arrivée à Paris depuis quelques jours. Je me suis présenté 77 rue de Varenne mais on m’a dit que vous étiez absent ; jour cela. Je vous adresse la présente à votre adresse à Paris espérant qu’on vous la faira suivre. Donc je vous prie cher Maître de me dire le jour que vous rentrez à Paris afin que je vienne vous soumettre le bordereau avec la nomenclature des objets que je vous ai expédié du Caire.». Le 6 septembre, Altounian recevait de Rodin « la somme de frs 850 (huit cent cinquante francs) comme prêt pour m’aider à dégager les 6 caisses antiques de la Douane ; Monsieur Rodin n’est pas engagé à acheter ce lot d’antiquités s’ils ne lui plaisent pas. Il achètera que ce qu’il lui plaira.». Rodin choisit un grand nombre d’œuvres de ce lot dont le relief Co.941 et versa à l’antiquaire 5000 francs le 11 septembre 1912.

 

Le relief fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

 

< Retour à la collection

Pages