Égypte > provenance inconnue
Nouvel Empire > fin XVIIIe-XXe dynastie
Grauwacke
H. 15 cm ; L. 6,8 cm ; P. 12,2 cm
Co. 770
Égypte > provenance inconnue
Nouvel Empire > fin XVIIIe-XXe dynastie
Grauwacke
H. 15 cm ; L. 6,8 cm ; P. 12,2 cm
Co. 770
N’est conservée que la partie inférieure de la statuette, par ailleurs dans un état général de conservation médiocre. La cassure supérieure démarre sous l’épaule droite du personnage, se prolonge en travers du torse jusqu’à la partie médiane puis descend en oblique en partie gauche jusqu’au coude. La tête et les épaules de la figure divine placée devant lui ont disparu, ainsi que la surface latérale de la jambe gauche. La partie antérieure de la statuette est également brisée au niveau des pieds de la figure divine, emportant une partie de son socle ainsi que tout l’avant du socle de la statuette. Nous constatons de très nombreuses micro-rayures, notamment sur le dessus du socle conservé, les bras du personnage et la figure divine, sans doute dues au sable d’enfouissement. La statuette est parsemée de nombreux éclats sur les bras, les pieds, le pagne du personnage, le socle et le pilier dorsal ainsi que sur les bras, la cuisse gauche et les genoux de l’image divine. L’attribut qui apparaît en relief sur les jambes de la figure divine semble avoir été arasé. Plusieurs marques très nettes et fines sont sans doute attribuables à des traces d’outils faites lors de l’excavation de l’objet ; un tel manque de soin peut indiquer des ouvriers peu précautionneux ou des fouilles clandestines exécutées à la hâte.
Certaines parties sont particulièrement patinées : les talons et les bras du personnage, les arêtes du siège, les cuisses, les mains et les attributs du dieu.
Un personnage masculin agenouillé, genoux et orteils reposant sur un socle, les bras avancés, présente devant lui l’image d’un dieu.
Ce dieu est assis sur un siège cubique à dossier bas et socle ; le contour de ce siège est orné d’une frise gravée, alternant rectangles et carrés. Une seconde frise, plus large, traverse les faces latérales presque en diagonale ; elle est visible entre la main et le bas de la cuisse du personnage agenouillé.
La divinité est engoncée dans un linceul dont seules les mains, ramenées à la poitrine, dépassent pour tenir des attributs : le sceptre-heqa (crosse) dans la main droite, le sceptre-nekhakha (fléau) dans la main gauche. Les deux mains enserrent également le sceptre-ouas surmonté du pilier-djed (il est arrasé dans les parties supérieure et inférieure mais les traces de son contour sont conservées). Ce sceptre, plus grand que les autres, n’est pas tenu droit devant le dieu mais ramené contre son corps. Il suit donc la morphologie du personnage, un procédé visant à pallier les contraintes techniques imposées par le matériau et la position de la divinité. C’est donc bien le manche du sceptre-ouas et non un élément décoratif du costume qu’il faut y voir.
Cette divinité porte à son cou un collier-ousekh, dont les différentes rangées de perles sont rendues par une gravure très fine.
L’aspect momiforme du dieu ainsi que l’association des trois sceptres nous permet de l’identifier comme la divinité syncrétique Ptah-Sokar-Osiris. Ptah et Sokar sont deux divinités originaires de Memphis ; Sokar, divinité chtonienne et de l’au-delà, est plus particulièrement associé à la nécropole de Saqqârah. On trouve dès le Moyen Empire l’association Ptah-Sokar-Osiris, qui devient une divinité funéraire importante jusqu’à la fin de la période pharaonique.
D’après les traces d’arasement, nous pouvons supposer que le dieu portait une barbe : sans doute la barbe recourbée, apanage des dieux égyptiens, ou peut-être la barbe droite, portée par Ptah à partir du Moyen Empire.
La réserve de pierre entre le torse du personnage et le dos de la divinité est peu large, comme un pilier dorsal.
Le personnage, dont l’identité reste inconnue, est vêtu d’un pagne plissé, long et ample, qui descend jusqu’aux chevilles. Il repose en partie sur le socle, avec un rendu assez naturaliste du mouvement de l’étoffe. Le plissé, fin et régulier, rayonne depuis le ventre. L’observation du profil et de la face arrière permet de constater que ce pagne remonte assez haut dans le dos, une particularité du costume égyptien qui n’apparaît pas avant la période amarnienne. Les parties du torse encore visibles indiquent qu’il a été traité simplement, sans aucune musculature, avec un ressaut très doux pour indiquer une poitrine un peu grasse. La vue de dos ne rend pas compte de bourrelets de chair mais d’un buste étroit.
Les mains sont assez longues par rapport à la taille des avant-bras, les doigts sont fins et allongés ; les ongles sont rendus par une simple incision à la base des doigts. Les pieds sont également très grands, les orteils longs et assez larges ; les ongles sont aussi rendus par une simple incision à la base des orteils.
Le pilier dorsal de la statue est plus large à la base qu’à l’extrémité supérieure de la partie conservée ; il se prolonge en partie inférieure par un socle peu épais. Socle et pilier dorsal semblent avoir été laissés anépigraphes. Nous pouvons cependant remarquer une ligne d’incision verticale le long du côté droit du pilier dorsal, peut-être la première étape pour la gravure d’une colonne de hiéroglyphes qui n’aurait pas été achevée.
Sous le socle, on remarque une protubérance de pierre, une sorte de tenon pour encastrer l’œuvre dans un socle plus important, peut-être dans un matériau différent, ce qui permettait de jouer sur la couleur mais également d’adjoindre des inscriptions. Cela expliquerait l’absence d’inscriptions sur le contour du socle et le pilier dorsal de la statue.
Le personnage a les mains posées à plat sur les faces latérales du siège du dieu comme s’il présentait l’image divine devant lui. Or, le siège du dieu n’est pas véritablement posé sur les cuisses du personnage, il n’est pas non plus disposé devant les genoux : le propriétaire de la statue ne tient pas un objet. Cette statue représente en fait un face à face entre le propriétaire de la statue et le dieu : il s’agit d’une forme d’expression de piété personnelle. Le dédicant rend hommage à la divinité, il faut l’imaginer avec les deux mains posées à plat sur les cuisses, dans l’attitude de la prière et de l’attente respectueuse, comme sur la statue de Nakhthorheb conservée au musée du Louvre (inv. n° A 94), beaucoup plus tardive. En retour, il attend sans doute du dieu de bénéficier de la réversion des offrandes qui lui sont faites dans son temple.
Anépigraphe.
Acquise par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 126, « Partie inférieure d’une statuette de personnage agenouillé présentant un Osiris assis. La tête et la partie gauche de la poitrine manquent ainsi que la tête de l’Osiris. Pilier dorsal anépigraphe. Serpentine ( ?). Haut 14 cent. [Estimée] 60 Fr ».
Donation Rodin à l’État français 1916.
Égypte > Basse-Égypte > Matboul (probablement)
Basse Époque > début de la XXVIe dynastie (probablement)
Diorite
H. 22,9 cm ; L. 13,1 cm ; P. 21,7 cm
Co. 983
L’œuvre présente un état de conservation moyen. La partie supérieure de la statue n’est pas conservée : la tête, les épaules, les bras et les genoux du personnage ont disparu ; la partie supérieure de la figure divine, de la tête jusqu’aux genoux, est également manquante. L’extrémité des pieds du personnage, notamment du pied gauche, est endommagé et les détails sont peu visibles.
Les arêtes du pilier dorsal et du socle ainsi que les angles, notamment ceux de la face postérieure, sont endommagés ; sur les faces latérales du socle, de gros éclats sont partis, rendant par endroits les inscriptions illisibles. Les angles visibles du socle de la figurine sont également épaufrés.
La statue figure un personnage assis, nommé Ânkhkhonsou fils de Tchaynypermout (I), les genoux ramenés contre le torse. Il ne subsiste aucune trace des bras, qui étaient sans doute croisés sur les genoux, les mains ouvertes ou bien tenant des attributs, comme sur la statue d’un personnage éponyme conservée au musée du Caire (JE 37150/CG 48624 ; BOTHMER, 1981, p. 75-83), à peu près contemporaine. On devine un torse charnu, sans muscle, au modelé très doux. Ânkhkhonsou porte un pagne long et simple, moulant, dont l’extrémité inférieure est rendue par une incision au niveau des chevilles ; il est maintenu en place à la taille par une ceinture simple assez large, également indiquée par des incisions parallèles. Cette ceinture est apparente seulement sur les flancs et le dos de la statue ; elle est plus haute à l’arrière. On constate que le personnage a des pieds de grande taille pour sa stature, avec des orteils longs et épais. Les ongles des doigts de pieds sont signifiés par des incisions, encore visibles sur le pied gauche. La vue de dos permet d’observer sa taille cintrée. Le pilier dorsal, qui n’occupe pas toute la largeur du dos, est peu saillant.
Ânkhkhonsou présente devant lui une statuette de dieu dont il ne reste que le bas des jambes et dont le socle épais empiète en partie sur les pieds du personnage. Cette statuette est reliée aux jambes du personnage par une réserve de pierre, visible sur les profils. Il s’agit sans doute d’une image d’Osiris puisque la divinité, debout et les jambes jointes, a les deux pieds pris dans une gaine moulante, apanage du dieu. Il pourrait même s’agir de la divinité composite Ptah-Sokar-Osiris, attestée depuis le Moyen Empire, puisque le texte mentionne la fonction de musicien de Sokar. Le dieu Ptah-Sokar-Osiris représente les trois aspects de l’univers : la création, la stabilité et la mort.
La statue d’Ânkhkhonsou s’inscrit dans une typologie purement égyptienne, attestée depuis le début de la XIIe dynastie et qui perdure jusqu’à l’époque ptolémaïque, soit une production qui s’étend sur deux millénaires : celle de la statue-cube (ou statue-bloc). Si elle apparaît parfois dans le domaine funéraire, elle est la statue de temple par excellence. S’ajoute un second type, celui de la statue théophore, qui apparaît au Nouvel Empire et symbolise un face à face entre le personnage représenté et la divinité : le dédicant ou le défunt rend hommage à la statue du dieu qui était conservée dans le naos du temple. Dans le cas de la statue du musée Rodin Co. 983, l’œuvre a été consacrée par le fils d’Ânkhkhonsou, Tchaynypermout (II), certainement suite au décès de son père.
Si l’on s’appuie sur les inscriptions, la statue était sans doute destinée à être placée dans un temple du site de Matboul, dans le delta septentrional, lieu de culte d’Amon-Rê mais aussi d’Osiris, connu depuis le Nouvel Empire jusqu’aux époques tardives. Ânkhkhonsou y exerçait la charge de « supérieur des chanteurs de Mout ». Les inscriptions inciteraient à attribuer la statue au temple de la triade amonienne. Cependant, l’iconographie renvoie davantage à un temple d’Osiris.
Les textes indiquent clairement la fonction de la statue et la volonté du dédicant : que son père Ânkhkhonsou, par l’intermédiaire de la statue, bénéficie de la réversion des offrandes faites aux dieux mais qu’il bénéficie aussi directement d’offrandes de la part des prêtres qui passeraient devant la statue.
Deux colonnes de hiéroglyphes (lecture de droite à gauche), délimitées par des lignes incisées, sont gravées sur le pilier dorsal de la statue : le texte comporte une formule d’offrandes qui mentionne la triade divine Amon-Rê, Mout et Khonsou ainsi qu’un toponyme et les titres du propriétaire de la statue.
Une ligne de hiéroglyphes gravée court également sur le socle – sur la face avant et la face latérale droite (lecture de droite à gauche) ainsi que sur la face latérale gauche (lecture de gauche à droite) : l’inscription donne le nom, les titres et la filiation du personnage.
Le seul toponyme mentionné dans l’inscription est la localité de Ta-bener, située à Matboul, au sud-est de Xoïs, dans le delta septentrional [DARESSY, 1921, p. 143 ; GAUTHIER, 1929, p. 13-14]. Des vestiges inscrits, portant le nom de cette localité, nous apprennent qu’elle était consacrée à la triade Amon-Mout-Khonsou et à Osiris. Elle devait donc comprendre un temple dédié à la triade amonienne où officiait le propriétaire de la statue, Ânkhkhonsou, « supérieur des chanteurs de Mout ».
Les textes nous apprennent qu’Ânkhkhonsou était le fils d’un certain Tchaynypermout (I), mais également que son propre fils portait le nom de Tchaynypermout (II). Il semble d’ailleurs que ce dernier ait fait réaliser la statue au profit de son père défunt. Il porte le titre de « supérieur des chanteurs de ce temple », le nom du temple en question n’étant pas précisé. Il s’agit sans doute là aussi du temple dédié à la triade amonienne de Matboul puisqu’on sait par une statue d’Osiris conservée à Baltimore (Walters Art Museum inv. 22.184 ; BOTHMER, 1960, p. 48-49, n° 41, pl. 38, fig. 89-91 ; GUERMEUR, 1996, p. 35 (doc. 2) ; GUERMEUR, 2005, p. 184 ; JANSEN-WILKELN, 2014, p. 990 (60.431)) qu’il était « supérieur des chanteurs d’Amon-Rê maître de Ta-bener ». Le texte porté par cette statue d’Osiris a également permis de restituer le nom de sa mère, épouse d’Ânkhkhonsou : Tadithor (GUERMEUR, 2005 p. 184).
Les membres masculins de la famille portent des noms théophores qui mettent en évidence leur lien avec la triade amonienne puisque Tchaynypermout peut se traduire par « rejeton de la maison de Mout » et Ânkhkhonsou, « Khonsou est vivant ».
Les inscriptions de la statue Co. 983 comprennent également une formule d’appel aux passants, spécifiquement adressée aux prêtres-ouâb du temple dans lequel la statue a été déposée, peut-être celui où Ânkhkhonsou officiait ou bien celui d’Osiris.
Enfin, le texte loue l’habileté d’Ânkhkhonsou dans sa fonction de musicien. Il a la capacité de satisfaire les dieux, de les apaiser lorsqu’il joue de l’instrument netekh. Le mot netekh est d’origine sémitique et désigne un instrument de musique encore indéterminé, sans doute en bois d’après le déterminatif utilisé dans la seule autre occurrence connue (Papyrus Anastasi IV, 12,3).
Ânkhkhonsou est également qualifié de « musicien de Sokar », un titre connu depuis le Nouvel Empire. Il a peut-être un lien avec le rituel-khen pour faire sortir Sokar, une litanie d'invocations destinées à accompagner la sortie du dieu à l'extérieur du sanctuaire-Shetayt (GOYON, 1968, p. 96, n. 74).
Acquise par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 9 « Partie inférieure d’une statuette de personnage accroupi qui tenait devant lui une statuette d’Osiris debout. Le haut manque. La tête du personnage manque aussi. 22 x 22 [cm]. Pilier dorsal à deux lignes d’inscriptions. Inscription autour de la base. [Estimée à] 150 F. »
Donation Rodin à l’État français 1916.
La staue fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.
Elle a été déposée au musée du Louvre en 1933 sous le numéro d’inventaire de la donation Rodin 9 et y a reçu un nouveau numéro d’inventaire, E 15545. Elle est alors décrite dans l'inventaire des monuments égyptiens transmis par le musée Rodin, sous le n° 2 « Statuette en granit noir. Personnage accroupi nommé [hiéroglyphes] tenant devant lui une statuette d’Osiris. La tête et les épaules des personnages et la partie supérieure du dieu sont détruits. Sur le pilier dorsal, inscription en deux colonnes. Haut. 0,23 » (archives musée Rodin). Elle a été restituée au musée Rodin en 1967, à l’occasion de l’exposition Rodin collectionneur.
Égypte > provenance inconnue
Nouvel Empire > XVIIIe Dynastie (1550-1295 av. J.-C.) > règne de Thoutmosis II
Granitoïde gris-vert
H. 26,7 cm ; L. 11,4 cm ; P. 14,6 cm
Co. 963
Ce qui subsiste de l’œuvre est bon état. Le fragment de statue se compose lui-même de deux fragments jointifs qui permettent de restituer l’image d’un homme debout. Seules une partie du pilier dorsal et la jambe droite, du genou à la cheville, sont conservées. La jambe gauche a disparu. On constate une fissure en arc de cercle sur le côté gauche, dans la continuité d’une cassure. Il manque quelques éclats sur les arêtes du pilier dorsal, sur le tibia et le genou de la jambe droite.
On peut observer plusieurs taches rondes et ovoïdes réparties sur le côté droit du pilier dorsal, sur la jambe droite et sur la cassure supérieure. Relativement grasses, ces taches correspondent peut-être à de la cire d’éclairage, répandue accidentellement sur l’objet.
Une patine noirâtre recouvre par endroit la partie gauche du pilier dorsal et la face latérale gauche.
Très peu d’éléments subsistent de cette statue qui représentait un homme debout, dans l’attitude traditionnelle de la marche apparente, jambe gauche en avant. Cette jambe a disparu mais la réserve de pierre à l’arrière, qui permettait son mouvement, est conservée. Cette réserve de pierre correspond également à la face latérale gauche du pilier dorsal. L’attitude de la marche est classique dans l’art égyptien, tant pour les rois que pour les particuliers. Cependant, l’inscription du pilier dorsal permet d’identifier la figure comme étant celle du roi Thoutmosis II.
Le costume n’est pas préservé mais la jambe droite étant dénudée à partir du genou, on peut supposer que le souverain était vêtu d'un pagne court,comme par exemple, le pagne-chendjyt, pagne à languette centrale. Ce costume traditionnel se retrouve dans l’iconographie royale durant toute l’époque pharaonique.
La rotule du genou, subtilement modelée dans la pierre, est naturaliste ; l’arête du tibia est à peine marquée. La musculature des jambes est donc peu prononcée.
Le roi étant en position de marche apparente, la statue correspond à une représentation classique de roi vivant, qui pouvait être placée dans un temple dédié à une divinité.
Il existe cependant des statues qui représentent Thoutmosis II les deux jambes jointes, en attitude de fête jubilaire. Ces statues, exécutées après la mort du souverain, témoignent d’un culte posthume très particulier dont Thoutmosis II a fait l’objet. Luc Gabolde expose le culte rendu au souverain défunt, dont la disparition soudaine a peut-être suscité « des pratiques conjuratoires et un culte mémorial tout à fait hors du commun » (GABOLDE 2005 p. 174-181). Sur la quinzaine de statues attestées de Thoutmosis II, trois le représentent gainé dans un costume de fête-Sed. Or, son règne court, dont la durée est encore débattue, ne lui a pas laissé le temps de célébrer de fête jubilaire. La statue du musée Rodin Co. 963 est citée dans la liste des statues attestées du roi (GABOLDE 2005 p. 178, note 165, N° 12 (sous le numéro de la Donation Rodin à l’État français DRE 89)).
Une colonne de beaux hiéroglyphes, délimitée de chaque côté par une ligne incisée, est gravée en creux sur le pilier dorsal ; la lecture se fait de droite à gauche. Elle donne une partie de la titulature du roi : son nom de Roi de Haute et de Basse Égypte et son nom de Fils de Rê, chacun dans un cartouche.
La titulature royale canonique, qui se met en place progressivement au cours de l’époque protodynastique et de l’Ancien Empire, comprend cinq noms précédés des titres d’Horus (identifiant le roi au dieu Horus), de Celui des Deux Maîtresses (Nekhbet et Ouadjet, respectivement déesses tutélaires de Haute et de Basse Égypte), d’Horus d’or (dont la signification exacte est inconnue), de Roi de Haute et de Basse Égypte (en égyptien, littéralement « Celui du jonc et Celui de l’abeille », symboles de la Haute et de la Basse Égypte ; on parle aussi de « nom de couronnement ») et enfin de Fils de Rê (par lequel le roi revendique sa parenté avec le dieu Rê ; il est parfois appelé « nom de naissance » dans la littérature égyptologique).
Le nom d’Horus du roi est généralement placé dans un serekh, motif qui représente une façade de palais. Les noms de Fils de Rê et de Roi de Haute et de Basse Égypte, les plus fréquents pour désigner les souverains, sont insérés dans un cartouche. Ce sont les seuls véritables noms du roi : le premier est le nom personnel qu’il portait avant d’accéder au pouvoir, le second est le nom de règne qu’il adopte le jour de son avènement. Les autres noms ont une valeur idéologique : ils sont une annonce du programme politique idéal que le roi entend mettre en place (sur la personnalité, multiple, du roi d’Égypte, voir BONHÊME-FORGEAU 1988).
La titulature complète de Thoutmosis II est connue : l’Horus « Taureau victorieux, puissant de vigueur », Celui des Deux Maîtresses « Celui dont la royauté est divine », l’Horus d’or « Puissant par ses manifestations », le Roi de Haute et de Basse Égypte « La manifestation de Rê est grande », le Fils de Rê « Thoutmosis (Celui qui est né de Thot) aux apparitions glorieuses parfaites ». Cette titulature insiste sur la puissance du pharaon et sur sa nature divine.
La titulature – partielle – du roi est suivie d’une formule d’eulogie qui lui souhaite toute vie, toute immuabilité et tout pouvoir. La formule d’eulogie accompagne traditionnellement la titulature royale ; cette courte proposition, souvent réduite à une simple abréviation graphique, attire sur le souverain toutes sortes de bénédictions : la vie, la stabilité, la santé, la protection, la force…
Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian le 11 septembre 1912.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 89, « Fragment (réduit à la jambe droite) d’une statue royale en granit gris. Le pilier dorsal donne le bas du cartouche prénom et le cartouche nom de Toutmosis II. Haut max (des 2 morceaux réunis) : 26 cent. [Estimé à] 250 Fr. »
Donation Rodin à l’État français 1916.
Ce fragment fut acheté auprès de l’antiquaire Joseph Altounian qui l’expédia dans un lot d’objets le 31 août 1912 et le décrivit ainsi : « 1 jambe beau modelé granit vert 40 » (ALT 147, archives musée Rodin).
L’antiquaire Joseph Altounian, écrivait à Rodin du Caire le 10 Août 1912 : « Cher Maître, J’ai l’honneur de vous faire savoir que je viens de rentrer aujourd’hui même au Caire après avoir accompli le voyage dans la Haute-Égypte dont voici les principales étapes. Éléphantine, Abydos, Phylae, Héracleopolis, Sakhara, Memphis, etc., ou j’ai séjourné pour recueillir pour votre collection des fragments de bas-reliefs, granit, calcaire, basalte, bref tout ce que j’ai jugé pouvant vous intéresser. Ce lot renferme 24 pièces des bas-reliefs et des reliefs en creux des grands et des petits, le tout appartenant aux différentes dynasties ayant régné dans les régions que j’ai traversées, plus 19 pièces de fragments en ronde bosse le tout présente la sculpture des meilleures dynasties. » J. Altounian était parti du Caire en juillet 1912, et l’on peut suivre son périple sur son agenda (archives Altunian) : Minieh, Mallawi, Assiout, Abou Tig, Assiout, Sohag, Achmim, Abou Tig, Baliana, Abydos, Baliana, Keneh, Kous, Louxor, Sohag, Achmim, Sohag, Mallawi, Le Caire, où il arriva le 7 août.
Le 28 Août 1912, Altounian écrit au sculpteur : « Cher Maître J’ai l’honneur de vous annoncer que je suis arrivée à Paris depuis quelques jours. Je me suis présenté 77 rue de Varenne mais on m’a dit que vous étiez absent ; jour cela. Je vous adresse la présente à votre adresse à Paris espérant qu’on vous la faira suivre. Donc je vous prie cher Maître de me dire le jour que vous rentrez à Paris afin que je vienne vous soumettre le bordereau avec la nomenclature des objets que je vous ai expédié du Caire.». Le 6 septembre, Altounian recevait de Rodin « la somme de frs 850 (huit cent cinquante francs) comme prêt pour m’aider à dégager les 6 caisses antiques de la Douane ; Monsieur Rodin n’est pas engagé à acheter ce lot d’antiquités s’ils ne lui plaisent pas. Il achètera que ce qu’il lui plaira.». Rodin choisit un grand nombre d’œuvres de ce lot dont le fragment Co.963 et versa à l’antiquaire 5000 francs le 11 septembre 1912.
Le fragment fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.
Égypte > provenance inconnue
Nouvel Empire probablement ou Ier millénaire
Diorite
H. 15,5 cm ; L. 11,5 cm ; P. 15,4 cm
Co. 5809
Le fragment conservé est en bon état. On constate quelques éclats dans l’angle de la narine droite et tout le long de la partie gauche de la cassure.
Le fragment est réduit à l’extrémité d’un museau de bélier jusque sous les yeux. L’amorce du coin interne des yeux est conservée juste avant la cassure, mais pas suffisamment pour indiquer la forme des yeux.
De légères lignes de dépression partent en diagonale depuis le coin de chaque œil vers le sommet du museau et se perdent dans la cassure. Elles marquent ainsi une différence de volume entre la zone frontale qui comprend les yeux et celle du mufle.
De chaque côté du mufle, on remarque quatre incisions parallèles bien marquées, qui ne se rejoignent pas au sommet du museau. Ces marques stylisées représentent probablement des plis de chair. C’est également le cas des deux incisions parallèles, un peu moins prononcées, qui barrent le dessus du museau juste au-dessus du nez.
Le nez a été sculpté dans la pierre de façon à figurer les narines de l’animal. Il est séparé en deux par une incision verticale qui descend jusqu’à la bouche aux commissures ascendantes.
Malgré la stylisation, le sculpteur a insufflé un peu de naturalisme dans son œuvre par le modelé des chairs délicat, rendu par des dépressions plus ou moins accentuées au niveau des joues, les volumes très doux, la ligne courbée du museau de même que l’angle entre le menton et la mâchoire de l’animal.
Les quatre incisions de part et d’autre du museau ainsi que le nez fendu semblent être des caractéristiques propres à cette œuvre.
Originaires du Proche-Orient, les ovins apparaissent sur le territoire égyptien dès le Néolithique. La première espèce connue des Egyptiens, Ovis longipes palaeoaegyptiacus, se distingue chez les mâles par de longues cornes horizontales spiralées. Cette espère, peu présente dans l’iconographie égyptienne, va cependant perdurer dans le répertoire hiéroglyphique pour désigner le bélier. Les cornes horizontales, caractéristiques du longipes, vont également se retrouver sur certaines couronnes divines tout au long de l’histoire égyptienne.
Au cours du IIe millénaire, l’espèce du longipes est remplacée par une autre espèce, l’Ovis aries palaeoatlanticus, dont les mâles possèdent d’épaisses cornes, incurvées vers le bas autour des oreilles.
Les Egyptiens ont donc connu plusieurs espèces de moutons qui se distinguent par la forme de leurs cornes. Il n’est pas possible de déterminer l’espèce représentée sur l’œuvre du musée Rodin. Si, sur de nombreuses statues, les cornes incurvées de l’Ovis aries sont figurées sur les joues et s’étendent parfois jusqu’à la bouche de l’animal, elles peuvent également être rapportées dans un autre matériau, ne laissant ainsi aucune trace sur le mufle. Un magnifique exemple est conservé à l’Ägyptisches Museum und Papyrussammlung de Berlin (inv. 7262 ; DELANGE, Le pharaon-soleil, p. 183-184, n°31). Ce bélier monumental d’Amon protégeant le roi Amenhotep III, sculpté en pierre, arbore un disque solaire, un uraeus, des oreilles et des cornes rapportées en métal.
Des cornes de bélier horizontales spiralées, celles des longipes, sont également conservées dans les collections muséales ; elles étaient réalisées en alliage cuivreux (musée du Louvre N 4293) ou bien en bois (British Museum EA 12265). Elles prenaient peut-être place sur des statues de béliers composites.
Le bélier n’apparait pas dans la statuaire en sa qualité de simple animal. Il est lié à plusieurs divinités : en ce qui concerne le longipes, Banebdjed (« le bélier-ba seigneur de Djed ») à Mendès, Heryshef (« celui qui est sur son bassin ») à Héracléopolis, Khnoum dans de nombreuses localités ; pour l’aries : Amon de Thèbes, dont le culte s’étendra à toute l’Egypte et sera exporté au Soudan.
Ce mufle de bélier a appartenu à une statue représentant l’une de ces divinités sous forme criocéphale voire entièrement animale. Quelques statues d’Amon et Khnoum sous forme d’homme à tête de bélier sont connues, comme la statue de Khnoum criocéphale en quartzite conservée au musée du Louvre, qui date probablement du règne d’Amenhotep III (musée du Louvre AF 2577 ; le museau a été restauré).
Les statues entièrement zoomorphes de ces divinités sont plus rares, mais leur existence est attestée notamment par une stèle de la XVIIIe dynastie sur laquelle on trouve la représentation d’une statue de bélier, identifiable par son socle, accompagnée d’une prière à Amon-Rê (musée du Louvre E 11922)
Le fragment Co. 5809 pourrait également provenir d’un dromos de criosphinx, une innovation iconographique d’Amenhotep III voire de Thoutmosis IV qui allie corps de lion et tête de bélier. Le criosphinx est produit en grand nombre sous Amenhotep III – au moins une centaine – pour être placé à l’entrée du temple de Louxor ; les statues seront par la suite déplacées devant le Ier pylône du temple de Karnak.
Le temple de Mout à Karnak comprenait un dromos composé non pas de criosphinx mais de béliers en grès et en « granit » gris, datant également du règne d’Amenhotep III. Un exemplaire est conservé au musée égyptien de Turin (Turin, Museo Egizio C. 836). Criosphinx et béliers seront également très en faveur sous le règne de Taharqa, à la XXVe dynastie, comme en témoigne le bélier provenant du temple de Kawa, au Soudan, conservé au British Museum (Londres, British Museum EA 1779).
Ces criosphinx et ces béliers réunis en dromos représentent sans équivoque le dieu Amon ; ils sont généralement pourvus d’une barbiche et protègent toujours une effigie royale placée sous leur menton. Or, le menton du mufle du musée Rodin est totalement lisse et poli, ce qui indique qu’il n’y avait ni barbiche, ni effigie royale.
Une dernière possibilité peut être envisagée si une datation tardive venait à être confirmée : il pourrait s’agir du mufle de la statue d’un animal sacré, un animal unique dans lequel une de ces divinités pouvait s’incarner. Nous savons qu’il existait aux époques tardives des nécropoles pour les béliers de Khnoum à Eléphantine et pour les béliers Banebdjed à Mendès. De leur vivant et après leur mort, ces animaux au statut très particulier recevaient une forme de culte. Il devait donc exister des sanctuaires renfermant des statues à leur effigie, à l’exemple du Sérapeum de Memphis qui a livré une très belle statue du taureau Apis, représentant du dieu Ptah sur terre, aujourd'hui conservée au musée du Louvre (musée du Louvre N 390).
Un fragment de bas-relief en calcaire du musée Rodin (Co. 940 ; GOLDSCHEIDER, Rodin collectionneur, n°7, indiqué sous son ancien numéro d'inventaire DRE 38) comporte une colonne d’inscription fragmentaire portant la mention « Banebdjed » (« le bélier-ba maître de Mendès »). Le scribe a utilisé comme signe hiéroglyphique l’image d’un bélier longipes. Le rapprochement avec le mufle de bélier est tentant. Connaître le mode d’acquisition des deux objets par Rodin permettra peut-être de déterminer s’ils sont de même provenance et font référence à la même divinité.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 42, "Partie antérieure d'un museau de bélier, en granit gris, Haut. 16 ; Long. 12, estimée cent cinquante francs."
Donation Rodin à l'État français 1916.
L'objet fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.
Égypte > provenance inconnue
Nouvel Empire > XVIIIe Dynastie > règne d’Amenhotep III/fin XVIIIe dynastie
Ier millénaire probablement
Diorite
H. 20,7 cm ; L. 16 cm ; P. 10,8 cm
Co. 3238
L’état de conservation de cette œuvre est moyen. Seul le visage du roi est conservé ; on aperçoit encore l’amorce du cou dans la partie gauche. Les tempes et les oreilles ne sont pas préservées. La totalité du nez a disparu, de même que le bas de la joue droite. Des éclats de taille modérée affectent la paupière supérieure droite et la lèvre supérieure. Une fissure court sur tout le côté droit (front, œil, joue).
Des dépôts de terre d’enfouissement sont visibles sur l’ensemble de l’œuvre et lui donnent une teinte ocre par endroits.
Le visage adopte une forme ovale. Les sourcils sont marqués par un bourrelet délimité par des incisions. Plutôt rapprochés, ils partent de la racine du nez et sont arqués de façon naturelle, sans changement brusque de courbure ; ils s’étendent jusqu’au-dessus du coin externe de l’œil et ne sont pas prolongés vers les tempes par un trait de khôl comme c’est souvent le cas dans la statuaire égyptienne.
Les yeux semblent très légèrement tournés vers le bas. La paupière supérieure est marquée par deux incisions parallèles à la limite supérieure de l’œil. Il ne s’agit pas du trait de khôl que l’on retrouve habituellement dans la statuaire égyptienne pour reprendre le contour de l’œil et prolonger le coin externe de l’œil vers la tempe mais plus vraisemblablement de la matérialisation de plis de chair.
Les pommettes sont hautes et légèrement saillantes.
Le nez a disparu mais on observe encore le départ de la narine droite. Le négatif laissé dans la pierre indique que le nez était court et presque aussi large que la bouche. Le canal naso-labial est long et signalé par un creux dans la pierre.
Les commissures de la bouche sont marquées dans la pierre par de légères dépressions placées assez haut, ce qui donne l’impression que la bouche esquisse un léger sourire. Les lèvres sont charnues. La lèvre inférieure, au contour externe en arc de cercle, est assez proéminente ; l’arrondi de la lèvre supérieure est beaucoup moins prononcé. Un éclat mutile sa courbe au niveau du canal naso-labial, il est donc difficile de se faire une idée de son aspect originel.
Le passage de la lèvre inférieure au menton est bien creusé. Le menton est court et légèrement arrondi.
La forme des sourcils, les yeux légèrement tournés vers le bas, les plis de chair sur les paupières et la bouche souriante apportent un dynamisme à ce « portrait », sans aucun doute royal. En effet, l’incision au-dessus des sourcils indique le bandeau du némès, coiffe royale attestée depuis l’Ancien Empire, qui descend très bas sur le front. Les rayures du tissu sont figurées par une alternance de bandes en relief et en creux. Les bandes en creux sont piquetées, sans doute pour recevoir de la dorure.
L’uraeus qui prenait place sur la coiffe royale devait être placé plus haut, dans la partie disparue, soit sculpté dans la pierre, soit rapporté dans un autre matériau.
En observant le menton, on constate l’absence totale de barbe postiche ; les attaches de cette barbe ne sont pas non plus figurées en relief ou incisées suivant le contour du bas du visage, ce qui confirme que la statue était dès l’origine dépourvue de cet attribut royal.
En raison de ses dimensions, cette œuvre a été identifiée dans l’inventaire de la donation de 1916 comme le fragment d’un couvercle de sarcophage anthropoïde. Elle provient plus vraisemblablement d’une statue royale, une œuvre de belle facture – comme on le devine encore – et d’une grande finesse d’exécution malgré le choix d’un matériau difficile à travailler, la diorite. Les yeux très légèrement tournés vers le bas impliquent peut-être que ce visage prenait place sur une statue de roi debout, un peu plus grande que nature d’après les dimensions du fragment. Il est impossible de déterminer si elle faisait partie d’un groupe. De par le matériau choisi – une pierre dure et résistante – et la taille de la statue, on peut supposer qu’elle était destinée à être placée dans un temple, dans lequel le roi offrait à ceux qui pouvaient contempler son image un visage à la fois hiératique et avenant. En cela, le visage du souverain rappelle la statuaire monumentale de l’époque d’Amenhotep III.
Anépigraphe
Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Oxan Aslanian en août 1911.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 265, " Masque d’homme, en granit gris (le nez manque) ayant fait partie d’un couvercle de sarcophage, anthropoïde. La coiffure manque, le bas de la joue droite est mutilé, haut. 21 cent. environ. Estimé cent frs. 100."
Donation Rodin à l’État français 1916.
La tête fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.
ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE RAMESSIDE OU BASSE-ÉPOQUE > 715 – 332 avant J.-C.
CALCAIRE
H. : 38 cm ; L. : 51,1 cm ; P. : 15,3 cm
Co. 1297
L’œuvre présente un état de conservation correct.
La sculpture présente des manques importants, notamment la tête dont le plan de cassure suit la base du cou au niveau du collier, la moitié de la patte avant gauche, un bout du plein central, l’extrémité du sabot de la patte avant droite et le sabot de la patte arrière droite.
La pierre montre une tendance à la pulvérulence. Des éléments présents sous la surface de la pierre ont provoqué des pertes de matières sous forme de cratères, allant parfois jusqu’à 3 mm de profondeur et 1,2 cm de diamètre en surface. Ils sont parfois regroupés sur plusieurs zones, notamment le dos, le flanc droit et la cuisse arrière gauche, et forment dans ce cas de larges lignes de manque. Les éléments provoquant ces pertes étaient visibles avant la restauration de 2019. De couleur ocre et poudreux, il s’agissait probablement d’une sorte d’argile. Cette matière argileuse se retrouve dans un réseau de fissures non ouvertes.
On note des traces d’outils sur l’ensemble de l’œuvre.
Il faut très probablement voir dans cette statue de vache passante, pattes gauche avancées (sur la vache en Égypte ancienne, cf. YOYOTTE Jean, VERNUS Pascal, Bestiaire des Pharaons, Paris, 2005, « Vache », p. 602-607), une représentation zoomorphe de la déesse Hathor. En effet, le cou du bovin est paré d’un collier imposant dont le contrepoids repose sur son dos. Bien que le collier ait été laissé sans ornementation gravée, la forme de son contrepoids permet d’y voir un collier-menat, l’un des principaux attributs de la déesse Hathor (sur ce collier, voir CORTEGGIANI Jean-Pierre, L’Égypte ancienne et ses dieux : dictionnaire illustré, Paris, 2007, « Menat (collier) », p. 315-316). Il se compose d’une large languette rectangulaire qui se finit par un ovale. L’encolure, épaisse d’environ 2 centimètres, s’élargit en descendent de chaque côté du cou pour venir recouvrir en majeure partir le poitrail imposant. La campagne de restauration de 2019 a révélé la présence de détails peints sur ce collier, de même que les sabots et le dos de l’animal. . Une tête de vache en calcaire peint conservée au Musée du Louvre permet de restituer l’œuvre complète, E16380. Ce fragment date de l’époque ramesside et a été retrouvé au village de Deir el-Medineh.
Une sous-couche préparatoire de couleur ocre rouge à ocre jaune a été appliquée directement sur la pierre, a priorisur l’ensemble de la surface, puis a été recouverte d’un badigeon de couleur ocre clair. Sur ce badigeon, on observe des lignes noires formant des motifs, appliquées sur le contrepoids du collier et sur le sabot de la patte avant droite.
La statue Co. 1297 présente une grande qualité d’exécution dans le rendu des formes anatomiques du bovidé. Le fanon sur la poitrine ainsi que l’évocation de l’avant-pis sont modelés. Les épaules sont légèrement en relief contrairement aux hanches, clairement visibles et annonçant une croupe aplatie. Le dos à la cambrure naturelle est rehaussé d’une très légère arête qui dessine la colonne vertébrale. Sur les pattes, les pointes de coude, les jarrets, les ergots et les sabots sont figurés avec naturel. Enfin, la longue queue se détache de la croupe puis s’étire de façon rigide le long de la patte arrière droite jusqu’au sabot. Le toupillon se démarque légèrement. Pour le vocabulaire utilisé, voir le site Observation et Imagerie. Dans un souci de stabilité, l’image de la vache est soutenue par un plein central.
Ce type de sculpture, représentant un bovidé mâle ou femelle, se retrouve principalement au cours du Nouvel Empire et à la Basse-Époque. La représentation la plus connue est celle en calcaire peint du Nouvel Empire provenant de la chapelle d’Hathor consacrée par Thoutmosis III à Deir el-Bahari. On y voit la vache Hathor émergeant de la montagne de l’Ouest protègeant le pharaon sculpté sous son poitrail (voir JE 38574-5 conservée au musée égyptien du Caire, cf. SALEH Mohamed, SOUROUZIAN Hourig, Musée égyptien du Caire. Catalogue officiel, Mayence, Verlag Philipp von Zabern, 1987, notice 138). Statue cultuelle, la vache Hathor du musée Rodin pouvait également être portée en procession. La présence de peinture sur le collier, les sabots et le dos du bovidé favorisent cette hypothèse.
Hors contexte, la datation et le lieu de provenance restent supposés. Une comparaison avec la statue conservée au Kunsthistorisches Museum de Vienne 1188 suggère une datation ramesside. Si on se réfère aux images zoomorphes d’Hathor de cette période conservées au musée du Louvre, la statue du musée Rodin pourrait avoir pour origine le site de Deir el-Médineh (voir Pour l’exemple, on peut citer le groupe statuaire en calcaire datant de la Basse-Époque conservé au Musée du Louvre E26023 (cf. BARBOTIN Christophe, Les statues égyptiennes du Nouvel Empire, Statues royales et divines, tome premier, Paris, 2007, n° 87-90, p. 148-152, pl. p. 244-252).
Une datation plus tardive ne peut être écartée mais semble moins probable (comparer à la statue en grauwacke du Musée royal de Mariemont Ac.64/7, datée de la Basse-Époque (DERRIKS Claire, « Statue fragmentaire de vache », in Cl. DERRIKS, L. DELVAUX (éd.), Antiquités égyptiennes au Musée Royal de Mariemont, Morlanwelz, 2009.
p. 78-81), à la tête de vache en grauwacke du Musée du Louvre E 3432 datée de la fin de la Troisième Période intermédiaire ou de la XXVIème dynastie (BARBOTIN Christophe, in H. GUICHARD (dir.), Des animaux et des pharaons. Le règne animal dans l’Égypte ancienne, Catalogue d’exposition, Lens, Musée du Louvre-Lens, 5 décembre 2014 - 9 mars 2015, Paris, Lens, 2014, cat. n° 71, p. 93), et au taureau Apis en calcaire de la XXXème dynastie provenant du Sérapeum de Saqqara conservée au musée du Louvre N 390 = IM 1803 (CHARRON Alain, « Des momies par millions », in H. GUICHARD (dir.), ibid., p. 272).
La vache est la représentation zoomorphe de la déesse Hathor. Figure majeure du panthéon égyptien, elle est l’image même de la féminité divinisée. Déesse de l’amour, de la joie, de l’ivresse, de la danse et de la musique, les Grecs y reconnaitront la déesse Aphrodite. Ses lieux de culte sont aussi nombreux que ses épithètes et ses formes. En effet, elle peut être identifiée à de multiples divinités féminines, par exemple Isis (voir l’œuvre Co. 1441), Maât (voir Co. 2427), Sechat, Ouadjet, Sekhmet (voir Co. 773) ou encore Neit. Elle est mère de Rê en tant que vache céleste, mais également sa fille. « Dame d’amour dans la barque des millions [d’années] », son caractère érotique de sa beauté suscite l’activité créatrice de Rê « qui illumine les disque quand il la voit » (cf. CORTEGGIANI Jean-Pierre, L’Égypte ancienne et ses dieux : dictionnaire illustré, Paris, 2007, p. 180). Son caractère maternel et nourricier lui a valu d’être considérée comme une déesse funéraire mais aussi protectrice des femmes et des enfants. En tant que vache bienveillante, elle acquière des prérogatives nourricières offrant subsistance et protection pour le roi et son territoire.
L’iconographie d’Hathor est aussi variée que ses représentations dans son temple de Dendera. Sa coiffe la plus commune est la couronne dite hathorique, constituée d’un disque solaire flanqué de cornes de vache. L’œuvre du musée Rodin Co. 1297 a très certainement été coiffé de la même manière. De ses nombreux attributs, on peut citer le collier menat, également présent sur la statue Co. 1297, le sistre dont le musée Rodin conserve par ailleurs une partied'un exemplaire en bronze (Co. 3096), ou encore la couronne atef.
Les collections du musée Rodin conservent de nombreux exemples de bovidés en bronze de petite taille, représentent le taureau Apis. La statue Co. 1297 est la seule statue de vache en calcaire et de cette dimension.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian le 11 septembre 1912.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 277, "Vache Hathor. Calcaire, la tête manque, autour du cou le menat. Largeur 53 cent. Hauteur 38 cent. 250 frs."
Donation à l’État français en 1916.
Cette statue fut achetée auprès de l’antiquaire Joseph Altounian qui l’expédia dans un lot d’objets le 31 août 1912 et le décrivit ainsi : « 1 Bœuf sans tête calc. Prob. Apis 167 » (ALT 147, archives musée Rodin).
L’antiquaire Joseph Altounian, écrivait à Rodin du Caire le 10 Août 1912 : « Cher Maître, J’ai l’honneur de vous faire savoir que je viens de rentrer aujourd’hui même au Caire après avoir accompli le voyage dans la Haute-Égypte dont voici les principales étapes. Éléphantine, Abydos, Phylae, Héracleopolis, Sakhara, Memphis, etc., ou j’ai séjourné pour recueillir pour votre collection des fragments de bas-reliefs, granit, calcaire, basalte, bref tout ce que j’ai jugé pouvant vous intéresser. Ce lot renferme 24 pièces des bas-reliefs et des reliefs en creux des grands et des petits, le tout appartenant aux différentes dynasties ayant régné dans les régions que j’ai traversées, plus 19 pièces de fragments en ronde bosse le tout présente la sculpture des meilleures dynasties. » J. Altounian était parti du Caire en juillet 1912, et l’on peut suivre son périple sur son agenda (archives Altunian) : Minieh, Mallawi, Assiout, Abou Tig, Assiout, Sohag, Achmim, Abou Tig, Baliana, Abydos, Baliana, Keneh, Kous, Louxor, Sohag, Achmim, Sohag, Mallawi, Le Caire, où il arriva le 7 août.
Le 28 Août 1912, Altounian écrit au sculpteur : « Cher Maître J’ai l’honneur de vous annoncer que je suis arrivée à Paris depuis quelques jours. Je me suis présenté 77 rue de Varenne mais on m’a dit que vous étiez absent ; jour cela. Je vous adresse la présente à votre adresse à Paris espérant qu’on vous la faira suivre. Donc je vous prie cher Maître de me dire le jour que vous rentrez à Paris afin que je vienne vous soumettre le bordereau avec la nomenclature des objets que je vous ai expédié du Caire.». Le 6 septembre, Altounian recevait de Rodin « la somme de frs 850 (huit cent cinquante francs) comme prêt pour m’aider à dégager les 6 caisses antiques de la Douane ; Monsieur Rodin n’est pas engagé à acheter ce lot d’antiquités s’ils ne lui plaisent pas. Il achètera que ce qu’il lui plaira.». Rodin choisit un grand nombre d’œuvres de ce lot dont la statue Co.1297 et versa à l’antiquaire 5000 francs le 11 septembre 1912.
ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE À DÉTERMINER
Pierre noire, BASALTE probablement
H. : 27 cm ; L. : 17,2 cm ; P. : 10,2 cm
Co. 3432
L’œuvre a un bon état de conservation.
Complète, elle ne présente que quelques impacts sur ses côtés causant des pertes de matière, notamment à l’avant du bassin. Une d’entre elles, sur le bord droit de la face concave, a été comblée d’une matière grise plâtreuse, intervention qui semble être moderne. De la terre d’enfouissement est encore visible sur l’ensemble de l’œuvre et particulièrement sur la face arrière laissée brute. Des dépôts de plâtre blanc ou de matière crayeuse parsèment l’ensemble de la surface.
L’objet est un bassin d’offrandes ou à libation, prenant la forme d’un cartouche. Toutes les faces, à l’exception de la face arrière, ont été égrésées sans être polies. À l’approche du nœud refermant la boucle du cartouche, ici non incisé, la pierre est moins travaillée ; la surface à cet endroit est en effet plus difficile à atteindre en raison de la profondeur induite par le creusement. La face arrière, laissée brute, suggère que l’objet était présenté couché, la face concave servant de contenant. Une vision de profil permet de constater que ses bords sont très légèrement évasés. Les faces latérales présentent des arêtes à l’annonce de la face inférieure pour assurer une certaine stabilité, alors que la partie concave est parfaitement ovale.
Le cartouche, dit shenouen égyptien ancien, est un symbole hiéroglyphique allongé ou rond, représentant l’univers entouré et protégé par la course du soleil. Il est en forme de boucle de corde, refermée par un nœud aux deux extrémités verticales. Il contient le nom du pharaon et parfois ses épithètes. La corde entoure les noms de Fils de Rê et de roi de Haute et Basse-Égypte. Il est également possible d’y trouver les noms de divinités, ainsi que des noms de notables à partir de la fin de l’époque ramesside, notamment les Grands Prophètes d’Amon.
Les bassins d’offrandes faisaient partie d’un ensemble liturgique et étaient destinés à recevoir des huiles, des onguents, voire des offrandes solides lors de rituels de purification, de présentation ou de libation (sur l’usage des bassins et tables d’offrandes, voir en particulier HABACHI Labib, Tavola d’offerta, are e bacili da libagione N. 22001-22067, Catalogo del Museo Egizio di Torino, Serie Seconda – Collezioni II, Turin, 1977 ; KUENTZ Charles, « Bassins et tables d’offrandes », Bulletin du Centenaire, Supplément au BIFAO 81, 1981, p. 243-282, pl. XXXI-XXXII ; et LEGROS Rémi, Stratégies mémorielles. Les cultes funéraires privés en Égypte ancienne de la VIe à la XIIe dynastie, TMO 70, Lyon, 2016). Son usage est bien attesté dès l’Ancien Empire (voir par exemple les tables et bassins d’offrandes trouvés en contexte dans le complexe funéraire de Pépy Ier à Saqqâra (cf. ibid., p. 88-94, annexe 2 p. 235-252) et a perduré sur tout le territoire, jusqu’à la fin des temps égyptiens. Voir par exemple pour les périodes méroïtiques, la table d’offrande avec un cartouche du British Museum EA1599 ou au Penn Museum de Philadelphie, le bassin d’offrandes en forme de cartouche en bois non daté E12943, la table d’offrande méroïtique E7098 et la table d’offrandes gréco-romaine présentant deux cartouches 32-42-749.
Le musée Rodin conserve deux tables d’offrandes (Co. 939 et Co. 1696). Le bassin d’offrandes Co. 3432 est néanmoins, en tant que ce type d’objet, unique dans la collection.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 266, "Cuve anépigraphe en forme de cartouche évidé, granit gris, 27 cent. Sur 10 cent. Estimé deux cent francs."
Donation à l’État français en 1916.
L'oeuvre était exposée à l'hôtel Biron en 1913, dans une préfiguration du futur musée.
ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE TARDIVE > XXVIe dynastie > 672 - 525 AVANT J.-C.
GRANIT ROSE
H. : 26,8 cm ; L. : 28,2 cm ; P. : 14,9 cm
Co. 951
L’œuvre est en mauvais état de conservation.
Elle est brisée au niveau du bassin et la tête et les bras manquent. Plusieurs impacts sont visibles sur les pectoraux et sur les muscles abdominaux. La présence de plâtre gris s’y remarque.
L’œuvre est un tronc d’homme. Il porte un pagne dont la limite supérieure est visible dans son dos. On note l’absence de ceinture ou d’ornementation sur ce vêtement, qui monte haut sur les reins. Les dimensions de la cassure au niveau du cou suggèrent que l’homme était coiffé d’une perruque bouffante s’arrêtant sur les épaules telle qu’une perruque dite « en bourse », ou de toute autre coiffure courte, y compris une couronne blanche, une couronne rouge ou un pschent. Pour l’exemple, voir la statue agenouillée E25390 + E25475 conservée au Musée du Louvre (cf. PERDU Olivier, Les statues privées de la fin de l’Égypte pharaonique (1069 av. J.-C. - 395 apr. J.-C.) I, Hommes, Musée du Louvre, Paris, 2012, p. 282-289).
Malgré l’état de conservation, on remarque que le buste de l’homme a été sculpté avec finesse et soin. Les trapèzes forment un oblique naturel jusqu’aux épaules dont la rondeur annonce des biceps galbés. Le creux de l’aisselle est profond, mettant ainsi en valeur la ligne des pectoraux. Au-dessus de ceux-ci, de longues clavicules ont été modelées en léger relief. Elles prennent leur course au sommet des épaules pour rejoindre la fourchette sternale formant un V largement ouvert. Notons deux sillons horizontaux placés à la pointe du sternum et au niveau de la taille. Ces sillons découpent le torse de l’homme en trois parties, accentuées par le creusement des flancs, dessinant ainsi les muscles abdominaux. Ce modelage du buste est communément appelé tripartition (cf. ibid., p. 60-62). Elle est caractéristique de la Basse Époque et particulièrement de la XXVIe dynastie, de même que la disposition des clavicules s’inclinant vers le milieu du torse dès le début de l’époque saïte. Enfin, la taille est marquée sans être fine et l’orifice ombilical est à peine creusé.
Quant à l’attitude originelle de cette œuvre, l’absence de pilier dorsal, de dossier de siège, le pagne sensiblement rebiqué vers le haut ainsi que l’inclinaison légère des bras vers l’avant suggèrent que l’homme était assis sur un siège cubique ou assez probablement agenouillé, les mains posées à plat sur le cuisses ou tenant un objet. Un très bel exemple de la XXVIe dynastie conservée au Musée du Louvre est à rapprocher de la statue Co. 951 de part le modelé du buste, le placement des bras et le dos droit (cf. ibid., p. 272-281, voir le site du Musée du Louvre). Comme dernier élément de datation, nous pouvons inclure le pagne simple sans ornementation qui a bénéficié d’une certaine faveur aux époques tardives, notamment pour les statues agenouillées (cf. ibid., p. 46).
Sans autre élément raccordé à l’œuvre Co. 951, nous ne pouvons infirmer s’il s’agit d’une statue privée ou royale.
Le Musée Rodin conserve d’autres exemples de statues masculines datables de la XXVIe dynastie, notamment les Co. 784, Co. 821, Co. 880 et Co. 5872 qui présentent également une perruque à bourse comme Co. 951.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian le 13 juin 1912.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 274, "Fragment d'un torse en granit de Syène les deux bras manquent presque entièrement ainsi que la tête et tout le bas du corps à partir de la ceinture. Epoque thébaine. Haut. 27 cent. Larg. 27 cent. Environ. Estimé cinq cent francs."
Donation à l’État français en 1916.
Ce bas-relief fut acheté auprès de l’antiquaire Joseph Altounian qui l’expédia dans un lot d’objets le 31 août 1912 et le décrivit ainsi : « 1 tronc d’homme XIIe dyn. Granit poli noir à pois roses 250 » (ALT 147, archives musée Rodin).
L’antiquaire Joseph Altounian, écrivait à Rodin du Caire le 10 Août 1912 : « Cher Maître, J’ai l’honneur de vous faire savoir que je viens de rentrer aujourd’hui même au Caire après avoir accompli le voyage dans la Haute-Égypte dont voici les principales étapes. Éléphantine, Abydos, Phylae, Héracleopolis, Sakhara, Memphis, etc., ou j’ai séjourné pour recueillir pour votre collection des fragments de bas-reliefs, granit, calcaire, basalte, bref tout ce que j’ai jugé pouvant vous intéresser. Ce lot renferme 24 pièces des bas-reliefs et des reliefs en creux des grands et des petits, le tout appartenant aux différentes dynasties ayant régné dans les régions que j’ai traversées, plus 19 pièces de fragments en ronde bosse le tout présente la sculpture des meilleures dynasties. » J. Altounian était parti du Caire en juillet 1912, et l’on peut suivre son périple sur son agenda (archives Altunian) : Minieh, Mallawi, Assiout, Abou Tig, Assiout, Sohag, Achmim, Abou Tig, Baliana, Abydos, Baliana, Keneh, Kous, Louxor, Sohag, Achmim, Sohag, Mallawi, Le Caire, où il arriva le 7 août.
Le 28 Août 1912, Altounian écrit au sculpteur : « Cher Maître J’ai l’honneur de vous annoncer que je suis arrivée à Paris depuis quelques jours. Je me suis présenté 77 rue de Varenne mais on m’a dit que vous étiez absent ; jour cela. Je vous adresse la présente à votre adresse à Paris espérant qu’on vous la faira suivre. Donc je vous prie cher Maître de me dire le jour que vous rentrez à Paris afin que je vienne vous soumettre le bordereau avec la nomenclature des objets que je vous ai expédié du Caire.». Le 6 septembre, Altounian recevait de Rodin « la somme de frs 850 (huit cent cinquante francs) comme prêt pour m’aider à dégager les 6 caisses antiques de la Douane ; Monsieur Rodin n’est pas engagé à acheter ce lot d’antiquités s’ils ne lui plaisent pas. Il achètera que ce qu’il lui plaira.». Rodin choisit un grand nombre d’œuvres de ce lot dont le torse Co.951 et versa à l’antiquaire 5000 francs le 11 septembre 1912.
Le torse fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.
ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE À DÉTERMINER
GRANIT GRIS
H. : 10,7 cm ; L. : 8,6 cm ; P. : 19,4 cm
Co. 895
L’œuvre est en mauvais état de conservation.
De la statue, il ne reste aujourd'hui que le pied gauche brisé au niveau de la cheville, et une petite partie du socle. La face avant de ce dernier est en partie conservée, contrairement aux autres faces fortement usées, notamment le côté droit qui est aujourd’hui concave. Le pied – sur sa face intérieure – est très abîmé, ce qui rend les détails des orteils et la plante du pied peu lisibles. En revanche, toute la longueur du pied est conservée. De nombreux impacts sont visibles sur l’ensemble de l’œuvre, notamment autour de la cheville, sur les orteils et sur la face inférieure du socle.
En tenant compte de la longueur du pied, d’environ onze centimètres, on peut imaginer que la statue complète atteignait une taille de demi-nature, soit environ 80 à 90 centimètres de hauteur. Le pied repose sur un socle quadrangulaire ; il suit le canon de proportions égyptien classique et les détails anatomiques en sont encore visibles malgré l’état de conservation actuel. La malléole est en effet figurée, de même que les orteils, clairement séparés les uns des autres et sur lesquels les ongles étaient originellement incisés – celui de l’auriculaire est encore visible. Sur le côté gauche, on remarque, dans le prolongement du petit orteil et jusqu’au talon, une légère boursouflure de la pierre qui rend la courbure de la plante du pied.
On remarque également une légère excroissance de pierre à l’arrière du talon, laquelle permet de proposer deux hypothèses sur l’attitude originelle du personnage. D’une part, il pourrait s’agir du témoin d’un ancien pilier dorsal, dont la présence, si près du pied gauche, suggérerait alors que le personnage était figuré debout les pieds joints. Alternativement, il pourrait s’agir d’un espace non évidé entre les deux jambes, si le personnage se tenait dans la position de la marche apparente, pour laquelle la jambe avant est traditionnellement avancée. C’est également ce que peuvent suggérer les orteils situés très près du bord avant du socle, encore conservé en partie. Si tel était le cas, il pourrait donc s'agir d’une statue masculine, dans la mesure où les femmes ont plus fréquemment tendance à être représentées les pieds joints.
L’absence d’autres éléments ne permet pas de trancher en faveur de l’une ou l’autre de ces hypothèses. Il n’est pas possible de proposer une datation ou une provenance pour cette œuvre fragmentaire.
Les collections du musée Rodin ne conservent pas d’autres parties de cette statue.
Anépigraphe.
Le fragment était exposé du vivant de Rodin dans une vitrine du pavillon de l'Alma à Meudon.
ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE SAÏTE > XXVIe – XXVIIe dynastie > 656 - 525 AVANT J.-C. probablement
GRANIT NOIR OU BASALTE
H. : 11,5 cm ; L. : 7,8 cm ; P. : 6 cm
Co. 784
L’œuvre présente un état de conservation très fragmentaire.
Représentant originellement un groupe, il ne reste aujourd’hui que le buste de l’homme et la main gauche d’une femme posée derrière son épaule gauche. La statue est brisée transversalement sur le buste de l’homme, la cassure courant de l’épaule droite au coude gauche. On note que de nombreux impacts ont endommagé l’œuvre, notamment le nez et une partie du pectoral droit, de même que le pilier dorsal qui présente des chocs. Des restes de terre d’enfouissement sont encore bien visibles sur l’ensemble de la statue. Les détails anatomiques sont patinés.
L’œuvre représente un groupe se composant d’un homme et d’une femme dont seule la main gauche subsiste, posée derrière l’épaule gauche de l’homme. Le bras gauche de l’homme étant replié vers les cuisses, on peut en conclure que les deux figures étaient assises, appuyées contre un large dossier non poli et anépigraphe. Le bras droit de l’homme se détache en oblique de son buste. En comparant avec la statue conservée au Metropolitan Museum of Art 2012.412, il devient possible de restituer qu’il enserrait peut-être la figure féminine placée à ses côtés. Cette attitude d’un couple enlacé se retrouve régulièrement tout au long de l’histoire égyptienne, notamment sur les représentations d’époux.
L’homme est coiffé d’une perruque évasée, striée horizontalement sur le crâne et verticalement sur la longueur des mèches. Elle tombe sur les épaules sans les recouvrir et laisse les oreilles dégagées. Aplatie sur le sommet du crâne, la coiffe descend particulièrement bas sur le front. Les sourcils s’incurvent au-dessus des yeux en se redressant légèrement sur le côté. Ils sont prolongé d’une ligne de fard jusqu’aux tempes, de même que la paupière supérieure de l’œil. Les yeux correspondent aux canons classiques de l’art égyptien, offrant le même aspect que le signe hiéroglyphique à leur image, leur coin interne plongeant vers le bas, l’autre remontant vers le haut. En leur centre, la pupille est grande et ronde, donnant un effet globuleux. La glabelle est bombée. Elle annonce un long nez en triangle. Celui-ci surmonte une petite bouche aux commissures profondes. Les narines et les lèvres ont disparu dans une cassure. Les joues sont pleines et les cernes sous les yeux ont été légèrement creusées. Les mâchoires suivent le contour du visage ovale et le menton est fuyant. Les oreilles, disproportionnées, sont détaillées grâce au dessin de l’hélix, de la conque et du lobe.
Le cou épais annonce des épaules larges aux bras massifs sur lesquels le rond de l’épaule et le coude ont été modelés. Le buste est simplement rendu. Les pectoraux sont à peine bombés, la taille est fine et le nombril, placé très haut, est peu creusé. On remarque du côté gauche l’amorce de la ceinture du pagne.
Seul indice de la présence d’une figure placée aux côtés de l’homme, une main gauche qui enserre son épaule gauche. Les doigts, simplement modelés, sont clairement dissociés les uns des autres.
Ce type statuaire, figurant des personnages enlacés et assis sur un siège, est particulièrement apprécié des égyptiens. On en trouve de nombreux exemples dès l’Ancien Empire. Ces groupes pouvaient être à fonction funéraire, agissant comme une statue de culte recevant les offrandes et les rites accomplis par la famille des défunts.
Le fragment de groupe Co. 784, serait à dater d’une période postérieure au Nouvel Empire, et plus certainement de la Basse-Époque. Deux éléments permettent de proposer une datation tardive. D’une part, la perruque évasée sans raie médiane, et ici striée, est attestée dans l’art égyptien dès le Moyen Empire, puis au Nouvel Empire (plus rarement à l’époque ramesside) et surtout pendant la Troisième Période intermédiaire (cf. BRANDL Helmut, Untersuchungen zur steinernen Privatplastik der Dritten Zwischenzeit: Typologie - Ikonographie - Stilistik, II, Berlin, 2008, p. 354-355 ; PERDU Olivier, Les statues privées de la fin de l’Égypte pharaonique (1069 av. J.-C.-395 apr. J.-C.), Tome I : Hommes, catalogue du musée du Louvre, Paris, 2012, p. 41). Elle a presque disparu au début de l’époque lagide. Le dernier exemple publié à ce jour date du début de la période saïte sous le règne d’Apriès (cf. PERDU Olivier, op. cit., p. 41, note 40). Les chevrons que forment les stries à l’arrière trouvent de bons parallèles, en V inversé très pointu, à la fin de la Troisième Période intermédiaire (cf. BRANDL, op. cit., p. 354, fig. 37; II, pl. 52). Cette datation, qui pourrait convenir à cette statuette, ne peut être avancée qu’avec une grande prudence.
Autre élément de datation, on note l’absence de naturalisme et de réalisme dans les traits du visage comme caractéristique des époques tardives. En effet, il s’agit d’un style idéalisé où toutes les marques de l’âge ou de traits particuliers sont lissées. Seules les caractéristiques présentes dès la naissance sont figurées, notamment le philtrum.
Les oreilles du personnage, larges et bien visibles, pourraient être un emprunt à l’art du Moyen Empire ; la perruque peut également constituer une référence archaïsante. Cette tendance archaïsante dans l’art, qui commence dès la fin de l’époque libyenne, est surtout en vogue sous la XXVe dynastie et durant la première moitié de la XXVIe dynastie, ce qui inciterait à proposer pour le groupe statuaire Co. 784 une datation un peu plus tardive (cf. PAYRAUDEAU Frédéric, « Les prémices du mouvement archaïsant à Thèbes et la statue Caire JE 37382 du quatrième prophète Djedkhonsouiouefânkh », BIFAO 107, 2007, p. 141-156.)
La statue Co. 821 conservée au Musée Rodin offre un autre exemple de statue masculine portant la perruque striée mais affectant la deuxième tendance figurative de la Basse-Époque dite « réaliste ». Celle-ci met en avant toutes les caractéristiques du vieillissement ou des particularités individuelles. Le Musée Rodin conserve également d’autres exemples de statues masculines de la XXVIe dynastie, notamment Co. 880 et Co. 5872 qui présentent également une perruque à bourse comme Co. 951.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 145, "Partie supérieure d'une statuette de personnage adossé à un pilier dorsal, une main s'appuie sur une épaule gauche. Tout le bras droit et une partie du bras gauche manquent. Basalte (ou granit noir). Epoque saïte. Haut. 12 cet. Estimée trente francs."
Donation à l’État français en 1916.
L'oeuvre était exposée à l'hôtel Biron en 1913, dans une préfiguration du futur musée.