Harpocrate assis

Égypte > provenance inconnue

Troisième Période intermédiaire à époque hellénistique et romaine

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 12,3 CM : L. 4,1 CM; P. 7,1 CM

Pierre noire

Co. 2343

Commentaire

Etat de conservation

Bon état de conservation général. La pierre est très émoussée et les détails fortement érodés. On remarque de nombreux éclats et traces d’impact, ainsi qu’à certains endroits de fines traces blanches. Le côté gauche affiche un poli très marqué qui résulte peut-être d’une érosion différentielle de cette moitié lors de l’enfouissement, partiel, de la figurine.

Description

Le dieu Harpocrate est assis sur un siège cubique à dossier bas, soutenu par un pilier dorsal légèrement déporté sur sa gauche. Il est donc assis jambes parallèles, bras droits pliés mains sur la poitrine, mains sur la bouche, bras gauche le long du corps, main posée sur le côté du genou. Le dieu est nu, coiffé d'une couronne arasée, arborant du côté droit la mèche de l'enfance caractéristique. La coiffure laisse les oreilles dégagées. Le nombril et le sexe masculin sont détaillés. Comme la plupart des Harpocrates, il a un ventre rond. La coiffure laisse les oreilles dégagées. Les traits du visage ont presque totalement disparu. On ne distingue plus que les yeux.

Harpocrate est un dieu enfant égyptien : son nom n’est que la transcription en grec de « Hor-pa-khered »  qui signifie« Horus-le-jeune-enfant ». C’est par ce nom que l’on désigne, à partir de la fin du Nouvel Empire, Horus en tant que fils né de l’union d’Isis et du défunt Osiris, afin de le distinguer d’une autre forme qui apparait dans d’autres mythes, celle de « Horus l’Ancien ». On reconnaît bien ici Harpocrate, grâce à la présence de la mèche torsadée qui retombe derrière son oreille droite, ainsi qu’à l’index porté à sa bouche. Ces deux éléments servent, dans l’iconographie égyptienne à signifier la petite enfance, et ce jusque dans l’écriture hiéroglyphique. Varron, au Ier siècle av. J.-C. est le premier à mentionner explicitement ce geste. Si les textes égyptiens n’ont pas besoin de le décrire, puisque les lecteurs le décodent sans difficulté, cet auteur romain, en revanche, le comprend comme une invitation au silence (Matthey 2011, p. 545). Or, cette interprétation résulte d’un malentendu : le geste symbolisant le silence dans l’Égypte pharaonique n’est pas l’index, mais la paume entière portée à la bouche, comme dans le mot gr « se taire », ou encore le bras levé comme dans l’iconographie de l’Ancien Empire. Il faut interpréter le geste d'Harpocrate de la succion par le nourrisson du sein maternel. Harpocrate ne suce pas son doigt, il montre le bouton de succion de la lèvre supérieure qui caractérise les nourrissons et qui sert d'idéogramme à l'idée de petite enfance.

Le dieu enfant est élevé par sa mère Isis dans les marais de Chemmis, à l’abri de son oncle Seth responsable du meurtre d’Osiris qu’Horus devra chercher à venger. Dès la XXIe dynastie, Harpocrate endosse un rôle de plus en plus important dans le panthéon égyptien et finit par englober les formes juvéniles non seulement d’Horus, mais également d’autres divinités. Il incarne ainsi le jeune soleil du matin, est assimilé à Népri et à Min en tant que divinité liée à la fertilité, et personnifie l’héritier divin devant succéder à son père, ce qui réactive le lien qui l’unit à l’Horus de Nekhen ou « Horus l’Ancien », prototype de la monarchie égyptienne. Du fait d’un mythe où la magie de sa mère guérit Harpocrate d’une piqûre de scorpion, le dieu-enfant s’assimile également à Shed, dieu sauveur d’origine asiatique, aux vertus apotropaïques notamment face aux animaux dangereux et venimeux. C’est dans ce cadre qu’Harpocrate acquiert progressivement une valeur apotropaïque, complétée par celle du génie Bès, auquel il est fréquemment associé, notamment sur l’objet Co. 5610 du musée Rodin.

 

Les collections égyptiennes à travers le monde regorgent de figurines à l’effigie d’Harpocrate, extrêmement populaire tout au long du Ier millénaire. La collection égyptienne du musée Rodin possède une autre figurine très similaire sous le numéro d’inventaire Co. 2402. On peut aussi citer la figurine inv.no. A251 du musée Calvet. Tout comme elles, l’œuvre Co. 2343 présente un caractère votif évident. Ainsi, Harpocrate pouvait-il protéger le dédicant.

 

La représentation d’Harpocrate, un dieu qui émerge au Nouvel Empire, est courante durant le Ier millénaire av. J.-C. Le musée Rodin possède une autre représentation d’Harpocrate, cette fois en bas-relief et dans l’attitude classique d’« Horus-sur-les-crocodiles » (Co. 5610).

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

Donation Rodin à l’État français en 1916.

 

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Singe

Égypte > provenance inconnue

Nouvel Empire à Basse Époque

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 10,2 CM : L. 3,9 CM; P. 6,7 CM

Calcaire

Co. 838

Commentaire

Etat de conservation

L’œuvre est en mauvais état de conservation. Outre des griffures en divers endroits, cette œuvre est très érodée, la pierre est pulvérulente et s’enlève par feuillets.

Description

L’œuvre Co. 838 représente un singe accroupi, les coudes posés sur les genoux et les mains soutenant le menton. Il repose sur une base non plane et vaguement arrondie. Une identification plus précise demeure difficile en raison de la facture grossière de l’objet, que n’améliore pas son importante érosion. La forme du dos, arrondie, l’absence de creux nucal et peut-être les traits grossiers du visage laissent penser qu’il s’agit d’un singe de type cynocéphale. On devine seulement les yeux marqués par deux incisions, un nez qui ressemble à un rectangle et une large bouche horizontale qui pourrait être la bouche.

Bien qu’aucun système de suspension ne soit visible, l’allure générale de l’objet rappelle les nombreuses amulettes représentant des singes assis, soutenant leur menton dans leurs mains ou les bras levés en attitude d’orant, connus sur la plupart des sites égyptiens depuis la fin de l’Ancien Empire et particulièrement du Nouvel Empire à la fin de l’époque pharaonique. Si certaines peuvent être extrêmement détaillées, comme le singe perché sur la tête d’un Nubien de l’objet Co. 2400 de la collection Rodin, on en connaît aussi de très schématiques, comme l’amulette en faïence siliceuse inv. n° 47/2193 du Museum of Fine Arts de Boston, et même des objets comme celui du Metropolitan Museum od Art inv. n° 22.1.1944, ou encore la minuscule perle du Swansea Egypt center inv. n° EC1026 identifiables uniquement par comparaison avec des exemplaires moins stylisés. Si un grand nombre de ces amulettes est réalisée en faïence siliceuse, il n’est pas rare qu’elles soient sculptées dans une pierre, comme le grès ou le calcaire, à l’exemple du Co. 2400 du Musée Rodin. L’objet Co. 838 qui mesure dix centimètres de haut et ne présente pas de perforation visible paraît plutôt assimilable à une statuette qu’à une amulette, mais il fait probablement partie de la même catégorie générale des petits artefacts rituels à usage domestique et privé.

Les primates, et plus particulièrement les babouins, sont bien présents dans l’iconographie égyptienne. Non-indigènes à l’Égypte, ils étaient importés de localités plus au sud en Afrique pour servir d’animaux de compagnie, et parfois même s’acquitter de tâches en collaboration avec des humains ; certains d’entre eux possédaient des noms et ont été enterrés avec leurs propriétaires. La présence de cet animal dans l’art est récurrente sur différents supports (bas-reliefs, statuettes, amulettes, éléments de décoration de vases et objets de toilette, ou encore sur les bouchons de vases canopes), et ce depuis la période protodynastique (p. ex. Petrie Museum inv. n° UC 15016, 15026, 15027, etc.). Outre des représentations qui mettent en scène la gourmandise des singes ou leurs pitreries dans un but parodique ou décoratif (MAITRE 2018), le babouin est associé à plusieurs divinités. Dans un premier temps, il est lié au dieu Baba, aux connotations funéraires, notamment dans les Textes des Pyramides, avant que celui-ci ne soit plutôt associé aux chiens à partir du Nouvel Empire. Le babouin devient alors une manifestation du dieu Thot, dieu de l’écriture, du calcul et du calendrier, et plus largement maître de tous les savoirs. Uniquement associé à l’ibis durant les hautes époques, Thot est représenté sous l’aspect d’un babouin à partir de la XVIIIe dynastie, et plus particulièrement du règne d’Amenhotep III (Larcher 2016). La mise en avant des singes durant cette période doit probablement être mis en perspective avec le développement considérable du culte solaire. En effet, les babouins réagissent particulièrement au lever du soleil, en gesticulant, voire en émettant des glapissements. Les anciens Égyptiens y auraient vu une manifestation d’hommage du dieu solaire : c’est probablement pour cette raison que des statues de babouins sont parfois disposées à la base des obélisques, symboles de la lumière solaire (Louvre D31, BARBOTIN 2007, p. 194-195). Thot, maître de la norme et de la régularité, assure alors le bon fonctionnement du cycle solaire.

De nombreuses statuettes de babouin sont donc produites en divers matériaux, particulièrement en faïence siliceuse, en pierre ou en bronze lors des époques tardives – qu’elles présentent le babouin les mains posées sur les genoux, comme pour l’objet Co. 817, ou levées dans un geste d’adoration au soleil (Metropolitan Museum of Art de New York inv. n° 66.99.55 ou British Museum inv.no. EA 40, toutes deux datées de la XIXe dynastie).

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

Donation Rodin à l’État français en 1916.

 

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Partie de sistre

Égypte > provenance inconnue

Troisième Période Intermédiaire à Époque hellénistique et romaine, probablement

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 10,9 CM : L. 8 CM; P. 4,6 CM

Faïence siliceuse

Co. 830

Commentaire

Etat de conservation

L'oeuvre est très fragmentaire. Tout ce qui est au-dessus de la perruque de la déesse a disparu, ainsi que la quasi totalité de la colonnette. Sur l'une des faces, une partie des sourcils, le nez et une partie de la bouche ont été rabottés. La surface au niveau du collier est assez usée. La pièce, cassée en deux morceaux, a été recollée. Un des deux cobras est en très bon état, tandis que l'autre est très abimé. La glaçure a presque totalement disparu.

Description

De belle facture, l'objet présente dos-à-dos deux visages de la déesse Hathor encadrés de deux uraeus coiffés d'un disque solaire. Les détails des cobras sont finement gravés. Elle est coiffée d'une perruque tripartite, ornée de cinq bandeaux, laissant ses oreilles de vache dégagées. Elle est parée d'un collier ousekh à huit rangs sur les deux faces, décorés de perles et de fleurs de lotus. Elle a un visage triangulaire avec un menton arrondi. Relativement étirés, les yeux montent vers les tempes ; la pointe lacrimale descend vers le nez. La paupière supérieure forme une ligne en relief, avec une ligne de fard droite qui se poursuit vers les tempes. Les sourcils, presque horizontaux, suivent la ligne de fard de l'oeil. Le nez est relativement long, avec un canal nabionasal court. Elle possède une petite bouche avec des lèvres pulpeuses, avec une commissure des lèvres creusées. Les oreilles de vache sont petites.

Hathor possède de multiples facettes dans la mythologie égyptienne. L’une de ses attributions les plus importantes et les plus anciennes l’associe à la fertilité, en tant que déesse-vache. Hathor est en effet assimilée, dès la fin de l’Ancien Empire, à une divinité plus ancienne, dont elle reprend l’iconographie : un visage humain vu de face et pourvu de cornes et d’oreilles de vache. Son lien très fort avec la monarchie l’amène, de plus, très tôt, à assumer le rôle de nourrice céleste pour le roi-enfant. Ces attributs bovins sont une constante de l’iconographie d’Hathor tout au long de l’époque pharaonique : on reconnaît ici clairement les oreilles de vache, creuses en leur centre pour leur donner une profondeur, de part et d’autre du visage triangulaire de la déesse. Le visage hathorique vu de face est  caractéristique de la décoration des sistres, mais se retrouve aussi dans d’autres contextes, notamment sous la forme de chapiteaux de colonnes, dont les plus célèbres peuvent être admirés avec toute leur polychromie dans le temple gréco-romain de Denderah.

 

Le sistre apparaît dans l’iconographie dès l’Ancien Empire et reste un instrument de musique majeur, utilisé lors de différents rites jusqu’à la fin de la période pharaonique. Ce type d’instrument, une sorte de crécelle émettant des sons métalliques par entrechoquement de petites rondelles en métal, était utilisé essentiellement dans un contexte rituel. C'est un important vecteur d’apaisement pour la déesse qui, lorsqu’elle est en colère, possède une personnalité beaucoup moins avenante. Plusieurs mythes mettent en scène le courroux d’Hathor, notamment celui de la Déesse Lointaine. Au cours d’une de ses colères, la déesse prend l’apparence de Sekhmet et s’enfuit en Nubie. Charmée et apaisée, elle revient de son lointain exil sous les traits de la déesse Bastet. Dans un autre mythe, elle apparaît encore sous les traits de la lionne Sekhmet et est envoyée par Rê pour punir l’humanité de son impiété.

 

Le sistre est également mythiquement lié aux attributions érotiques d’Hathor, associée à la féminité, la sensualité et les pulsions amoureuses. Plusieurs textes anciens mettent en relation le sistre, instrument de musique par excellence d’Hathor, et Atoum le démiurge. En effet, d’après le mythe héliopolitain de la création du monde, Atoum donne naissance par masturbation aux jumeaux Chou et Tefnout. Cette action procréatrice solitaire, élément fondamental dans le processus d’organisation de la création, se voit même personnifiée par la déesse Iousââs, dont le nom, suffisamment non équivoque, signifie « elle vient et elle grandit ». Les arceaux du sistre sont métaphoriquement assimilés aux mains jointes du démiurge enserrant son sexe, tandis que les tringles – par leur mouvement – évoquent l’acte sexuel et font écho aux fonctions érotiques de la déesse. Il est également possible que le son émis par le sistre évoque celui produit par la déesse vache lorsqu’elle arpente les fourrés de papyrus, emplacement mythique de la gestation d’Horus et lieu de prédilection de la déesse.

 

Instrument magique, le sistre permet de chasser les mauvais esprits et d’attirer les génies protecteurs. Si le sistre peut être manié par des agents ritualistes masculins, c’est avant tout un objet utilisé par les femmes, qu’elles soient prêtresses, membres de la famille royale, ou encore d’autres déesses.

 

Il existait en Égypte ancienne deux types de sistres : le sistre sesheshet et le sistre sekhem. Le nom du premier est une onomatopée. Ce premier type, souvent réalisé en bois ou faïence siliceuse, est composé d’un manche, d’une tête d’Hathor et d’une représentation stylisée de la porte bekhen, une porte monumentale flanquée de deux colonnades et parfois de deux volutes latérales. Un bel exemple de sistre sesheshet se trouve au Metropolitan Museum of Art de New York (inv. n° 07.228.77). Le deuxième type de sistre porte le nom de sekhem, un terme qui signifie en égyptien « image divine ». Contrairement au sistre sesheshet, il est principalement réalisé en métal ou en pierre et sa partie supérieure est composée de barres horizontales chargées d’anneaux. Le Metropolitan Museum of Art possède également un exemplaire de ce type de sistre (inv. n° 68.44). Un autre exemple se trouve dans la collection égyptienne du musée Rodin sous le numéro d’inventaire Co. 794. Pour en savoir plus sur les formes de sistres et leurs évolution, voir ELWART, EMERIT 2019, p. 315-334).

 

En raison de son matériau, il est possible que la tête hathorique Co. 825 ait originellement appartenu à un sistre de type sekhem. L’œuvre Co. 830 est très similaire à celle portant le numéro d’inventaire Co. 825.

 

Les collections du Musée Rodin conservent plusieurs autres fragments de sistre hathorique, comme les éléments Co. 794, Co. 830, ou encore Co. 3096 (ce dernier en alliage cuivreux).

 

 

En raison de son matériau, il est possible que la tête hathorique Co. 830 ait originellement appartenu à un sistre de type sekhem. L’œuvre Co. 830 est très similaire à celle portant le numéro d’inventaire Co. 825.

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Meudon / atelier  de peinture / vitrine 10, 396, "Pièce (fragment de sistre) à double représentation d'Hathor. Terre émaillée jadis verte. Haut. 11 cent. Estimée deux cent francs."

Donation Rodin à l’État français en 1916.

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Partie de sistre

Égypte > provenance inconnue

Troisième Période Intermédiaire à Époque hellénistique et romaine, probablement

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 8,6 CM : L. 19 CM; P. 4,5 CM

Calcaire

Co. 825

Commentaire

Etat de conservation

L'oeuvre est très fragmentaire. Tout ce qui est au-dessus des yeux de la déesse a disparu, ainsi que tout ce qui est sous le collier large. Le nez est arasé. Le reste est en bon état. Un bouchage moderne comble désormais la cavité par laquelle le sistre était emmanché. Le haut de la tête a également été retravaillé et consolidé.

Description

De belle facture, l'objet présente dos-à-dos deux visages de la déesse Hathor encadrés de deux uraeus. Elle est coiffée d'une perruque tripartite laissant ses oreilles de vache dégagées, aux retombées décorées de trois bandeaux. Elle est parée d'un collier ousekh à huit rangs sur une face et sept sur l'autre, décorés de perles et de fleurs de lotus. Sur l'une des faces, le premier rang de perles du pectoral est présenté en plus haut relief ; les autres sont simplement incisés. Elle a un visage triangulaire avec un menton fort. Relativement étirés, les yeux montent légèrement vers les tempes ; la pointe lacrimale descend vers le nez. Les yeux sont délimités par une ligne en relief, avec une ligne de fard droite qui se poursuit vers les tempes. Les sourcils, en relief, forment un arc, se pousuivant en parallèle de la ligne de fard de l'oeil. Le nez était légèrement large, avec un canal nabionasal court et bien marqué. Elle possède des lèvres pulpeuses, avec une commissure des lèvres creusées. Les oreilles de vache sont décorées de côtes en éventail, à la manière d'une conque.

Hathor possède de multiples facettes dans la mythologie égyptienne. L’une de ses attributions les plus importantes et les plus anciennes l’associe à la fertilité, en tant que déesse-vache. Hathor est en effet assimilée, dès la fin de l’Ancien Empire, à une divinité plus ancienne, dont elle reprend l’iconographie : un visage humain vu de face et pourvu de cornes et d’oreilles de vache. Son lien très fort avec la monarchie l’amène, de plus, très tôt, à assumer le rôle de nourrice céleste pour le roi-enfant. Ces attributs bovins sont une constante de l’iconographie d’Hathor tout au long de l’époque pharaonique : on reconnaît ici clairement les oreilles de vache, creuses en leur centre pour leur donner une profondeur, de part et d’autre du visage triangulaire de la déesse. Le visage hathorique vu de face est  caractéristique de la décoration des sistres, mais se retrouve aussi dans d’autres contextes, notamment sous la forme de chapiteaux de colonnes, dont les plus célèbres peuvent être admirés avec toute leur polychromie dans le temple gréco-romain de Denderah.

 

Le sistre apparaît dans l’iconographie dès l’Ancien Empire et reste un instrument de musique majeur, utilisé lors de différents rites jusqu’à la fin de la période pharaonique. Ce type d’instrument, une sorte de crécelle émettant des sons métalliques par entrechoquement de petites rondelles en métal, était utilisé essentiellement dans un contexte rituel. C'est un important vecteur d’apaisement pour la déesse qui, lorsqu’elle est en colère, possède une personnalité beaucoup moins avenante. Plusieurs mythes mettent en scène le courroux d’Hathor, notamment celui de la Déesse Lointaine. Au cours d’une de ses colères, la déesse prend l’apparence de Sekhmet et s’enfuit en Nubie. Charmée et apaisée, elle revient de son lointain exil sous les traits de la déesse Bastet. Dans un autre mythe, elle apparaît encore sous les traits de la lionne Sekhmet et est envoyée par Rê pour punir l’humanité de son impiété.

 

Le sistre est également mythiquement lié aux attributions érotiques d’Hathor, associée à la féminité, la sensualité et les pulsions amoureuses. Plusieurs textes anciens mettent en relation le sistre, instrument de musique par excellence d’Hathor, et Atoum le démiurge. En effet, d’après le mythe héliopolitain de la création du monde, Atoum donne naissance par masturbation aux jumeaux Chou et Tefnout. Cette action procréatrice solitaire, élément fondamental dans le processus d’organisation de la création, se voit même personnifiée par la déesse Iousââs, dont le nom, suffisamment non équivoque, signifie « elle vient et elle grandit ». Les arceaux du sistre sont métaphoriquement assimilés aux mains jointes du démiurge enserrant son sexe, tandis que les tringles – par leur mouvement – évoquent l’acte sexuel et font écho aux fonctions érotiques de la déesse. Il est également possible que le son émis par le sistre évoque celui produit par la déesse vache lorsqu’elle arpente les fourrés de papyrus, emplacement mythique de la gestation d’Horus et lieu de prédilection de la déesse.

 

Instrument magique, le sistre permet de chasser les mauvais esprits et d’attirer les génies protecteurs. Si le sistre peut être manié par des agents ritualistes masculins, c’est avant tout un objet utilisé par les femmes, qu’elles soient prêtresses, membres de la famille royale, ou encore d’autres déesses.

 

Il existait en Égypte ancienne deux types de sistres : le sistre sesheshet et le sistre sekhem. Le nom du premier est une onomatopée. Ce premier type, souvent réalisé en bois ou faïence siliceuse, est composé d’un manche, d’une tête d’Hathor et d’une représentation stylisée de la porte bekhen, une porte monumentale flanquée de deux colonnades et parfois de deux volutes latérales. Un bel exemple de sistre sesheshet se trouve au Metropolitan Museum of Art de New York (inv. n° 07.228.77). Le deuxième type de sistre porte le nom de sekhem, un terme qui signifie en égyptien « image divine ». Contrairement au sistre sesheshet, il est principalement réalisé en métal ou en pierre et sa partie supérieure est composée de barres horizontales chargées d’anneaux. Le Metropolitan Museum of Art possède également un exemplaire de ce type de sistre (inv. n° 68.44). Un autre exemple se trouve dans la collection égyptienne du musée Rodin sous le numéro d’inventaire Co. 794. Pour en savoir plus sur les formes de sistres et leurs évolution, voir ELWART, EMERIT 2019, p. 315-334).

 

En raison de son matériau, il est possible que la tête hathorique Co. 825 ait originellement appartenu à un sistre de type sekhem. L’œuvre Co. 825 est très similaire à celle portant le numéro d’inventaire Co. 830.

 

Les collections du Musée Rodin conservent plusieurs autres fragments de sistre hathorique, comme les éléments Co. 794, Co. 830, ou encore Co. 3096 (ce dernier en alliage cuivreux)

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 183, "Double tête d'Hathor en terre émaillée. La patrie supérieure manque. Morceau de sistre. Haut. 8 cent. Larg. 8 cent. 1/2. Estimée quatre vingt francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

 

 

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Sphinx sur base

Égypte > provenance inconnue

Époque hellénistique et romaine, probablement

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 6,8 CM : L. 4,2 CM; P. 12,6 CM

Basalte noir

Co. 832

Commentaire

Etat de conservation

L’œuvre est en bon état de conservation. On remarque cependant de très nombreux éclats, traces d’impact et griffures qui ne gênent cependant pas la lecture des détails. La base est cassée en plusieurs endroits, de même que la patte avant gauche.

Description

L’œuvre Co. 832 représente un sphinx allongé sur une base. Ce fauve à tête humaine figure toujours soit une divinité, soit un souverain. Le fait qu’il soit ici coiffé d’un némès, mais n’arbore ni uraeus ni barbe postiche, semble indiquer plutôt la seconde possibilité.

C’est le corps d’un félin que l’artiste a représenté. Les incisions sur les épaules, les pattes avant, ainsi que les flancs matérialisent les plis du pelage et stylisent la musculature et les côtes. Les pattes sont assez grossièrement sculptées. La queue est enroulée autour de la cuisse droite. Le visage, bien que de petites dimensions, est bien détaillé, notamment le contour des yeux et de le trait de fard qui l’entoure. Des stries diagonales figurent les plis du nemes.

 

Le sphinx est un animal fantastique, pleinement égyptien. Il représente la puissance du souverain et possède également une symbolique solaire. Le plus connu est, sans conteste, le grand sphinx de Gizeh, alors qu’il existe une multitude de spécimens de différentes dimensions, le plus souvent de grandeur nature ou même de proportions plus grandes. Ces statues pouvaient être produites en série, notamment pour scander les allées processionnelles menant aux temples (dromos ; par exemple la découverte récemment annoncée à Kôm Ombo).

Il est très probable que l’objet de la collection Rodin soit daté de la période gréco-romaine, d'après deux critères particuliers : d’une part, le caractère très « aplati » du nemes qui, plutôt que de former une capuche autour de la tête – comme c’est normalement le cas de cette coiffe pharaonique (voir son aspect traditionnel sur la figurine inv.no. 33.586 du Brooklyn Museum, inscrit au nom d’un des rois Chéchonq de la Troisième Période Intermédiaire) –, adopte plutôt une forme de « calotte » plaquée sur le crâne, comme sur la statuette inv.no. UC 60105 du Petrie Museum datée de la Basse Époque. D’autre part, l’épaule et le bras du sphinx de la collection Rodin présentent des incisions curieuses, que partage également un autre objet de la même collection (Co. 3409). Il s’agit en fait d’une stylisation d’un élément présent et plus détaillé sur les sphinx plus anciens, notamment le sphinx de Chéchonq cité ci-dessus ou celui d’Hatchepsout conservé au Metropolitan Museum de New York (inv.no. 31.3.166), ainsi que sur les représentations de griffons (on le retrouve par exemple sur le trône bien connu de Toutankhamon conservé au musée du Caire). Qu’il s’agisse d’ailes, comme le suggère le catalogue du Brooklyn Museum, ou de rubans ou d’ornements, ces éléments se trouvent très fortement stylisés sur les sphinx tardifs, sous la forme d’incisions portées directement sur les bras.

Si les statues de sphinx grandeur nature sont légion, les statuettes d’aussi petites dimensions que celle du musée Rodin ne sont pas rares. On en connaît quelques exemplaires dès le Nouvel Empire, comme un bracelet en lapis-lazuli provenant probablement de la tombe de Toutankhamon, longtemps conservé au Metropolitan Museum et rétrocédé à l’Égypte en 2011, ou une autre statuette en faïence légèrement plus ancienne, datée du règne d’Amenhotep III et sensiblement plus grande (25 cm), également conservée au MET (inv.no. 1972.125). Un petit sphinx conservé au British Museum, célèbre pour comporter l’une des premières inscriptions en proto-sinaïtaique (inv.no. EA 4748), a même été récemment daté à la fin du Moyen Empire. Pour les périodes tardives (Troisième Période Intermédiaire et période ptolémaïque, voire romaine), les statuettes de sphinx sont nettement plus nombreuses. Le plus souvent, elles sont réalisées en pierre sombre, comme celle de la collection Rodin, ou en alliages métalliques (par exemple Brooklyn Museum inv.no. 33.586 déjà cité, ou inv.no. 33.375E; également divers objets en collections privées comme un lot vendu de chez Christies). S’il est possible que les statuettes réalisées en calcaire ou grès (Co. 3409, Petrie Museum UC 60105) aient été utilisées comme modèle de sculpteur, pour aider l’artisan à s’entraîner ou à préparer une sculpture de plus grandes dimensions, une telle fonction est en revanche impossible pour celles produites en pierres dures, trop coûteuses et difficiles à tailler. De même, les petits sphinx en métal n’ont pu servir de modèle de sculpteur, puisque de tels objets sont seulement moulés et non taillés par l’artisan. Dans le cas de la statuette Co. 832, comme plusieurs des objets évoqués ci-dessus, un usage comme décoration du matériel de culte – dans le cas où ces statuettes sont pourvues d’éléments de fixation comme la statuette Brooklyn Museum inv.no. 33.586 – ou comme petit objet votif lié au sphinx de Gizeh, divinisé Harmachis ou au dieu-sphinx Toutou, paraît le plus probable. Plusieurs de ces objets votifs ont notamment été trouvés en contexte cultuel, comme celui du British Museum découvert dans le sanctuaire d’Hathor à Serabit el-Khadim.

 

La collection égyptienne du musée Rodin possède une œuvre similaire, n° Co. 3409.

 

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 215, "Petit sphinx accroupi sur une base. Basalte noir. Long. 12 cent. 1/2. Objet faux."

Donation Rodin à l’État français 1916.

Commentaire historique

Le sphinx fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

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Scène d’offrande du vin par un roi Ptolémée

Égypte > provenance inconnue
Époque ptolémaïque > Ptolémée VIII ou IX
Bas relief en calcaire
H. 60 cm ; L. 80 cm ; P. 9,2 cm
Co. 1300

Commentaire

Etat de conservation

Le bas-relief est fragmentaire. Les chants supérieur et inférieur sont des plans originaux, tandis que les chants dextre et senestre correspondent à des cassures.
La pierre a été restaurée en 2007. Très altérée et pulvérulente, elle présente de nombreux éclats et épaufrures. L’humidité est probablement à l’origine des altérations et de la migration de sels en surface. L’épiderme est ponctué de restes de coloration d’ocre rouge et de bleu.

Description

Sur ce relief fragmentaire, un pharaon effectue une offrande face à une divinité, aujourd’hui disparue.
Le roi est identifiable grâce aux deux cartouches placés au-dessus de lui, mais aussi à ses regalia. Il porte, en effet, un casque orné d’un uraeus sur le front et achevé par un bandeau qui flotte à l’arrière. Au-dessus, une couronne composite se développe, constituée de deux cornes de bélier opposées et surmontées par deux plumes d’autruche. Cette composition élaborée est également flanquée de part et d’autre de deux uraei portant le disque solaire. Au centre, un disque solaire est aussi apposé sur les cornes de bélier. Cette couronne est généralement désignée dans les textes par le terme henou. Il s’agit d’une couronne composite relativement courante durant la XVIIIe dynastie dans l’iconographie royale thébaine. Également portée par plusieurs divinités, cette couronne doit être associée aux manifestations du dieu Amon-Rê et à son apparition en tant que Horakhty le matin (GOEBS 2015). Les cornes de bélier symboliseraient alors l’horizon, d’où émergent des plumes et les disques lumineux. Le pharaon porte aussi plusieurs bijoux, un collier ouserkh autour de son cou et un large bracelet à son poignet.
 
Bien que le torse et le bas du corps ne soient pas visibles, les deux mains du pharaon apparaissent à hauteur de sa tête. L’une d’entre elles tient, posé dans la paume, un petit pot globulaire surmonté par un col court et un bord horizontal. De l’autre main, le pharaon esquisse un geste d’adoration caractérisé par la paume ouverte vers l’avant. Le petit pot globulaire que le roi tient dans sa main droite, nommé nou dans les textes, est caractéristique des libations (offrandes liquides). Du vin ou de l’eau pouvaient alors être présentés à la divinité dans ces petits vases ronds (cf. LACAU, CHEVRIER 1956, p. 32, pls. 19, 22 et 35). Les offrandes de liquides contenues dans des vases-nou sont bien représentées dans l’art égyptien, que ce soit en deux dimensions comme le relief Co. 1300, ou en trois dimensions comme la statuette bien connue de la VIe dynastie, où Pépi Ier agenouillé offre deux vases-nou à une divinité non représentée (New York, Brooklyn Museum of Art, Inv. 39.121). À l’époque gréco-romaine, l’offrande de ces vases et de leur contenu est largement dépeinte dans de nombreux temples, comme à Edfou, Philae, Dendera, Esna, Kom Ombo ou encore Karnak.
 
La figure du roi est caractérisée par des traits fins et une bouche esquissant un léger sourire. Le modelé du visage accentue le creux entre les yeux et le nez, mettant en évidence l’arcade sourcilière et rehaussant légèrement les joues. L’œil est allongé, maquillé avec un trait de fard horizontal qui se développe en direction du casque. 
 
 
L’offrande du vin est avant tout un « service à la divinité », le don d’une boisson offerte en échange d’une bénédiction au roi et/ou au pays. Mais, le vin offre également une puissance créatrice et rajeunissante, un acte en lien avec la restauration et le maintien du cosmos. En effet, bien qu’extrêmement lacunaire, l’inscription conservée sur le document Co. 1300 fait mention de l’œil d’Horus et de la déesse Hathor, deux entités régulièrement évoquées dans les légendes des scènes d’offrandes de vin durant l’époque ptolémaïque (POO 2009, p. 87-132). Selon Mu-Chou Poo, le vin, symbole du sang, servirait à guérir l’œil d’Horus et à lui redonner vie. Pour D. Meeks, la restitution de l’œil d’Horus dérobé par Seth (également maître des vignobles des oasis), grâce à l’offrande du vin, permet au roi d’assumer une royauté restaurée tel le dieu récupérant son « œil égaré » – cette appellation est aussi celle de la déesse Hathor-Sekhmet dans le mythe de la Déesse lointaine – après la révolte des humain. Cet élément explique, dès lors, la présence récurrente d’Hathor dans ce rite, et notamment sa mention dans la légende fragmentaire du relief Co. 1300.
 
Un grand relief en calcaire assez semblable au bloc Co. 1300 est conservé à la Glyptothèque Ny Carlsberg de Copenhague. Trois scènes d’offrandes royales sont disposées verticalement. Ptolémée IV y est représenté adorant trois dieux. Chaque figuration est placée sous le signe du ciel. Dans l’une de ces scènes, le roi présente trois vases-nou contenant du vin (l’inscription stipule qu’il « effectue une offrande de vin ») pour un dieu identifié comme étant « Horus, fils d’Osiris » qui, en retour « lui donne tout pouvoir » (Inv. N° ÆIN 637 in JØRGENSEN 2009, p. 180-182 N° 73).
 
Les pharaons lagides, d’origine macédonienne, eurent à cœur de légitimer leur pouvoir en usant notamment des programmes décoratifs qu’ils firent graver dans les temples égyptiens. Dans ces lieux sacrés, ils se firent représenter selon une iconographie égyptienne classique, en réemployant certains motifs et en créant de nouveaux programmes décoratifs. Le Ptolémée du relief Co. 1300 est ici figuré dans une attitude tout à fait classique, arborant les regalia pharaoniques et effectuant une offrande à une divinité très probablement égyptienne bien que son image ne soit pas conservée sur ce fragment. 
 
La scène, sculptée en creux, provient de la façade extérieure d’un temple. À l’intérieur des espaces délimités par le relief, les différents éléments sont modelés ou striés, conférant à la scène un certain dynamisme.


 

 

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1917.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 17, "Bas relief ptolémaïque fragmentaire. Le roi (tourné vers la gauche), coiffé [dessin] présente un vase [dessin] ; il est accompagné de ses cartouches. Calcaire. Larg. 80 ; Haut. 45. Estimé six cent francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

 

Commentaire historique

Le relief fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

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Orteil fragmentaire provenant d’une statue monumentale

Égypte > provenance inconnue
Datation supposée d’après le style : Nouvel Empire > XVIIIe dynastie probablement, ou époque tardive ?
Pierre dure noire 
H. 3,5 cm ; L. 3,2 cm ; P. 8,6 cm
Co. 2339

Commentaire

Etat de conservation

Fragment d’orteil ayant appartenu à une statue monumentale.
L’orteil a été cassé, en biseau, au niveau du métatarse. Un petit fragment de la base sur laquelle le pied reposait est conservé sur le côté droit. L’œuvre ne présente aucun vestige des autres orteils et du pied. Les surfaces ont gardé leur polissage fin.
 

Description

Gros orteil (hallux) du pied droit d’une statue dépassant, à l’origine, la taille humaine. L’arête sommitale de l’os est modelée par un volume dans la pierre, tandis que l’articulation entre les deux phalanges est indiquée par une fine incision. L’ongle ovale est particulièrement bien défini : on notera la présence du petit bourrelet de peau qui l’entoure, ainsi que la cuticule, indiquée par un trait finement incisé.
 
Si les surfaces ont conservé leur polissage fin, l’aspect rugueux – et donc non traité – de l’objet au revers suggère que le pied reposait à l’origine sur une base, qui aurait été cassée et non sciée. Un petit fragment de cette base est par ailleurs visible sur le côté droit.
 
En l’absence d’inscription, et étant donné l’état extrêmement fragmentaire du document, il n’est pas possible d’avancer une datation avec certitude. Cependant, le traitement du pied, et plus particulièrement des orteils, peut fournir certaines indications. En effet, les pieds dans la statuaire pharaonique n’ont pas toujours fait l’objet d’un même détail ou d’un même réalisme. 
 
Cet orteil, charnu et soigné, est traité de manière naturaliste. Les ongles sont particulièrement bien détaillés. Ce type de traitement est bien attesté pour la XVIIIe dynastie (voir par exemple, trois orteils en diorite provenant des fouilles de Fl. Petrie et H. Carter à Amarna en 1891-1892 et conservés au Metropolitan Museum of Art de new York : Inv. MMA 21.9.494, MMA 21.9.514, ou encore MMA 21.9.563. Le fragment de statue monumentale Co. 2339 pourrait donc provenir d’un monument daté de la XVIIIe dynastie, et plus particulièrement d’une effigie royale masculine (pour comparaison, consulter l’étude du pied posé sur la base d’une statue porte-enseigne au nom de Mérenptah conservée au musée égyptien de Turin, Inv. 1382 dans CONNOR 2017). Néanmoins, ce style naturaliste peut également se rencontrer pour des statues d’époque tardive.

Œuvres associées

Plusieurs fragments de pieds sont conservés dans les musées. Au musée Rodin, on notera notamment les bases statuaires Co. 895 et 896.

Inscription

Anépigraphe

Historique

Sans

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Table d’offrandes de Hénénou

Égypte > provenance inconnue

Moyen Empire >XIIe dynastie

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 13 CM : L. 31 CM : P. 3,6 CM

Calcaire

Co. 939

Commentaire

Etat de conservation

L’œuvre est en assez bon état de conservation. La partie droite de la table est cependant légèrement arasée, probablement à la suite d’une exposition prolongée à l’air libre. De grands éclats mutilent également les bords, dont les deux plus conséquents, visibles au centre des chants inférieur et supérieur, correspondent peut-être à un soclage antérieur. L’épiderme de la face gravée étant desquamé, la pierre s’est soulevée par endroits. On observe aussi de nombreuses épaufrures qui ont fait disparaître une partie des signes, dégradant par là même l'inscription sans en altérer la compréhension.

Description

Cette table d’offrandes rectangulaire est agrémentée d’un léger relief et d’une frise de hiéroglyphes réalisée dans le creux. Le nom du propriétaire, les formules employées ainsi que la graphie constituent autant d’indices pour situer la réalisation de cette table d’offrandes au début de la XIIe dynastie. Des pigments bleus subsistent dans le creux de certains hiéroglyphes.

 

Malgré son apparence assez simple, cette table d’offrandes est pourtant relativement sophistiquée, tant dans le choix du matériau – un calcaire fin, dépourvu d’inclusion – que par sa forme et l’ordonnancement de son décor. Il s’agit d’un objet particulièrement important pour le culte funéraire, dans la mesure où il permet, mais aussi suscite l’offrande et les libations perpétuelles pour le dignitaire auquel il est destiné. Les formules d'offrandes autour de la table livrent le nom et titre du propriétaire, le "directeur des choses scellées" Hénénou. En tant que « directeur des choses scellées », il s'agissait d'un personnage à la tête de l'administration centrale.

 

Les tables d’offrandes apparaissent dès le début de l’Ancien Empire, et l’Égypte en a livré un nombre incalculable tout au long de la période pharaonique. Il s’agit d’un élément incontournable du mobilier funéraire. Elles étaient habituellement placées dans la chapelle de culte du propriétaire de la tombe et donc laissées accessibles après l’enterrement, afin de permettre au personnel religieux d’y effectuer les libations, le dépôt d’offrandes et les rites afférant.

 

L’ensemble de la composition de l’objet est très réfléchi et ne laisse rien au hasard. La forme générale du relief reproduit ainsi l’apparence du signe hiéroglyphique hetep, idéogramme précisément utilisé dans l’écriture égyptienne pour signifier un autel (funéraire ou divin), et plus tard par métonymie l’offrande en elle-même. Le grand rectangle en léger creux, au centre, évoque ce qui est à l’origine une natte en roseau, tandis que le relief en forme de cloche représente un pain, offrande alimentaire par excellence. L’ensemble constitue un jeu de mots entre écriture et image signifiant « être reposé » ou « être satisfait » et suffit donc en lui-même à assurer au défunt la survie après la mort.

 

Sur la table, apparaît la forme de pain setjat, fabriqué uniquement dans l'Ancien Empire, mais qui sert de signe canonique pour désigner le pain durant toute l'histoire pharaonique,  Les moules en usage à l’Ancien et au Moyen Empire sont de forme conique, comme le montrent autant les trouvailles céramiques innombrables que les scènes de boulangerie représentées dans les tombes. Le pain représenté ici est particulièrement évasé. Dès la Deuxième Période intermédiaire et le Nouvel Empire, ce symbole entre dans la composition de nombreux objets à usage funéraire ou évoquant la réjuvénation, comme les « vases de Nouvel An » offerts lorsque la crue du Nil est arrivée.

 

Devant le pain, sont taillés deux bassins à libation rectangulaires, représentés eux aussi vus de-dessus. Ces deux bassins creusés sont reliés à un léger sillon qui permettait au liquide de s'écouler vers le canal central. La face supérieure de l’objet est taillé en plan incliné pour orienter l'écoulement de la libation, alors que les autres sont parfaitement perpendiculaires.

 

La représentation directe du pain et des bassins à eau sur l’espace de la pierre n’a pas seulement pour but de signifier son usage et de permettre la réalisation de l’offrande. Leur inscription dans la pierre assure également, dans le cas où plus aucune personne vivante n’effectuerait les rituels pour le bénéfice de ce défunt, de suscite son alimentation pérenne dans l’au-delà. L’intérêt d’un tel objet réside ainsi dans sa triple fonction : fournir un support de réalisation de l’offrande, propre et dévoué à ce seul but ; assurer par la magie de l’image performative une offrande perpétuelle au défunt, nécessaire pour assurer la survie de son ka ; et pérenniser son immortalité grâce à l’inscription de son nom et de ses titres directement dans la pierre.

Historique

Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Oxan Aslanian le 5 avril 1911.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 271, "Table d’offrandes, de forme rectangulaire, avec bec à rainure. L’inscription qui court tout au long de la bordure donne le nom de [hiéroglyphes] fils de [hiéroglyphes] Un morceau de bord manque. Calcaire. 37 x 22 Longueur du bec : 9 cent. ½. Estimée cent francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

Commentaire historique

Le relief fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

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Fragment de stèle funéraire

Amenemhat, préposé à la proue, adorant Osiris

Égypte > provenance inconnue

Datation > fin de la XVIIIe dynastie, post-amarnien

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 34 CM ; L. 51,2 CM ; P. 7,5 CM

Calcaire polychromé

Co. 3493

Commentaire

Etat de conservation

L’œuvre est en bon état de conservation. Les chants droit et gauche sont originaux, la partie supérieure est en revanche barrée par une large cassure diagonale tandis que le chant inférieur est cassé presque parallèlement à la ligne de sol du relief. La face présente quelques traces d’outil évoquant une petite pointe et le revers est couvert de traces de ciseau. Le chant inférieur a été repris à la râpe. Des traces de polychromie, très partiellement conservées, sont observables à l’œil nu. De la terre de fouille est conservée, principalement sur les chants droit et gauche, et au revers.

Description

Ce fragment de stèle funéraire privée représente un homme debout, jambe gauche en avant, les bras pliés, en attitude d'adoration, face à Osiris assis sur un trône cubique, les bras repliés sur la poitrine. Il s'agit de l’image d’un défunt, en position d'orant devant le dieu Osiris, assis face à lui sur un trône.

Le dieu est assis sur un trône au dosseret recouvert d’un coussin. Les ligatures marquées sur la ligne de sol seraient peut-être l’indication que la scène se déroule dans une chapelle en bois. Devant le dieu, deux offrandes symbolisent le culte qui lui est rendu : un grand guéridon couvert de tranches de gâteaux et un vase contenant des fleurs. Bien que son nom ne soit pas mentionné dans les textes conservés, Osiris est reconnaissable à tous ses attributs. Sa tête est coiffée de la couronne Atef et son menton prolongé de la barbe postiche. Les traits lourdement fardés, il tient dans ses mains repliées vers sa poitrine le sceptre Héqa et le flagellum Nekhekh. Le corps du dieu est gainé dans un linceul, et son cou est orné d’un large pectoral.

 

Les motifs étaient réalisés en léger creux. Quoique ce ne soit presque plus apparent aujourd’hui, la stèle était entièrement peinte et cette polychromie se discerne par endroits, appliquée sur une sous-couche préparatoire blanc-crème. On trouve de très fins restes de pigment bleu dans les hiéroglyphes et de pigment vert sur les feuillages, tandis que de l’ocre- rouge est encore visible sur les carnations du personnage, le bord droit du vase à fleurs et les lignes séparant les colonnes de texte. Enfin, des pigments verts s’observent encore dans l’incision de la ligne figurant le sol.

 

Si le traitement des visages est soigné, la facture générale de la stèle est de qualité moyenne : le pectoral du défunt se fond ainsi dans sa manche gauche, ou la barbe postiche du dieu semble posée sur son cou, attestant d’une forme de maladresse de la part du sculpteur et d’un manque de finition.

 

Cette stèle privée, mettant en scène un particulier en train d’adorer directement une divinité, s’inscrit dans le mouvement général au Nouvel Empire d’essor d’une « piété individuelle » d’un nouveau genre (BAINES & FROOD 2008 ; LUISELLY 2008). Jusque-là cantonnée à l’usage d’objets de petites dimensions comme les amulettes et peut-être à des pratiques dont nous n’avons pas trace, la dévotion de l’élite s’exprime progressivement à partir de la XVIIIe dynastie par un nouvel usage iconographique : la représentation directe des particuliers en train de rendre hommage à des divinités, comme ici, ou à des membres divinisés de la famille royale (comme sur la peinture sur mouna Co. 3431), quand ce privilège (en tout cas dans les images) était jusque-là réservé au seul roi régnant.

L'identité du particulier est connue par les inscriptions. L’homme, debout, jambe en avant, en élevant les bras en signe d’adoration et de prière, paumes tournées vers le dieu, est Amenemhat, préposé à la proue (c’est à dire pilote de vaisseau). Son vêtement, un long pagne bouffant en trois parties assorti d’une tunique transparente couvrant ses bras jusqu’au coude, est typique de la mode à partir de l'époque atoniste. Vêtement de parade, il souligne son appartenance à une certaine élite. Sa tête est coiffée d’une élégante perruque gaufrée mi-longue et son cou orné d’un large collier ousekh.

D’autres personnages sont mentionnés dans les colonnes de textes. On trouve le nom du fils du défunt, l’échanson Tourefimen (la lecture du nom est incertaine), ainsi que celui d’une dame, Ourel, dont le lien avec le défunt reste inconnu en raison des lacunes du texte.

 

Outre les vêtements d’Amenemhat, des éléments stylistiques appuient sans conteste une datation située à l’extrême fin de la XVIIIe dynastie. La pratique du relief dans le creux se répand notamment à cette période, et c’est elle qui est employée sur cette stèle, alors que l’inverse (fond légèrement descendu, motifs traités en léger relief plat avec détails incisés) est plus fréquent avant comme après cette période. L’allongement caractéristique des doigts ou encore la ligne de ventre légèrement sinueuse et le pagne dont la taille est figurée en diagonale et non à l’horizontale comme c’est l’habitude avant et après cette période, sont directement hérités de la période amarnienne, c’est-à-dire du règne d’Akhenaton, auxquels s’ajoute le traitement sinueux des courbes du corps masculin (voir, en particulier, le gonflement de la poitrine du dieu). Ces caractéristiques stylistiques naissent avec les autres « innovations » mises en place sous ce roi et sont radicalement bannies dès le courant du règne d’Horemheb, dernier roi de la XVIIIe dynastie, après le retour à la religion traditionnelle et la damnatio memoriae sans appel appliquée à Akhénaton et à son règne baptisé le « temps de la révolte ». La présence du dieu Osiris assure également que nous nous situons dans une période post-amarnienne.

 

La provenance de cette stèle n’est pas connue. D’après le style, cependant, le site de Saqqâra pourrait être proposé.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 102, "Fragment de stèle en pierre calcaire (?) Un personnage debout tourné vers la gauche est en adoration devant Osiris assis tourné vers la droite ; entre eux une table d’offrandes et [dessin]. Restes de 9 lignes verticales d’hiéroglyphes, et inscriptions sur les bordures d’encadrement. Calcaire 52 x 33. Estimé cent cinquante francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

 

Commentaire historique

Le relief fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

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Relief

Roi agenouillé entre deux divinités, tourné vers la droite

Égypte > provenance inconnue

Nouvel Empire à Ier millénaire

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 36 CM : L. 28,5 CM

Calcaire

Co. 3483

Commentaire

Etat de conservation

L’œuvre est en bon état de conservation, à l’exception d’une griffure profonde qui a emporté toute la partie inférieure du visage du roi. La pierre est saine mais le relief est parcouru de nombreuses griffures et épaufrures. Aucun chant ne semble d’origine. On remarque, en effet, des traces de sciage sur le chant droit, de l’enduit sur le chant supérieur, ou encore que le chant gauche est usé et cassé.

Description

Le relief montre un personnage masculin, agenouillé et tourné vers la droite. Son bras droit est presque tendu, la main posée sur le sol, tandis que son bras gauche est légèrement plié et la main a disparu. Il est vêtu d’un pagne plissé court à ceinture, et il est paré d’un large pectoral. Il porte les attributs royaux. Sa tête est, en effet, coiffée de la couronne Khepresh, reconnaissable à ses motifs circulaires. Apparue au Nouvel Empire et également appelée « couronne bleue », cette coiffe est la seule qui soit exclusivement liée à la personne royale. Sa valeur symbolique exacte demeure difficile à cerner, mais elle semble associée à la force, notamment militaire, et au triomphe. Elle serait également liée à l’avènement du pharaon (voir MATHIEU 2004 p. 166-172 et PIERRAT 2004 p. 176, N° 70) et régulièrement associée aux scènes de couronnement. Dans le domaine des temples de Karnak, celui de la reine Hatchepsout en offre un bel exemple. Un autre regalia est fixé à la ceinture du pagne royal. Il s'agit de l’extrémité d’une queue de taureau qui remonte légèrement dans le bas du dos (pour une image complète de ce regalia, voir WEGNER 2004 p. 117-118 N° 38).

 

Une main – gauche – est posée sur l’épaule gauche du roi. C’est celle d’un personnage aujourd’hui disparu. Il s'agit d'une divinité qui présente le roi à la divinité qui tend le signe de vie. Dans la partie gauche du relief, un coude peut encore être discerné. De l’autre côté, face au visage du roi, la main droite d’un autre personnage, également indéterminé, tend un signe ânkh vers les narines royales. Il est ainsi possible de comprendre que la scène originelle montrait un roi agenouillé, entouré de deux divinités. Le fait qu’un dieu présente aux narines du souverain le symbole de la vie est la matérialisation graphique de la formule « qu’il donne la vie », ou « qu’il donne des millions d’années de règne », formules rituelles traditionnelles invoquant l’aide des dieux à l’intention du roi. Ce fragment de relief est très probablement à replacer dans une scène de couronnement (sur ce type de scène, voir WILKINSON 1985 et SPIESER 2003), où le souverain était entouré de deux divinités dont l’identité varie en fonction de l’étape de la cérémonie représentée (MARUEJOL 2015 ; voir, par exemple, les scènes du couronnement d’Hatschepsout provenant de Karnak.

 

La facture du relief est assez bonne. L’artiste a apporté un soin tout particulier aux détails de la couronne, ainsi qu’aux plis du pagne. Les colorations à dominante ocre que l’on observe sur le relief sont probablement dues à l’enfouissement. Il est cependant possible que des pigments aient été appliqués anciennement. La datation de ce fragment est encore à préciser. La période de référence reste comprise entre le Nouvel Empire et le Ier millénaire inclus.

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 49, Bas relief fragmentaire en calcaire. Personnage agenouillé tourné vers la droite auquel une main présente le signe [dessin] sous le nez. Calcaire. Haut. 37 ; Larg. 28. Estimé six cents francs.

Donation Rodin à l’État français 1916.

 

Commentaire historique

Le relief fut exposé du vivant de Rodin à l'hôtel Biron. L'artiste commanda à Kichizo Inagaki, entre 1913 et 1916, un cadre en bois pour le présenter.

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