Egypte > provenance inconnue
XXVIe dynastie probablement, à postérieur
H. 11,5 CM : L. 9,3 CM P. 8,2 CM
Basalte
Co. 787
Egypte > provenance inconnue
XXVIe dynastie probablement, à postérieur
H. 11,5 CM : L. 9,3 CM P. 8,2 CM
Basalte
Co. 787
L’œuvre est en bon état de conservation. Seule la tête est conservée, brisée au départ des épaules. De petits éclats parsèment la face, où les reliefs du nez et des lèvres ont été écrasés. Des éclats importants sont visibles à l’arrière de la perruque. Ils correspondent à des impacts de chocs violents.
La statuette représente une tête masculine, conservée jusqu’au départ des épaules. L’homme est coiffé d’une perruque dite « en bourse » (ou « bag wig »), tirée derrière les oreilles. Ce type très particulier de perruque apparaît sous Psammétique Ier. Répandue à partir de la seconde moitié de la période saïte, elle est attestée dans la statuaire masculine jusqu’à l’époque ptolémaïque (PERDU 2012 p. 42). Elle encadre un visage aux traits marqué : l’homme ici représenté est âgé. Deux rides, profondes, entourent sa bouche. Les yeux, tirés en amande, sont petits et les orbites assez enfoncés. Les oreilles sont grandes, les lobes massifs et allongés. Pour comparaison avec la Co. 787, trois statues de la collection de la Ny Carlsberg Glytpotek de Copenhague, de style et d’époque divers, illustrent différents stades de l’âge adulte (JØRGENSEN 2009a : notice 74 p. 183-185 (Inv. N° ÆIN 925 -homme jeune-) ; notice 75 p. 184-185 (Inv. N° ÆIN 1505 -homme d’âge mûr-) ; notice 42 p. 125-127 (Inv. N° ÆIN 76 -homme âgé-).
Le visage est parsemé d’éclats et de traces d’impacts. L’arête du nez, les lèvres, le menton, les sourcils sont très abîmés, visiblement écrasés par un choc. Des cassures importantes se remarquent au bas de la perruque. Malgré ces mutilations, le fini remarquable de cette tête (réalisation et polissage en surface) se constate. Confectionnée dans un matériau noble, elle offre une image majestueuse et sévère d’un homme expérimenté.
Le style de la statuette est typique du premier millénaire av. J.-C. Cette époque vit la multiplication de statues et statuettes de particuliers, déposées dans les parties accessibles des temples. Cet usage permettait d’entretenir une relation unique avec la divinité tutélaire du sanctuaire et de partager les offrandes lui était destinées, privilège recherché (voir PERDU, 2012 p. 34-35.). Avec les statues théophores, représentant des rois et des particuliers « tenant » une image divine, la période vit s’accentuer une évolution des traditions religieuses privées, apparues au Nouvel Empire. La taille de ces effigies varie considérablement et il n’est pas rare de voir des pierres rares et nobles employées pour leur réalisation (voir PERDU, 2012, p. 35). Les particuliers peuvent être représentés accroupis, agenouillés, debout ou sous forme de statue-cube (tête émergeant d’un corps ramassé), tenant la divinité (ou son attribut principal), dans un naos ou sous une autre forme. La majorité de ces représentations portent des inscriptions.
Sectionnée au niveau des épaules, il est impossible de déterminer la position initiale de la statuette à laquelle appartient la tête Co. 787. La perruque bourse, si particulière, ne peut malheureusement pas servir d’indice car elle se retrouve sur tout type de statue. La cassure sous le menton pourrait correspondre à la trace de la barbichette qu’arborait bien souvent le dignitaire représenté dans une statue-cube. En attendant l’éventuel raccord de cette tête avec son corps, conservé dans une autre collection, l’identité de cet homme, qui est selon toute vraisemblance un haut personnage de la XXVIème dynastie, demeure inconnue.
La collection égyptienne du musée Rodin possède des effigies similaires, à l’instar de la Co. 894 et de la Co. 3378.
La statuette Co. 787 possède des traits similaires à de nombreuses autres statues et statuettes conservées dans différentes collections, notamment :
Toutes ces statues datent de la Basse Epoque.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 65, "Tête d'homme d'époque saïte. Perruque ronde, yeux bridés, le nez et la bouche sont écrasés. Basalte noir. Haut. 9 cent. Estimé quatre cents francs."
Donation Rodin à l’État français 1916.
Égypte > provenance inconnue
Nouvel Empire à Époque hellénistique et romaine (?)
H. 6,8 CM : L. 10,6 CM ; P. 7,2 CM
Albâtre
Co. 588
L’œuvre est en bon état de conservation. La statuette est brisée au niveau des chevilles. La base sur laquelle reposent les pieds est considérablement cassée sur son pourtour.
Sur ce fragment de statuette, deux pieds reposent sur une base rectangulaire, cassée. En surface, les traces d’un enduit blanc ainsi que celles de pigment ocre sont visibles à divers endroits. La statuette est brisée irrégulièrement au niveau des chevilles. Les pieds, dont la longueur indiquerait une pointure masculine, sont représentés dans l’attitude de la marche. Les orteils du pied droit, les seuls conservés, sont assez grossièrement sculptés. Cette qualité médiocre de la facture contraste avec la noblesse du matériau employé, les statues égyptiennes réalisées en albâtre étant rares. Un creusement important a été foré à l’intérieur de la jambe droite. Le sculpteur a volontairement réservé de la matière entre les deux jambes, probablement pour consolider l’ensemble.
Consolider une statue par un pont de matière entre chaque jambe est une technique bien attestée, et ce dès l’Ancien Empire. Cette caractéristique se retrouve sur un bon nombre de statues, à toutes les époques de l’Antiquité égyptienne. Par exemple, au Metropolitan Museum of Art de New York, la statue inv. n° 62.200 datée de l’Ancien Empire, la statue d’Hatschepsout inv. n° 28.318 pour le Nouvel Empire, la technique se perpétuant aux époques tardives avec la statue inv. n° 25.2.10.
En l’état, il est impossible de déterminer l'attitude du personnage. En position de marche, son pied gauche est avancé, respectant ainsi les canons artistiques égyptiens. De part l’utilisation de l’albâtre, il est fort probable qu’il s’agisse d’un personnage de haut rang, peut-être d’ascendance royale (cf. à la VIe dynastie la statuette de Pépi II sur les genoux de sa mère (Brooklyn Museum of Art, Charles Edwin Wilbour Fund 39.119 dans ROEHRIG 1999), voire d’un dieu (cf. à la XVIIIe dynastie la statue colossale d’Amenhotep III et du dieu Sobek (Louxor, Musée d’art égyptien ancien, inv. n° Louxor J. 155 dans Louxor, Catalogue 1985, notice 107, p. 42-43, fig. 62). La datation pose également problème à cette étape de notre recherche, le style de la statue évoquant une période très large, allant probablement du Nouvel Empire à l’époque hellénistique et romaine. Une recherche sur les collections de statues en albâtre est en cours, dans l’espoir de raccorder la partie inférieure Co. 588 avec un ou plusieurs fragments de la statue d’origine.
Anépigraphe.
Egypte > provenance inconnue
Basse Epoque à Époque hellénistique et romaine
H. 13,5 CM; L. 43 CM ; P. 15 CM
Calcaire polychromé
Co. 1308
L’œuvre est en bon état de conservation. On observe néanmoins que la surface est parsemée d’épaufrures et de griffures. De la terre est mêlée à de l’encrassement et empâte certains creux. Des lichens sont également présents sur la surface. Un éclat important est visible sur la queue.
Cette statue d’un crocodile allongé sur une base correspond à un modèle de sculpteur. L’animal repose sur le ventre, en position statique, les quatre pattes repliées et la queue légèrement tournée vers la droite. Les paires de pattes étant alignée, l’animal n’est pas en reptation mais aux aguets. La queue, très légèrement courbée vers la droite confirme cette attitude, il maintient son appendice caudal, qui lui servira à assommer la proie ; en position de marche, elle serait déportée pour servir de balancier. Sa tête est relevée et repose sur un renfort conservé dans la masse. Ce procédé est usuel et d’autres statues et statuettes de crocodiles allongés présentent également un plein réservé entre le cou de l’animal et sa base. Les pattes arrière sont plus fines que les pattes avant.
L’aspect général de l’objet évoque une œuvre seulement entamée. La tête du crocodile est ébauchée. Le museau est très allongé mais les yeux, les oreilles, la gueule et les naseaux sont à peine figurés. Les doigts des pattes sont grossièrement sculptés. Les quatre côtés et la face inférieure de la base sont sans finition, la face inférieure de la base ayant conservé d’importantes traces d’outil. On remarque des traces d’ocre jaune sur le crocodile et d’ocre rouge sur la base (face supérieure et quatre côtés).
L’image du crocodile représente le plus souvent le dieu Sobek, dont le culte est particulièrement documenté dans la région thébaine et le Fayoum, notamment à l’époque gréco-romaine. Deux villes étaient d’ailleurs nommées Crocodilopolis. Le crocodile du Nil, Crocodilus Niloticus est étroitement associé au fleuve et était omniprésent en Égypte. La queue de l’animal, à la puissance exceptionnelle, servait à écrire le son km du mot Kemet, nom égyptien désignant l’Égypte.
Parmi les animaux habituellement retrouvés comme modèles de sculpteur, le crocodile n’est pas le plus courant. Le musée Rodin possède d’autres modèles de sculpteur à l’effigie de crocodile à savoir les Co. 3179, Co. 836, les proportions de la statue Co. 1308 étant d’une échelle nettement pus grande. Leur facture est néanmoins plus aboutie que celle de Co. 1308, l’exécution de la statuette Co. 836 semblant la plus fine.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Meudon / pavillon de l'Alma / vitrine 19, 498, "Crocodile en calcaire sur une base rectangulaire de même matière. Traces de peinture sur la base. Haut. 13 cent. environ Long. 42 cent. Estimé 100 francs."
Donation Rodin à l'État français 1916.
L'oeuvre fut photographiée etre 1905 et 1913 dans la véranda de la villa des Brillants à Meudon. Elle était posée sur une gaine à décor de rinceaux en plâtre, utilisée par Rodin pour exposer ses sculptures à l'exposition du Pavillon de l'Alma qui se tint en 1900 à Paris. Il réutilisa par la suite ce dispositif scénique à Meudon pour présenter les antiques de sa collection. Le modèle de sculpteur côtoie un pied en marbre d'époque romaine, également installé sur une gaine en plâtre. Il fut ensuite exposé dans la vitrine 19 du pavillon de l'Alma où Charles Boreux, conservateur au musée du Louvre, le décrivit en 1913.
Égypte > Provenance inconnue
Basse-Époque ou début de l’époque ptolémaïque > XXVIe – XXXIe dynastie > 656 – 30 avant J.-C.
Granite rose
H. : 43 cm ; L. : 42 cm ; pr. : 36 cm (m. : 84,2 kg)
Co. 5872
L’œuvre est en bon état de conservation malgré ses grandes lacunes.
Seule la tête de cette statue de taille supérieure à la grandeur nature est conservée. La face du personnage est très abimée : les yeux, les lèvres et les oreilles comportent de petits manques de surface, et le nez est brisé. Sur le côté droit, des concrétions de terre importantes sont visibles au niveau de l’oreille et du cou. Sous la statue, un percement moderne témoigne d’un ancien dispositif de soclage, à associer probablement au plâtre retrouvé au même niveau lors de la restauration.
L’état lacunaire de la statue ne permet pas de connaître l’attitude d’origine du personnage représenté. Celui-ci porte une perruque dite « en bourse » lisse, retombant en une masse unique à l’arrière et qui laisse les oreilles dégagées. Bien qu’abîmé en surface, le visage rond présente des joues pleines, des yeux dont la paupière inférieure est sculptée quasiment à l’horizontale. Ils sont surmontés de sourcils très abîmés, horizontaux en départ puis s’inclinant pour former une courbe. Le personnage esquisse un très léger sourire.
Son identité est impossible à préciser : il s’agit manifestement d’un homme, et rien n’indique dans l’iconographie que nous soyons en présence d’un roi, on notera en particulier l’absence d’uræus. La taille de cette statue est largement supérieure à la grandeur nature. Ses dimensions démontrent tout au que s’il s’agit d’un particulier, son statut social était très élevé. Enfin, en l’absence d’inscription, la datation proposée s’appuie sur des critères stylistiques et iconographiques.
La perruque dite « en bourse » n’apparaît que sous le règne de Psammétique Ier (PERDU Olivier (dir.), Le crépuscule des Pharaons. Chefs d’œuvres des dernières dynasties égyptiennes, catalogue d’exposition, Musée Jacquemart-André, Paris, 23 mars-23 juillet 2012, 2012, p. 40-41), détail vestimentaire qui permet de suggérer une datation remontant au plus tôt à la XXVIe dynastie. Cette datation semble parfaitement en accord avec le style du visage, qui trouve des parallèles pour l’époque (JOSEPHSON Jack A., « Royal Sculpture of the Later XXVIth Dynasty », MDAIK 48, 1992, p. 16 et 18 ; JOSEPHSON Jack A., « Egyptian Sculpture of the Late Period Revisited », JARCE 34, 1997, p. 9, fig. 9 et p. 13, fig. 12 ; PERDU Olivier, op. cit., p. 182-183, n° 90 et p. 190-191, n° 94). Néanmoins, les traits de ce visage, qui sont de style résolument tardif, rappellent aussi certaines statues de la XXXe dynastie ou du début de l’époque ptolémaïque, en particulier de Ptolémée II (PERDU Olivier, op. cit., p. 196-199, n° 97-98 ; STANWICK Paul E., Portraits of the Ptolemies. Greek Kings as Egyptien Pharaohs, Austin, 2002, p. 161, fig. 14-17 [A20-A22]). Ce fait n’est guère étonnant puisque l’art de la fin de la Basse Époque s’inspire directement des productions de l’époque saïte. Il faut donc dater cette tête au plus tôt de la XXVIe dynastie, et au plus tard de la première moitié de l’époque ptolémaïque.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Meudon / Objets non en vitrine / atelier Tweed, 560, "Tête plus grande que nature d'une personnage coiffé de la perruque ronde de l'époque saïte. Granit de Syène très dégradé. Le nez, la joue gauche et la bouche ont particulièrement souffert. Haut. 45 cent. Estimé dix huit cents francs."
Donation à l’État français en 1916.
L'oeuvre était exposée en 1913, hors vitrine dans l'atelier Tweed à Meudon.
Égypte > Provenance inconnue
Époque Ptolémaïque probablement > XXXIe dynastie > 332 – 30 avant J.-C.
Calcaire
H. : 50,1 cm ; L. : 17,9 cm ; P. : 18 cm.
Co. 1120
L'oeuvre est fragmentaire. La partie inférieure de la statue, à partir de la moitié des cuisses, est manquante, de même que la presque totalité des bras disposés le long du corps. L’éventuelle base et la partie inférieure du pilier dorsal, ainsi qu’un fragment situé à mi-hauteur de la partie conservée de ce dernier, ont aussi disparu. Des manques sont également observables au niveau de la partie haute de la perruque et du sein gauche. Enfin, la tête du personnage est perdue, remplacée par une mortaise de section circulaire (ø : 1,3 cm ; p. : 1,8 cm) dont la datation et la nature sont difficiles à déterminer avec précision (cf. infra).
La pierre est fragilisée, la présence de sels par le passé ayant occasionné des délitements du matériau qui donnent à ce dernier à un aspect craquelé par endroits. La couleur calcaire varie du blanc au jaunâtre et des éclats de surface sont visibles sur toute la statue.
La statue représente une divinité féminine debout, la jambe gauche très légèrement portée vers l’avant et les bras le long du corps. Elle est appuyée à un pilier dorsal de section rectangulaire et régulière, très saillant et qui ne comporte pas d’inscription. Une ligne fine, parallèle aux arêtes verticales du pilier dorsal, est incisée sur chaque côté de celui-ci. Le personnage porte une perruque tripartite lisse dont les retombées latérales arrivent jusqu’en haut de la poitrine. Celle-ci est laissée libre, la robe moulante de la déesse s’arrêtant juste sous les seins. Si le corps est celui d’une femme, il est possible de restituer, d’après les parties du cou conservées, que la tête était celle d’un serpent femelle ou peut-être d’un vautour (cf. infra).
En l’absence d’inscription, la datation de la statue est difficile à établir. Néanmoins, certains indices stylistiques permettent de proposer, avec toute la prudence qui s’impose et à titre d’hypothèse, l’époque ptolémaïque. Au cours du IIIe siècle avant J.-C. en effet, les artistes égyptiens insistent sur la sensualité de la silhouette féminine, à laquelle ils confèrent des épaules étroites, une poitrine opulente, une taille étroite, des hanches larges, des cuisses charnues et un modelé du ventre souple doté d’un nombril creusé : on retrouve toutes ces caractéristiques dans la statue du musée Rodin (voir, pour comparaison, le modèle de sculpteur représentant une déesse ou une reine déifiée musée Rodin Co. 826).
De même, faute de légende hiéroglyphique suffisamment explicite, l’identification de la déesse représentée reste sujette à caution. Si l’ophiocéphale Renenoutet, déesse des moissons, est une bonne candidate, il faut toutefois noter que dans l’art égyptien, les déesses à tête de serpent ne manquent pas : pour n’en citer que deux, Ourethekaou, la « grande de magie » (Le Caire, CG 42002, cf. DARESSY Georges, Catalogue général des Antiquités égyptiennes du musée du Caire. Statues de divinités, n° 38001-39384, Le Caire, 1906, p. 2, pl. 1 ; GILLI Barbara, « The Past in the Present: the Reuse of Ancient Material in the 12th Dynasty », Aegyptus 89, 2009, p. 98-99, n. 47-49, fig. 4) ou Ouadjet, l’une des deux protectrices de la royauté pharaonique, pourraient tout aussi bien convenir. La poitrine volumineuse et laissée libre de la déesse pourrait toutefois être interprétée comme un détail en faveur d’une identification à Renenoutet, rappelant son rôle de déesse liée à la fertilité, protectrice des greniers, patronne des récoltes et des moissons, souvent représentée allaitant le jeune Népri, personnification du grain. Sur une statue conservée aujourd’hui au Caire (Le Caire, CG 39142, cf. DARESSY Georges, Catalogue général des Antiquités égyptiennes du musée du Caire. Statues de divinités, n° 38001-39384, Le Caire, 1906, p. 282-283, pl. 54), c’est d’ailleurs la même robe laissant la poitrine libre que porte la déesse, identifiée par l’inscription.
Il faut mentionner toutefois que ce cou sinueux, attribué habituellement à un serpent, pourrait aussi correspondre au cou d’un vautour dont il se rapproche alors que le corps du cobra, animal tutélaire de Renenoutet, se termine par un capuchon caractéristique et large tel que l’on peut l’observer sur la statue du Caire citée dans le paragraphe précédent. Si la tête animale manquante était celle d’un vautour plutôt que d’un cobra, il serait tentant de considérer la statue comme étant une image de la déesse Nekhbet, autre protectrice de la royauté pharaonique, mais dont l’image zoocéphale en pierre et en ronde-bosse est rare. Cette statue pourrait même, en l’état actuel de la documentation connue, en constituer l’unique témoignage. La solution la plus probable consiste donc sans doute à y voir un serpent, mais qui prendrait une forme différente de celle du cobra dressé, à la manière de l’image ophiocéphale de Nehebkaou, dont de nombreux bronzes sont connus au premier millénaire avant J.-C (sur les déesses mentionnées, voir CORTEGGIANI Jean-Pierre, L’Égypte ancienne et ses dieux : dictionnaire illustré, Paris, 2007).
Une photographie prise dans les années 1960 révèle que la mortaise située au niveau de la tête n’a pas toujours été vide : on y voit ce qui paraît être une cheville, probablement en bois, qui devait permettre de rapporter une tête fabriquée dans un matériau indéterminé – vraisemblablement de la pierre ou du métal. La date à laquelle cet assemblage fut mise en place n’est cependant pas connue : il peut s’agir tout aussi bien d’une restauration moderne, de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe siècle, que d’une réparation ayant eu lieu durant l’Antiquité, voire même d’une technique de fabrication pour une statue composite.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 281, "Statue fragmentaire (les jambes et les pieds manquent) d'une femme nue à tête de serpent (déesse Ranouit ?). Les deux extrémités de la perruque retombent sur les seins. Le corps est d'un très joli modelé. La déesse est adossée à un pilier anépigraphe, les bras qui étaient allongés le long du corps ont disparu presque complètement ; de la tête, il ne reste que le cou. Le haut de la perruque est abimé. Calcaire. Haut. 52 cent. Estimée huit cents francs."
Donation Rodin à l'État français 1916.
L'oeuvre fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.
Égypte > Provenance inconnue
Basse Époque > XXVIe - XXXe dynastie > 656 – 322 avant J.-C.
Granite
H. : 38,1 cm ; L. : 26,2 cm ; P. : 24,1 cm
Co. 1115
. Elle est fragmentaire. La tête a totalement disparu, de même que la partie inférieure de la statue, à savoir le naosque portait le personnage, les jambes de ce dernier, la partie correspondante du pilier dorsal et la base. Les avant-bras du personnage sont très abîmés, les mains en lacunes. Malgré quelques éclats par endroits, la surface de la pierre, plus ou moins polie, est en revanche bien conservée. La forme de la cassure au niveau du cou suggère que la statue a été brisée intentionnellement, peut-être avec pour objectif d’en prélever seulement la tête.
La statue figurait un homme debout, la jambe gauche légèrement en avant, présentant devant lui un naos contenant l’image d’une divinité, le tout ayant totalement disparu de nos jours : seule la position des avant-bras et les nombreux parallèles disponibles dans la statuaire pharaonique tardive (DE MEULANERE Herman, in W. CLAES, H. DE MEULENAERE, S. HENDRICKX (éd.), Elkab and Beyond, 2009, p. 223-231 ; KLOTZ David, « Replicas of Shu. On the Theological Significance of Naophorous and Theophorous Statues », BIFAO 114, 2014, p. 291-338) permettent de restituer cette attitude, la trace d’arrachement étant par ailleurs compatible avec la présence originelle d’un naos. Le départ des jambes semble indiquer clairement que l’homme était représenté debout. L’homme porte une jupe longue à taille haute, attachée juste au-dessous de la poitrine à l’aide d’un nœud se présentant sous la forme d’un cylindre – ici cependant très anguleux – d’où pend, sur le côté droit, une languette qui se sépare en quatre éléments distincts, sculptés, marquant sans doute une série de plis. La cassure de la tête ne permet pas de préciser si le personnage portait un vêtement couvrant son torse, telle une chemisette dont on aurait pu voir le col, et qui aurait pu être un précieux élément de datation.
En l’absence d’inscription, la datation de l’œuvre repose en effet exclusivement sur des critères stylistiques et typologiques. Si le type de la statue naophore apparaît dès l’époque ramesside dans l’art égyptien, il est également très prisé à la Basse Époque. C’est donc surtout le vêtement qui nous permet de proposer une datation : la jupe longue à taille haute, tenue couvrante à l’aspect cylindrique, n’apparaît qu’à la fin de la XXVIe dynastie ; elle sera par la suite très en vogue et ce particulièrement au début de l’époque ptolémaïque en ce qui concerne les statues debout, et perdure jusqu’à l’époque romaine (PERDU Olivier, Les statues privées de la fin de l’Égypte pharaonique (1069 av. J.-C. - 395 apr. J.-C.). Tome I – Hommes, Paris, 2012, p. 50-51). La forme du nœud qui permet d’attacher la jupe longue peut également servir d’indice pour préciser la datation de l’œuvre : sa position centrale et sa forme encore assez développée – les exemples d’époque ptolémaïque et romain se limitant à un cylindre sans retombée latérale – suggèrent une datation antérieure aux Lagides, alors que l’importance de ce nœud a été soulignée pour des œuvres comparables datées de l’époque perse (LAURENT Véronique, « Une statue provenant de Tell el-Maskoutah », RdE 35, 1984, p. 143 ; KLOTZ David, « Replicas of Shu. On the Theological Significance of Naophorous and Theophorous Statues », BIFAO 114, 2014, p. 298-299). C’est probablement de cette dernière période qu’il faut rapprocher la statue du musée Rodin, même si une datation plus tardive au sein de la Basse Époque n’est pas à exclure.
Le nom et la fonction du personnage représenté sont inconnus faute d’inscriptions, mais les parallèles autorisent à y voir la possible représentation d’un prêtre.
Anépigraphe.
Le poli de l’œuvre, très soigné sur toute la surface, l’est beaucoup moins au niveau du pilier dorsal. Ce dernier était sans doute destiné à comporter des inscriptions qui n’ont pas été gravées, ce qui implique que la sculpture n’a sans doute jamais été achevée.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 286, "Torse d'une statue en granit gris. Le personnage est vêtu d'un manteau montant sous les aisselles et attaché sur la poitrine par […] Pilier dorsal anépigraphe. Haut. 39 cent. Estimé cinq cent francs."
Donation à l’État français en 1916.
La statue fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.
ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE TARDIVE
GRANIT GRIS
H. : 31,4 cm ; L. : 15,9 cm ; P. : 17,2 cm
Co. 962
L’œuvre est fragmentaire : la statue est brisée au niveau des hanches et au-dessus des chevilles. Seule la partie médiane d'une statue, d'une hauteur initiale d'au moins 70 cm, est conservée au musée. Sur le côté, on remarque de nombreuses griffures sur la figure féminine gravée en creux derrière la jambe gauche. Des traces rougeâtres sur les cuisses et la main pourraient suggérer une corrosion métallique intervenue à une période indéterminée. Le poignet droit est très endommagé.
Cette statuette représente un personnage debout dans la position de la marche apparente, c’est-à-dire le pied gauche en avant. Le bras droit est placé le long du corps, sa main serrant un rouleau de tissu. Aucun élément du bras gauche n’est visible sur l’œuvre, ce qui suggère qu’il devait être légèrement avancé ou replié sur le torse. Le personnage est habillé d’un vêtement long et moulant laissant apparaître le profil des jambes, dépourvues de tout modelé anatomique. Un pilier dorsal brisé assurait le maintien de l’œuvre et sa stabilité. On peut y lire deux colonnes de texte hiéroglyphique. Une petite figure féminine est incisée sur le côté gauche de la statue.
La position de la marche apparente assez prononcée ou encore la présence du rouleau de tissu dans la main droite sont, en règle générale, des éléments d'identification d'une image masculine. Néanmoins, la longueur et la forme moulante du vêtement indiquent la figuration d'une femme, bien que les hommes soient parfois représentés – surtout à partir du Nouvel Empire – avec de longues robes plissées. De plus, l'attitude de la marche apparente n'est pas totalement réservée aux hommes. En effet, l'étude de Maxim Panov, portant sur les inscriptions biographiques et les dédicaces religieuses féminines de Basse Époque, cite une œuvre similaire au nom de la prêtresse Tagerem, elle-même fille de prêtre (Metropolitan Museum of Art Inv. N° 2010.18, époque ptolémaïque). Contrairement à beaucoup de statues de femmes des époques antérieures, qui présentent un écart moins prononcé entre les deux pieds, la statue du Metropolitan adopte bien l’attitude de la marche apparente qui caractérise en général les statues masculines (cf. PANOV 2018, p. 58-60).
Derrière la jambe gauche de la statue, la seule conservée, une inscription hiéroglyphique et une figure féminine sont incisées sur le flanc du pilier dorsal. Debout, les pieds joints, la femme est représentée le bras droit le long du corps, alors qu'elle tient dans sa main gauche un sceptre surmonté de l’enseigne de Rê-Atoum. Il s'agit d'une tête de faucon parée d’un large collier ousekh à trois rangées de perles, et couronnant un contrepoids (pour une enseigne en bronze de Sekhmet ou de Bastet dans la collection Rodin, voir l'égide Inv. N° Co. 2443). Son bras gauche est replié sur la poitrine, poing fermé. La femme est coiffée d'une perruque traditionnelle tripartite, et vêtue d'une longue robe fluide qui s’étend jusqu’aux chevilles. Si l'on observe le profil de son sein droit, cette robe, qui est recouverte d'un long manteau à manches très larges et plissées, s'arrêtait juste sous la poitrine. La finesse du tissu laisse apercevoir en transparence la silhouette d'un corps svelte. Un bracelet large orne son poignet gauche, un collier ousekh sa poitrine. La figure se superpose à deux lignes verticales de démarcation, placées devant elle. En l'état actuel de conservation, leur identification est incertaine. La figure est, en effet, abîmée par l'érosion, surtout en sa partie inférieure où des griffures en surface masquent les détails. On pourrait cependant les interpréter comme un élément du vêtement.
Les inscriptions du pilier dorsal sont adressées au ka d'une chanteuse de Rê-Atoum, qui joue de la musique pour une divinité dont l'identité est perdue. Le texte placé au-dessus de la figure gravée sur le flanc gauche est partiellement lisible et mentionnerait une chanteuse nommée Nédytretj, elle-même brandissant une enseigne de Rê-Atoum. Cette statue serait donc très probablement celle d'une prêtresse des époques tardives et l'image incisée peut-être celle de sa fille.
Des inscriptions sont présentes sur le pilier dorsal et au-dessus de la figure féminine incisée sur le côté gauche.
Le fragment fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.
ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
ÉPOQUE SAÏTE > XXVIe dynastie > 656 - 525 AVANT J.-C.
BASALTE
H. : 23,3 cm ; L. : 23,3 cm ; P. : 20,1 cm
Co. 880
Il ne reste de la statue que la tête, elle-même fragmentaire. Deux grosses pertes de matière creusent une balafre de la tempe gauche au menton, emportant avec elle une partie de l’œil et du nez, et du côté droit, où la joue est manquante sous la pommette. Le pan arrière droit de la coiffe est largement détérioré. De nombreuses éraflures parsèment l’œuvre. Enfin, le haut et les flancs du pilier dorsal ont subi des dégradations effaçant quelque peu le début du texte hiéroglyphique, dont seule la partie haute est conservée.
On note des restes de terre d’enfouissement dans les surfaces concaves de l’œuvre, particulièrement les plis des oreilles, les cassures et les hiéroglyphes. Le rapport d’intervention effectuée en septembre 2008 fait mention de projections accidentelles de peinture blanche qui maculent ponctuellement la surface.
Ce fragment statuaire représente une tête d’homme brisée au niveau du menton. Il s’agit d’une statue de particulier, que les inscriptions du pilier dorsal nomment Peftjaouâasetânkh.
La tête est coiffée d’une perruque « en bourse » (cf. PERDU Olivier, Les statues privées de la fin de l’Égypte pharaonique (1069 av. J.-C. - 395 apr. J.-C.) I, Hommes, Musée du Louvre, Paris, 2012, p. 42), c’est-à-dire gonflant de part et d’autre du visage tout en laissant les oreilles à découvert. Elle descend bas sur le front, sous la forme d’un léger ressaut qui se prolonge au devant des oreilles, créant de courtes pattes temporales. La perruque « en bourse » existe dès le Moyen Empire et se popularise à partir de la seconde moitié de la période saïte. La perruque descend bas sur le front ne laissant qu’un espace d’environ un centimètre entre le ressaut et les sourcils. Ces derniers, en léger relief, se manifestent également par l’incision de leur contour. Dans leur forme, ils sont d’abord horizontaux puis s’étirent vers les tempes concaves en formant une courbe. Ils encadrent une glabelle bombée rendant subtilement les rides du lion et ajoutant au réalisme du visage. La glabelle annonce un nez à la racine fine et à la base large, encore visible malgré les lacunes de matière. Les contours des yeux, rehaussés d’une fine ligne de fard s’étirant vers les tempes, sont incurvés bien que la paupière supérieure ne le soit plus que l’inférieure. Les coins intérieur et extérieur sont profonds. Les cernes creusées avec délicatesse introduisent des pommettes à l’arête saillante. Celles-ci s’allongent jusqu’à la base des pattes temporales.
D’autres spécificités de cette statue permettent d’arguer en faveur d’une attribution à la période saïte : d’une part, les statues de particuliers de grande taille, en granite noire (souvent réservé à la monarchie aux périodes précédentes) et présentant ce même poli très luisant sont typiques des périodes tardives, et plus particulièrement caractéristiques de la XXVIe dynastie. On peut la comparer, parmi de nombreux exemples, à la statue du Musée du Louvre E14705 ou encore à celle du British Museum EA41517, qui présentent la même perruque « en bourse », mais aussi un traitement similaire des détails du visage.
Parmi les détails les plus significatifs en termes de typologie, il faut noter le traitement des sourcils. Mal préservés ici, on distingue cependant encore leur léger relief : ils ne sont que très légèrement arqués, par opposition à d’autres périodes : on peut les comparer par exemple aux sourcils du Moyen Empire.
Une attention particulière a été portée au reste des détails du visage : les contours des yeux, l’incision soignée de la caroncule, mais aussi et surtout les oreilles, au modelé très travaillé et dont l’ensemble des petits éléments, hélix, anthélix, conque et tragus (PERDU Olivier, ibid., p. 59), ont été minutieusement sculptés. Cette tendance dite « réaliste » (SHUBERT Steven Blake, « Realistic currents in portrait sculpture of the Saite and Persian periods in Egypt », Journal of the Society for the Study of Egyptian Antiquities 19, 1989, p. 27-47 ; ce terme ne signifiant pas tant que l’artiste vise au portrait d’un individu particulier, mais plutôt qu’il multiplie les détails mimétiques pour brouiller la frontière entre êtres vivants et simples statues) apparaît dès la XXVe dynastie. Elle annonce la transition entre la mode archaïsante de la première moitié de la Basse-Époque, qui culmine avec la XXVIe dynastie avec les rois koushites, et l’ « hyper-réalisme » des époques ptolémaïque et romaine (comparer par exemple avec la célèbre statue dite d’Arsinoé II conservée à la Bibliotheca Alexandrina).
Deux œuvres similaires sont conservées au musée Rodin, Co. 787 et Co. 821. Il s’agit de statues en basalte datant de la même époque.
Deux colones de hiéroglyphes sont visibles sur le pilier dorsal.
Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian le 11 septembre 1912.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 88, "Tête très mutilée (il ne reste du visage que l’œil droit, une moitié de l’œil gauche et la naissance du nez) d’un personnage coiffé d’une perruque longue. Restes d’un pilier dorsal avec le commencement de deux lignes verticales. Époque saïte, hauteur 22. Basalte."
Donation à l’État français en 1916.
Ce bas-relief fut acheté auprès de l’antiquaire Joseph Altounian qui l’expédia dans un lot d’objets le 31 août 1912 et le décrivit ainsi : « 1 tête granit noir saïte frag 200» (ALT 147, archives musée Rodin).
L’antiquaire Joseph Altounian, écrivait à Rodin du Caire le 10 Août 1912 : « Cher Maître, J’ai l’honneur de vous faire savoir que je viens de rentrer aujourd’hui même au Caire après avoir accompli le voyage dans la Haute-Égypte dont voici les principales étapes. Éléphantine, Abydos, Phylae, Héracleopolis, Sakhara, Memphis, etc., ou j’ai séjourné pour recueillir pour votre collection des fragments de bas-reliefs, granit, calcaire, basalte, bref tout ce que j’ai jugé pouvant vous intéresser. Ce lot renferme 24 pièces des bas-reliefs et des reliefs en creux des grands et des petits, le tout appartenant aux différentes dynasties ayant régné dans les régions que j’ai traversées, plus 19 pièces de fragments en ronde bosse le tout présente la sculpture des meilleures dynasties. » J. Altounian était parti du Caire en juillet 1912, et l’on peut suivre son périple sur son agenda (archives Altunian) : Minieh, Mallawi, Assiout, Abou Tig, Assiout, Sohag, Achmim, Abou Tig, Baliana, Abydos, Baliana, Keneh, Kous, Louxor, Sohag, Achmim, Sohag, Mallawi, Le Caire, où il arriva le 7 août.
Le 28 Août 1912, Altounian écrit au sculpteur : « Cher Maître J’ai l’honneur de vous annoncer que je suis arrivée à Paris depuis quelques jours. Je me suis présenté 77 rue de Varenne mais on m’a dit que vous étiez absent ; jour cela. Je vous adresse la présente à votre adresse à Paris espérant qu’on vous la faira suivre. Donc je vous prie cher Maître de me dire le jour que vous rentrez à Paris afin que je vienne vous soumettre le bordereau avec la nomenclature des objets que je vous ai expédié du Caire.». Le 6 septembre, Altounian recevait de Rodin « la somme de frs 850 (huit cent cinquante francs) comme prêt pour m’aider à dégager les 6 caisses antiques de la Douane ; Monsieur Rodin n’est pas engagé à acheter ce lot d’antiquités s’ils ne lui plaisent pas. Il achètera que ce qu’il lui plaira.». Rodin choisit un grand nombre d’œuvres de ce lot dont la tête Co. 880 et versa à l’antiquaire 5000 francs le 11 septembre 1912.
La tête fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.
ÉGYPTE > ABYDOS
MOYEN EMPIRE > XIIIe dynastie
Serpentinite ou Stéatite cuite
H. : 13 cm ; L. : 9,7 cm ; P. : 5,5 cm
Co. 822
L’œuvre présente un état de conservation correct.Elle est complète malgré quelques impacts et cassures, notamment aux angles antérieurs de la base. On remarque également des traces d’outils sous la forme de griffures en de nombreux endroits de la surface, particulièrement entre les deux personnages, correspondant à un polissage inachevé ou à un résultat de cuisson. L’objet n’est pas tout à fait nettoyé et un peu de sédiment ou de poussière comble les petits espaces creux, en particulier entre les pieds.
Ce groupe statuaire représente deux femmes qui se tiennent debout, les jambes jointes, les pieds alignés, les bras pendant le long du corps et les mains plaquées contre les cuisses. Placées côte à côte dans un même alignement, de part et d'autre d'un large espace au polissage inachevé, elles ont été sculptées en haut relief dans un bloc de pierre monolithe. Ce bloc leur sert de pilier dorsal et de base. Leurs silhouettes se confondent avec le large pilier sur lequel elles sont adossées. L'arrière du bloc, aplani mais imparfaitement poli, prend la forme d'une stèle. La base sur laquelle elles se tiennent est approximativement rectangulaire. L’ensemble ne fait qu’un de la même manière que la statuette du Walter Art Museum 22.366.
Bien que la femme de droite soit plus petite que celle de gauche, elles portent les mêmes attributs. Toutes deux sont coiffées d’une perruque tripartite épaisse, qui englobe le visage et les oreilles. Les pans de la perruque retombent lourdement sur la poitrine. Une large raie sépare la coiffure en son milieu. Les deux femmes sont vêtues d’une longue robe-fourreau à bretelles, descendant jusqu’aux chevilles et cintrée sous la poitrine. Ces deux accessoires sont typiques du vêtement féminin du Moyen Empire et se retrouvent fréquemment sur les statuettes féminines de cette époque, voir notamment l’œuvre du Metropolitan Museum of Art 15.4.1 et celles du Walter Art Museum 22.16.
Les deux femmes arborent un visage très rond au front bombé, au nez légèrement épaté et aux yeux étirés, en boutonnière (caractéristique de la seconde moitié du Moyen Empire), cernés d’un trait de fard pour la dame la plus âgée. Les formes du corps et la poitrine sont peu marquées et le cou est fondu dans la pierre, caché sous la masse de l’épaisse perruque. En dépit de la taille restreinte de l'objet (13 cm de haut) et d'un travail très vraissemblablement provincial, l'expression de leur visage est bien rendue et l'attitude des deux femmes est préservée de tout immobilisme. L’exagération de la longueur des bras, l’épaisseur disproportionnée des pieds et l’attention portée à l’individuation de chacun des doigts et orteils sont, eux aussi, caractéristiques de la statuaire de la seconde moitié du Moyen Empire. En l'absence de toute inscription ou contexte de provenance avéré, il n'est pas possible de restituer leur lien de parenté, le groupe représentant peut-être une même personne, une image mère-fille, deux soeurs, etc...
Au-delà des statuettes individuelles comme celles citées plus haut, on connaît des comparatifs directs à l’objet Co. 822, sous la forme de groupes statuaires associant deux ou plusieurs personnages, comme celui, fragmentaire, du Metropolitan Museum of Art 15.3.229. Le Louvre possède un exemple plus élaboré d’un groupe statuaire familial directement associé à une table d’offrandes E11573.
Produites en grande quantité à la fin du Moyen Empire, pour des classes sociales moyennement élevées, ces statuettes ont été généralement retrouvées en contexte funéraire ou bien alors dans des chapelles privées placées sur les parcours processionnels des sanctuaires (voir, par exemple, les notices des trois statues (masculines) Inv. N° B.495, B. 496 et B. 497 du musée royal de Mariemont par Luc Delvaux in DERRIKS, DELVAUX 2009, p. 56-63). Selon l'inventaire de la donation rédigé par Charles Boreux, la statuette Co. 822 aurait comme provenance Abydos. Elle était donc peut-être consacrée à Osiris ou au dieu chacal Oupouaout, très populaires dans la région à cette époque (voir la stèle funéraire de Nebsouménou musée Rodin Co. 982). Présentant un traitement de surface inachevé, ce petit groupe statuaire a été laissé anépigraphe. En l'absence d'inscription dédicatoire, il n'est pas possible d'affirmer s'il était destiné à être placé dans le tombeau d'un des cimetières abydéniens ou bien déposé dans une chapelle votive privée, en particulier l'une de celles édifiées sur le site égyptien de la "Terrasse du Grand dieu" pour assurer aux défuntes de ce groupe statuaire la vie post-mortem d'Osiris (sur les chapelles de cette zone, située à l'ouest du Kôm el-Soltan, voir SIMPSON 1974).
Les collections du musée Rodin ne conservent aucune autre œuvre similaire à Co. 822.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 192, "Groupe de granit noir composé de deux femmes debout, l'une à côté de l'autre. Perruque [dessin de la perruque] longues robes descendantes jusqu'aux pieds. Abydos, XIIe dynastie. Haut. 13 cent. Estimé deux cent francs."
Donation Rodin à l'État français 1916.
Rodin acquit le groupe en granit avant 1913, date où il fut décrit par Charles Boreux dans l’inventaire de la donation. Le sculpteur choisit de l’exposer à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection, en préfiguration de son futur musée. On peut l’apercevoir sur une photographie prise du vivant de Rodin (musée Rodin, Ph.013620), posé sur une étagère, dans la grande vitrine murale de la salle 14, au premier étage.
Egypte > provenance inconnue
Époque hellénistique et romaine
H. 16 CM ; L. 21 CM ; P. 7,1 CM ;
Grès rosé silicifié Co. 3409
La pierre est en bon état de conservation. Le nez est épaufré et les extrémités de l’uraeus ont disparus dans un éclat. La barbe postiche est manquante.
Ce modèle de sculpteur en ronde-bosse, réalisé en grès, représente un sphinx à tête humaine et corps de lion. Il est allongé sur une base massive, aux angles légèrement arrondis.
Des incisions sur les épaules (deux lignes courbes) et sur les flancs (trois traits en diagonale) matérialisent les plis du pelage épais d’un fauve. Les pattes sont sommairement sculptées ; on compte quatre doigts sur chacune d’entre elles. Un éclat est nettement visible au niveau de la patte antérieure droite (extrémité supérieure gauche). La queue, d’une longueur excessive, remonte vers le côté droit du corps, la touffe s’allongeant entre les deux flancs. Le sphinx est coiffé d’un némès, surmonté d’un uraeus placé sur un bandeau. Les stries du némès sont finement incisées. L’uraeus a disparu dans un éclat (récent). Le visage est celui d’un homme. Les oreilles, sommairement déssinées, se dégagent sur la coiffe de tissu. Les traits du visage sont saillants, mais de proportions fines. Toute la face est émoussée. Les yeux sont fardés, la bouche, souriante, est charnue ; toute la partie droite des lèvres a disparu dans un éclat. L’extrémité du nez est manquante. De la barbe postiche, qui ornait le menton du sphinx, ne subsiste que la trace. Elle a complètement disparu dans un éclat.
Des lignes de petits impacts ronds, de couleur rosée, se suivent sur les deux côtés du poitrail et sur les pattes postérieures. Elles correspondraient à l’utilisation d’un petit trépan, à une date inconnue.
La base sur laquelle le lion est allongé, d’environ 3 cm de hauteur, est plus nettement arrondie sur les deux angles postérieurs. L’assise est stable mais la partie inférieure est parsemée de nombreux éclats et de traces d’outils, vraisemblablement contemporains de sa mise sur le marché de l’art.
Le sphinx est une chimère égyptienne qui représente la puissance du souverain et son union au dieu solaire Rê à travers le corps du lion. Les statues de sphinx sont les gardiens chargés de veiller sur les nécropoles et les temples. L’utilisation d’un grès rosé -associé au soleil et au rougeoiement du ciel- pour la réalisation de cette image de sphinx est ici en adéquation avec le caractère solaire de la créature (voir DE PUTTER 2006). Ce type de grès évoque de plus la couleur fauve du pelage. Pour un autre exemple de sphinx en grès silicifié rouge, daté de la XVIIIème dynastie, voir QUERTINMONT 2006 p. 225 (tête de sphinx d’une hauteur de 7,4 cm, conservé dans une collection privée).
De par son style et son allure générale, il semble plausible de dater cette statuette soit de l’époque hellénistique, soit plus probablement de l’époque romaine. Quoique sommairement réalisée, elle semble bien correspondre à un modèle de sculpteur, destiné à guider une composition monumentale.
La collection égyptienne du musée Rodin ne possède pas de modèle de sculpteur similaire. Les modèles de sphinx sont assez rares, notamment en grès. En revanche, on a retrouvé un très grand nombre de modèle de sculpteurs de lion à l’instar du Co. 837 de la collection Rodin ainsi que par exemple le 41.160.103 conservé au Metropolitan Museum of Art.
Anépigraphe.
Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian le 11 septembre 1912.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 86, "Petit sphinx en grès accroupi sur une base. Haut. 17 cent. Long. de la base. 22 cent. Anépigraphe. Objet faux."
Donation Rodin à l’État français 1916.
Cette statuette fut achetée auprès de l’antiquaire Joseph Altounian qui l’expédia dans un lot d’objets le 31 août 1912 et le décrivit ainsi : « 1 Petit sphinx pierre de sable 200 » (ALT 147, archives musée Rodin).
L’antiquaire Joseph Altounian, écrivait à Rodin du Caire le 10 Août 1912 : « Cher Maître, J’ai l’honneur de vous faire savoir que je viens de rentrer aujourd’hui même au Caire après avoir accompli le voyage dans la Haute-Égypte dont voici les principales étapes. Éléphantine, Abydos, Phylae, Héracleopolis, Sakhara, Memphis, etc., ou j’ai séjourné pour recueillir pour votre collection des fragments de bas-reliefs, granit, calcaire, basalte, bref tout ce que j’ai jugé pouvant vous intéresser. Ce lot renferme 24 pièces des bas-reliefs et des reliefs en creux des grands et des petits, le tout appartenant aux différentes dynasties ayant régné dans les régions que j’ai traversées, plus 19 pièces de fragments en ronde bosse le tout présente la sculpture des meilleures dynasties. » J. Altounian était parti du Caire en juillet 1912, et l’on peut suivre son périple sur son agenda (archives Altunian) : Minieh, Mallawi, Assiout, Abou Tig, Assiout, Sohag, Achmim, Abou Tig, Baliana, Abydos, Baliana, Keneh, Kous, Louxor, Sohag, Achmim, Sohag, Mallawi, Le Caire, où il arriva le 7 août.
Le 28 Août 1912, Altounian écrit au sculpteur : « Cher Maître J’ai l’honneur de vous annoncer que je suis arrivée à Paris depuis quelques jours. Je me suis présenté 77 rue de Varenne mais on m’a dit que vous étiez absent ; jour cela. Je vous adresse la présente à votre adresse à Paris espérant qu’on vous la faira suivre. Donc je vous prie cher Maître de me dire le jour que vous rentrez à Paris afin que je vienne vous soumettre le bordereau avec la nomenclature des objets que je vous ai expédié du Caire.». Le 6 septembre, Altounian recevait de Rodin « la somme de frs 850 (huit cent cinquante francs) comme prêt pour m’aider à dégager les 6 caisses antiques de la Douane ; Monsieur Rodin n’est pas engagé à acheter ce lot d’antiquités s’ils ne lui plaisent pas. Il achètera que ce qu’il lui plaira.». Rodin choisit un grand nombre d’œuvres de ce lot dont l'oeuvre Co.3409 et versa à l’antiquaire 5000 francs le 11 septembre 1912.
Le sphinx fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.