Harpocrate assis

ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE

ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXXIe dynastie > 332 - 30 AVANT J.-C.

[voir chronologie]

BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)

H. : 12,1 cm ; L. : 4,2 cm ; P. : 6,5 cm 

Co. 789

Commentaire

Etat de conservation

L'oeuvre est en mauvais état de conservation.

Le métal est très oxydé, plusieurs écailles de bronze se sont désolidarisées de l’œuvre et sont maintenant perdues. Il manque la main gauche et le siège sur lequel l’enfant était assis. Des agglomérats de sédiment sont visibles sur l’ensemble de l’œuvre, particulièrement sous les aisselles. Les détails du visage sont complètement patinés. L’œuvre semble n’avoir jamais été nettoyée. 

Description

L’œuvre représente un enfant nu. La silhouette gracile de l’enfant suggère une datation ptolémaïque. Effigie divine, il s’agit de la représentation du dieu Harpocrate.

Il est assis, les jambes jointes et les pieds posés à plat sur une petite base trapézoïdale. Le bras gauche, légèrement plié, longe le corps sans le toucher. La position de la main, manquante, peut être restituée. Comme c’est le cas pour les œuvres des collections du Musée Rodin Co. 810 et Co. 2385, les doigts étaient très certainement allongés et posés à plat sur la cuisse. Le bras droit est ramené vers le visage. Le pouce gauche soutien l’annulaire, pointé en direction de la bouche à environ un demi centimètre sous le menton. L’enfant est nu à l’exception d’un bonnet recouvrant entièrement son crâne. La coiffe est ornée d’un uraeus frontal, très corrodé, dont la queue s’étire sur le dessus du crâne. Une fine mèche de l’enfance, dont plus aucun détail n’est visible, se dégage du côté droit de la tête. Elle se termine par une volute devant l’épaule droite. Les traits du visage ne se distinguent plus,  hormis l’oreille droite proéminente et les contours de l’oreille gauche. Les oreilles sont grandes. Le cou est court et les épaules sont droites et carrées. Elles se poursuivent sur des bras aux proportions naturelles. Les pectoraux, ainsi que les muscles dorsaux sont rendus. Les muscles fessiers sont clairement séparés l’un de l’autre par une large dépression. Les hanches sont marquées et le ventre est bombé. Ce dernier surmonte un léger bourrelet sous lequel les organes génitaux de l’enfant ont été façonnés. Les cuisses et les mollets sont généreux. Enfin, les pieds sont étroits et longs.

Afin de le mettre en valeur, le dieu était à l’origine assis sur un siège légèrement incurvé vers l’avant, ce qui est très visible sur les clichés de profil de l’objet. Pour comparaison, il est possible d’observer la position d’Harpocrate sur la figurine en bronze Musée Rodin Co. 2370 où le siège est solidaire de l’image du dieu.

 

Harpocrate est une divinité bien connue dans l’art égyptien. Son nom égyptien Horpakhered, « Horus l’Enfant », a été transcrit par les grecs en Harpocrate. Sa première attestation date de la XXIe dynastie et sa première représentation de l’an 22 de Chéchanq III sur une stèle commémorant une donation pour le « flûtiste d’Harpocrate » (cf. FORGEAU Annie, Horus-Fils-d’Isis, La Jeunesse d’un dieu, BdE 150, Le Caire, 2010, p. 308).

Harpocrate est, à l’époque de sa création, Khonsou-l’enfant, fils d’Amon et de Mout et fait partie de la triade divine thébaine. Il devient ensuite un dieu à part entière, c’est-à-dire Horus l’Enfant, fils d’une union posthume entre Osiris et Isis. Enfant royal, son front est ceint d’un uraeus. Le dieu Seth, son oncle, cherchant à le tuer afin d’acquérir le pouvoir dont il doit hériter de son père, il est élevé dans les marais de Chemnis, à l’abri de Seth. De par son histoire, il obtient une double symbolique. Il est à la fois le nouveau soleil du matin et l’héritier divin qui doit succéder à son père, ce qui fait de lui le représentant et la représentation idéale du roi. Les pouvoirs divins qui lui sont attribués évoluent rapidement. En effet, d’après sa mythologie, sa mère Isis l’aurait guéri d’une piqûre de scorpion. Il obtient ainsi des capacités guérisseuses et protectrices face aux animaux dangereux comme le montre les stèles dites d’« Horus sur les Crocodiles ». Sur ce type de stèle, on peut voir Horus enfant maitrisant de chaque main un animal considéré comme dangereux, tels que les lions, les serpents ou les scorpions. On peut également mentionner Nepri, dieu du grain et de la moisson, qui peut être représenté nu avec un doigt à la bouche. Harpocrate, qui possède la même iconographie, devient alors un dieu de la fertilité lié à Min et aux cultes agraires.

L’iconographie d’Harpocrate, dieu populaire à la fin des temps égyptiens, est simple et reconnaissable. Il s’agit d’un enfant nu portant la mèche de l’enfance du côté droit du crâne et généralement l’index à la bouche. Il peut être debout, assis sur un trône, sur une fleur de lotus ou sur les genoux d’une déesse qui l’allaite. Ses coiffes varient selon la divinité qu’il représente et c’est pourquoi, en plus de son iconographie infantile, il est l’image de tous les fils des triades divines et est ainsi naturellement distingué comme protecteur des enfants. De par son aspect juvénile caractéristique, nudité et attitude naïve du doigt sur la bouche, bonnet enserrant le crâne avec mèche de l’enfance, proportions des parties génitales, et enfin rondeur des joues et du ventre, Harpocrate devint l’image de tous les dieux enfants d’un panthéon égyptien de plus en plus sophistiqué. Les très nombreuses statuettes en terre cuite ou en bronze datant de l’époque hellénistique et romaine attestent de la popularité de son culte dont l’apogée se situe durant le IIème siècle de notre ère.

 

Enfin, notons que les auteurs classiques ont mal interprété le geste du doigt sur la bouche et l’ont compris comme étant « un symbole de discrétion et de silence », interprétation reprise par la suite par les ésotériques. En aucun cas cette attitude fait mention d’un quelconque respect des dieux par le silence. Ce geste de placer le doigt sur la bouche pour marquer le silence est un geste de notre époque et de notre culture et ne peut pas être appliqué aux égyptiens anciens. L’attitude d’Harpocrate est simplement l’image de l’enfance comme l’est la mèche tressée sur le côté du crâne. 

 

La statuette Co. 789 servait d'ex-voto. Elle a été commandé et probablement déposée dans un lieu de culte dédié à Harpocrate afin qu'acquérir sa protection. 

 

On remarque des traces de terre dans les crevasses comme si l’œuvre avait été enfouie dans un état déjà altéré et déformé. 

 

Les statuettes d’Harpocrate constituent une série d’objets très connus et communs aux époques hellénistique et romaine, et de nombreux musées du monde conservent ce type d’œuvre. Nous pouvons en citer quelques uns tels que le Musée du Louvre (E 7735), le British Museum (1951.1003.1) et le Penn Museum de Philadelphie (E 12566, E 12549 et E 12581). Il s’agit ici d’Harpocrate seul assis sur un trône.

Œuvres associées

Les collections du Musée Rodin conservent deux exemples d’Harpocrate assis seul sur un siège, Co. 810 et Co. 2385. Les objets Co. 687Co. 774 et Co. 791 représentent quant à eux des Harpocrate debout et marchant.

 

 

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Meudon, pavillon de l'Alma, vitrine 8, 363, "Harpocrate assis, portant la main à sa bouche. Bronze. Haut. 12 cent. 1/2. Estimé vingt francs."

Donation à l’État français en 1916.

Commentaire historique

La statuette était exposée en 1913 dans une vitrine du Pavillon de l'Alma à Meudon.

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