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Statue d’Imeneminet

Fragment de groupe statuaire

Égypte > Saqqâra très probablement

Nouvel Empire, probablement XVIIIe dynastie

[VOIR CHRONOLOGIE]

Calcaire polychrome

H. 43 CM : l. 14 CM : P. 10 CM

Co. 950

Commentaire

Etat de conservation

Malgré son état fragmentaire, Co. 950 est en bon état de conservation. Sa polychromie est bien conservée ; on peut ainsi observer du rouge, du jaune, du bleu, du vert et du noir [voir description et technè].

 

Les pieds, ainsi que la main et l’avant-bras gauche (jusqu’au-dessus du coude) sont manquants. Ces lacunes s’expliquent par le fait que l’œuvre a été prélevée sur un ensemble plus grand ; l’homme appartenait à un groupe statuaire réunissant plusieurs personnages, réalisés en haut-relief et partageant le même appui dorsal. Le bord droit serait d’origine. Il a conservé des traces d’outils, partiellement masquées par de petits amas de matière plâtreuse. Cette même matière se remarque derrière la tête, comblant un éclat, et dans une large coulure à la partie inférieure. La partie gauche présente des traces de sciage, l’image du dignitaire ayant été isolée de son groupe statuaire d’origine ; la partie supérieure est d’origine. La partie inférieure a été sciée, privant la statue de ses pieds. Le revers correspond à une zone d’arrachement ; des traces d’outil (petite gouge ?) s’observent dans sa partie inférieure.

 

La représentation masculine souffre de plusieurs lacunes en surface et de nombreuses abrasions. Le nez et la bouche ont été arasés. Certains éclats sont sans doute antiques, comme celui sur l’épaule droite. Une préparation blanche se remarque au bord de cette lacune, sur le fond du relief. Elle recouvrait sans doute un mortier, qui aurait comblé cet éclat.

La surface de la représentation sculptée est recouverte d’une couche de cire parfois épaisse d’un demi-millimètre environ, sauf sur la chevelure.

Description

Co. 950 représente un homme debout, vu de face. Son bras droit pend le long du corps ; tandis que le bras gauche, qui est partiellement conservé, s’écarte du buste. Torse nu, il est vêtu d’un long pagne sur lequel une inscription hiéroglyphique est peinte. L’image a été séparée du groupe statuaire auquel elle appartenait mais il est possible de restituer que le coude gauche, légèrement plié, passait derrière le dos du personnage aux côtés duquel il se tenait. La statue a été sectionnée au niveau des chevilles. La composition a été réalisée comme un haut-relief, le défunt étant complètement adossé sur une plaque qui s’élève jusqu’à l’arrière de sa tête.

 

Son pagne, très allongé, devait s’étendre jusqu’aux chevilles. Placé haut sur les hanches, il descend en arrondi jusqu’en dessous du nombril. Un trait rouge vient à la fois souligner la ceinture et dessiner la boucle permettant de maintenir le pagne, située à gauche du nombril. Un trait rouge indique également les bords des pans latéraux du vêtement, le pan droit recouvrant le gauche. La partie centrale du pagne forme un triangle qui s’évase vers le bas. Une ceinture frangée y est dessinée en rouge, les trois traits horizontaux et les franges verticales mettent en valeur l’inscription en colonne peinte à l’origine jusqu’en bas du pagne.

Une perruque, uniforme et arrondie, descend jusqu’aux épaules. Elle recouvre partiellement les oreilles, laissant les lobes découverts. L’impression de rondeur du visage est accentuée par des joues larges aux pommettes non marquées et par un menton légèrement indiqué. Les sourcils et les grands yeux légèrement tombants, cerclés de khôl, ont été peints en noir. Malgré un éclat masquant partiellement l’œil droit, on remarque que les yeux ne sont pas symétriques ni placés à la même hauteur, l’œil gauche étant plus haut que le droit. Les lèvres closes sont droites et parallèles. Le cou, large et court, est marqué de deux plis horizontaux, caractérisque post-amarnienne. Plusieurs détails anatomiques du corps ont été indiqués : les pectoraux, le ventre et le nombril, les pliures au niveau des aisselles et des coudes.

 

Un large collier ousekh multicolore orne son cou. Un fond jaune est posé en aplat sur toute la surface, tandis que des lignes rouges permettent d’indiquer les rangs du collier et de souligner les contours des perles oblongues, vertes et bleues. Le bracelet qu’il arbore au poignet droit (seul poignet visible) est constitué d’une alternance de bandes de couleur rouge, jaune, vert et bleu, sur un fond jaune. Les couleurs ont été apposées largement, débordant sur l’espace vide situé entre le poignet et le pagne, de la même manière que le noir de la perruque déborde en périphérie de la tête et sur les épaules.

 

Les marques de sciage et les reprises à l’outil observables indiquent que la statue Co. 950 a été prélevée sur un ensemble plus grand : un groupe statuaire réunissant plusieurs personnages partageant le même appui dorsal. Placée dans une niche située à l’intérieur de la chapelle funéraire, une telle statue était le point central de l’hommage rendu au défunt et à sa famille. Les inscriptions peintes sur l’avant du pagne nous apprennent l’identité du personnage : il s’agit du prêtre pur Imeneminet, fils du dignitaire à qui était destiné ce groupe statuaire. Il est donc probable de restituer qu’Imeneminet était placé à la droite de son père, le bras gauche derrière son dos et que sa mère se trouvait peut-être à la gauche de son père, figurés ensemble pour l’éternité. De nombreuses représentations de couples ou de groupes familiaux sont connues à l’époque pharaonique, même si des variations existaient dans la position des personnages et de leurs bras. Le calcaire était le matériau privilégié pour ce type de représentation : une pierre facile à sculpter, sur laquelle les détails gravés et la polychromie sont bien visibles.

 

L’iconographie (style de la coiffure, des bijoux, du pagne long avec inscription en colonne dans la partie centrale) permet de rapprocher Co. 950 du Nouvel Empire, en particulier de l'art post-amarnien, à la fin de la XVIIIe dynastie (vers 1550-1295 av. J;-C.). Dans la statuaire de cette période, de nombreux exemples présentent un couple assis côte à côte, un bras passé dans le dos du conjoint :

- Néferhebef, sa femme et son fils (Louvre Inv. N° A57)

- Un couple conservé au British Museum (Inv. N° EA2301)

- Nebouaou et son épouse (Metropolitan Museum of Art Inv. N° 19.2.3), en grès peint.

(pour plus d’exemples, voir HEMA 2005)

 

Plusieurs fragments provenant de la chapelle memphite d’un Imeneminet, général des armées sous le pharaon Toutankhamon-Horemheb, sont connus  à ce jour dans différents musées (citons, en particulier, le musée du Louvre à Paris et la Glyptothèque Ny Carlsberg à Copenhague). Cette tombe a été démantelée au XIXe siècle et est encore à retrouver (sur la bibliographie de cette tombe, voir DELANGE 2019, « Commentaire » p. 322-325). La collection égyptienne du musée Rodin conservant deux reliefs de la chapelle, le Co. 6417 et le Co. 3076 (actuellement exposé au musée du Louvre), il est tentant d’associer l’image du prêtre-pur homonyme du fragment statuaire Co. 950 à cette tombe.

Inscription

Une colonne de hiéroglyphes est peinte à l’avant du pagne, dans la partie centrale, sous une frange dessinée en rouge. Comme pour le collier et le bracelet, du jaune a été posé en aplat sur une couche de préparation blanche. Deux traits verticaux rouges marquent les limites externes de la zone colorée. La couleur rouge a également été utilisée pour dessiner certains hiéroglyphes (comme le signe de la côte d’animal Aa15) et délimiter l’emplacement d’autres hiéroglyphes (comme le signe de l’eau N35). Finalement, l’intérieur de ces signes entourés de rouge a été peint en bleu directement sur le jaune. Cette technique est rendue visible par les hiéroglyphes en lacune dans la partie inférieure de l’inscription.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.
BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 287, "Statue d'un personnage debout s'enlevant en demi ronde bosse sur une dalle de pierre calcaire, le bras droit pend le long du corps, le gauche un peu écarté tenait quelque chose qui a disparu. Le personnage a un collier bariolé autour du cou ; il est vêtu d'une longue jupe qui va de la taille aux pieds. Sur cette jupe inscription verticale d'une ligne dont les hiéroglyphes sont peints en couleur bleue et rouge sur un vernis jaune. Cette inscription donne le nom d'un [hiéroglyphes]. L'avant bras gauche manque ainsi que les pieds. Epoque thébaine. haut. 46 cent. environ. Estimée deux cent cinquante francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

Commentaire historique

Le fragment fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

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