Isis Lactans

Isis allaitant Horus l'Enfant

ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE

ÉPOQUE ptolémaïque > XXXIe dynastie > 332 - 30 AVANT J.-C.

[voir chronologie]

BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)

H. : 26,5 cm ; L. : 6,5 cm ; P. : 9,4 cm ;

Co. 5787

Commentaire

Etat de conservation

L'oeuvre présente un mauvais état de conservation.

La statuette est entière à l’exception des extrémités des cornes de la couronne hathorique. L’oxydation du métal a provoqué des boursoufflures, des craquements, et des écaillements sur l’ensemble de l’œuvre. Les zones les plus touchées sont le buste d’Isis et d’Harpocrate, ainsi que les jambes de la déesse. Une large fissure traverse la couronne et la tête d’Isis sur ses deux côtés. 

 

La surface noire, fissurée et soulevée est caractéristique de bronze exposé au feu (incendie). Elle garde des traces de terre d’enfouissement sablonneuse et ocre rouge qui dans le futur pourront donner des informations sur le contexte de découverte. Des chlorures sont visibles sur l’œuvre. 

Description

L’œuvre figure Isis assise, donnant le sein à son fils Horus-l’Enfant, aussi connu sous le nom d’Harpocrate. Sur cette forme d’Horus (Hor-pa-Khered en égyptien, Harpocrate en grec), image populaire du dieu-fils du panthéon égyptien, voir SANDRI Sandra, Har-pa-Chered (Harpokrates). Die Genese eines ägyptischen Götterkindes, OLA 151, 2006 et CORTEGGIANI Jean-Pierre, « Harpocrate », L’Égypte ancienne et ses dieux. Dictionnaire illustré, s. l., 2007, p. 173-175. La déesse maintient la nuque de l’enfant de la main gauche et son sein de la main droite, facilitant ainsi l’allaitement. Ses jambes sont jointes et ses pieds posés à plat sur une petite base carrée. Celle-ci, creuse, présente deux tenons permettant à l’origine de placer la statuette sur un socle plus important. Harpocrate est assis sur les genoux de sa mère, les jambes serrées, les pieds ballants et les bras le long du corps.

Isis est coiffée d’une perruque tripartite. Les boucles des longues mèches sont finement détaillées et les trois pans de la coiffure sont maintenus en leur extrémité inférieure par deux rubans décoratifs. La perruque est recouverte d’une dépouille de vautour dont la tête se démarque sur le front. Cet attribut est celui des reines d’Égypte et plus particulièrement des mères de roi. Malgré l’état de conservation de cette figurine, les ailes de la dépouille de vautour sont encore bien visibles sur les pans de la perruque, de chaque côté du visage. Cette coiffe est surmontée d’un socle d’uraei supportant une couronne hathorique, composée d’un disque solaire flanqué de deux cornes de vache. Un collier ousekh orne le cou de la divinité. Il était composé de trois rangs de grandes perles décoratives, cerclées de part et d’autre par un rang de perles plus petites ; le rang inférieur a presque disparu et se devine le long de la mèche droite. Une longue robe moulante, sans détail ornemental, habille Isis. On note également que la déesse arbore un bracelet à chaque cheville. Harpocrate est nu à l’exception d’un bonnet, connu pour être porté par les prêtres, paré d’un uraeus frontal et d’une épaisse mèche de l’enfance qui se dégage du côté droit du crâne. Autour du cou de l’enfant, quelques stries horizontales suggèrent la présence d’un collier.

Isis a le visage rond et plein. Le front est court, de même que le menton. Ses grands yeux, étirés, sont entourés d’une épaisse ligne de fard qui accorde aujourd’hui aux orbites un aspect globuleux qui n’est pas celui d’origine. Les sourcils en saillie sont également prolongés de maquillage. Le nez, large et empâté, surmonte une bouche pulpeuse. Les oreilles sont grandes et hautes. Les épaules, étroites, se poursuivent sur des bras épais sans détail anatomique. La poitrine est petite, la taille est à peine marquée et le bassin est étroit. Les jambes sont longues et fines et se terminent par des pieds plats et rectangulaires dont seuls les orteils se démarquent. Le deuxième orteil est plus long que le pouce, signalant ainsi l’exécution d’un pied de type grec. La figure d’Harpocrate est malheureusement très abîmé. Il est cependant possible de remarquer que la rondeur de ses traits ressemble à celle de la déesse, sa mère.

 

Au-delà de l’image de l’amour maternel, les statuettes d’Isis allaitant Horus illustrent un des mythes fondateurs de la civilisation et de la royauté égyptiennes. Prodiguant ses soins au fils posthume d’Osiris, Isis assure la survie de son enfant et le protège des puissances maléfiques représentées par Seth. Mécontent de n’être que le frère du roi Osiris, Seth assassine son propre frère puis s’attaque à l’héritier du trône Horus. Or Isis, magicienne experte et déesse nourricière, cache son enfant dans les marais du Delta afin d’assurer la succession. Outre la symbolique mythologique, ces statuettes représentent également l’image du roi allaité par une divinité, image connue depuis l’Ancien Empire grâce entre autres aux Textes des Pyramides qui font mention d’Isis allaitant le roi (cf. LECLANT Jean, « Le rôle du lait et de l’allaitement d’après les Textes des Pyramides », JNES 10, 1951, p. 126). C’est par cet acte maternel que la déesse offre au souverain protection divine et le reconnaît comme étant de caractère divin. À l’origine, l’allaitement concerne exclusivement la survie du roi, avant d’être sous Montouhotep II (Moyen Empire, premier roi de la XIe dynastie), associé au couronnement pharaonique. En affirmant sa filiation au dieu Horus-l'Enfant, il lui accorde la légitimité nécessaire pour régner. L’allaitement assure ainsi la continuité et la perpétuité de sa souveraineté.

 

À la Basse-Époque, Isis obtient un culte propre qui la démarque peu à peu du mythe osirien et par conséquent des cultes funéraires. Dans la pensée populaire, elle est étroitement associée à Hathor, déesse vache incarnant la prospérité grâce à son image nourricière. Elle reprend ainsi symbolisme et attributs d’Hathor, notamment les cornes de vache flanquant le disque solaire de la couronne. Isis devient par la suite l’emblème de la féminité en tant qu’épouse d’Osiris et mère d’Horus et l’une des déesses les plus populaires. Pour une présentation générale d’Isis, voir DUNAND Françoise, Isis, mère des dieux, Paris, 2000 puis Arles, 2008 et CORTEGGIANI Jean-Pierre, « Isis », L’Égypte ancienne et ses dieux. Dictionnaire illustré, s. l., 2007, p. 244-249. Sur le rayonnement d’Isis dans le monde méditerranéen, voir le catalogue de l’exposition à Milan en 1997, ARSLAN Ermanno A. (dir.), Iside. Il mito, il misterio, la magia, Palazzo Reale, 22 février-1er juin 1997, Electa, Milan, 1997.

 

Ces statuettes, issues de commandes privées, étaient déposées dans les sanctuaires dédiés à la déesse afin d’accorder vie, prospérité et santé au dévot, comme Isis les a accordées à son fils et aux souverains égyptiens. Pour un corpus iconographique d’Isis lactans à l’époque gréco-romaine, voir TRAN TAM TIHN Vincent, LABRECQUE Yvette (coll.), Isis lactans. Corpus des monuments gréco-romains d’Isis allaitant Harpocrate, Etudes préliminaires aux religions orientales dans l’Empire romain 37, Leyde, 1973.

 

Ce type de statuette était largement répandu à partir de la Troisième Période intermédiaire. Nombre de musées en possèdent donc dans leurs collections, et en grande quantité. Nous ne donnons ici que quelques exemples datant tous de la Troisième Période intermédiaire ou de la Basse-Époque.

Carlsberg Glyptotek de Copenhague : AEIN 161.

Musée du Louvre, Paris : E 3637, N 5022, AF 13341, E 3636 ...

Metropolitan Museum of Art, New York : 17.190.1641, 45.4.3a et b, 1972.62, 04.2.443 ...

Museo Egizio di Torino, Turin : Cat. 0154, S. 00034, S. 00033, Cat. 0156 ...

Penn Museum, Philadelphie : E 14293, E 14328, E 502, E 504, E 880 ...

Walter Art Museum, Baltimore : 54.415, 54.416, 54.417, 54.792 ...

Œuvres associées

Les collections du musée Rodin conservent d’autres exemples d’Isis Lactans, notamment Co. 209, Co. 210, Co. 1487, Co. 2370, Co. 2409, Co. 2429 et Co. 2433. La statuette Co. 210 présente les mêmes caractéristiques ainsi qu’une manufacture similaire à l’œuvre Co. 5787.

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

 

Donation à l’État français en 1916.

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