Reliquaire

Atoum - uraei à corps d'anguille

ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE

ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe - XXXIe dynastie > 656 - 30 AVANT J.-C.

[voir chronologie]

BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)

H. : 11,1 cm ; L. : 19,5 cm ; P. : 7,9 cm 

Co. 5786

Commentaire

Etat de conservation

L'oeuvre est en mauvais état de conservation, le métal étant très oxydé.

Les altérations du bronze sont particulièrement visibles sur les côtés et sous le reliquaire où le métal a pris une teinte bleue prononcée. La partie avant de l’un des uraei a disparu. L’oxydation a patiné les détails du second. Une large ouverture perce accidentellement la face avant de la base. La plaque de scellement fermant l’arrière du reliquaire est encore en place. Un changement de couleur inexpliqué la partage en deux, suivant une diagonale régulière. Une moitié de cette plaque s’accorde à la patine vert clair de l’objet, l’autre moitié est d’un vert plus foncé, maculé de bleu par endroit. Si l'oeuvre a été enterrée à un moment de son histoire, cette démarcation pourrait représenter la limite entre la partie enterrée et celle à l'air libre. Le changement de coloration serait ainsi deux étapes différentes du vieillissement du métal en fonction de son environnement.

L’intérieur du reliquaire est creux et vide, à l’exception d’une plaque en bronze, qui semble avoir été incisée. 

Description

L’œuvre consiste en un large réceptacle rectangulaire, sarcophage destiné à contenir la momie d’un animal divin, sur lequel sont figurés deux uraei couronnés se dressant l’un à côté de l’autre. La longueur du sarcophage est similaire à celle des serpents figurés. Ainsi, si les queues s’étirent jusqu’à l’extrémité arrière du reliquaire, les corps dressés des deux cobras sont mis en valeur par un retrait d’environ trois centimètres à l’avant du sarcophage. Que ce soit de face ou de profil, ce retrait induit le mouvement d’un animal prêt à l’attaque, redressé et gonflant son énergie. Deux renforts de bronze consolident les figures à l’arrière de la partie dressée. Ils pourraient avoir été ajoutés après le moulage des serpents.

De multiples incisions horizontales et obliques dessinent les écailles sur la toute la hauteur de la face avant du reptile. Elle est surmontée d’une tête imposante sur laquelle deux cavités, aujourd’hui pleines, dessinaient les yeux. Un long et fin sillon horizontal marque l’ouverture de la gueule. Les uraei sont couronnés d’une mitre centrale courte et épaisse, flanquée de deux hautes plumes d’autruche dont la droite est plus courte que la gauche. Cette couronne, appelée couronne atef, est un attribut divin et royal. Il orne notamment les têtes de divinités telles qu’Atoum et Osiris. Les queues ondulent légèrement en s’amincissant progressivement jusqu’à la pointe. Les détails d’une possible décoration sur celles-ci ont aujourd’hui complètement disparu. Dans le cas du reliquaire Co. 5786, si la tête dressée est bien celle d’un cobra, son corps semble être celui d’une anguille, autre représentation du dieu Atoum.

On note l’absence de bélières permettant d’accrocher l’œuvre en hauteur comme c’est le cas pour d’autres reliquaires de la collection du Musée Rodin, notamment Co. 2403, Co. 2406, Co. 2436 et Co. 5643.

Une étiquette sur laquelle est écrit le numéro 159 est visible sur la face avant du réceptacle.

 

Les reliquaires de l’Antiquité égyptienne sont des objets archéologiques assez bien connus, les cimetières d’animaux sacrés étant nombreux sur le territoire égyptien. Ils comprenaient deux types d’animaux, les « uniques » et les « multiples » (cf. CHARRON Alain (dir.), La mort n’est pas une fin, Pratiques funéraires en Égypte d’Alexandre à Cléopâtre, Catalogue d’exposition 28 septembre 2002-5 janvier 2003, Musée de l’Arles antique, Arles, 2002, p. 176). La première catégorie regroupe des animaux choisis, parmi ses congénères et par les prêtres grâce à une statue divine qu’ils manipulaient, pour représenter de son vivant une divinité particulière. Les « uniques » les plus connus sont les taureaux Mnévis et Apis dont la plus ancienne attestation d’inhumation date du règne d’Amenhotep III. Ici, avec l’œuvre Co. 5786 il s’agit du reliquaire d’un « multiple ». Ces « multiples » n’étaient pas choisis pour leur caractère sacré mais c’est par les rites de leur mise à mort, leur momification et les prières récitées à cet instant que leur était conféré un caractère divin. Les animaux les plus représentés sont les serpents, les chats, les chiens, les ibis et les crocodiles. Ils n’avaient pas de pouvoir à part entière, c’était le dieu qu’ils représentaient à leur mort qui était encensé. Ils devenaient alors un ba de la divinité, acquéraient un rôle de médiateur et devenaient capables de transmettre les doléances de la population. Les reliquaires étaient créés sur demande des dévots et les prêtres se chargeaient d’y insérer l’animal entièrement momifié, soit une partie de sa momie, voire même un paquetage imitant la forme de l’animal. Ces « meurtres » étaient pratiqués cachés du regard de la population car la loi égyptienne condamnait à mort toute personne ayant tué même accidentellement un animal. Quoiqu’il en soit, ils étaient courants afin de subvenir aux besoins des commanditaires. Au fil du temps, les commandes devenant de plus en plus nombreuses, certaines bêtes étaient ainsi élevées dans le seul but de servir à leur mort d’objet de dévotion.

L’œuvre Co. 5786 représente une anguille à tête de cobra, animaux sacrés du dieu Atoum. De plus, la couronne atef est un attribut de cette divinité. Ce reliquaire avait donc sans équivoque la fonction de représenter Atoum. Selon la cosmogonie héliopolitainne, Atoum est un dieu démiurge qui grâce sa semence créa le premier couple divin, Shou et Tefnout qui façonnèrent ensemble le monde, représentant réciproquement la terre et le ciel. Atoum est également une divinité solaire et était considéré comme la manifestation du Soleil couchant. Il avait une importance capitale dans la mythologie égyptienne ; il n’est donc pas étonnant que de très nombreux reliquaires de multiples ou d’uniques aient été mis au jour, notamment des taureaux Mnévis, des ichneumons, des anguilles ou des serpents qui représentent tous ce même dieu. 

Cette iconographie exprime ses capacités de divinité primordiale issue du milieu aquatique des origines. L'anguille, poisson de forme serpentine vivant entre la vase et l'eau, rappelle qu'il est issu du Noun. Sa forme de cobra décrit son lien privilégié avec la royauté. Atoum n'adopte cette iconographie que sur de rares amulettes ou dans la statuaire votive en bronze. Dans ce cas, les statuettes surmontent toujours un sarcophage de l'animal en question, l'anguille Mastacembelus (voir le très bel exemple au Musée du Louvre N 5200).  

Co. 5786 n'est pas une œuvre unique en son genre bien qu’elle soit moins courante que les reliquaires de serpent ou de mangouste. Le Musée de la Vieille Charité à Marseille conserve un exemple du même type (n° d’inventaire inconnu), le British Museum de Londres également (EA 49143). L'état de conservation de cette dernière oeuvre ne permet pas de confirmer qu'il s'agit d'une anguille ou un serpent.

Œuvres associées

Dans les collections du Musée Rodin, le reliquaire Co. 2436 représente également Atoum sous une forme animale. Dans le cas du reliquaire Co. 5786, si la tête dressée est bien celle d’un cobra, son corps semble être celui d’une anguille, autre représentation du dieu Atoum.

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913, Hôtel Biron, 159, "Dieu Atoum, figuré sous la forme d'un double serpent allongé sur une base formant sarcophage. Long. 19 cent. Bronze (la tête d'un des serpents manquent). Estimé cent cinquante francs."

Donation à l’État français en 1916.

Commentaire historique

L'objet était exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

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