Isis Lactans

Isis allaitant Horus l'Enfant

ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE

TROISÈME PÉRIODE INTERMÉDIAIRE OU ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXIe - XXXIe dynastie > 1069 - 30 AVANT J.-C.

[voir chronologie]

BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)

H. : 11,7 cm ; L. : 3,9 cm ; P. : 6 cm 

Co. 2433

Commentaire

Etat de conservation

L'oeuvre est en très mauvais état de conservation.

Le bronze est boursouflé sur l’intégralité de la statuette qui a pris une teinte vert clair. Plus aucun détail n’est visible à l’exception de quelques traits du visage de la déesse (le nez et la bouche). Malgré son mauvais état de conservation général, la statuette est entière, mis à part le sommet de la couronne hathorique de la déesse et les jambes d’Horus, sectionnées au niveau des tibias. 

 

Des restes de gangue d’enfouissement blanchâtre sont encore visibles à plusieurs emplacements. L’œuvre n’a vraisemblablement jamais été nettoyée. Des chlorures sont disséminés sur la surface. 

Description

L’œuvre représente un type de statuette bien connue d’une déesse allaitant un enfant. Il s’agit d’Isis et de son fils Horus-l’Enfant, appelé également Harpocrate. Sur cette forme d’Horus (Hor-pa-Khered en égyptien, Harpocrate en grec), image populaire du dieu-fils du panthéon égyptien, voir SANDRI Sandra, Har-pa-Chered (Harpokrates). Die Genese eines ägyptischen Götterkindes, OLA 151, 2006 et CORTEGGIANI Jean-Pierre, « Harpocrate », L’Égypte ancienne et ses dieux. Dictionnaire illustré, s. l., 2007, p. 173-175. La déesse est assise sur un siège moderne servant de socle, ajouté postérieurement, les pieds joints sur une petite base carrée. Sa main gauche vient soutenir la tête d’Horus et sa main droite est posée sur son sein gauche pour faciliter l’allaitement. Horus est assis sur les genoux de sa mère les jambes jointes et les bras allongés le long du corps.

La déesse est coiffée d’une perruque tripartite surmontée d’une dépouille de vautour dont la tête en saillie est visible sur le front. Cette coiffe était couronnée à l’origine d’un disque solaire flanqué de deux cornes de vache. On note ici encore le départ d’une des cornes sur le sommet du crâne. Isis était probablement vêtue d’une longue robe moulante recouvrant tout son corps jusqu’aux chevilles. Plus aucun détail ne laisse supposer sa présence. Horus est quant à lui entièrement nu, à l’exception d’un bonnet d’où s’échappe une mèche de l’enfance sur la côté droit. Un uraeus frontal semble également se dégager du bonnet.

Les détails anatomiques des deux personnages sont aujourd’hui trop détériorés pour en faire une description juste. Les visages des deux divinités ayant été néanmoins mieux préservées, on remarque qu’Isis a un visage rond, de larges yeux surmontés d’un petit front, ainsi qu’une grande bouche couronnée d’un nez court. La forme de ses pieds, soigneusement étalés sur un petit socle, est de type égyptien.

 

On note deux étiquettes anciennes collées sur l’œuvre, l’une derrière le siège présentant le numéro 680, l’autre sur le dessous du même siège avec l’indication B 207.

 

Au-delà de l’image de l’amour maternel, les statuettes d’Isis allaitant Horus illustrent un des mythes fondateurs de la civilisation et de la royauté égyptiennes. Prodiguant ses soins au fils posthume d’Osiris, Isis assure la survie de son enfant et le protège des puissances maléfiques représentées par Seth. Mécontent de n’être que le frère du roi Osiris, Seth assassine en effet son propre frère puis s’attaque à l’héritier du trône, Horus. Or Isis, experte magicienne et déesse nourricière, cache son enfant dans les marais du Delta afin d’assurer la succession. Outre la symbolique mythologique, ces statuettes représentent également l’image du roi allaité par une divinité, image connue depuis l’Ancien Empire grâce entre autres aux Textes des Pyramides qui font mention d’Isis allaitant le roi (cf. LECLANT Jean, « Le rôle du lait et de l’allaitement d’après les Textes des Pyramides », JNES 10, 1951, p. 126). C’est par cet acte maternel que la déesse offre au souverain une protection divine et le reconnaît comme étant de caractère divin. À l’origine, l’allaitement concerne exclusivement la survie du roi, avant d’être sous Montouhotep II (Moyen Empire, premier roi de la XIe dynastie), associé au couronnement pharaonique. En affirmant sa filiation au dieu Horus-enfant, il lui accorde la légitimité nécessaire pour régner. L’allaitement permet ainsi la continuité et la perpétuité de sa souveraineté.

 

À la Basse-Époque, Isis obtient un culte propre qui la démarque peu à peu du mythe osirien et par conséquent des cultes funéraires. Dans la pensée populaire, elle est étroitement associée à Hathor, déesse vache incarnant la prospérité grâce à son image nourricière. Elle reprend ainsi symbolisme et attributs d’Hathor, notamment les cornes de vache flanquant le disque solaire de la couronne. Isis devient par la suite l’emblème de la féminité en tant qu’épouse d’Osiris et mère d’Horus et l’une des déesses les plus populaires. Pour une présentation générale d’Isis, voir DUNAND Françoise, Isis, mère des dieux, Paris, 2000 puis Arles, 2008 et CORTEGGIANI Jean-Pierre, « Isis », L’Egypte ancienne et ses dieux. Dictionnaire illustré, s. l., 2007, p. 244-249. Sur le rayonnement d’Isis dans le monde méditerranéen, voir le catalogue de l’exposition à Milan en 1997, ARSLAN Ermanno A. (dir.), Iside. Il mito, il misterio, la magia, Palazzo Reale, 22 février-1er juin 1997, Electa, Milan, 1997.

 

Ces statuettes, issues de commandes privées, étaient déposées dans les sanctuaires dédiés à la déesse afin d’accorder vie, prospérité et santé au dévot, comme Isis les a accordé à son fils et aux souverains égyptiens. Pour un corpus iconographique d’Isis lactans à l’époque gréco-romaine, voir TRAN TAM TIHN Vincent, LABRECQUE Yvette (coll.), Isis lactans. Corpus des monuments gréco-romains d’Isis allaitant Harpocrate, Etudes préliminaires aux religions orientales dans l’Empire romain 37, Leyde, 1973.

 

Ce type de statuette était largement répandu à partir de la Troisième Période intermédiaire. Nombre de musées en possèdent donc dans leurs collections, et en grande quantité. Nous ne donnons ici que quelques exemples datant tous de la Troisième Période intermédiaire ou de la Basse-Époque.

Carlsberg Glyptotek de Copenhague : AEIN 161.

Musée du Louvre, Paris : E 3637, N 5022, AF 13341, E 3636 ...

Metropolitan Museum of Art, New York : 17.190.1641, 45.4.3a et b, 1972.62, 04.2.443 ...

Museo Egizio di Torino, Turin : Cat. 0154, S. 00034, S. 00033, Cat. 0156 ...

Penn Museum, Philadelphie : E 14293, E 14328, E 502, E 504, E 880 ...

Walter Art Museum, Baltimore : 54.415, 54.416, 54.417, 54.792 ...

Œuvres associées

Les collections du musée Rodin conservent d’autres exemples d’Isis Lactans, notamment Co. 209Co. 210Co. 1487Co. 2370Co. 2409 et Co. 5787.

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

 

Boreux 1913 : 207 ?

 

Donation à l’État français en 1916.

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