Satyre et ménade

Applique de mobilier

Égypte > provenance inconnue

Ve - VIe siècle ap. J.-C.

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 6,9 cm ; l. 9,3 cm ; P. max 1,3 cm

Os, scapula de bœuf

Co. 2187

Commentaire

Etat de conservation

L’importante lacune de la partie supérieure senestre a fait disparaître le buste et la tête du personnage féminin situé à droite de la composition. Les angles du bord dextre sont également fortement endommagés par de larges éclats. En sus, la face principale est parcourue par un réseau de fentes de surface parallèles au fil de l’os. Au dos du relief se développe, essentiellement en partie inférieure, une zone de tissu osseux spongieux. Quelques petites taches ocre orangé parsèment la surface externe de la pièce.

 

Description

La scène est délimitée à gauche, par un pilastre cannelé, sculpté le long du bord dextre. Souvent présents sur les appliques de taille réduite (cf. Co. 2059, 2078, 2080, 21142199), les supports architecturaux rythmaient le cortège dionysiaque, dont les membres défilaient sur une série d’appliques sans doute juxtaposées, constituant le décor de coffrets ou de cabinets. Cette même scansion s’observe sur des coffrets de bois à revêtement métallique découverts en Égypte (STRZYGOWSKI 1904, p. 253-257, n° 9037-9038, pl. XXIV - XXV), les colonnes supportant alors des arcades qui encadrent les personnages. Cette structuration du décor est également appliquée aux grandes tentures du IVe siècle sur lesquelles se déploie le thiase dionysiaque (WILLERS, NIEKAMP 2015, p. 14-24).

 

L’applique est sculptée d’un groupe composé d’une figure de satyre progressant vers la droite à laquelle s’oppose une ménade allant dans le sens contraire. Le chiasme formel que déterminent ces deux silhouettes n’était que davantage renforcé par le rejet des deux visages en arrière, entrant en communication par le regard. Contrairement aux pièces Co. 2174 du musée Rodin et 13340 du musée gréco-romain d’Alexandrie (BONACASA-CARRA 1995, p. 281, pl. XXXV-6), sur lesquelles un satyre poursuit une ménade, les personnages évoluent ici en sens opposé.  Cette disposition trouve une traduction similaire dans le relief 1327,0318.4 du British Museum. Cette pièce provenant de la région du Fayoum, qui accueille deux ménades ainsi qu’un satyre askophoros, offre dans une facture beaucoup plus soignée, le schéma inversé de notre modèle iconographique.

 

Le satyre, complètement nu, hormis une pardalide dont les plis se répandent de façon discrète de part et d’autre du corps, supporte une outre sur son épaule droite. Tandis qu’il maintient le contenant gonflé de vin de sa main droite, l’autre, restée libre, accompagne le mouvement de torsion du buste. Plusieurs traits caractéristiques apparentent étroitement cette figure au satyre de l’applique Co. 2078 : l’attitude générale, le canon court et trapu, un buste oblong fortement arc-bouté vers l’arrière, une épaule droite assez développée, et une outre dont le fond ceint le profil. Cependant, la sculpture plus appuyée du buste révèle une attention portée aux détails anatomiques : une ligne ondulante marquant les pectoraux croise un sillon vertical matérialisant le sternum et la linea alba. Pour autant, le visage très incliné, cerné d’une chevelure courte aux mèches incisées, est animé par un œil globulaire semblable à celui du visage du satyre Co. 2078.

 

La ménade, qui contrarie le sens du cortège par son volte-face, est vêtue d’un chiton aux plis pesants, suivant le mouvement de sa jambe gauche, portée en avant, à moins qu’il ne faille y reconnaître la jambe droite portée en arrière, tant la posture s’avère peu lisible. En dépit de la lacune, ce qu’il subsiste de l’épaule et du bras droit, laisse imaginer qu’en dansant vers la gauche, la suivante de Dionysos, adoptait une attitude tournoyante, transcrivant avec justesse l’agitation frénétique du thiase. Son bras droit barrait sans doute son buste, frappant un tympanon, ou jouant des cymbales, à la manière des ménades sculptées sur une série d’appliques répertoriée par A. Loverdou-Tsigarida (LOVERDOU-TSIGARIDA 2000, p. 282-283, 285, n° 213-220, 230, 241-243). L’attitude générale de la jeune femme semble d’ailleurs très proche de celles des ménades décorant trois petites appliques du musée Rodin : Co. 2175, Co. 2181 et Co 2244. La comparaison offerte par ces pièces achève de nous convaincre que le visage de la ménade était vraisemblablement tourné vers la droite, en direction du satyre, malgré l’amorce de torsion du haut du buste. Derrière son dos, un pan de draperie soulevé par la danse vient encore frôler la main de son compagnon.

 

Le style rudimentaire du relief s’exprime à la fois dans la simplification extrême de l’anatomie du corps du satyre et la raideur de l’étoffe de la ménade. Au cela s’ajoute un rendu très hésitant des attitudes. Les formes alourdies et inachevées cohabitent avec un graphisme très accentué. Cette caractéristique s’observe sur de nombreuses appliques appartenant à cette typologie, telles Co. 2078 ou Co. 2293. Bien que différent, un relief orné d’une silhouette de satyre askophoros exhumé à Alexandrie (FOU 01. 10131.172 : RODZIEWICZ 2007, p. 79, n° 25, pl. 12, 32-3 ; RODZIEWICZ 2008, p. 250, 259, fig. 5-8), participe de cette même tendance stylistique qui consiste à cerner les formes de sillons très marqués, en privilégiant le trait au détriment du volume. Assigné au milieu du Ve - début du VIe siècle par son contexte de découverte, il fournit un jalon chronologique, venant à l’appui des datations proposées par A. Loverdou-Tsigarida pour cette série d’appliques.

 

Comparaisons 

-Londres, British Museum, 1327,0318.4.

-Paris, Musée Rodin, Co. 2078 (type iconographique et style du satyre)

-Paris, Musée Rodin, Co. 2175, Co. 2181, Co. 2244, Co. 2293 (type iconographique de la ménade).

 

Historique

Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’Etat français en 1916.

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