Isis Lactans

Isis allaitant Horus l'Enfant

ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE

TROISÈME PÉRIODE INTERMÉDIAIRE OU ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXIe - XXXIe dynastie > 1069 - 30 AVANT J.-C.

[voir chronologie]

BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)

H. : 19,5 cm ; L. : 4,2 cm ; P. : 6,7 cm 

Co. 209

Commentaire

Etat de conservation

La statuette est complète à l’exception du siège sur lequel la déesse était assise. L’oxydation du métal est légère. On remarque la présence d’or sur le visage d’Isis, notamment dans les yeux et sur la perruque, mais aussi sur le collier d’Horus. Bien que le temps ait dégradé les détails de l’œuvre, on note toutefois qu’elle devait être d’une grande finesse à l’origine.

Ch. Boreux, en décrivant l’objet en 1913, signale que les jambes de l’enfant sont brisées ; actuellement, ces dernières ne présentent aucune fissure ni trace de recollage. 

Description

L’œuvre figure une déesse portant un enfant sur ses genoux. Il s’agit d’Isis et d’Horus-l’Enfant, appelé également Harpocrate. Suivant une posture classique à l’iconographie d’une déesse allaitante, Isis pose sa main gauche derrière la tête de l’enfant, la soutenant ainsi, et la main droite sur son sein gauche pour faciliter l’allaitement. Ses pieds sont joints sur une petite base carrée. Cette base, creuse à sa conception, est comblée sous l’effet de la corrosion. Horus est assis sur les genoux de sa mère, les bras le long du corps, les jambes serrées et les pieds ballants. La figurine était préparée pour être assise sur un trône inséré sur une base plus large, comme en témoigne le tenon visible sous la petite base. L’extrémité de ce tenon est légèrement corrodée et visiblement tronquée. À une époque inconnue, vraisemblablement contemporaine de sa mise sur le marché de l’art, l’œuvre a été placée sur un socle rond en marbre. Aujourd’hui, ce socle est manquant ; celui présenté sur les clichés n’est pas d’origine.

Ce type très connu de statuette présente Isis coiffée d’une perruque tripartite finement décorée. Pour un corpus iconographique d’Isis Lactans à l’époque gréco-romaine, voir TRAN TAM TIHN Vincent, LABRECQUE Yvette (coll.), Isis lactans. Corpus des monuments gréco-romains d’Isis allaitant Harpocrate, Études préliminaires aux religions orientales dans l’Empire romain 37, Leyde, 1973. Les mèches des cheveux, soigneusement disciplinées par des rubans, sont individualisées par des stries. La perruque est recouverte d’une dépouille de vautour ; la tête du rapace se dégage sur le front et ses deux pattes pendent à l’arrière. Le vautour porté en couronne signifie qu'Isis a le titre de mère de roi. L’ensemble est surmonté d’une couronne hathorique composée d’un disque solaire imposant flanqué de deux cornes de vache, le tout reposant sur un socle d’uraei dressés. Déesse longiligne et élancée, Isis est vêtue d’une longue robe moulante et ses deux chevilles sont ornées d’un large bracelet. L’enfant est nu à l’exception d’un bonnet orné d’un uraeus frontal et d’une épaisse mèche de l’enfance sur le côté droit dont les mèches de cette tresse sont marqués par des incisions. Un large collier-ousekh pare son cou.

Isis présente un visage ovale. Les grands yeux creux, qui accueillaient probablement à l’origine une incrustation de pierre ou de pâte de verre, ne sont pas positionnés sur un même axe. En effet, l’œil droit est plus bas que le gauche. Il en va de même pour l’oreille droite, qui au-delà de sa taille disproportionnée, est plus basse que celle de gauche. Le nez est long et les narines larges. Elles surmontent une petite bouche charnue. Les épaules tombantes de la déesse se prolongent sur des bras relativement fins, sans détail de musculature et de longueur inégale. La poitrine se dégage du buste et la taille est fine. Le nombril, large, ainsi que les genoux et les tibias sont visibles au travers de la robe. Enfin, on remarque que les pieds et les mains de la déesse ont été grossièrement rendus, de même que les traits du visage d’Horus dont les grands yeux encadrent un large nez. La bouche est fine et pincée et ses deux oreilles sont larges. Notons que la tête de l’enfant est disproportionnée par rapport à son corps, ce qui est commun aux représentations de l’enfance. Ses épaules étroites se développent sur de longs bras aux mains charnues. L’espace entre le buste et les bras n’ayant pas été correctement évidé, Horus semble avoir des bras très épais. Les courtes jambes se terminent par des pieds carrés sans détail anatomique. Le dieu-enfant étant assis sur les genoux de sa mère, ses pieds sont représentés volontairement ballants. Enfin, ses organes génitaux sont rendus par une simple boursoufflure au niveau du bassin. 

 

Au-delà de l’image de l’amour maternel, les statuettes d’Isis allaitant Horus illustrent un des mythes fondateurs de la civilisation et de la royauté égyptienne. Prodiguant ses soins au fils posthume d’Osiris, Isis assure la survie de son enfant et le protège des puissances maléfiques représentées par Seth. En effet, mécontent de n’être que le frère du roi Osiris, il assassine son propre frère puis s’attaque à l’héritier du trône, Horus. Or Isis, déesse nourricière mais également magicienne experte, cache son enfant dans les marais du Delta afin d’assurer la succession d’Osiris. Outre la symbolique mythologique, ces statuettes représentent également l’image du roi allaité par une divinité, image connue dès l’Ancien Empire. Les Textes des Pyramides font en effet mention d’Isis allaitant le roi (cf. LECLANT Jean, « Le rôle du lait et de l’allaitement d’après les Textes des Pyramides », JNES 10, 1951, p. 126). C’est par cet acte maternel que la déesse entoure le souverain d’une protection divine et le reconnaît comme étant de caractère divin. À l’origine, l’allaitement s’attache exclusivement à la survie du roi, puis est associé au couronnement pharaonique à partir de Montouhotep II, premier roi de la XIe dynastie (Moyen Empire). Affirmer sa filiation au dieu Horus-enfant lui accorde la légitimité nécessaire pour régner. L’allaitement permet ainsi la continuité et la perpétuité de sa souveraineté.

 

À la Basse Époque, Isis obtient un culte propre qui la démarque peu à peu du mythe osirien et par conséquent des cultes funéraires. Dans la pensée populaire, elle est étroitement associée à Hathor, déesse vache incarnant la prospérité par son image nourricière. Isis reprend ainsi symbolisme et attributs d’Hathor, notamment les cornes de vache flanquant le disque solaire de la couronne. Isis devient par la suite l’emblème de la féminité en tant qu’épouse et mère. Pour une présentation générale d’Isis, voir DUNAND Françoise, Isis, mère des dieux, Paris, 2000, réédition Arles, 2008.

 

Ces statuettes, issues de commandes privées, étaient déposées dans les sanctuaires dédiés à la déesse afin d’accorder vie, prospérité et santé au dévot, comme Isis les a accordé à son fils Horus et aux souverains égyptiens. 

 

Ce type de statuette était largement répandu à partir de la Troisième Période intermédiaire. Nombre de musées en possèdent dans leurs collections et en grande quantité. Nous ne donnons ici que quelques exemples datant tous de la Troisième Période intermédiaire ou de la Basse Époque.

Musée du Louvre, Paris : inv. n° E 3637, N 5022, AF 13341, E 3636 ...

Metropolitan Museum of Art, New York : inv. n° 17.190.1641, 45.4.3a et b, 1972.62, 04.2.443 ...

Museo Egizio di Torino, Turin : inv. n° Cat. 0154, S. 00034, S. 00033, Cat. 0156 ...

Penn Museum, Philadelphie : inv. n° E 14293, E 14328, E 502, E 504, E 880 ...

Walter Art Museum, Baltimore : inv. n° 54.415, 54.416, 54.417, 54.792 ...

Œuvres associées

Les collections du musée Rodin conservent d’autres exemples d’Isis Lactans, notamment Co. 210, Co. 1487, Co. 2370, Co. 2409, Co. 2429, Co. 2433 et Co. 5787.

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Meudon/pavillon de l'Alma/vitrine 6,  327, "Isis allaitant Horus. Elle est coiffée du disque et des cornes. Le siège manque et les jambes de l’enfant sont cassées. Bronze très oxydé. Hauteur 19 cent ½. Estimé vingt frs."

Donation à l’État français en 1916.

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