Hathor passant

ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE

ÉPOQUE RAMESSIDE OU BASSE-ÉPOQUE > 715 – 332 avant J.-C.

[voir chronologie]

CALCAIRE

H. : 38 cm ; L. : 51,1 cm ; P. : 15,3 cm 

Co. 1297

Commentaire

Etat de conservation

L’œuvre présente un état de conservation correct. 

La sculpture présente des manques importants, notamment la tête dont le plan de cassure suit la base du cou au niveau du collier, la moitié de la patte avant gauche, un bout du plein central, l’extrémité du sabot de la patte avant droite et le sabot de la patte arrière droite. 

 

La pierre montre une tendance à la pulvérulence. Des éléments présents sous la surface de la pierre ont provoqué des pertes de matières sous forme de cratères, allant parfois jusqu’à 3 mm de profondeur et 1,2 cm de diamètre en surface. Ils sont parfois regroupés sur plusieurs zones, notamment le dos, le flanc droit et la cuisse arrière gauche, et forment dans ce cas de larges lignes de manque. Les éléments provoquant ces pertes étaient visibles avant la restauration de 2019. De couleur ocre et poudreux, il s’agissait probablement d’une sorte d’argile. Cette matière argileuse se retrouve dans un réseau de fissures non ouvertes. 

 

On note des traces d’outils sur l’ensemble de l’œuvre. 

Description

Il faut très probablement voir dans cette statue de vache passante, pattes gauche avancées (sur la vache en Égypte ancienne, cf. YOYOTTE Jean, VERNUS Pascal, Bestiaire des Pharaons, Paris, 2005, « Vache », p. 602-607), une représentation zoomorphe de la déesse Hathor. En effet, le cou du bovin est paré d’un collier imposant dont le contrepoids repose sur son dos. Bien que le collier ait été laissé sans ornementation gravée, la forme de son contrepoids permet d’y voir un collier-menat, l’un des principaux attributs de la déesse Hathor (sur ce collier, voir CORTEGGIANI Jean-Pierre, L’Égypte ancienne et ses dieux : dictionnaire illustré, Paris, 2007, « Menat (collier) », p. 315-316). Il se compose d’une large languette rectangulaire qui se finit par un ovale. L’encolure, épaisse d’environ 2 centimètres, s’élargit en descendent de chaque côté du cou pour venir recouvrir en majeure partir le poitrail imposant. La campagne de restauration de 2019 a révélé la présence de détails peints sur ce collier, de même que les sabots et le dos de l’animal. . Une tête de vache en calcaire peint conservée au Musée du Louvre permet de restituer l’œuvre complète, E16380. Ce fragment date de l’époque ramesside et a été retrouvé au village de Deir el-Medineh. 

Une sous-couche préparatoire de couleur ocre rouge à ocre jaune a été appliquée directement sur la pierre, a priorisur l’ensemble de la surface, puis a été recouverte d’un badigeon de couleur ocre clair. Sur ce badigeon, on observe des lignes noires formant des motifs, appliquées sur le contrepoids du collier et sur le sabot de la patte avant droite. 

 

La statue Co. 1297 présente une grande qualité d’exécution dans le rendu des formes anatomiques du bovidé. Le fanon sur la poitrine ainsi que l’évocation de l’avant-pis sont modelés. Les épaules sont légèrement en relief contrairement aux hanches, clairement visibles et annonçant une croupe aplatie. Le dos à la cambrure naturelle est rehaussé d’une très légère arête qui dessine la colonne vertébrale. Sur les pattes, les pointes de coude, les jarrets, les ergots et les sabots sont figurés avec naturel. Enfin, la longue queue se détache de la croupe puis s’étire de façon rigide le long de la patte arrière droite jusqu’au sabot. Le toupillon se démarque légèrement. Pour le vocabulaire utilisé, voir le site Observation et Imagerie. Dans un souci de stabilité, l’image de la vache est soutenue par un plein central. 

 

Ce type de sculpture, représentant un bovidé mâle ou femelle, se retrouve principalement au cours du Nouvel Empire et à la Basse-Époque. La représentation la plus connue est celle en calcaire peint du Nouvel Empire provenant de la chapelle d’Hathor consacrée par Thoutmosis III à Deir el-Bahari. On y voit la vache Hathor émergeant de la montagne de l’Ouest protègeant le pharaon sculpté sous son poitrail (voir JE 38574-5 conservée au musée égyptien du Caire, cf. SALEH Mohamed, SOUROUZIAN Hourig, Musée égyptien du Caire. Catalogue officiel, Mayence, Verlag Philipp von Zabern, 1987, notice 138). Statue cultuelle, la vache Hathor du musée Rodin pouvait également être portée en procession. La présence de peinture sur le collier, les sabots et le dos du bovidé favorisent cette hypothèse. 

Hors contexte, la datation et le lieu de provenance restent supposés. Une comparaison avec la statue conservée au Kunsthistorisches Museum de Vienne 1188 suggère une datation ramesside. Si on se réfère aux images zoomorphes d’Hathor de cette période conservées au musée du Louvre, la statue du musée Rodin pourrait avoir pour origine le site de Deir el-Médineh (voir Pour l’exemple, on peut citer le groupe statuaire en calcaire datant de la Basse-Époque conservé au Musée du Louvre E26023 (cf. BARBOTIN Christophe, Les statues égyptiennes du Nouvel Empire, Statues royales et divines, tome premier, Paris, 2007, n° 87-90, p. 148-152, pl. p. 244-252).

 

Une datation plus tardive ne peut être écartée mais semble moins probable  (comparer à la statue en grauwacke du Musée royal de Mariemont Ac.64/7, datée de la Basse-Époque (DERRIKS Claire, « Statue fragmentaire de vache », in Cl. DERRIKS, L. DELVAUX (éd.), Antiquités égyptiennes au Musée Royal de Mariemont, Morlanwelz, 2009. 

p. 78-81), à la tête de vache en grauwacke du Musée du Louvre E 3432 datée de la fin de la Troisième Période intermédiaire ou de la XXVIème dynastie (BARBOTIN Christophe, in H. GUICHARD (dir.), Des animaux et des pharaons. Le règne animal dans l’Égypte ancienne, Catalogue d’exposition, Lens, Musée du Louvre-Lens, 5 décembre 2014 - 9 mars 2015, Paris, Lens, 2014, cat. n° 71, p. 93), et au taureau Apis en calcaire de la XXXème dynastie provenant du Sérapeum de Saqqara conservée au musée du Louvre N 390 = IM 1803 (CHARRON Alain, « Des momies par millions », in H. GUICHARD (dir.), ibid., p. 272). 

 

La vache est la représentation zoomorphe de la déesse Hathor. Figure majeure du panthéon égyptien, elle est l’image même de la féminité divinisée. Déesse de l’amour, de la joie, de l’ivresse, de la danse et de la musique, les Grecs y reconnaitront la déesse Aphrodite. Ses lieux de culte sont aussi nombreux que ses épithètes et ses formes. En effet, elle peut être identifiée à de multiples divinités féminines, par exemple Isis (voir l’œuvre Co. 1441), Maât (voir Co. 2427), Sechat, Ouadjet, Sekhmet (voir Co. 773) ou encore Neit. Elle est mère de Rê en tant que vache céleste, mais également sa fille. « Dame d’amour dans la barque des millions [d’années] », son caractère érotique de sa beauté suscite l’activité créatrice de Rê « qui illumine les disque quand il la voit » (cf. CORTEGGIANI Jean-Pierre, L’Égypte ancienne et ses dieux : dictionnaire illustré, Paris, 2007, p. 180). Son caractère maternel et nourricier lui a valu d’être considérée comme une déesse funéraire mais aussi protectrice des femmes et des enfants. En tant que vache bienveillante, elle acquière des prérogatives nourricières offrant subsistance et protection pour le roi et son territoire.  

L’iconographie d’Hathor est aussi variée que ses représentations dans son temple de Dendera. Sa coiffe la plus commune est la couronne dite hathorique, constituée d’un disque solaire flanqué de cornes de vache. L’œuvre du musée Rodin Co. 1297 a très certainement été coiffé de la même manière. De ses nombreux attributs, on peut citer le collier menat, également présent sur la statue Co. 1297, le sistre dont le musée Rodin conserve par ailleurs une partied'un exemplaire en bronze (Co. 3096), ou encore la couronne atef

Œuvres associées

Les collections du musée Rodin conservent de nombreux exemples de bovidés en bronze de petite taille, représentent le taureau Apis. La statue Co. 1297 est la seule statue de vache en calcaire et de cette dimension.

Inscription

Anépigraphe. 

Historique

Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian le 11 septembre 1912.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 277, "Vache Hathor. Calcaire, la tête manque, autour du cou le menat. Largeur 53 cent. Hauteur 38 cent. 250 frs."

Donation à l’État français en 1916.

Commentaire historique

Cette statue fut achetée auprès de l’antiquaire Joseph Altounian qui l’expédia dans un lot d’objets le 31 août 1912 et le décrivit ainsi :  « 1 Bœuf sans tête calc. Prob. Apis 167 » (ALT 147, archives musée Rodin).

 

L’antiquaire Joseph Altounian, écrivait à Rodin du Caire le 10 Août 1912 : « Cher Maître, J’ai l’honneur de vous faire savoir que je viens de rentrer aujourd’hui même au Caire après avoir accompli le voyage dans la Haute-Égypte dont voici les principales étapes. Éléphantine, Abydos, Phylae, Héracleopolis, Sakhara, Memphis, etc., ou j’ai séjourné pour recueillir pour votre collection des fragments de bas-reliefs, granit, calcaire, basalte, bref tout ce que j’ai jugé pouvant vous intéresser. Ce lot renferme 24 pièces des bas-reliefs et des reliefs en creux des grands et des petits, le tout appartenant aux différentes dynasties ayant régné dans les régions que j’ai traversées, plus 19 pièces de fragments en ronde bosse le tout présente la sculpture des meilleures dynasties. » J. Altounian était parti du Caire en juillet 1912, et l’on peut suivre son périple sur son agenda (archives Altunian) : Minieh, Mallawi, Assiout, Abou Tig, Assiout, Sohag, Achmim, Abou Tig, Baliana, Abydos, Baliana, Keneh, Kous, Louxor, Sohag, Achmim, Sohag, Mallawi, Le Caire, où il arriva le 7 août.

 

Le 28 Août 1912, Altounian écrit au sculpteur : « Cher Maître J’ai l’honneur de vous annoncer que je suis arrivée à Paris depuis quelques jours. Je me suis présenté 77 rue de Varenne mais on m’a dit que vous étiez absent ; jour cela. Je vous adresse la présente à votre adresse à Paris espérant qu’on vous la faira suivre. Donc je vous prie cher Maître de me dire le jour que vous rentrez à Paris afin que je vienne vous soumettre le bordereau avec la nomenclature des objets que je vous ai expédié du Caire.». Le 6 septembre, Altounian recevait de Rodin « la somme de frs 850 (huit cent cinquante francs) comme prêt pour m’aider à dégager les 6 caisses antiques de la Douane ; Monsieur Rodin n’est pas engagé à acheter ce lot d’antiquités s’ils ne lui plaisent pas. Il achètera que ce qu’il lui plaira.». Rodin choisit un grand nombre d’œuvres de ce lot dont la statue Co.1297 et versa à l’antiquaire 5000 francs le 11 septembre 1912.

 

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