Horus

statue naophore

Égypte > provenance inconnue

Datation  > Nouvel Empire à Basse Époque

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 65 CM ; L. 28,5 CM

Calcaire polychrome

Co. 1002

Commentaire

Etat de conservation

L’œuvre est en assez bon état de conservation, malgré des pertes de matière dues à l’érosion et à une pierre par endroits pulvérulente, occasionnant de nombreuses cassures et épaufrures, notamment sur la base et les côtés. Le bouchage est très inesthétique. L’objet a visiblement été arraché à une paroi ou, plus vraisemblablement, à une statue naophore, et aucun des chants n’est d’origine : on constate à l’arrière et sur les côtés de profondes traces de ciseau, en tous sens, tandis que la partie supérieure paraît avoir subi un traitement plus délicat, et n’avoir été rattachée que plus récemment.

Description

Cette statue représente le dieu Horus debout dans un naos, figuré sous les traits d’un homme à tête de faucon. Sa coiffure classique, une perruque tripartite dont les mèches maintenues par des rubans retombent sur sa poitrine, est surmontée d’un uraeus endommagé et d’un large disque solaire. Le dieu est également vêtu d’un pagne court, maintenu autour des reins par une large ceinture et lui aussi endommagé. Le bras droit est plaqué le long du corps, poing fermé, et enserrait peut-être à l’origine le petit rouleau stylisé symbolisant une pièce d’étoffe ou de papyrus. Quant à la main gauche, elle tient devant le corps un sceptre dont la partie supérieure est manquante, mais dont l’empreinte ne laisse aucun doute : il s’agit, comme c’est normalement le cas, du sceptre-was, symbole de puissance et attribut de la plupart des dieux masculins de manière générale.

Horus apparaît ici au sein d’un naos surmonté d’un disque solaire ailé et encadré d’inscriptions portant une formule dédicatoire. Le terme de « naos » désigne autant le tabernacle abritant la statue d’une divinité que, par extension, la pièce qui l’accueille au sein du temple et en constitue la partie la plus sacrée. Le naos, pourvu de portes, était ouvert tous les matins afin d’accomplir les rites du culte journalier – en particulier présenter les offrandes et laver, habiller et parfumer la statue – et il était scellé à nouveau tous les soirs. La niche est ici profonde de cinq centimètres environ pour donner l’illusion que le dieu, ou sa statue, se trouve à l’intérieur ; un mortier rose a été déposé dans l’angle inférieur gauche. Quelques traces de pigments sont encore présentes : c’est peut-être le cas de dépôts blancs dans les hiéroglyphes, et surtout des restes d’ocre rouge sur le disque solaire et sur le bord inférieur de la bordure et d’ocre jaune ailleurs.

Horus, dont le nom est une forme hellénisée de l’égyptien originel Herou signifiant « le lointain, le distant », est une divinité majeure de la cosmogonie égyptienne. Il apparaît dans la documentation dès l’époque protodynastique, comme symbole principal de la monarchie qu’il demeure par la suite tout au long de l’histoire pharaonique. Outre cet aspect fondamental, il est souvent considéré comme une divinité céleste, et est rapidement associé à la ville de Nekhen, d’ailleurs nommée en grec Hierakonpolis ou « ville du faucon » en référence à l’important culte qui y est voué à Horus. Même si les premières représentations de faucons connues, remontant à la période prédynastique de Nagada II, proviennent de cette localité, il est difficile d’affirmer si le faucon est déjà une divinité à cette époque, ni même s’il est déjà symbole de cette cité ou le deviendra seulement ensuite, à la Ière dynastie. Quoi qu’il en soit de la réalité historique, cet aspect monarchique d’Horus et ses racines prédynastiques sont ensuite repris et réinterprétés, dans un récit mythico-historique élaboré dès l’Ancien Empire, pour faire de ce dieu l’acteur mythique de l’unification de l’Égypte. Le royaume d’Horus centré sur Hierakonpolis aurait alors affronté celui de Seth et sa capitale Naqada/Noubet, avant de vaincre celui-ci et d’étendre son pouvoir sur l’ensemble du pays.

Ce n’est que bien plus tard, à la Ve dynastie où le culte d’Osiris grandit considérablement en importance, que cet aspect d’Horus dit « Horus l’Ancien » est entremêlé à la théologie osirienne. Un deuxième personnage divin, lui aussi fondamental, naît alors : Horus « le Jeune », fils d’Isis et Osiris, conçu à la suite du meurtre du roi Osiris par son frère jaloux Seth, et après que sa mère ait réuni le corps coupé en morceaux, inaugurant par là-même la momification. Élevé par Isis à l’abri de son oncle, Horus le Jeune livre à Seth, une fois adulte, un combat acharné qu’il finit par remporter. Il incarne dès lors le fils qui lave l’honneur de son père et est donc assimilé à un nouvel aspect monarchique, celui de l’héritier royal qui succède à son père. Le culte d’Horus est donc extrêmement actif pendant toute l’histoire pharaonique, mais il l’est particulièrement, comme celui de la triade osirienne en général, au Ier millénaire avant notre ère (voir COULON, 2005, p. 1-23, et COULON, 2011, p. 21-24).

 

L’œuvre Co. 1002 présente clairement des caractéristiques stylistiques de cette période, avant laquelle les statues de dieux présentées dans des naos sont peu fréquentes. Le disque solaire ailé qui surmonte la structure, et ses deux uraeus à la symétrie imparfaite, évoquent également le style assez schématique de nombreuses productions « populaires » en calcaire de la fin du Nouvel Empire et de la Basse Époque. Celle-ci pourrait de plus provenir d’une statue naophore (ce qui est plausible au vu du type d’objet, mais incertain au vu de ses dimensions imposantes), un type statuaire inventé à la XVIIIe dynastie et qui se développe principalement à la troisième période intermédiaire (BARBOTIN 2017, p. 45). La posture frontale du dieu, enfin, évoque d’autres représentations à échelle plus réduite, telles que la figurine votive Co. 2386 du musée Rodin, et surtout un autre petit naos très similaire conservé au Museu Egipci de Barcelone (inv.no. E731). Il est très probable que ces deux objets aient été originellement placés dans des sanctuaires.

Historique

Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian le 11 septembre 1912.

BOREUX 1913 : Hôte Biron, 273, "Petite stèle [dessin], évidée en forme de niche A, dans laquelle est sculpté un Horus hiéracocéphale debout, coiffé du disque et de l’uraeus, et tenant devant lui, de son bras gauche demi plié, le sceptre [dessin]. En haut de la stèle est figuré le disque ailé ; les légendes qui encadrent la niche paraissent donner au défunt (en a) le nom [hiéroglyphes] Calcaire. Cassées en 2 morceaux. Haut. 63 cent. Larg. à la base : 27 cent. Estimé trois cent francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

 

Commentaire historique

L'oeuvre fut achetée auprès de l’antiquaire Joseph Altounian qui l’expédia dans un lot d’objets le 31 août 1912 et le décrivit ainsi :  « 1 fausse porte de tombeau au milieu homme debout avec tête d’épervier (Mastaba) 300  » (ALT 147, archives musée Rodin).

 

L’antiquaire Joseph Altounian, écrivait à Rodin du Caire le 10 Août 1912 : « Cher Maître, J’ai l’honneur de vous faire savoir que je viens de rentrer aujourd’hui même au Caire après avoir accompli le voyage dans la Haute-Égypte dont voici les principales étapes. Éléphantine, Abydos, Phylae, Héracleopolis, Sakhara, Memphis, etc., ou j’ai séjourné pour recueillir pour votre collection des fragments de bas-reliefs, granit, calcaire, basalte, bref tout ce que j’ai jugé pouvant vous intéresser. Ce lot renferme 24 pièces des bas-reliefs et des reliefs en creux des grands et des petits, le tout appartenant aux différentes dynasties ayant régné dans les régions que j’ai traversées, plus 19 pièces de fragments en ronde bosse le tout présente la sculpture des meilleures dynasties. » J. Altounian était parti du Caire en juillet 1912, et l’on peut suivre son périple sur son agenda (archives Altunian) : Minieh, Mallawi, Assiout, Abou Tig, Assiout, Sohag, Achmim, Abou Tig, Baliana, Abydos, Baliana, Keneh, Kous, Louxor, Sohag, Achmim, Sohag, Mallawi, Le Caire, où il arriva le 7 août.

 

Le 28 Août 1912, Altounian écrit au sculpteur : « Cher Maître J’ai l’honneur de vous annoncer que je suis arrivée à Paris depuis quelques jours. Je me suis présenté 77 rue de Varenne mais on m’a dit que vous étiez absent ; jour cela. Je vous adresse la présente à votre adresse à Paris espérant qu’on vous la faira suivre. Donc je vous prie cher Maître de me dire le jour que vous rentrez à Paris afin que je vienne vous soumettre le bordereau avec la nomenclature des objets que je vous ai expédié du Caire.». Le 6 septembre, Altounian recevait de Rodin « la somme de frs 850 (huit cent cinquante francs) comme prêt pour m’aider à dégager les 6 caisses antiques de la Douane ; Monsieur Rodin n’est pas engagé à acheter ce lot d’antiquités s’ils ne lui plaisent pas. Il achètera que ce qu’il lui plaira.». Rodin choisit un grand nombre d’œuvres de ce lot dont l'oeuvre Co.1002 et versa à l’antiquaire 5000 francs le 11 septembre 1912.

 

L'oeuvre fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

 

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