Statuette d’un homme assis sur un siège cubique

Ronde-bosse

Égypte > provenance inconnue

L’âge classique > Moyen Empire > XIIe dynastie

[voir chronologie]

Basalte  ?

H. 16,50 CM : L. 8,90 CM : P. 17,20 CM

CO. 3383

Commentaire

Etat de conservation

Le musée possède seulement la partie inférieure de la statuette, à partir de la taille et de l’avant-bras gauche (au-dessous du coude) jusqu’aux pieds. Ce fragment conséquent présente un assez bon état général, même si le coin inférieur gauche du siège cubique a disparu. Une partie de l’auriculaire gauche a également disparu. On constate quelques éclats sur les arêtes du siège et l’index gauche. La base de la statue a également souffert, notamment l’avant du socle.

Description

Le personnage est assis sur un siège cubique, la main gauche posée à plat sur la cuisse, les pieds joints. L’absence de trace d’arrachement sur la cuisse droite tend à indiquer que la main droite était décollée du bas du corps, sans doute ramenée à la poitrine. Dès l’Ancien Empire, on trouve des statues assises dont la main droite est ramenée sur la poitrine, ouverte ou fermée et la main gauche posée à plat sur la cuisse, une attitude alors déjà archaïque (VANDIER, 1958, p. 64). Au Moyen Empire, elle devient plus fréquente : il arrive que les hommes, qu’ils soient debout ou assis, portent la main gauche ouverte à la poitrine et posent la main droite à plat sur la cuisse (par exemple les statues conservées au musée du Louvre E 11216 et E 22747 ; DELANGE, 1987, p. 140-141 et 192-193). Elle continue à être attestée sur les effigies d’hommes assis au Nouvel Empire : la main gauche aussi bien que la droite peut être ramenée à la poitrine, ouverte ou tenant un objet comme un élément végétal, l’autre main posée à plat sur la cuisse ou esquissant un autre geste. L’attitude générale de la statuette du musée Rodin ne nous permet donc pas de trancher de manière certaine en faveur d’une datation Moyen Empire ou Nouvel Empire. Nous pouvons seulement supposer que la main droite était ouverte, la paume posée sur la poitrine, geste qui parait être le plus couramment attesté.

 

L’homme est vêtu d’un pagne long et moulant, lisse, refermé en portefeuille, qui part sous le nombril et descend juste au-dessus des chevilles. Comme c’est généralement le cas avec ce type de costume, le pan droit est croisé par-dessus le gauche. Ce pan droit est plus court que le reste du costume, ce qui n’est pas rare, comme on peut le voir sur deux statuettes du Moyen Empire conservées au musée du Louvre : l’une figure un homme assis (A 80, milieu XIIe dynastie ; DELANGE, 1987, p. 91-93) et l’autre, un homme debout (E 22747, début XIIe dynastie ; DELANGE, 1987, p. 192-193). Ce qui semble être une incision indiquant un retour de tissu sur la cheville droite n’est sans doute qu’une inclusion dans la pierre. Ce pagne long simple, dont le bord de l’étoffe est visible (sauf lorsqu’il est caché par une colonne de hiéroglyphes), est un des vêtements favoris des hommes du Moyen Empire ; il est porté surtout dans la première moitié de la XIIe dynastie mais est encore utilisé à la XIIIe dynastie (VANDIER, 1958, p. 249). Il ne semble plus utilisé après la Deuxième Période intermédiaire, remplacé par une jupe longue et moulante, lisse, sans pan apparent. Sur la statue Co. 3383, aucune ceinture n’est matérialisée, ce qui est loin d’être exceptionnel. Ce costume laisse dégagé le bas du ventre sur lequel on aperçoit le nombril, petit trou circulaire, et le modelé assez doux indiquant la musculature. La languette du pagne, simple à l’extrémité arrondie, est représentée à gauche du nombril, en léger relief et délimitée par une incision. En regard sur le pagne, se trouve une petite pièce de tissu ( ?) qui emble exécutée selon la même technique (léger relief et contour finement incisé) mais avec une forme légèrement différente puisque trapézoïdale. Cet élément ne semble pas connaitre d’équivalent dans la statuaire. Il nous faut envisager la possibilité que cette deuxième languette corresponde en fait à une impureté de la pierre, conservée par le sculpteur et maquillée en élément de fermeture.

 

La main posée sur la cuisse est relativement plate, comme le poignet et l’avant-bras. Les doigts sont longs et traités avec peu de volume ; le pouce, plus court et plus épais, est arqué. Le sculpteur a pris soin d’indiquer les ongles et les cuticules par des incisions.

Les pieds sont nus et posés à plat sur un socle qui prolonge l’avant du siège. L’espace entre les chevilles, de même que l’espace entre le siège et les jambes, n’est pas totalement évidé. Les orteils sont bien modelés et les ongles et les cuticules sont, comme sur la main subsistante, soigneusement indiqués.

 

Le siège cubique sur lequel le personnage est assis est simple, il ne porte aucun décor. À l’arrière subsiste l’amorce d’un pilier dorsal, prolongeant le siège vers le haut mais plus étroit que ce dernier. Une seule colonne de texte est gravée sur ce pilier dorsal et se poursuit sur l’arrière du siège. L’extrémité du socle qui prolonge le siège adopte une forme arrondie, reconnaissable malgré l’éclat ; deux colonnes de texte sont gravées, de part et d’autre des pieds.

Le dessous de la statuette est d’origine et n’a subi aucune modification moderne. Il a été nivelé mais pas poli.

 

Si l’attitude est attestée à différentes périodes, le costume oriente plutôt vers une datation du Moyen Empire. Un parallèle peut être établi avec la statuette E 22747, conservée au musée du Louvre et déjà évoquée. Bien que l’homme soit représenté debout et qu’il y ait inversion dans le geste des mains, la statuette est très proche de la nôtre : elle a été réalisée dans du basalte ; la main gauche est portée à la poitrine, la main droite est contre la cuisse ; le pagne est très similaire, si ce n’est que le pan droit, croisé par-dessus le gauche, admet une pointe sur le haut des cuisses. Cet appendice se retrouve sur plusieurs autres statuettes de la période, notamment celle de Kay conservée au Metropolitan Museum of Art de New York (inv. 33.1.3 ; OPPENHEIM, 2015, n. 86). À titre d’hypothèse, nous pouvons supposer que la seconde languette de notre statuette – celle sur le pagne – est en fait une réinterprétation de cet appendice ou, à l’inverse, que l’inclusion a été utilisée pour rendre cette pointe de tissu ; cependant, rien ne vient étayer cette idée. Une autre statuette du Moyen Empire, conservée dans la même collection (inv. 2013.626, début de la XIIe dynastie ; OPPENHEIM, 2015, p. 145-146, n° 79) présente deux éléments intéressants : une languette gravée sur le pagne, sous le nombril, et un pan à appendice. Cependant, cette languette ne s’ajoute pas à celle à côté du nombril, comme sur la statuette du musée Rodin, mais la remplace – aucune languette n’est représentée sur le corps du dignitaire – et a une extrémité arrondie, non une forme trapézoïdale.

 

Nous pouvons envisager différentes possibilités quant à la fonction de l’œuvre du musée Rodin. Cette typologie statuaire de dignitaire se retrouve dans deux contextes archéologiques différents. Il s’agit soit d’une statue funéraire, déposée dans une sépulture, soit d’une statue installée dans un temple. Statue à vocation funéraire, elle permettait au défunt de recevoir les offrandes déposées dans, ou devant, sa tombe. Statue placée dans un sanctuaire, elle permettait à son propriétaire de bénéficier de la réversion des offrandes faites au dieu. Dans l’un ou l’autre contexte, elle participait à la survie et au confort de son propriétaire dans l’au-delà.

 

Enfin, nous pouvons souligner une nette différence de qualité d’exécution entre la ronde-bosse, très fine, et la gravure assez frustre des inscriptions. Il est possible que deux artisans du même atelier, aux qualifications, différentes aient travaillé sur l’œuvre, l’un pour la sculpture et l’autre pour la gravure, à moins qu’un seul et même artisan ait exécuté les deux tâches, maitrisant mieux l’une que l’autre. Le texte atteste de la difficulté d’écrire sur le basalte, pierre dure, en particulier sur un objet de petites dimensions.

 

Inscription

La colonne de hiéroglyphes encadrée de lignes verticales et gravée à l’arrière de la statue, qui se développe sur le pilier dorsal et se poursuit sur le siège, donne la filiation maternelle du propriétaire de la statuette. Deux petites colonnes de hiéroglyphes bornées de lignes verticales et gravées de part et d’autre des pieds, sur le socle, donnent également le nom du personnage et sa filiation maternelle.

Fait notable, tous les signes sont orientés pour assurer une lecture de droite à gauche, aussi bien sur les deux colonnes de part et d’autre des pieds que sur celle gravée au dos du siège. Conformément au souci d’harmonie des Égyptiens anciens, les signes des deux colonnes du socle devraient être affrontés. Or, ils suivent une disposition identique. Si cette disposition correspondait à la volonté d’orienter les signes de la statuette face au dieu d’un sanctuaire, la colonne du dosseret serait orientée également vers l’image du dieu, ce qui n’est pas le cas. Il semble donc que les signes aient été gravés par un scribe en suivant le sens usuel d’écriture en hiératique, de droite à gauche. Cela s’explique sans doute par le fait que l’artisan utilisait un modèle écrit en hiératique, sur papyrus ou ostracon.

Le personnage est qualifié de maâ-khérou « juste de voix » et neb imakh « titulaire d’une pension (auprès du dieu) », deux expressions qui indiquent son statut de défunt ; cependant, la statuette ne semble pas avoir porté de formule d’offrandes.

L’anthroponyme peut être lu Dédou-Sobek, un nom théophore formé sur le nom du dieu crocodile Sobek, courant au Moyen Empire. Il est écrit graphiquement Sobek-Dédou à cause de l’antéposition honorifique. Le nom de sa mère, Héqet, est lui aussi courant au Moyen Empire et doit sans doute être compris Hé(né)qet, « bière ».

La formule de filiation présente une particularité puisque le nom de la mère est introduit non pas par més(ou)~n, « mis au monde par », mais ir(ou) n, « engendré pour ». Cette formule associée au nom de la mère est attestée à partir du règne de Sésostris Ier, à la XIIe dynastie (OBSOMER, 1993, p. 196).

 

L’épigraphie confirme une datation du Moyen Empire.

 

Historique

Acquise par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913: Hôtel Biron, 187, "Partie inférieure (à partir de la ceinture) d'une statuette de personnage assis, la main gauche posée à plat sur la cuisse. Les inscriptiosn gravées de chaque côté des pieds et sur le pilier dorsal donnent le nom de  [hiéroglyphes]. 11e-12e dynasties. Granit gris. Haut. 16 cent. Estimée cent francs."

Donation Rodin à l’État français 1916

Commentaire historique

La statue fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

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Iâa, fils de Padihorpé

Statue naophore

Égypte > région memphite  ?

Les derniers temps > Époque tardive > Époque saïte (664-525 av. J.C.), première moitié de la XXVIe dynastie

[voir chronologie]

Granit gris tacheté de cristaux blancs

H. 26,00 cm ; L. 12,40 cm ; P. 20,50 cm

Co. 3378 

Commentaire

Etat de conservation

L’œuvre est fragmentaire. La partie inférieure de la statue naophore est conservée à partir de la taille et au-dessous des coudes jusqu’au socle, à l’arrière, et seulement jusqu’aux genoux, à l’avant.

Les parties conservées sont en relativement bien préservées. On observe cependant de nombreux éclats sur les avant-bras, les côtés des cuisses et des mollets, les pieds, ce qu’il reste du socle et du pilier dorsal ainsi que sur le naos, en particulier la partie supérieure, dont il manque un fragment. Le plissé du pagne semble légèrement érodé en surface.

Description

Le personnage, agenouillé sur ses talons et les orteils reposant sur le socle, présente devant lui un naos rectangulaire, dont la forme est bien identifiable même si la partie supérieure est endommagée. Il est posé sur ses genoux et légèrement incliné vers l’arrière. D’une hauteur totale de 13,3 cm, il abrite une image d’Osiris, réalisée en très haut relief. Le dieu est représenté debout sur un petit piédestal. Momiforme, son corps est entièrement gainé mais ses formes se devinent sous le linceul, d’où seules les mains dépassent. Il a les bras croisés sur la poitrine ; il tient dans la main droite le sceptre héqa et dans la main gauche le fouet nekhakha ou flagellum, attributs traditionnels du dieu. Il porte sur la tête une couronne atef (haute tiare flanquée de deux larges plumes d’autruche). Le visage du dieu est allongé ; ses yeux, nez, bouche et oreilles ont été matérialisés en dépit de la dureté de la pierre. Il est figuré avec une barbe, dont l’essence divine se reconnaît à la courbure de son extrémité. Si le naos adopte ici sa forme la plus simple, il peut, dans certains cas, prendre une apparence qui rappelle la façon dont se présente l’effigie de la divinité dans le saint des saints. Il peut ainsi être couronné d’une corniche à gorge, orné d’un disque solaire ailé ou encore se terminer par un sommet bombé (PERDU, 2012, p. 59).

 

L’homme est vêtu d’un pagne court et plissé, visible seulement sur le côté des cuisses et le bas du dos. La largeur des plis est conséquente (environ 0,5 cm). Bien qu’aucune languette ne soit visible au-dessus des genoux – du fait de la présence du naos – le dignitaire porte sans doute le pagne chendjyt. Costume exclusivement royal à l’origine, ce pagne est porté par les particuliers dès la Ve dynastie, voire avant (VANDIER, 1958, p. 108), d’abord exceptionnellement puis, à partir du début du Moyen Empire, plus régulièrement. Plus rare au Nouvel Empire, il est de nouveau fréquemment porté par les particuliers au Ier millénaire avant J.-C. On le trouve notamment sur les statues naophores, comme c’est sans doute le cas ici, ou encore sur la statue CG 656, conservée au Musée du Caire (BORCHARDT, 1930, p. 2-3 et pl. 121) et datée de l’Époque tardive (XXVIe-XXXe dynastie).

 

Les mains, relativement petites, sont posées à plat sur les parois latérales du naos. Les ongles sont difficiles à identifier à l’œil nu du fait de l’état de l’œuvre mais également de la couleur de la pierre ; ils sont soigneusement indiqués par une incision simple et sont légèrement bombés. Les mains se situent dans le prolongement de la ligne des avant-bras, seule une faible dépression marque la présence des poignets.

Les doigts de pieds sur lesquels il est en appui sont légèrement écartés. Comme sur les mains, les ongles sont marqués par une incision et ressortent en léger relief. Si l’arrière des pieds a été laissé plat, le dessus adopte une courbure réaliste. L’espace entre les jambes (tibias) et le socle n’est pas totalement évidé.

 

Le pilier dorsal, partant du socle, est en faible saillie. Il est inscrit d’une colonne de hiéroglyphes. Quant au socle à proprement parler, lui aussi originellement inscrit d’une ligne de hiéroglyphes, il est difficile de restituer sa hauteur initiale ainsi que sa forme : totalement rectangulaire ou à l’avant arrondi ?

 

La statue théophore, dont la statue naophore est une variante puisque l’image divine est placée dans un naos au lieu d’être « tenue » par l’individu, est la statue de temple par excellence. Apparaissant à la XVIIIe dynastie, elle connait un développement important surtout à partir de l’époque ramesside jusqu’au Ier millénaire.

La statue naophore est une typologie exclusivement masculine et non-royale. Contrairement au pharaon, aucun particulier ne peut être représenté assis sur un siège, en face ou à côté de la divinité : cette position est incompatible avec le lien hiérarchique qui existe entre l’homme et le dieu. Cependant, en deux comme en trois dimensions (rare avant le Ier millénaire), l’homme peut être représenté agenouillé, face à la divinité ou son image, les deux mains levées, dans un geste de prière et d’adoration. En revanche, certaines attitudes ne sont pas reproduites en deux et en trois dimensions. En deux dimensions, le simple particulier n’est jamais représenté derrière et dans le même sens que la divinité car aucun échange n’est possible, il y a donc contradiction avec ce que l’on trouve en ronde-bosse, notamment les statues naophores. Il n’existe d’ailleurs aucune représentation en deux dimensions d’individu naophore.

Ainsi, l’image double – l’homme (le « porteur ») et l’image divine – représentée à travers les statues théophores ou naophores, se trouve sous forme de face à face en deux dimensions, dans des scènes d’adoration sur des stèles par exemple. La statue naophore n’est autre que la transcription dans l’espace d’une scène de culte. Cependant, ce n’est pas dans la position de l’orant, les bras levés, dans une attitude de prière qu’il faut restituer l’individu. Sur les statues théophores, le lien avec l’image est matérialisé par les mains, sans qu’elles touchent directement, du moins à l’origine, la divinité : elles sont tournées vers le bas, dans la position de l’attente respectueuse. Dans le cas des statues naophores, les mains sont généralement tournées vers le naos au lieu d’être orientées vers le sol, pour des raisons techniques et d’unité de volume. Il arrive néanmoins que des statues naophores aient effectivement les deux mains posées à plat sur les cuisses, les paumes tournées vers le sol, dans l’attitude de l’attente respectueuse, comme c’est le cas de la statue conservée au Musée égyptien du Caire CG 665 (BORCHARDT, 1930, p. 12-13 et pl. 122), datée elle aussi de la XXVIe dynastie. Cette position des mains indique que l’homme attend quelque chose du dieu, son supérieur : des hésout, des « faveurs » ou « récompenses » données par des puissances supérieures à un inférieur, généralement une protection et surtout une partie des offrandes que reçoit le dieu dans son temple.

À partir de la XXVIe dynastie se greffe sur le schéma fondamental un élément nouveau, issu de la vision perspective : le lien premier entre les deux images de l’homme et du dieu, à savoir le face à face, s’efface derrière une manière plus simple de voir le naos qui est désormais véritablement perçu comme un objet porté. Le support qui pouvait relier le naos et le socle disparait ; le naos n’est alors plus placé devant les genoux mais directement sur les cuisses, comme c’est le cas pour la statue du musée Rodin. Parallèlement, les textes précisent que l’homme porte le naos. La conception fondamentale disparait donc face à la perception réelle. 

 

Œuvres associées

La section égyptienne des Musées Royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles possède une tête de personnage masculin (E 4395 ; SPELEERS, 1923, p. 86, n°326 ; DE MEULENAERE, 1991, p. 243-245 (1), fig. 1 et pl. 27 ; MÁLEK, 1999, p. 807-808 (801-748-090) ; JANSEN-WINKELN, 2014, p. 957 (60.385)), présente dans ses collections depuis 1913 sans que l’on sache dans quelles conditions elle a été acquise. L’homme porte une perruque dite « en bourse » laissant dégagées de grandes oreilles. Le visage, ovale, est très endommagé en son centre et ne permet pas de distinguer les traits du personnage en-dessous des yeux étirés en amande. Sur le fragment subsiste encore l’épaule gauche.

À l’arrière de la tête, on distingue la partie supérieure d’un pilier dorsal en saillie portant une colonne d’inscriptions hiéroglyphiques gravées (lecture de droite à gauche) qui commence à mi-hauteur de la tête. Il s’agit du début d’un proscynème (formule d’offrandes) adressé à Ptah-Sok(ar-Osiris). Les deux fragments du musée Rodin et du musée de Bruxelles n’étant pas jointifs, ce sont le matériau et les dimensions, mais surtout les inscriptions qui ont permis de les associer. D’après Herman De Meulenaere, « le raccord des deux morceaux a permis à la tête de Bruxelles de retrouver une identité et au fragment du Musée Rodin une provenance. » (DE MEULENAERE, 1991, p. 245).

 

On peut également compter parmi les objets associés un moulage de l’assemblage statuaire, conservé au musée Rodin sous le numéro Co. 3427. Les dimensions d’origine de la statue ont ainsi pu être restituées, la hauteur étant estimée à environ 47 cm. 

Inscription

Une colonne de hiéroglyphes en creux, bordée de lignes verticales, est gravée sur le pilier dorsal (lecture de droite à gauche). Elle se poursuit par une ligne de hiéroglyphes en creux, délimitée par des lignes horizontales, faisant le tour du socle (lecture de droite à gauche) mais conservée uniquement sur les faces arrière et latérales. Les signes sont plus grands que sur le pilier dorsal.

 

L’inscription complète portée par le pilier dorsal nous est connue grâce au fragment complémentaire conservé à Bruxelles et divers parallèles. Il s’agit d’une formule d’offrandes classique ; le début du proscynème reprend une tournure caractéristique de l'Ancien Empire, la suite correspond à la version inaugurée au Moyen Empire, suivant la veine archaïsante en vogue à l’époque saïte.

Elle est adressée par le dédicant, Iâa, au dieu Ptah-Sokar-Osiris – une forme syncrétique d’Osiris et des divinités memphites Ptah et Sokar –, désigné non pas comme « seigneur de Rosetaou » mais « seigneur de la Chetat ». Si ce n’est pas le cas ici, ce mot « Chetat » ou « Chetayt » peut être déterminé par le signe de la maison qui sert à désigner un édifice, en l’occurrence un sanctuaire : la tombe de Sokar (EDWARDS, 1986, p. 34). Or, ce sanctuaire de Sokar se trouvait dans Rosétaou, une zone désertique qui devait s’étendre de Giza à Saqqara, dans la région memphite, provenance supposée de notre statue.

 

 

Enfin, en ce qui concerne les anthroponymes, le nom Iâa (RANKE, 1935, p. 5, n°6) est surtout attesté au début de la XXVIe dynastie dans la région memphite et à Thèbes (DE MEULENAERE, 1991, p. 245) ; le nom de son père, Padihorpé, est également bien attesté dans les inscriptions égyptiennes des époques tardives (RANKE, 1935, p. 125, n°8). Concernant le nom It, on le trouve tout au long de la période pharaonique (RANKE, 1935, p. 50, n°13). Le lien qu’entretient It, mentionné sur le socle, avec Iâa et Padihorpé, évoqués sur le pilier dorsal, ne peut être établi grâce aux portions de texte conservées.

Historique

Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian le 11 septembre 1912.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 92, « Fragment (partie inférieure à partir de la taille) d’une statuette de personnage agenouillé tenant devant lui un naos renfermant une statue d’Osiris. Le pilier dorsal donne le nom de l’[hiéroglyphes]. Granit noirâtre. Haut. 25 Larg. 20 »

Donation Rodin à l’État français 1916

Commentaire historique

Cette statue fut achetée auprès de l’antiquaire Joseph Altounian qui l’expédia dans un lot d’objets le 31 août 1912 et le décrivit ainsi :  « 1 homme agenouillé en prière dont le buste manque diorite XXIIIe dynastie 150 » (ALT 147, archives musée Rodin).

 

L’antiquaire Joseph Altounian, écrivait à Rodin du Caire le 10 Août 1912 : « Cher Maître, J’ai l’honneur de vous faire savoir que je viens de rentrer aujourd’hui même au Caire après avoir accompli le voyage dans la Haute-Égypte dont voici les principales étapes. Éléphantine, Abydos, Phylae, Héracleopolis, Sakhara, Memphis, etc., ou j’ai séjourné pour recueillir pour votre collection des fragments de bas-reliefs, granit, calcaire, basalte, bref tout ce que j’ai jugé pouvant vous intéresser. Ce lot renferme 24 pièces des bas-reliefs et des reliefs en creux des grands et des petits, le tout appartenant aux différentes dynasties ayant régné dans les régions que j’ai traversées, plus 19 pièces de fragments en ronde bosse le tout présente la sculpture des meilleures dynasties. » J. Altounian était parti du Caire en juillet 1912, et l’on peut suivre son périple sur son agenda (archives Altunian) : Minieh, Mallawi, Assiout, Abou Tig, Assiout, Sohag, Achmim, Abou Tig, Baliana, Abydos, Baliana, Keneh, Kous, Louxor, Sohag, Achmim, Sohag, Mallawi, Le Caire, où il arriva le 7 août.

 

Le 28 Août 1912, Altounian écrit au sculpteur : « Cher Maître J’ai l’honneur de vous annoncer que je suis arrivée à Paris depuis quelques jours. Je me suis présenté 77 rue de Varenne mais on m’a dit que vous étiez absent ; jour cela. Je vous adresse la présente à votre adresse à Paris espérant qu’on vous la faira suivre. Donc je vous prie cher Maître de me dire le jour que vous rentrez à Paris afin que je vienne vous soumettre le bordereau avec la nomenclature des objets que je vous ai expédié du Caire.». Le 6 septembre, Altounian recevait de Rodin « la somme de frs 850 (huit cent cinquante francs) comme prêt pour m’aider à dégager les 6 caisses antiques de la Douane ; Monsieur Rodin n’est pas engagé à acheter ce lot d’antiquités s’ils ne lui plaisent pas. Il achètera que ce qu’il lui plaira.». Rodin choisit un grand nombre d’œuvres de ce lot dont la statue Co.3378 et versa à l’antiquaire 5000 francs le 11 septembre 1912.

L'oeuvre fut choisie pour être exposée à l'hôtel Biron où elle figurait en 1913.

En 1987, Luc Limme, alors conservateur-adjoint de la section égyptienne des Musées Royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles, demanda au musée Rodin l’autorisation de voir plusieurs statues, dont la Co. 3378, car l’égyptologue Herman De Meulenaere, soupçonnait un raccord avec une tête de Bruxelles. Limme demanda un dépôt de six mois du fragment du musée Rodin (dépôt du 15 décembre 1987 au 15 juin 1988). Ayant les deux fragments à sa disposition, De Meulenaere confirma qu’ils appartenaient à la même statue. Il put les étudier, relever les hiéroglyphes, traduire les inscriptions et ainsi indiquer une origine memphite et avancer une datation au début de la XXVIe dynastie (DE MEULENAERE, 1991, p. 243-245). En 1988, le musée de Bruxelles réalisa également en double exemplaire un moulage en plâtre des deux parties, superposées au moyen d’une tige en métal dont la hauteur correspond à la partie manquante : l’un est conservé au musée Rodin (Co. 3427) et l’autre à Bruxelles.

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Homme assis sur un siège cubique

Statuette

Égypte > provenance inconnue

L’âge classique > Deuxième Période Intermédiaire  > XIIIe-XVIIe dynastie

[voir chronologie]

Stéatite cuite

H. 14,30 cm ; L. 7,60 cm ; P. 14,10 cm

Co. 3374 

Commentaire

Etat de conservation

Nous ne possédons que la partie inférieure de la statuette : la partie supérieure manque, la statuette est brisée au niveau de la taille, au-dessus du coude droit jusqu’à l’avant-bras gauche. Ce qui est conservé est en bon état : quelques éclats manquent, principalement sur le siège et le socle ainsi qu’au bas du dos ; il manque également la partie avant de l’annulaire et l’auriculaire de la main gauche ainsi que la partie avant de l’annulaire de la main droite. Plusieurs fissures parcourent la statuette, l’une visible au-dessus du poignet gauche, une autre en travers des jambes et une troisième qui s’étend de la main droite au socle en passant sur le côté de la jambe droite. On observe de nombreuses micro-rayures, sans doute les traces d’outils laissées lors de la sculpture et du polissage de l’œuvre.

Description

Le personnage masculin, dont il ne reste que la partie inférieure à partir de la taille, est figuré assis sur un siège cubique, les deux mains posées à plat sur les cuisses, les jambes jointes. Si, au Moyen Empire, l’attitude classique – homme assis, les mains sur les cuisses, l’une fermée tenant un boudin ou un linge et l’autre posée à plat – est encore en vigueur, celle adoptée par l’homme de la statuette Co. 3374 prend de l’ampleur. Elle est connue dès l’Ancien Empire (VANDIER 1958, p. 66) ; peu fréquente, elle est reprise sous le règne d’Amenemhat III, pour la statuaire de ce souverain, avant de se répandre dans la sphère privée. Il s’agit donc d’une attitude empruntée par les particuliers à l’iconographie royale (VANDIER 1958, p. 230 et 256-257), attitude qui va connaître un grand succès durant le reste du Moyen Empire et encore aux périodes suivantes. Les statuettes adoptant cette attitude sont toutes en pierre, en particulier en pierre dure. On la retrouve par exemple sur une statuette en stéatite très proche de celle du musée Rodin : la statuette de Nebaouy, fils de Sat-Sebek, datée de la fin du Moyen Empire, achetée au Caire en 1912 (Musée royal de Mariemont, B.497 : DERRICKS, DELVAUX 2009, p. 59-63 ; CONNOR, TAVIER, DE PUTTER 2015, p. 297-311, p. 300, fig. 6).

 

L’homme porte un pagne long et lisse, qui descend jusqu’aux chevilles et masque le modelé des jambes. Le pan droit est croisé par-dessus le gauche, sa bordure étant matérialisée par un dénivelé entre les jambes. Le haut du pagne n’est visible ni à l’avant, ni à l’arrière de la statuette et aucune incision ou entaille dans la pierre, au bas du ventre, ne vient indiquer le bord d’une ceinture. Il s’agit certainement de la jupe remontant haut sur le ventre, presque jusqu’à la ligne des pectoraux, un costume très utilisé dans la deuxième moitié de la XIIe dynastie et à la XIIIe dynastie (VANDIER 1958, p. 250). C’est ce costume que l’on retrouve sur la statuette de Nebaouy, conservée à Mariemont.

 

Les bras et les mains présentent peu de relief. Les doigts sont longs et droits à l’exception du pouce gauche, un peu arqué. Les ongles des pouces sont marqués par une légère dépression dans la pierre, ceux des autres doigts par une simple incision.

Les pieds, entre lesquels l’espace n’est pas totalement évidé, sont nus et posés à plat sur un socle qui prolonge l’avant du siège. Les doigts des pieds sont très longs. Lorsqu’ils sont représentés, les ongles sont signifiés par une simple incision, peu marquée.

 

Le siège cubique est simple, sans support dorsal. Il ne porte aucun décor mais des colonnes d’inscriptions gravées sur les faces latérales. Ni l’avant du siège ni le socle ne portent d’inscriptions.

Le dessous de la statuette est d’origine et n’a subi aucune modification moderne.

 

Un changement a lieu après l’Ancien Empire : les statues de particuliers peuvent non seulement être placées dans les tombes – au Moyen Empire, chaque tombe de dignitaire possède au moins une statue, placée dans une niche au fond de la chapelle – mais aussi dans les temples afin de bénéficier des offrandes faites aux dieux ; il s’agit alors d’une faveur royale. On peut, en particulier, évoquer le site d’Abydos où de nombreuses statuettes en pierre ont été découvertes, des ex-voto déposés dans le temple principal du dieu Osiris dont le culte est en plein essor (VANDIER 1958, p. 225-226).

C’est peut-être de cette possibilité de faire déposer plusieurs effigies dans différents lieux (tombe et surtout sanctuaires) que résulte la tendance générale à la diminution de la taille de la statuaire privée vis-à-vis de ce qui avait cours à l’Ancien Empire (VANDIER 1958, p. 225-226). Commanditer des statuettes permettait de faire fabriquer plus d’objets mais aussi d’avoir des objets plus mobiles.

Ainsi, la statuette du musée Rodin, dont l’origine exacte n’a pu être déterminée, pourrait provenir de la tombe de son propriétaire ou encore d’un sanctuaire, un grand sanctuaire comme celui d’Osiris à Abydos ou un temple local de moindre importance (Au Moyen Empire, ce type statuaire est plutôt lié aux temples). Mais qu’elle soit issue d’un contexte funéraire ou religieux, elle devait, in fine, permettre à son propriétaire, une fois défunt, de profiter des offrandes afin de continuer à vivre dans l’au-delà.

 

La différence de qualité entre l’exécution de l’effigie et la gravure de l’inscription, réalisée de manière expéditive, est frappante. Cette dichotomie semble fréquente sur les statuettes réalisées en stéatite, comme l’effigie de Renseneb, conservée à la Ny Carlsberg Glyptotek de Copenhague (AEIN 60 ; CONNOR, TAVIER, DE PUTTER 2015, p. 300, fig. 4), et peut sans doute être imputée à différents facteurs comme la compétence de l’artisan et la nature du matériau.

 

À partir du milieu du Moyen Empire, la production statuaire augmente considérablement et devient accessible à un plus grand nombre d’officiels et de membres de l’élite de rangs variés. La roche la plus utilisée dans la statuaire du Moyen Empire est la granodiorite mais on constate l’apparition de statuettes (10-30 cm) exécutées dans une pierre noire et brillante, qui continuent à être produites à la Deuxième Période intermédiaire. Elles se caractérisent par une surface lisse et luisante, d’apparence vitrifiée, au reflet un peu gras, un aspect « mou » dans le rendu des volumes et des formes, des traits du visage simplifiés, des arêtes, des angles et des stries des vêtements arrondis. Lorsqu’elles portent des signes hiéroglyphiques, ils semblent tracés d’une main rapide et malhabile, incisés plus que véritablement gravés. Ces statuettes constituent environ 17% du corpus des sculptures privées de la fin du Moyen Empire et de la Deuxième Période intermédiaire (toute fin de la XIIe dynastie-XVIIe dynastie).

 

Du fait de sa couleur généralement noire, parfois très soutenue, le matériau a souvent été identifié, à tort, comme de la grauwacke, de la granodiorite, du basalte voire de l’obsidienne. En réalité, ces statuettes ont été réalisées en stéatite, également appelée « pierre à savon » (Sur ce matériau, consulter DE PUTTER, KARLSHAUSEN 1992, p. 140-143 et l’étude récente CONNOR, TAVIER, DE PUTTER 2015, p. 297-311). À l’état naturel, c’est une pierre dense, friable, très tendre et facile à travailler (elle se raye à l’ongle), de couleur grise, beige ou blanche. Cependant, après avoir été sculpté, le matériau de ces statuettes n’est pas laissé en l’état, il subit une nouvelle transformation : la stéatite est cuite à 900°C. Elle devient alors plus dure et change de couleur selon l’atmosphère de cuisson : brun-rouge (atmosphère oxydante) ou noire (atmosphère oxydante puis réductrice).

La cuisson permet ainsi d’indurer la pierre pour atteindre une dureté comparable à celle des pierres sombres traditionnellement utilisées pour la statuaire royale et des hauts dignitaires (notamment la grauwacke et la granodiorite), de lui donner sa couleur noire ou rouge et son aspect lustré. Les expériences en archéologie expérimentale ont mis en évidence que 7 à 8 heures suffisaient – sans doute moins pour les sculpteurs chevronnés d’Égypte ancienne – pour produire une statuette complète d’une vingtaine de cm de hauteur, incluant la sculpture des détails et le polissage. Les expérimentations ont également permis d’observer qu’au-delà de 1000°C, les statuettes présentaient des fissures, probablement le résultat d’une déshydratation trop rapide. Une cuisson un peu trop forte pourrait donc expliquer les fissures sur la statuette du musée Rodin ou encore sur celle du musée royal de Mariemont (Mariemont B.497).

 

Deux caractéristiques transparaissent à travers le corpus des statuettes en stéatite du Moyen Empire et de la Deuxième Période intermédiaire : si la stéatite est facile à tailler, les objets réalisés dans ce matériau sont, d’une part, de petite taille et, d’autre part, d’une qualité esthétique moindre. Les résultats sont bien souvent inférieurs à ceux obtenus pour les statues en « belles pierres dures » contemporaines. Ces statuettes ont sans doute été réalisées dans des ateliers différents, les hauts dignitaires de la cour ayant accès aux ateliers royaux. Même si les sculpteurs imitaient la statuaire royale et des membres éminents de la cour dans les attitudes et les attributs, ils n’avaient pas les capacités, la volonté ou l’entrainement suffisant pour les égaler.

 

Si on peut se demander pourquoi le choix s’est porté sur la stéatite et sa cuisson, la question primordiale est sans doute « pour qui ? ». Dans la sculpture privée, le choix des pierres est souvent lié à des productions spécifiques et au niveau social. Les dimensions, le matériau, la qualité d’exécution, les inscriptions (les titres) et, quand ils sont connus, les contextes de découverte, pointent vers des individus qui n’appartiennent pas aux plus hauts cercles de la cour, mais qui ont des moyens suffisants pour ériger un monument funéraire ou un cénotaphe et y installer une statuette ou des stèles. Les spécificités de cette pierre permettent ainsi de produire des statuettes pour les catégories les plus modestes de l’élite et les dignitaires provinciaux.

C’est avant tout un matériau abordable, avec un coût d’extraction moindre. Aucune carrière de stéatite n’est connue mais les gisements sont facilement accessibles : elle peut être extraite sans difficulté dans de nombreux endroits le long des ouadis reliant la vallée du Nil à la mer Rouge, les pistes désertiques étant très fréquentées à l’époque pharaonique, en particulier dans la région du Ouadi Hammâmât. L’extraction demande peu de moyens, nécessite des expéditions modestes et autorise donc des expéditions de nature privée, avec une simple caravane. Des petits blocs peuvent être ramassés sans même nécessiter d’extraction. Nous sommes donc loin de ce qui a cours pour l’extraction de la grauwacke, dont les gisements se trouvent également au Ouadi Hammâmât, qui se fait dans le cadre d’expéditions royales utilisant parfois plus d’une centaine de participants. La petite taille des œuvres peut d’ailleurs s’expliquer par la nature des expéditions et certainement aussi par les propriétés de la pierre : à l’état naturel, elle est assez friable, il est donc difficile, voire impossible, de transporter des gros blocs sur les centaines de kilomètres qui séparent la mer Rouge de la vallée du Nil sans les endommager.

La tendreté de la roche permet une sculpture aisée. La pierre nécessite donc moins de compétences pour être taillée et autorise une production plus rapide. Sa capacité à se transformer par la cuisson doit également être appréciée puisque cela permet de lui donner l’apparence de pierres plus nobles et ainsi d’imiter la statuaire des hauts dignitaires en pierres dures.

Ce choix se limite-t-il à la simple question du coût ? Ou bien existe-t-il d’autres raisons, comme la symbolique de la pierre ou simplement la question du privilège et de la permission accordée par le roi ?

 

On constate un nouveau pic d’utilisation de la stéatite sous Amenhotep III, où elle est alors largement utilisée pour les représentations du roi et des hauts dignitaires.

 

Inscription

À compter du Moyen Empire, le texte porté par les statues et statuettes tend à occuper une place de plus en plus importante (VANDIER, 1958, p. 226), allant parfois jusqu’à recouvrir la quasi-totalité de la surface de l’objet, comme c’est le cas sur certaines statues-cubes. Ces objets ne sont plus dans le serdab de la tombe aux parois inscrites. Ici, cependant, seules deux colonnes de hiéroglyphes, séparées par des lignes verticales, ont été gravées grossièrement sur chaque face latérale du siège. Les signes suivent la même orientation que le personnage représenté (côté droit : lecture de droite à gauche ; côté gauche : lecture de gauche à droite).

L’inscription commence par une formule d’offrandes, indice du rôle attendu de la statuette, qui évoque Ptah-Sokar. Ptah est le dieu tutélaire de Memphis ; très tôt, il est assimilé à Sokar, patron de la nécropole de Saqqara, pour devenir la forme syncrétique Ptah-Sokar, une divinité funéraire.

L’espace laissé vide dans la première colonne, entre la formule de ny-sout hétep et le nom du dieu, était peut-être destiné à recevoir le nom d’une autre divinité.

Le texte donne ensuite le nom ainsi que les titres du dignitaire. Malheureusement, l’état de l’inscription laisse une certaine place au doute : ce nom peut se comprendre « Horiâa » ou bien « Hori juste-de-voix », une épithète indiquant son statut de défunt. Il est « préposé de Nékhen (Hiérakonpolis) du service du vizir ». Il occupe ainsi la même charge que son père, Sébekhotep – un nom courant, qui se retrouve tout au long de la période pharaonique (RANKE, 1935, p. 305, n°6).

 

La forme des signes permet de dater cette statuette entre la XIIIe et la XVIIe dynastie, c'est-à-dire au cours de la Deuxième Période intermédiaire.

Historique

Acquise par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Meudon, pavillon de l'Alma, vitrines 23 et 24, 525, "Partie inférieure (depuis la ceinture) d'une statuette en schiste brun représentant un personnage assis ; les mains posées à plat sur les genoux. Deux lignes verticales d'hiéroglyphes ont été gravées très grossièrement de chaque côté du siège. Elles paraissent donner au défunt le nom de [hiéroglyphes]. Douzième dynastie. Haut. 14 cent. Estimé quarante francs."

Donation Rodin à l’État français 1916

Commentaire historique

La statuette était exposée du vivant de Rodin dans les vitrines 24 et 25 du pavillon de l'Alma à Meudon.

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l'orfèvre Nay

Égypte > provenance inconnue

L’Empire des conquérants > Début du Nouvel Empire

[voir chronologie]

Calcaire polychromé ; couche préparatoire (stuc ?) ; peinture ocre rouge et noire  ?

H. 49,00 CM : L. 18,00 CM : P. 27,00 CM

CO. 3077

Commentaire

Etat de conservation

L’œuvre est en très mauvais état : calcaire pulvérulent, feuilletage superficiel et interne, éclats, fissures. Le visage, le buste, les bras, les mains, les jambes ainsi que le revers de la statue sont lacunaires ; la partie antérieure des pieds ainsi que l’avant du socle ont disparu.

Des restes d’enduit peint subsistent en plusieurs endroits : sur l’oreille droite, le côté droit et le dessus de la coiffure, l’espace non évidé entre le bras droit et le torse ainsi que sur le flanc droit, les avant-bras, le haut de la cuisse gauche, le côté de la cuisse droite, la partie postérieure des pieds, l’assise du siège cubique et le dessus du socle.

Si la coloration ocre rouge intentionnelle ne fait aucun doute sur certains éléments anatomiques comme l’oreille droite, le flanc droit, l’avant-bras gauche et les pieds, il est parfois difficile de déterminer s’il y a eu utilisation de pigment noir ou si une patine noire a recouvert le pigment ocre rouge (cette question se pose notamment pour la coiffure ; on observe le phénomène de patine noire sur l’avant-bras droit).

Description

Malgré l’état général de conservation de cette œuvre inédite, il s’agit sans conteste d’une représentation masculine (par la forme de la perruque et la couleur ocre rouge des chairs).

Le personnage est assis sur un siège cubique, les deux mains posées sur les cuisses, les jambes jointes. La main gauche est à plat, la main droite a disparu ; elle pouvait être posée à plat, en symétrie de la gauche, ou bien fermée, le poing serrant peut-être un linge ou un boudin. Cette attitude de l’homme assis les mains posées sur les cuisses demeurera classique tout au long de la période pharaonique.

 

Il porte une perruque mi-longue qui laisse les oreilles dégagées (seule l’oreille gauche est encore conservée) et s’évase jusqu’aux épaules en couvrant la ligne supérieure des trapèzes. À l’avant, elle est bombée sous les oreilles ; à l’arrière et sur le sommet de la tête, elle est plus plate. Aucune mèche n’est indiquée. Cette coiffure est parfois qualifiée de perruque « en poche ». Il s’agit en fait d’une variante de la perruque évasée couramment portée au Moyen Empire et du début du Nouvel Empire, qui descend assez bas sur le front et passe derrière les oreilles. Pour cette variante, les deux retombées qui encadrent le visage ne se terminent ni par une ligne horizontale, ni en oblique sur les clavicules, mais sont rejetées dans le dos, se gonflent sous les oreilles et s’arrondissent au niveau des épaules, comme s’il s’agissait d’une « poche » dont on aurait recouvert une vraie perruque – notamment dans le cas où les mèches ne sont pas indiquées, comme sur notre statue. Peut-être une véritable étoffe englobait-elle la perruque (VANDIER, 1958, p. 251). On la retrouve par exemple sur une statue d’homme assis en tailleur, conservée au musée du Caire (CG 463 ; BORCHARDT, 1925, p. 54-55 et pl. 77).

Cette variante de la perruque évasée est toujours présente au Nouvel Empire, surtout dans la première moitié de la XVIIIe dynastie (VANDIER, 1958, p. 482-483). On la trouve notamment sur la statue EA 124, conservée au British Museum et datée des environs du règne de Thoutmosis III ; fragmentaire, elle devait représenter, à l’origine, un homme assis dans la même position que la statue du musée Rodin (PORTER, MOSS, 1964, p. 790).

Elle est encore beaucoup utilisée au Ier millénaire avant J.-C., notamment à l’époque libyenne (PERDU, 2012, p. 38 (et n. 24)). Nous pouvons évoquer la statue-cube du musée du Caire CG 559, datée de la XXIIe dynastie (BORCHARDT, 1925, p. 105-108 et pl. 94). Cette coiffure trouve peut-être son expression la plus aboutie aux époques tardives où elle prend véritablement la forme d’une bourse (on parle de perruque « en bourse ») : elle aussi laisse les oreilles dégagées mais elle est plus courte, moins évasée et, surtout, elle est plus arrondie dans le bas (PERDU, 2012, p. 42). Il est parfois difficile de faire la distinction entre la variante de la perruque évasée qui nous concerne et la perruque en bourse, comme c’est le cas avec la statue agenouillée de Nakhthorheb, datée de la XXVIe dynastie et conservée au musée du Louvre (A 94 ; PERDU, 2012, p. 42 (et n.73), p. 272-281, n°23).

 

L’homme est vêtu d’un pagne lisse et moulant. Le flanc droit ne porte aucune ligne de démarcation pour différencier l’extrémité supérieure du pagne des chairs de l’abdomen : il passait sans doute sous le nombril. Il est difficile de déterminer sa longueur exacte. On peut supposer de l’absence d’évidement entre les jambes qu’il descendait jusqu’au-dessus des chevilles.

Ce type de jupe sans apprêt apparait dès la Première Période Intermédiaire (Metropolitan Museum of Art, inv. 26.3.129) ; il est surtout porté dans la première moitié de la XIIe dynastie, mais est encore utilisé à la XIIIe dynastie. Il est maintenu à la taille par une ceinture qui n’est pas toujours figurée. Le bord extérieur de l’étoffe est généralement visible sur le devant de la jupe (le pan droit passe par-dessus) ; il est parfois souligné, voire caché, par une colonne de hiéroglyphes (VANDIER, 1958, p. 249). On trouve un exemple sans inscription sur la statue EA 461 du British Museum et avec inscription sur la statuette 22.12 du Walters Art Museum de Baltimore (VANDIER, 1958, pl. LXXXVII, 7).

Le pagne moulant long et simple, uni, avec ou sans colonne de hiéroglyphes peinte ou gravée, est très courant au Nouvel Empire ; c’est le costume favori de hommes de la XVIIIe dynastie jusqu’au règne d’Amenhotep III, mais il continue à être porté par la suite (VANDIER, 1958, p. 494). À la différence de la production du Moyen Empire, il n’y a pas de pan apparent, comme sur la statue de Nedjem du British Museum (EA 840 ; PORTER, MOSS, 1964, p. 789), ou encore la statue d’Ousi du Museum of Fine Arts de Boston (inv. 09.525 ; PORTER, MOSS, 1964, p. 606), qui datent toutes deux de la première moitié de la XVIIIe dynastie.

Il est encore porté au Ier millénaire av. J.-C., principalement aux périodes libyenne (XXIIe dynastie), kouchite (XXVe dynastie) et saïte (XXVIe dynastie), sur les statues d’hommes assis sur un siège, agenouillés et les statues-cubes (PERDU, 2012, p. 49). Sur la statue-cube de l’intendant Akhimenrou, datée de l’époque saïte, une ligne gravée marque l’extrémité supérieure du pagne sur les flancs et l’extrémité inférieure au-dessus des chevilles (musée du Louvre A 85 ; PERDU, 2012, p. 144-151, n°8).

Sur la statue du musée Rodin, il est impossible de déterminer si le bord de l’étoffe était représenté pour mettre en évidence le pan droit du pagne, ni si une colonne de hiéroglyphes était peinte, voire gravée dessus.

 

Entre les chevilles subsiste une réserve de pierre qui adopte une forme de triangle inversé du fait de deux entames obliques dans la pierre. On remarque dans la fente près de la cheville droite des traces de la couleur ocre rouge qui recouvrait le pied. Cette réserve de pierre correspond sans doute à un élément de costume qui retombait en pointe entre les chevilles. Au Moyen Empire, sur plusieurs statues et statuettes d’hommes portant un pagne long moulant, le pan droit, croisé par-dessus, est un peu plus long et se termine en pointe entre les chevilles. C’est le cas de la statuette 22.12 du Walters Art Museum de Baltimore mentionnée plus haut (VANDIER, 1958, pl. LXXXVII, 7). Sur la statue de Sobeknakht du musée du Caire (CG 390 ; BORCHARDT, 1925, p. 8-9 et pl. 62), le bord extérieur du pagne n’est pas signalé ; une pièce de tissu a tout de même été sculptée entre les chevilles du personnage, sous la ligne gravée matérialisant l’extrémité inférieure du pagne, ce qui signifierait que cette excroissance représente soit le bord intérieur du pagne, normalement non visible, soit l’extrémité d’un autre vêtement, porté sous le pagne. Enfin, nous pouvons mentionner la statue du British Museum EA 1785 (MÁLEK, 1999, p. 378 (801-430-830)) : l’homme, assis, n’est pas vêtu d’un pagne mais enveloppé dans un long manteau. Il semblerait que l’étoffe fasse deux fois le tour de son corps, le pan droit figuré par-dessus. Le bord extérieur part en oblique, le pan droit est légèrement plus bas que l’extrémité inférieure du manteau et dépasse sur la cheville droite. Ici c’est, sans doute possible, le bord intérieur du vêtement qui dépasse sous la couche d’étoffe pour former une pointe entre les chevilles.

Cette particularité du pagne long se retrouve encore au Nouvel Empire, comme sur le fragment inférieur de la statue d’Ahmès Touri, vice-roi de Koush au début de la XVIIIe dynastie, conservée au British Museum (EA 1279) : bien qu’aucun pan ne soit visible, une pointe descend du pagne, entre les deux chevilles ; cette pièce d’étoffe n’est pas distinguée du reste du pagne par une ligne incisée. Elle se trouve au même emplacement et adopte la même forme que sur la statue précédente : il s’agit sans doute de l’extrémité du bord intérieur du pagne.

S’il ne fait aucun doute que l’élément qui était sculpté entre les chevilles faisait partie du costume, sa nature précise reste à déterminer, plusieurs interprétations étant possibles sans une restitution exacte du pagne de la statue du musée Rodin.

 

Nous ne pouvons rien dire du traitement du visage, du torse (nombril, musculature), des mains et des pieds, ces éléments ayant tous en partie ou totalement disparu. Comme souvent dans la statuaire égyptienne, l’espace entre les bras et le torse n’est pas évidé pour assurer la solidité de l’objet. On peut encore observer que la taille est cintrée et le buste fin, ce qui devait contraster avec des épaules assez larges. L’espace entre le siège et les jambes est en partie évidé, si bien que le profil des mollets, dont le galbe est marqué mais pas trop prononcé, ressort en fort relief. Les malléoles externes sont signifiées par un relief.

 

Le siège cubique est simple. Les différentes faces ne sont pas tout à fait perpendiculaires les unes par rapport aux autres, si bien que les faces latérales partent légèrement en biais. Il se poursuit à l’avant par un socle sur lequel les pieds nus du personnage reposaient à plat ; l’espace entre les pieds semble avoir été partiellement évidé. À l’arrière, la statue présente encore les traces d’un pilier dorsal en saillie qui devait s’élever jusqu’à mi-hauteur de la tête.

 

Bien que la statue soit très altérée, on peut encore percevoir les proportions d’un individu fin et élancé. Son état de conservation déplorable trahit une bonne facture d’origine et une grande qualité d’exécution, indications qu’il s’agit d’un personnage de haut rang, un dignitaire, peut-être même un proche de l’entourage royal. Les principaux critères de datation, basés sur l’attitude, la coiffure, le costume et la morphologie, renvoient à une datation comprise entre la XIIe dynastie et la première moitié de la XVIIIe dynastie. L’impression générale laissée par la statue nous pousse cependant à privilégier une datation basse, dans la première moitié de la XVIIIe dynastie, entres les règnes d’Amenhotep Ier et Amenhotep III.

 

Cette statue peut provenir de la tombe de son propriétaire (dont nous ignorons le nom et les titres) ou bien d’un sanctuaire, une faveur royale accordée au dignitaire. La longue inscription qu’elle portait à l’origine, à présent indéchiffrable, devait sans doute fournir des informations telles que la datation et la provenance de l’œuvre, sa fonction exacte, ou encore l’identité de l’individu représenté. L’utilisation du calcaire plutôt que d’une pierre dure comme la diorite, le grès, ou encore le quartzite, plus résistantes aux intempéries, ainsi que la préservation des pigments sur les parties les moins endommagées, poussent néanmoins à supposer que la statue était à l’origine destinée à être déposée à l’abri dans une tombe.

 

Inscription

À l’origine, 6 ou 7 colonnes d’inscriptions hiéroglyphiques gravées se développaient sur chaque face latérale du siège – aucune trace visible ne subsiste sur la face arrière – et devaient donner le nom et les titres du propriétaire. Cependant, l’espace permet le développement d’un texte plus long, peut-être une formule d’offrandes élaborée et/ou une inscription autobiographique. On peut déterminer que sur le côté droit, la lecture se faisait de haut en bas et de droite à gauche ; c’est le seul côté qui a conservé quelques signes encore lisibles : le signe neb (« seigneur » ou « chaque ») dans la deuxième colonne, le groupe heb (« fête ») dans la troisième.

Historique

Acquise par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 82, Statue du [hiéroglyphes] dont la femme s'appelait [hiéroglyphes] est représenté assis, les mains posées sur les genoux. Les pieds manquent et l'épaule gauche est mutilée. Légendes de cinq lignes verticales, sur l'un des côtés du siège ; de six lignes sur l'autre côté, d'une ligne au dos des la statue. Calcaire peint en rouge. Haut. 48 cent. ; Larg. 26. Estimé mille huit cent francs.

Donation Rodin à l’État français 1916

Commentaire historique

La statue fut exposée sur une sellette dans le vestibule de l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français. Elle y fut photographiée par Eugène Druet après mai 1913 (Ph.04097, 02474).

Elle fait partie de l’ensemble des œuvres égyptiennes et assyriennes qui furent déposées au musée du Louvre en 1933-34 et inventoriée sous le numéro E. 15547 : « Statue en terre cuite peinte stuquée d’un personnage assis, les mains posées sur les cuisses sur un siège cubique. Très dégradée. L’épiderme de stuc n’est conservé que sur le visage (bouche et menton refaits au plâtre), sur une partie de l’avant-bras gauche et sur le haut de la cuisse droite. Les parois latérales du siège étaient couvertes par une inscription en colonne, dont on ne distingue encore sur le côté droit, le mot (…). Haut. 0m49. » La statue fut rendue au musée Rodin en 2004.

 

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Vizir Ânkhosorkon

Statue debout

Égypte >  Akhmim ou Abydos (probablement)

Les derniers temps > Troisième Période Intermédiaire > XXIIe dynastie thébaine > règne de Takélot III

[voir chronologie]

Calcaire

H. 28,50 cm ; L. 14,60 cm ; P. 12 cm

Co. 3386 

Commentaire

Etat de conservation

La statue est très fragmentaire et son état de conservation est moyen. Elle présente de nombreuses cassures. La tête, la partie supérieure du torse (au-dessus du nombril) et du pilier dorsal manquent. La jambe gauche est lacunaire sous le pagne. Celle de droite n’est conservée que jusqu’au milieu du jambier inférieur. Au niveau des bras, seules les attaches sont encore visibles. La statue présente également plusieurs fissures – qui semblent dues à un réseau de veinules – et éclats de tailles variables, notamment au niveau du torse, du pagne, du genou droit et du pilier dorsal (face inscrite et profils), ainsi que des griffures.

L’état actuel de l’extrémité de la main droite semble curieusement correspondre non pas à une cassure mais à un travail inachevé : le modelé de la main, qui devrait être conservé, laisse place à une épaisseur de pierre lisse sur le dessus. C’est précisément de ce côté que l’exécution du pagne est restée en cours, la ceinture n’ayant pas encore été gravée.

 

Par endroits, la statue présente une teinte ocre jaune qui résulte de la terre d’enfouissement. 

Description

Cette statue en calcaire représente un homme debout, dans l’attitude traditionnelle de la marche, la jambe gauche portée en avant. Les empreintes des avant-bras et des mains indiquent que les bras étaient plaqués le long du corps. Il est vêtu d’un pagne-chendjyt court, à plis simples finement sculptés, dont le pan droit est croisé sur le gauche. Le costume est maintenu en place par une ceinture large et lisse, sans trace d’inscription ou d’ornement, d’où dépasse l’attache du pagne, une petite languette rectangulaire oblique figurée à gauche du nombril. Ce pagne-chendjyt, à l’origine vêtement royal, devient, dès l’Ancien Empire, un élément ponctuel de la garde-robe des particuliers, avant qu’ils se l’approprient de manière plus fréquente au Moyen Empire (VANDIER 1958, p. 106, 108, 249). Aux époques tardives, il est de loin le costume court le plus répandu dans la statuaire (PERDU 2012, p. 46).

 

La silhouette du dignitaire est svelte et athlétique. La taille est à peine cintrée. L’abdomen a reçu un traitement particulièrement soigné. Les flancs sont creusés pour mettre en valeur le bas de l’abdomen, légèrement bombé. Ce dernier est traversé verticalement par un profond sillon, la ligne blanche, qui descend jusqu’à l’orifice ombilical, signifié par un trou circulaire. Le pagne très court met en valeur l’allure puissante des jambes. Sur la jambe droite, la seule encore conservée, la rotule et la crête tibiale sont modelées avec soin. Dans son traitement, la musculature de la jambe rappelle ce qui avait cours à l’Ancien Empire et que l’on retrouve notamment sur la statue fragmentaire du musée Rodin Co. 1118.

 

Dans le dos, le sculpteur semble avoir omis de marquer les bords de la ceinture entre l’arrière de l’avant-bras droit et le pilier dorsal.

 

Les statues d’hommes debout, bien qu’elles constituent une des catégories les mieux représentées dans la statuaire égyptienne en général, sont rares à la XXIIe dynastie, époque à laquelle peut être rattachée la statue Co. 3386. Les deux seuls autres exemples connus sont des usurpations de statues du Moyen Empire (Walters Art Museum de Baltimore, inv. 22.203 : BRANDL 2008, p. 218-219 et pl. 122 (Dok. U-1.1) ; et Metropolitan Museum of Art de New York, inv. 68.101 : BRANDL 2008, p. 224-225 et pl. 125 (Dok. U-1.4)). Les particuliers de la XXIIe dynastie, dite « dynastie libyenne », semblent préférer d’autres typologies, notamment les statues-cubes ou les statues agenouillées, plus propices à l’expression de leur dévotion envers les divinités dans les sanctuaires desquelles les sculptures sont déposées. Ce retour à une typologie ancienne fait de la statue du musée Rodin une œuvre exceptionnelle et un témoin de premier ordre de la tendance archaïsante qui caractérise la fin de l’époque libyenne et, plus tard, les XXVe et XXVIe dynasties (cf. PERDU 2012, p. 298 (et n. 9-10) ; BRANDL 2016, p. 18). 

La statue qui offre le meilleur parallèle se trouve non pas dans le domaine privé mais dans la sphère royale. Elle représente le roi Takélot III, sous le règne duquel Ânkhosorkon fit carrière : elle a été sculptée dans du calcaire, figure le souverain dans une attitude et un costume similaires et provient également d’Abydos (British Museum de Londres, EA 37326 : PORTER, MOSS 1937, p. 65 ; LEAHY 1990, p. 171 ; JANSEN-WINKELN, IS II 2007, p. 319-320 (30.5) ; BRANDL 2008, p. 267 et pl. 9a (VK-1.4) ; BRANDL 2012, p. 86 (K-1.3), pl. 19.1). Cependant, l’œuvre est bien loin d’atteindre la qualité d’exécution de la statue du musée Rodin.

Œuvres associées

La partie inférieure de cette statue, comprenant socle, pieds en quinconce (attitude de la marche), cheville droite et base du pilier dorsal, est conservée au Musée égyptien du Caire, sous le numéro d’inventaire JE 91300. Ce fragment a été acquis par Urbain Bouriant à Akhmim en 1885-1886 pour l’Institut Français d’Archéologie Orientale (IFAO), mais le texte suggère plutôt Abydos comme lieu d’origine (BOURIANT, 1887, p. 91, n°70 ; GAUTHIER, 1916, p. 138-139, n°15 ; GAUTHIER, 1921, p. 223-225, n°26 ; PORTER, MOSS, 1937, p. 25 ; LEAHY, 1990, p. 171-172 ; EL-SABBAN, 2003, p. 37-42 ; LODOMEZ, 2005, p. 76, 85-86). 

On trouve la première mention du raccord entre les fragments des musées Rodin et du Caire en 2005, dans la publication de Guy Lodomez (LODOMEZ, 2005, p. 76-86). C’est néanmoins son mentor, le professeur Herman de Meulenaere, qui a établi ce rapprochement en 2002. 

Inscription

Le pilier dorsal comporte deux colonnes de texte hiéroglyphique, se lisant de haut en bas et de droite à gauche, sans lignes verticales de séparation. Les signes sont très finement gravés en creux dans le calcaire.

Le départ de trois colonnes de texte, sans lignes verticales de séparation, est encore visible dans la réserve de pierre entre la jambe gauche et le pilier dorsal. Le texte se lit de haut en bas et de gauche à droite : les signes, tournés dans la direction où s’avance Ânkhosorkon, sont orientés en fonction du personnage.

Les textes du pilier dorsal et de la réserve de pierre se poursuivent sur le fragment conservé au musée du Caire (JE 91300). Ce fragment comporte également deux autres inscriptions, disposées horizontalement, qui partent du milieu de la face avant du socle et se développent sur les côtés jusqu’au milieu de la face arrière du socle ; l’une se lit de droite à gauche (1) et l’autre de gauche à droite (2). Les signes, gravés en creux, sont plus petits que sur le pilier dorsal.

 

Les inscriptions du pilier dorsal donnent les nom et titres du personnage. La statue représente le « fils royal » et « vizir » Ânkhosorkon, haut fonctionnaire de l’administration égyptienne. Il servait sous un roi Takélot, qu’il faut certainement identifier à Takélot III. En effet, Ânkhosorkon serait le même personnage que le prophète d’Amon, grand intendant et vizir homonyme mentionné sur le cercueil de son petit-fils, le prophète de Montou Naménekhamon, découvert à Deir el-Bahari et attribué à la fin de la XXVe dynastie (Boston, Museum of Fine Arts, inv. 94.321 = anc. 72.4824 : PORTER, MOSS, 1964, p. 649-650 ; BIERBRIER, 1984, p. 82-84, pl. XVIII ; LEAHY, 1990, p. 172 ; LEAHY, 1992, p. 147-148 (A.1-2) ; EL-SABBAN, 2003, p. 39-40, n. A et C). Sa généalogie indique qu’Ânkhosorkon était le fils du « directeur de la porte des étrangers » Djedptahiouefankh (JANSEN-WINKELN Karl, IS III, 2007, p. 361-362 (52.25)), qui était lui-même le fils d’Osorkon III et le frère de Takélot III. Ânkhosorkon était donc petit-fils et neveu de rois (cf. LODOMEZ, 2005, p. 84-85 ; PAYRAUDEAU, 2014, p. 179, 370, 587, n°249). Le nom basilophore d’Ânkhosorkon (« Que vive le roi Osorkon ») fait sans doute référence à son grand-père, Osorkon III, sous le règne duquel il a dû voir le jour (LODOMEZ, 2005, p. 86 ; PAYRAUDEAU, 2014, p. 383). Ce nom apparaît à la XXIIe dynastie (RANKE, 1935, p. 87, n°3) ; il se trouve parfois sans que le nom du roi soit placé dans un cartouche (RANKE, 1935, p. 63, n°12).

 

L’association des titres « directeur des contrées méridionales (litt. « pays étrangers du Sud ») » et « fils royal », ce qu’il n’était pas stricto sensu, renvoient à la fonction de vice-roi de Kouch, en égyptien « fils royal de Kouch » (consulter GAUTHIER, 1921, p. 179-238). Cette fonction apparaît au tout début de la XVIIIe dynastie avec l’annexion de la Nubie, alors appelée Kouch (Soudan actuel). Le vice-roi de Kouch s’apparentait à un gouverneur de province dont la principale fonction était de maintenir l’ordre en Nubie afin de garantir la sécurité des routes commerciales et d’assurer l’accès aux mines d’or de la région. Les titres d’Ânkhosorkon témoignent ainsi du maintien de la fonction de vice-roi de Kouch pendant la Troisième Période Intermédiaire. Il succéda sans doute à Pami, qui exerçait lui aussi conjointement les fonctions de vice-roi de Kouch et de vizir sous le règne d’Osorkon III ou le début du règne de Takélot III (ZIBELIUS-CHEN, 1989, p. 340 ; LEAHY, 1990, p. 172 ; LODOMEZ, 2005, p. 82-84 ; PAYRAUDEAU, 2014, p. 370). Cependant, pour Frédéric Payraudeau, la réapparition du titre dans les titulatures des dignitaires de Haute-Égypte (attestés à Abydos, Thèbes, Edfou, El Kab, Éléphantine-Assouan) de la seconde moitié de la XXIIe dynastie est sans doute à mettre en relation avec des liens croissants avec la Nubie. Les « fils royaux de Koush » de cette époque ne seraient alors plus les administrateurs de la Nubie, « mais bien plutôt des chargés de relations extérieures basés peut-être à Éléphantine », puisque plusieurs porteurs du titre y sont attestés (PAYRAUDEAU, 2014, p. 370). Ânkhosorkon est, à ce jour, le dernier « fils royal (de Kouch) » connu (LODOMEZ, 2005, p. 86).

 

Le texte de la réserve de pierre, à la gauche du personnage, bien qu’incomplet, témoigne du goût des anciens Égyptiens pour les calembours : à la fin de la troisième colonne, la chèvre acéphale, signe qui se lit khen et sert à écrire le mot « Résidence » (khenou), est représentée littéralement « dans » (en égyptien m) le signe du bâtiment. L’ensemble permet un jeu de mot par homophonie : ce groupe sert à écrire à la fois la préposition « à l'intérieur de », qui se lit m-khenou, et le mot « dans la Résidence », khenou. Il faut donc comprendre l’expression comme « dans la Résidence ». Cette « Résidence » désigne peut-être le temple du « grand dieu » mentionné en début de colonne.

 

Le socle est gravé de deux lignes de texte symétriques. Le début et la fin de ces inscriptions, respectivement au milieu de la face avant et au milieu de la face arrière, présentent un signe mis en facteur commun : dans le premier cas, le signe sou qui sert à écrire le mot « roi » dans la formule de ny-sout hétep ; dans le second cas, le signe neb de l’expression neb imakh, « titulaire d’une pension ».

Il s’agit de formules d’offrandes dans lesquelles le scribe mélange la formule de l'Ancien Empire avec celle qui apparaît au début de la XIIe dynastie. Le mouvement archaïsant amorcé à la fin de la période libyenne transparaît ainsi également à travers le texte.

Il n’est pas seulement question d’offrandes alimentaires : le texte témoigne aussi du désir d’Ânkhosorkon de bénéficier d’un enterrement dans « le "Bel Occident", dans le Rosétaou d’Abydos ». Rosétaou, que l’on peut traduire par « lieu de halage », revêt une forte connotation funéraire : le mot désigne à l’origine une vaste zone désertique qui s’étend de Giza à Saqqara et englobe les différentes nécropoles de la région memphite (COCHE-ZIVIE, 1984, col. 304-306). Il est parfois utilisé comme nom pour d’autres nécropoles, comme c’est le cas ici : il est question de la nécropole d’Abydos. Cette formule semble indiquer que la statue provient originellement d’Abydos. S’agit-il d’une statue funéraire, disposée dans la tombe d’Ânkhosorkon ? Ou bien s’agit-il d’une statue placée dans un petit cénotaphe érigé sur la « Terrasse du Grand Dieu », à proximité du sanctuaire d’Osiris, voire déposée au sein même du temple du dieu à Abydos ? C’est vers cette dernière solution que semble se tourner Anthony Leahy (LEAHY, 1990, p. 171-172).

 

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 5, "Statue fragmentaire (depuis le milieu du buste, jusqu'à la moitié de la jambe droite, la jambe gauche manque, ainsi que les bras, le pilier dorsal donne le nom d'un fonctionnaire du Roi. Calcaire silicieux. Haut. Trente centim. Estimé trois cents francs."

Donation Rodin à l’État français 1916

Commentaire historique

L'oeuvre était exposée à l'hôtel Biron en 1913, dans une préfiguration du futur musée.

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Roi Nectanébo Ier - Torse

Statue debout

Égypte > Delta  > Samanoud  (probablement)

Les derniers temps > Basse Époque > XXXe dynastie > règne de Nectanébo Ier (380-365 av. J.-C.)

[voir chronologie]

Quartzite

H. 105 cm ; L. 45,5 cm ; P. 37,8 cm

Co. 1420

Commentaire

Etat de conservation

Sur la face avant, la statue est assez bien conservée malgré son état fragmentaire : la tête, la retombée gauche du nemes, les bras et la partie inférieure des jambes (à mi-pagne) manquent mais la surface demeure lisse et présente peu de traces d’éclats, à l’exception des zones d’arrachement et de la bordure de la retombée droite du nemes.

Au dos, l’omoplate gauche est lacunaire tandis que le catogan du nemes est très endommagé. Le pilier dorsal n’apparaît qu’en négatif : il a été totalement arraché. L’arrière du pagne est parsemé d’éclats. Toutes ces parties altérées permettent d’observer la pierre en détail : son aspect rubané, avec des bandes d’un ocre presque rouge, ainsi que de très nombreuses inclusions de minéraux de natures diverses, deux caractéristiques du quartzite ou grès silicifié (DE PUTTER, KARLSHAUSEN, 1992, p. 96)

 

Le quartzite est fortement teinté par la terre d’enfouissement orangée ; quelques traces de cette terre ferrugineuse sont encore visibles sur la statue.

Description

Cette statue, un peu plus grande que nature à l’origine, représente le roi Nectanébo Ier debout. En dépit de l’état lacunaire des membres inférieurs, on peut voir qu’il était représenté dans l’attitude classique de la marche apparente, la jambe gauche portée en avant comme l’indique la position de la cuisse gauche, légèrement avancée par rapport à la cuisse droite. Les traces d’arrachement des bras montrent qu’ils étaient plaqués le long du corps et liés au torse par une réserve de pierre ; les poings étaient sans doute fermés. Cette attitude, attestée depuis l’Ancien Empire, permet au roi d’exprimer sa pleine maturité physique et de renvoyer l’image d’une monarchie forte.

 

Le souverain porte sur la tête le nemes, une coiffe royale traditionnelle attestée depuis l’Ancien Empire, entièrement confectionnée en étoffe généralement rayée. Elle se caractérise par deux retombées de tissu, de part et d’autre du cou, et un catogan à l’arrière de la tête. Sur la statue, les retombées du nemes, dont seule la droite est encore visible, sont totalement lisses ; le catogan semble également avoir été lisse. Le roi est vêtu du pagne-chendjyt, lisse dans le cas présent mais habituellement plissé, maintenu à la taille par une ceinture figurée en léger relief et ornée d’une inscription. Cette ceinture ne semble pas avoir été matérialisée dans le dos.

 

Le torse, dénudé, est étiré en longueur, la cage thoracique et les hanches sont étroites. La musculature est présente mais demeure subtile. Deux légers renflements sur la poitrine indiquent des pectoraux ronds, aux mamelons marqués en relief. Deux autres renflements, qui occupent toute la largeur du torse et sont séparés par une ligne de dépression horizontale au niveau de la taille, permettent de distinguer le bas du thorax et la moitié supérieure de l’abdomen. La fourchette sternale n’apparait pas mais un sillon à peine perceptible part de la ligne des pectoraux et se prolonge vers le nombril en s’accentuant.

Nous sommes face à un exemple un peu timide du modelé du torse mis en place à la XXVIe dynastie et repris par la statuaire de la XXXe dynastie. La musculature y est indiquée par des renflements et des dépressions dans la pierre qui permettent de distinguer pectoraux et abdominaux en une bipartition verticale (sillon plus ou moins net et profond qui va de la fourchette sternale au nombril) et une tripartition horizontale (deux sillons placés respectivement sous la poitrine et au bas de la cage thoracique). Si la bipartition est déjà bien en place avant la dynastie saïte, suivant une mode archaïsante, la tripartition apparaît au début de la XXVIe dynastie. Les deux modes de découpage du torse peuvent alors se combiner sur une même œuvre, côtoyant une production statuaire où la tripartition commence à dominer. Après la XXVIIe dynastie, on trouve encore des œuvres mêlant bipartition et tripartition, notamment à la XXXe dynastie. (PERDU, 2012, p. 60-61).

 

Plusieurs statues figurant Nectanébo Ier et inscrites à son nom nous sont parvenues. Nous pouvons notamment signaler un torse en basalte, vestige d’une statue du roi debout brisée au niveau du cou, des bras et au-dessus des genoux. Ce torse, qui mesure aujourd’hui 70 cm de hauteur, a été découvert à Samanoud (Sébennytos, dans le Delta) par le général Vial lors de l’expédition d’Égypte puis offerte à Bonaparte ; il est aujourd'hui conservé au musée du Louvre (E 25492 ; PORTER, MOSS, 1934, p. 44 ; JOSEPHSON, 1997, pl. 3c ; Bonaparte et l’Égypte, 2008, p. 264-265, n°235). Cette statue représentait le roi, grandeur nature, dans l’attitude de la marche. La statue du Louvre présente des proportions similaires à celle du musée Rodin, avec un torse étiré en longueur et une cage thoracique étroite. En revanche, le modelé est différent. Sur la statue E 25492, la fourchette sternale est indiquée par une dépression qui se prolonge jusqu’au nombril pour signifier la ligne blanche ; des renflements importants indiquent les pectoraux arrondis et lisses et les muscles de la ceinture abdominale.

 

La statue de Nectanébo Ier peut également être rapprochée de son colosse en calcaire d’Hermopolis, dans la même attitude (musée du Caire JE 87298 : cf. MYŚLIWIEC, 1988, p. 70 (1) ; JOSEPHSON, 1997, p. 8, pl. 3b). La silhouette de la statue du musée Rodin est légèrement plus svelte et plus allongée, peut-être à cause de la différence d’échelle. La cage thoracique du colosse d’Hermopolis est, elle aussi, étroite. Comme sur la statue du musée Rodin, la bipartition est moins prononcée que sur la statue du Louvre – la fourchette sternale n’est pas apparente – mais la tripartition est bien nette. Les pectoraux sont plus clairement définis, avec des mamelons marqués en relief : ils évoquent les statues de l’Ancien et du Moyen Empire, toujours dans la veine archaïsante chère à la XXXe dynastie.

Notons par ailleurs que le règne de Nectanébo Ier est marqué par la réapparition du type de la statue colossale, délaissé sous les dynasties précédentes, ce dont témoignent le colosse d’Hermopolis mais aussi la statue du musée Rodin (FORGEAU, 2018, p. 95 et n. 158).

 

Sur les statues du musée du Louvre et du musée Rodin, le nombril est marqué par un petit trou circulaire logé dans une dépression en forme de goutte, dans le prolongement de la ligne blanche abdominale, accentuant ainsi la profondeur de l’orifice ombilical.

 

Dans les trois cas (musée Rodin Co. 1420, musée du Louvre E 25492 et musée du Caire JE 87298), le rapport entre la largeur du buste au niveau des pectoraux et la largeur de la taille, toujours cintrée, est le même (1,2). Cependant, le traitement de la taille est différent. S’il est quasiment identique pour les statues du Louvre et du Caire, en forme de sablier, la statue du musée Rodin laisse poindre les os du bassin : le traitement est presque anguleux, la ligne de la silhouette est moins fluide, suivant une tendance de la statuaire du IVe siècle avant J.-C. amorcée à la fin de la période saïte (PERDU, 2012, p. 60). C’est du côté de la petite statuaire que nous trouvons le meilleur parallèle. Le musée du Louvre possède dans ses collections un torse en calcaire de Nectanébo Ier, identifié par l’inscription sur sa ceinture, d’une dizaine de centimètres de hauteur (Louvre E 22752 ). Le souverain est figuré debout, dans l’attitude de la marche, mais la représentation a été volontairement tronquée : il n’y a ni tête, ni bras, ni jambes au-dessus des genoux. Peut-être s’agissait-il d’un modèle de sculpteur (LIEPSNER, 1982, n. 68 et 132). Là encore, le torse est très allongé et étroit ; le modelé doux rend compte des chairs plus que de la musculature. Les os du bassin sont légèrement saillants, provoquant une rupture dans la fluidité de la ligne de la silhouette.

 

En revanche, la finition de la statue du musée Rodin montre davantage de similitudes avec celle du colosse d’Hermopolis (Caire JE 87298). Sur ces deux œuvres, les mamelons sont sculptés en relief tandis qu’ils ne sont pas visibles sur la statue de Sébennytos (Louvre E 25492). Les rayures des retombées du nemes et les plis du pagne, figurés sur la statue du Louvre, sont absents sur le colosse du Caire et la statue du musée Rodin. Cela est peut-être dû à la nature et la couleur plus claire des pierres employées (respectivement le calcaire et le quartzite), qui devaient être originellement peintes.

 

À l’arrière, un pilier dorsal rectangulaire, aujourd'hui arraché, a été sculpté dans le prolongement du catogan. Il devait comporter une inscription hiéroglyphique en colonnes.

 

La statue du musée Rodin, de par son matériau et ses dimensions imposantes, était sans doute destinée à être placée dans l’enceinte d’un temple, dont l’emplacement devait être précisé par l’inscription du pilier dorsal.

 

L’égyptologue Campbell Cowan Edgar, inspecteur des antiquités dans le Delta, a signalé, dans une publication de notes de 1911, avoir vu à Samanoud un torse de statue qu’il attribue alors à Nectanébo II. Le fragment, qui mesure environ 1 m de hauteur, a été réalisé en pierre du Gebel Ahmar (quartzite). On lui a dit qu’il avait été rapporté de Mohalla el-Kobra, une ville proche de Samanoud. Cette statue porte sur la ceinture une inscription, retranscrite par Edgar mais illisible par endroits. Il est ainsi fait mention du roi Nectanébo Ier (d’après les cartouches publiés par Edgar, et non Nectanébo II comme il le pensait), du dieu Anhour (Onouris)-Chou et de la divinité Mehtet ( ?) (EDGAR, 1911, p. 96 ; nous remercions vivement Annie Forgeau de nous avoir signalé cette précieuse publication). La disposition est identique à celle de la statue du musée Rodin et le texte est similaire.

Il s’avère que Samanoud, ancienne Sébennytos (métropole du XIIe nome de Basse-Égypte), est la ville d’où est originaire Nectanébo Ier, fondateur de la XXXe dynastie. Elle comporte un temple dédié au couple divin local – le dieu guerrier Anhour, mieux connu sous la forme hellénisée Onouris, et la déesse lionne Méhyt – ainsi qu’au dieu Chou. À l’emplacement du temple, et dans un périmètre plus étendu, ont été découverts des vestiges aux noms de Nectanébo Ier, Nectanébo II, Philippe III Arrhidée, Alexandre II Aegos (Alexandre IV) et Ptolémée II Philadelphe (EDGAR, 1911, p. 90-96 ; PORTER, MOSS, 1934, p. 43-44). La statue signalée par Edgar vient donc sans nul doute de ce temple.

 

Nous savons par ailleurs que des gisements de quartzite sont connus dans deux endroits spécifiques en Égypte : le gisement du Gebel Ahmar, situé dans la banlieue orientale du Caire et les gisements situés sur la rive occidentale du Nil, au sud d’Assouan (Gebel Tingar, Gebel Goulab…). S’il est difficile de déterminer la provenance du matériau lorsqu’il présente une teinte brunâtre par un examen à l’œil nu, la teinte rouge violacée caractériserait le quartzite provenant du Gebel Ahmar (DE PUTTER, KARLSHAUSEN, 1992, p. 96-97), ce qui correspond à la statue du musée Rodin.

 

Les dimensions de ce torse, la pierre utilisée et les inscriptions de la ceinture incitent à rapprocher, voire à identifier, la statue mentionnée par Edgar à celle achetée par Auguste Rodin. Si tel est bien le cas, le sculpteur a dû en faire l’acquisition peu de temps après l’inspection d’Edgar, entre 1911 et 1913.

Bien que de tailles différentes, les statues du musée Rodin Co. 1420 et du Louvre E 25492 formaient peut-être une paire, l’une en pierre claire et l’autre en pierre sombre. Il n’est pas surprenant que Nectanébo Ier ait dédié plusieurs statues à la divinité principale de la ville dont il était originaire.

Œuvres associées

Cet objet peut être rapproché d’une autre œuvre des collections du musée Rodin, le relief Co. 1408, dont la datation est un peu plus tardive. Ce fragment de paroi de temple représente le dieu Anhour (Onouris) suivi de la déesse Méhyt à tête léonine et provient sans doute du sanctuaire dédié à ces divinités à Sébennytos. 

Inscription

La ceinture du pagne est gravée d’une inscription hiéroglyphique donnant une partie de la titulature du souverain. Elle se développe de part et d’autre d’un signe ânkh central. La dureté du quartzite et les inclusions minérales, qui ont certainement gêné la gravure des signes, ainsi que l’état de conservation du texte, rendent le déchiffrement difficile par endroits.

 

Le nom de fils de Rê (à gauche) et le nom de roi de Haute et de Basse-Égypte (à droite) de Nectanébo Ier sont tous deux inscrits dans un cartouche. Pour chacun, il est précisé qu’il est aimé d’une divinité, respectivement Mehtet ou Meht(y)t (?) et Anhour (Onouris)-Chou. Dieu combattant d’origine libyenne devenu fils de Rê, Onouris est particulièrement vénéré à This/Thinis (près d’Abydos, en Haute-Égypte) et Sébennytos/Samanoud (dans le nord du Delta). Associé à Chou, il est le dieu qui supporte le ciel. Il a pour parèdre la déesse Méhyt, déesse lionne de Thinis et de Sébennytos.

 

Il est tentant de considérer que le nom de la divinité mentionnée dans l’inscription, lu Mehtet ou Meht(y)t ( ?), correspond à une graphie fautive de Méhyt. Il est également possible que le nom Méhyt soit correctement inscrit et que l’état de conservation du texte nous incite à lire un second t (X1) au lieu du hiéroglyphe de l’œuf (H8). Cette graphie du nom de la déesse avec l’œuf pour déterminatif est bien attestée sur des blocs provenant du temple d’Onouris-Chou à Samanoud ; elle y est par ailleurs dite « fille de Rê et maîtresse de Tcheb-netcher (Sébennytos) », deux épithètes que nous pouvons restituer sur la ceinture du pagne de Nectanébo Ier. La séquence sur les blocs est complétée par les épithètes « l’Œil de Rê, la maîtresse du ciel, la souveraine de tous les dieux » (EDGAR, 1911, p. 92-93 ; MEFFRE, 2017-2018, p. 237).

 

L’inscription gravée sur la ceinture de la statue du musée du Louvre E 25492 présente la même disposition et un contenu semblable au texte de la statue du musée Rodin, mais avec une inversion des noms de fils de Rê et de roi de Haute et Basse-Égypte. Le roi se déclare, là aussi, « aimé du dieu Anhour » et « aimé de la déesse Metet ( ?) », peut-être une graphie fautive de Méhyt.

 

Historique

Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian en mai 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 81 « Torse [illisible] analogue au n°79 (= Co. 1414) mais en granit ( ?). Il est plus grand. La retombée droite de la nemset royale [illisible]. En revanche le dos est tellement dégradé qu’on ne peut même pas dire si le monument comportait un pilier dorsal. Sur la ceinture est gravée la légende de [cartouches] ( ?) Nectanébo II. Haut 1 mètre Larg 45 cent. (Estimé à) 3000 Fr. »

Donation Rodin à l’État français 1916.

Commentaire historique

La statue fut exposée, sur une caisse, le long du mur entre deux fenêtres, dans le vestibule de l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français. Elle y fut photographiée par Eugène Druet après mai 1913, avec le torse Co.1414 (Ph.04097, 06034).

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Roi Ptolémée III Évergète I

Égypte > provenance inconnue

Époque hellénistique et romaine > Ptolémées > Ptolémée III Évergète Ier (246-222 av. J.-C.)

[voir chronologie]

Calcaire ; badigeon

H. 85 CM : L. 32,3 CM : P. 39,1 CM

CO. 1414

Commentaire

Etat de conservation

La statue est fragmentaire et son état de conservation est moyen. La tête, les bras, les jambiers inférieurs (sous le pagne) et l’extrémité de la languette centrale du pagne manquent. En outre, la surface de la pierre présente de nombreux éclats, de tailles variables, notamment au niveau de la poitrine et du pilier dorsal : les colonnes d’inscriptions ont beaucoup souffert (la colonne de droite est particulièrement lacunaire). Certaines cavités dans la pierre correspondent à la perte d’inclusions de fossiles. L’épiderme montre également de multiples épaufrures.

 

La statue présente une coloration générale jaunâtre, due à la fois à la couleur du calcaire et à la terre d’enfouissement. Les traces d’un badigeon ocré subsistent dans les plis du pagne. 

Description

La statue représente le roi Ptolémée III Évergète Ier grandeur nature. Le souverain se tient debout, dans l’attitude traditionnelle de la marche, c'est-à-dire la jambe gauche en avant. Les parties subsistantes des attaches des bras indiquent qu’ils étaient plaqués le long du corps, les poings fermés ou serrés sur quelque objet. Le roi est vêtu d’un pagne-chendjyt court et moulant, aux plis fins, resserrés et réguliers, dont le pan gauche est croisé sur le droit ; il est maintenu à la taille par une ceinture simple non décorée figurée en relief.

À la base du cou, une longue empreinte de forme rectangulaire révèle que le souverain devait être pourvu d’une barbe postiche, à moins qu’il ne s’agisse d’un pendentif. En effet, d’après Christophe Thiers, le souverain portait peut-être autour du cou une figurine de la déesse Maât, soulignant ainsi sa qualité de juge suprême (THIERS, 1998, p. 259 ; l’auteur croit déceler les traces de la plume qui orne habituellement la tête de la divinité). L’absence de retombées du némès sur la poitrine indique que le roi portait un autre type de coiffe. Il s’agit d’une des rares statues royales ptolémaïques à ne pas être coiffée du némès (STANWICK, 2000, p. 193-194 ; pour les différentes coiffes et couronnes portées par les statues royales d’époque lagide, cf. STANWICK, 2000, p. 110-114).

 

La silhouette est svelte. Sur le torse, on constate à la fois une bipartition verticale et une tripartition horizontale assez subtiles, permettant de mettre en évidence une musculature bien présente mais discrète. Le torse est étroit et élancé, avec des pectoraux haut placés, ce qui permet au thorax d’être plus allongé qu’aux périodes précédentes. Les pectoraux sont fermes, sans être exagérément musclés, et arrondis ; ils constituent un premier renflement dans la tripartition horizontale. En-dessous, un second renflement marque la partie inférieure de la cage thoracique. Le ventre, troisième élément de la tripartition, est rond et délicatement bombé. Le nombril s’inscrit dans le creux d’une dépression en forme de goutte qui accentue la profondeur de l’orifice ombilical et prend place dans le prolongement de la ligne blanche abdominale qui marque la bipartition verticale.

La taille n’est que légèrement cintrée, ce qui a deux conséquences : d’une part, la ligne de la silhouette n’est pas cassée, le passage du buste aux hanches est fluide et, d’autre part, la démarcation entre le thorax et l’abdomen est un peu atténuée. La vue de profil nous permet de signaler un fessier rebondi, une singularité propre aux statues d’époque lagide, tant chez les souverains que chez les particuliers (PERDU, 2012, p. 98).

 

Le souverain est adossé à un profond pilier dorsal de part et d’autre duquel son corps est visible. On constate un traitement doux des chairs du dos et une taille légèrement cintrée, comme sur la face antérieure. La ceinture est marquée et les plis du pagne sont finement sculptés.

 

À l’heure actuelle, il s’agit de la seule statue royale attribuable avec certitude à Ptolémée III Évergète Ier (THIERS, 1998, p. 263-264, n. 11). Le traitement des pectoraux et du ventre, ronds et légèrement proéminents, s’inscrit dans la lignée de la statuaire de son prédécesseur, Ptolémée II Philadelphe (comparer en particulier avec la statue du Musée grégorien égyptien du Vatican, inv. 22681 : BOTTI, ROMANELLI, 1951, p. 24-25, 137, pl. XXII-XXIII, n°32 ; STANWICK, 2000, p. 73, 189-191, 194, 334-336, pl. 1, n°A3). Si le traitement des chairs est proche de celui de l’époque de Ptolémée II, il s’inscrit également dans la lignée de la tradition artistique de la XXXe dynastie, elle-même fortement influencée par la production statuaire de l’époque saïte (XXVIe dynastie), suivant le courant néo-archaïque qui a cours chez les derniers souverains indigènes d’Égypte (PERDU, 2012, p. 196 et 198). Ainsi, on retrouve dans le fragment de statue du musée Rodin une certaine ressemblance avec le torse de Nectanébo Ier, conservé au musée grégorien égyptien du Vatican (inv. 13 : BOTTI, ROMANELLI, 1951, p. 10-11, pl. XII, n°21), mais dont il se dégage plus de puissance du fait d’un traitement plus accentué des volumes. Plus proche encore est le modelé d’un autre torse de Nectanébo Ier, lui aussi dans les collections du musée Rodin (Co. 1420).

On retrouve aussi dans la statue du musée Rodin l’attitude, le vêtement et le mélange de bipartition et tripartition mis à l’honneur dans la statuaire saïte.

 

Selon Christophe Thiers, cette statue était dédiée au culte du souverain lagide dont étaient en charge les prêtres de la 5e phylé, instituée par le synode de Canope (THIERS, 1998, p. 263 ; sur le décret de Canope et le culte dynastique lagide, voir la traduction et le commentaire de la stèle du Musée du Caire CG 22186 proposés par le Projet Rosette). Nous ignorons cependant la localisation du lieu de culte d’où provient la statue du musée Rodin. 

Inscription

Le pilier dorsal est gravé de trois colonnes d’inscriptions hiéroglyphiques en creux divisées par des lignes de séparation ; la lecture s’effectue de droite à gauche.

Le protocole royal partiellement conservé dans la première colonne de texte (noms d’Horus, de Nebty et d’Horus d’Or) permet d’attribuer avec certitude la statue à Ptolémée III Évergète Ier (THIERS, 1998, p. 259). Les sections manquantes ont pu être restituées grâce à de nombreux parallèles.

Le reste du texte consiste en formules d’eulogie qui insistent sur la prédestination royale. En effet, le texte mentionne le roi en ces termes : « conscient alors qu’il était dans la matrice, (avant qu’)il ne sortît de l’œuf, (le) Shaï s’est distingué sur sa brique de naissance, élu du dieu qui ne fait qu’un avec l’infini ». L’association voire l’assimilation des souverains lagides puis romains au dieu Shaï semble être une innovation de son règne (QUAEGEBEUR, 1975, p. 111, 114-115 ; THIERS, 1998, p. 263). Nous pouvons noter que l’écriture du nom du dieu Shaï à l’aide du seul signe de la pustule fait partie des « graphies exceptionnelles », suivant l’inventaire établi par Jan Quaegebeur (QUAEGEBEUR, 1975, p. 277, L3).

La fin de la troisième colonne (« Horus vaillant, protecteur dans les sanctuaires, dont la statue est consacrée lors [des fêtes…] ») mentionnait peut-être le temple de la ville où était célébré le culte au pharaon Ptolémée III Évergète Ier  et d’où provenait la statue du musée Rodin. 

Historique

Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian le 11 septembre 1912.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 79, "Torse d’un roi dont le buste est nu. Le bas du corps est vêtu de [schéma du pagne] retenu autour de la taille par une ceinture. La tête, les bras et les jambes manquent. Pilier dorsal portant une inscription de 3 lignes. Calcaire compacte. Haut : 85 centim. Bien que ce morceau soit très abîmé, les modelés en sont très intéressants. (Estimé à) 1800 Fr."

Donation Rodin à l’État français 1916

Commentaire historique

Cette statue fut achetée auprès de l’antiquaire Joseph Altounian qui l’expédia dans un lot d’objets le 31 août 1912 et le décrivit ainsi :  « 1 Torse d’homme plus grand que nature calc. uni brillant jaunâtre. Il est nu jusqu’à la ceinture port. des inscrip. hyerogl au dos, devant appartenir à un famille royale de la XVIIIe ou XIXe dynastie sculpture d’une très bonne école, malgré l’amputation des bras et de la tête le modelé du buste est intacte. 2500 » (ALT 147, archives musée Rodin).

 

L’antiquaire Joseph Altounian, écrivait à Rodin du Caire le 10 Août 1912 : « Cher Maître, J’ai l’honneur de vous faire savoir que je viens de rentrer aujourd’hui même au Caire après avoir accompli le voyage dans la Haute-Égypte dont voici les principales étapes. Éléphantine, Abydos, Phylae, Héracleopolis, Sakhara, Memphis, etc., ou j’ai séjourné pour recueillir pour votre collection des fragments de bas-reliefs, granit, calcaire, basalte, bref tout ce que j’ai jugé pouvant vous intéresser. Ce lot renferme 24 pièces des bas-reliefs et des reliefs en creux des grands et des petits, le tout appartenant aux différentes dynasties ayant régné dans les régions que j’ai traversées, plus 19 pièces de fragments en ronde bosse le tout présente la sculpture des meilleures dynasties. » J. Altounian était parti du Caire en juillet 1912, et l’on peut suivre son périple sur son agenda (archives Altunian) : Minieh, Mallawi, Assiout, Abou Tig, Assiout, Sohag, Achmim, Abou Tig, Baliana, Abydos, Baliana, Keneh, Kous, Louxor, Sohag, Achmim, Sohag, Mallawi, Le Caire, où il arriva le 7 août.

 

Le 28 Août 1912, Altounian écrit au sculpteur : « Cher Maître J’ai l’honneur de vous annoncer que je suis arrivée à Paris depuis quelques jours. Je me suis présenté 77 rue de Varenne mais on m’a dit que vous étiez absent ; jour cela. Je vous adresse la présente à votre adresse à Paris espérant qu’on vous la faira suivre. Donc je vous prie cher Maître de me dire le jour que vous rentrez à Paris afin que je vienne vous soumettre le bordereau avec la nomenclature des objets que je vous ai expédié du Caire.». Le 6 septembre, Altounian recevait de Rodin « la somme de frs 850 (huit cent cinquante francs) comme prêt pour m’aider à dégager les 6 caisses antiques de la Douane ; Monsieur Rodin n’est pas engagé à acheter ce lot d’antiquités s’ils ne lui plaisent pas. Il achètera que ce qu’il lui plaira.». Rodin choisit un grand nombre d’œuvres de ce lot dont la statue Co.1414 et versa à l’antiquaire 5000 francs le 11 septembre 1912.

 

La statue fut exposée, couchée sur une sellette de sculpteur, dans le vestibule de l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français. Elle y fut photographiée par Eugène Druet eaprès mai 1913, avec le torse Co.1420 (Ph.04097, 06034).

 

 

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Roi

Tête provenant d'une statue

Égypte > provenance inconnue

Les derniers temps > Époque tardive > XXXe dynastie  ?

Époque hellénistique et romaine > Ptolémées > début de l’époque ptolémaïque  ?

[voir chronologie]

Calcaire

H. 33 CM : L. 38 CM : P. 31 CM

CO. 1121

Commentaire

Etat de conservation

Cette tête de statue, sectionnée au niveau du cou, est en état de conservation moyen. Une grande partie a été restaurée : les hélix et anthélix des oreilles, le nez, la joue droite, la bouche, l’essentiel de la partie inférieure du visage, la partie droite du cou, la nuque, le pan droit, la majorité du pan gauche et la queue du némès sont des ajouts modernes. En définitive, seuls les trois-quarts gauches de l’arrière du némès, le sommet de la tête, l’uraeus, les yeux et le côté gauche du visage sont d’origine. La pierre est très érodée, notamment au niveau de l’uraeus ; elle est également constellée de plusieurs éclats.

 

Des traces de coloration ocre jaune subsistent sur les parties d’origine, notamment dans les plis du némès. Reste à déterminer s’il s’agit de traces de polychromie intentionnelles – peut-être un enduit préparatoire teinté – ou de traces laissées par la terre d’enfouissement.

Description

Cette tête de statue représente un roi coiffé du némès et de l’uraeus. Le némès est sans doute la coiffe la plus emblématique des rois de l’ancienne Égypte, porté de l’Ancien Empire à l’époque romaine. Il s’agit d’un cache-perruque fait d’une étoffe quadrangulaire empesée et rayée, qui laisse les oreilles découvertes. Il se compose de plusieurs parties : la partie principale, qui couvre le haut et l’arrière de la tête, du front à la nuque ; les parties temporales, parties latérales qui forment un pli entre la coiffe et les ailes ; le bandeau frontal, qui permet de maintenir la coiffe en place et qui comprend parfois deux excroissances qui descendent sur les tempes ; l’uraeus, placé sur le front ; les ailes, qui encadrent le visage du roi, parties qui prennent naissance en haut des parties temporales et s’évasent jusqu’aux épaules ; les retombées, qui prolongent les ailes et retombent sur la poitrine du roi ; le catogan ou la tresse, qui resserre l’arrière de la coiffe et pend dans le dos.

Le némès est plissé au moyen d’incisions qui dessinent des rayures fines et régulières et doté d’un bandeau frontal en relief. Deux excroissances, distinctes du bandeau frontal, de forme plus ou moins trapézoïdale et aux côtés légèrement incurvés, sont indiquées sur les tempes par un relief détouré par une incision. Il s’agit de la matérialisation des pattes des cheveux du roi. Le corps de l’uraeus forme un 8 simple et symétrique avant de remonter jusqu’au sommet du crâne. L’uraeus est l’un des attributs de toutes les coiffes royales. Il s’agit d’un cobra femelle qui protège le souverain égyptien. Il est le symbole de la déesse Ouadjet, divinité tutélaire de la Basse-Égypte.

Malgré les lacunes, on distingue encore la courbure délicate et peu prononcée des arcades sourcilières, finement modelées. Les sourcils sont légers et légèrement arqués, fomr inspirée de la statuaire du début du Moyen Empire. Les yeux, étroits et ouverts, remontent vers les tempes.

 

Cette tête, de grandes dimensions, est donc celle d’un pharaon. Du fait de son état très fragmentaire, il est impossible de déterminer le type de statue auquel elle appartenait. Il pourrait s’agir d’une statue debout, assise, voire même d’un sphinx.

 

Pour la même raison, il est délicat d’avancer une datation, même si la forme des yeux, celle du corps de l’uraeus et des arcades sourcilières favorisent une date tardive. On peut considérer comme plausible la fin de la Basse Époque, si l’on compare notamment avec la tête de Nectanébo Ier conservée au British Museum de Londres (EA 97 : MYŚLIWIEC, 1988, p. 50, 64, 71 (12) ; JOSEPHSON, 1997, p. 23-24 (et n. 165-167), pl. 8a ; MÁLEK, 1999, p. 159-160 (800-871-000) ; PERDU, 2012, p. 196-197, n°97). Une datation du début de l’époque ptolémaïque est néanmoins fortement probable, d’après les similitudes avec la tête attribuée à Ptolémée II, conservée au Walters Art Museum de Baltimore (inv. 22.109 : STEINDORFF, 1946, p. 48 et pl. XX, n°141 ; JOSEPHSON, 1997, p. 25 (et n. 177), pl. 8d ; MÁLEK, 1999, p. 200 (800-942-080) ; STANWICK, 2002, p. 102, p. 163, fig. 22, n°A25 ; PERDU, 2012, p. 198-199, n°98). Les quelques variations observables comme le travail du coin de l’œil ou encore la taille des rayures du némès peuvent être attribuées à la différence de matériau utilisé pour chaque statue.

 

Il existe de nombreuses similitudes entre les productions de la XXXe dynastie et de la dynastie lagide, ce qui explique les difficultés d’attribution souvent rencontrées. La tête attribuée à Nectanébo Ier et conservée au British Museum (EA 97) peut ainsi être rapprochée de la partie supérieure d’une statue royale en calcite, également présente dans la collection (EA 941 : JOSEPHSON, 1997, p. 30-31 (et n. 213), pl. 11a ; MÁLEK, 1999, p. 198 (800-940-600) ; STANWICK, 2002, p. 46-47, 102, 162, fig. 18-19, n°A23), qui a d’abord été datée du règne de Ptolémée II avant d’être rattachée à Nectanébo II (PERDU, 2012, p. 196). Quant à la tête attribuée à Ptolémée II et citée plus haut (Walters Art Museum de Baltimore, inv. 22.109), elle se démarque assez peu d’une tête conservée dans la même collection et attribuée à Nectanébo Ier (Walters Art Museum de Baltimore, inv. 22.108 : STEINDORFF, 1946, p. 48 et pl. XX, n°140 ; JOSEPHSON, 1997, p. 25 (et n. 177), pl. 8c ; MÁLEK, 1999, p. 156 (800-870-300) ; PERDU, 2012, p. 198 (inventaire fautif 20.308). Le site du Walters Art Museum date la tête de l’époque saïte).

 

Notons également que certains détails comme la forme des arcades sourcilières et le contour des yeux ne sont pas sans rappeler les productions statuaires de l’époque saïte (XXVIe dynastie ; 672-525 av. J.-C.). On constate en effet, tant pour les statues de la XXXe dynastie que pour celles du début de l’époque lagide, une forte inspiration saïte. Dans le premier cas, il s’agit pour les derniers souverains indigènes d’Égypte de s’inscrire dans un courant néo-archaïsant qui fait revivre les fastes d’une période où le pays du Nil était encore indépendant et puissant, avant la première domination perse (XXVIIe dynastie ; 525-504 av. J.-C.). Dans le second cas, le style qui sera propre à la dynastie lagide ne s’est pas encore imposé, la production artistique étant encore tributaire des tendances en vogue à la période précédente (PERDU, 2012, p. 196 et 198).

Œuvres associées

Le musée Rodin possède dans sa collection d’antiquités égyptiennes un modèle de sculpteur ( ?) – sous le numéro d’inventaire Co. 786 (STANWICK, 2002, p. 102, 161, fig. 15-16, n°A21) – particulièrement intéressant lorsqu’il est mis en relation avec la tête Co. 1121. Il s’agit d’un buste de souverain en plâtre en fort relief. L’œuvre peut être datée de la XXXe dynastie – règne de Nectanébo II ? – ou du début de l’époque lagide – règne de Ptolémée II ? –, soit la même période que notre œuvre. Malgré la différence d’échelle, les similitudes entre les deux objets sont frappantes. Si l’on ne peut affirmer avec certitude que le buste Co. 786 a servi de modèle à la tête Co. 1121, ni même qu’il s’agit du même souverain, il est plaisant d’imaginer qu’un modèle de sculpteur similaire a pu servir à la réalisation de la tête royale en calcaire.

Inscription

Anépigraphe. 

Historique

Acquise par Rodin auprès de l'antiquaire Oxan Aslanian le 5 août 1911.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 72, "Tête royale en calcaire, coiffée de la nemsit. Tête de sphinx. Epoque saïte ? Tout le bas est refait. Haut. 33 cent. Larg. 38. Estimée cinq cent francs."

Donation Rodin à l’État français 1916

Commentaire historique

La tête fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

Elle y fut photographiée par Eugène Druet entre 1913 et avril 1914, à côté d'une oeuvre de Rodin, le buste de la Duchesse de Choiseul dont la chevelure émergeant du marbre n'est pas sans évoquer la coiffure du roi égyptien (musée Rodin, Ph.06031).

 

 

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Homme assis sur un siège cubique

Égypte > provenance inconnue

L’âge classique > Ancien Empire (2700-2200 av. J.-C.) > Ve-VIe dynastie

[voir chronologie]

Calcaire

H. 40,80 CM : L. 18,20 CM : P. 23,10 CM

CO. 1118

Commentaire

Etat de conservation

L’objet est très fragmentaire mais ce qui est conservé est en assez bon état.

Aujourd’hui, tête et cou sont manquants. Une partie de l’avant-bras droit et la main droite ont disparu ainsi que, du côté gauche, toute l’épaule, le bras et une partie de l’avant-bras au-dessous du coude. Les deux jambes au-dessous des genoux, une partie du siège et le socle ont également disparu.

Il y a un grand éclat sur la partie gauche du torse ainsi que sur l’épaule droite, de nombreux éclats de tailles variables sur les arêtes du siège et de petits éclats sur la main gauche. Une longue fissure part du haut du pagne et s’étend jusqu’au genou gauche. Une abrasion moderne marque tout le côté de la jambe gauche.

 

La statue est recouverte d’une patine adoptant des teintes allant de beige à noirâtre. Cette patine ne permet pas de distinguer d’éventuelles traces de polychromie. Le nettoyage de la statue en 2013 a révélé une fine couche noire répartie sous une mince épaisseur de pierre, visible dans les éclats. Cet état particulier, qui semble attribuable à une altération de la pierre, est encore non compris à ce jour.

Description

Le personnage est assis sur un siège cubique, les bras le long du torse, les avant-bras placés sur les cuisses, la main gauche – seule subsistante – posée à plat et les jambes jointes. Malgré l’arrachement, nous pouvons restituer l’amorce du cou, qui démarrait assez bas sur le torse. Les épaules étaient à l’origine larges et massives. Les clavicules, dont seule la droite est conservée, sont marquées par un très léger relief. La taille est cintrée et l’espace entre les bras et le torse n’est pas complètement évidé. La musculature est peu prononcée mais néanmoins présente : le pectoral droit est marqué par un relief doux ; un renflement au niveau du nombril et une très légère dépression au-dessus indiquent sans doute les abdominaux du personnage. Le nombril est remarquable : il est renfoncé dans un creux par rapport à la surface du ventre mais est presque imperceptiblement bombé et circonscrit par une incision parfaitement circulaire. Cette façon de traiter le nombril est tout à fait atypique. L’University Museum de Philadelphie possède une statue datée de la Ve dynastie dont le nombril est traité de façon proche mais pas totalement identique. Sur cette statue, le personnage – debout, jambe gauche en avant, les bras le long du corps – porte également un pagne similaire à celui de notre statue (University Museum de Philadelphie E 16160 ; SMITH, 1946, p. 45 et 142 ;WILDUNG, 1997, p. 46-47).

L’homme porte un pagne court qui lui arrive au-dessus des genoux, caractéristique de l’Ancien Empire (voir, à ce sujet, l’ouvrage de VOGELSANG-EASTWOOD, 1993, p. 53-64). Le pan gauche, croisé sur le pan droit, remonte vers l’intérieur de la cuisse et se replie à l’extrémité, formant un large pli flottant. Ce pagne est retenu par une ceinture, figurée par un léger relief et des incisions, dont la boucle, bien arrondie avec une petite incision en son centre, dépasse à gauche du nombril. On retrouve ce type de pagne à pan replié sur plusieurs statues de l’Ancien Empire – debout aussi bien qu’assises – de même que la boucle ronde exécutée avec plus ou moins de détails, par exemple sur les statues du musée du Caire CG 18 (BORCHARDT, 1911, p. 19 et pl. 5) et CG 202 (BORCHARDT, 1911, p. 137 et pl. 42). Sur la statue de Philadelphie déjà mentionnée (University Museum de Philadelphie E 16160), ainsi que sur une statue conservée au Metropolitan Museum of Art de New York (inv. 62.200 ; WILDUNG, 1997, p. 46-47), il n’y a pas d’indication de la ceinture, seulement de sa boucle. Ce type de pagne à pan rabattu et boucle apparente semble disparaître de la statuaire après la VIe dynastie.

 

L’avant-bras et la main gauches, posés à plat sur la cuisse, sont traités en deux volumes bien distincts, le poignet étant signifié par une dépression. La main gauche adopte une forme que l’on pourrait qualifier de « cordiforme » et les doigts, à l’exception du pouce, sont plutôt courts. Les ongles sont indiqués par des incisions.

Le bras droit est placé le long du torse. La vue de profil montre un biceps subtilement indiqué par un très léger renflement. L’avant-bras droit repose sur la cuisse du personnage suivant une position identique au gauche, mais a en quasi-totalité disparu. La portion subsistante au-dessous du coude nous permet néanmoins d’observer une musculature bien marquée, en contraste avec le bras. D’après l’empreinte subsistante, on peut restituer la main droite placée sur la cuisse. En revanche, il est difficile de savoir si elle était posée à plat, comme la gauche, ou si le poing était fermé, verticalement ou horizontalement, tenant peut-être un boudin ou une pièce de tissu, deux attributs fréquents pour les statues masculines de l’Ancien Empire.

L’espace entre les deux jambes est partiellement évidé, il n’atteint pas le niveau du siège. Les genoux sont très anguleux ; les tibias sont également marqués par une arête bien prononcée. Ce qui subsiste des jambes annonce des mollets galbés et musculeux. Sur les côtés, l’espace entre les mollets et le siège n’est pas totalement évidé, laissant apparaitre leur profil en fort relief.

 

Le dos de la statue a également été travaillé, il ne comporte ni plaque ni pilier dorsal. Son modelé est doux, en contraste avec le traitement musculeux voire anguleux de certaines parties du corps et, si l’on observe le personnage depuis son profil droit, nous avons l’impression qu’il est légèrement voûté. Le sculpteur a signalé la colonne vertébrale au moyen d’une légère dépression. Il a également rendu la taille cintrée que l’on retrouve de face mais avec un bourrelet de chair au-dessus de la ceinture du pagne. Suivant les conventions de l’art égyptien, cette corpulence du personnage indique un homme puissant ayant réussi socialement. Elle peut être bien plus accentuée sur d’autres statues, la plus spectaculaire étant celle du vizir Hémiounou, datée du règne de Khéops (Roemer- und Pelizaeus-Museum d’Hildesheim, inv. 1962 ; L’art égyptien au temps des pyramides, 1999, p. 196-197, n°47).

 

Le siège cubique est simple, il ne porte aujourd'hui aucun décor ni aucune inscription. À gauche des jambes, dans l’arrachement, on peut encore voir l’amorce du retour du socle sur lequel les pieds du personnage devaient reposer à plat et nus. Le siège n’est pas d’équerre : les arêtes ne se rejoignent pas à angle droit, ce qui crée un déséquilibre auquel le socle moderne ne permet pas de remédier totalement.

 

Malgré son état actuel, on devine que cette statue était de très belle facture. Elle provenait certainement d’un des meilleurs ateliers provinciaux, voire des ateliers royaux de la région memphite de la deuxième moitié de l’Ancien Empire. En dépit de l’absence de traces de polychromie, on peut supposer qu’elle était peinte à l’origine, ou destinée à l’être, notamment pour rendre les chairs ocre rouge et pour marquer les détails du visage comme les sourcils et les yeux, la coiffure, voire une éventuelle moustache, comme sur la statue du majordome Kéki conservée au musée du Louvre (A 41 ; ZIEGLER, 1997, p. 108-111, n°30)

Ce type statuaire – homme assis sur un siège cubique, la main gauche posée à plat sur la cuisse gauche, la main droite fermée verticalement, voire horizontalement (moins fréquent), sur la cuisse droite – est le type classique à l’Ancien Empire à partir de la IVe dynastie. Le poing droit serre régulièrement une pièce d’étoffe ou un boudin, élément qui indique le statut élevé de l’individu. Dans la statuaire, le boudin est utilisé pour exprimer le fait de tenir un objet, indication que l’individu a dans la main l’insigne de sa fonction et de sa puissance, notamment la canne médou et le sceptre sékhem ou khérep, comme sur la statue du dignitaire Sépa conservée au musée du Louvre (A 36 ; ZIEGLER, 1997, p. 141-144, n°39). Si ces attributs sont bel et bien sculptés dans un premier temps, ils disparaissent de la statuaire en pierre à la IVe dynastie, remplacés par les boudins. Ceux-ci sont réinterprétés dès la Ve dynastie : ils adoptent parfois la même forme que le lin, matière coûteuse donc signe de richesse.

 

Il ne subsiste aucune trace d’inscription sur la statue, mais il n'est pas sûr qu'elle l'ait été. Á l'Ancien Empire, nombre de statues sont anépigraphes (sans nom ni titre) parce que toutes placées dans des tombes.

 

La fonction des statues et statuettes privées de l’Ancien Empire nous est bien connue : elles occupent une fonction rituelle. Si elles ont atteint le statut d’œuvres d’art en prenant place dans les collections muséales, elles n’étaient, à l’origine, pas destinées à être contemplées mais étaient placées dans les tombes. En effet, à l’Ancien Empire, les statues de particuliers proviennent exclusivement de contextes funéraires : elles sont placées dans un « serdab », petite pièce aveugle totalement inaccessible aux vivants après l’enterrement (une fente pouvait donner sur la paroi sud de la chapelle funéraire), mais également dans la chapelle de culte elle-même ou encore le portique d’entrée pour les tombes dont la superstructure est plus complexe (c’est le cas du prince Kaouâb ; VANDIER, 1958, p. 45). Elles constituent un élément du mobilier funéraire mais portent rarement le nom et le titre du défunt.

Inscription

Anépigraphe. 

Historique

Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian le 11 septembre 1912.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 282, "Statue fragmentaire d'un personnage assis les mains posées sur les genoux. Il est vêtu de la shenti. Manquent la tête, l'épaule et le haut du bras gauche, une partie de l'avant-bras droit et la main droite, tout le bas des deux jambes et les deux pieds et la partie inférieure du siège. Calcaire. Haut. 40 cent. Ancien empire. Estimée deux cents francs."

Donation Rodin à l’État français 1916

Commentaire historique

La statue fut probablement achetée auprès de l’antiquaire Joseph Altounian qui l’expédia dans un lot d’objets le 31 août 1912 et le décrivit ainsi :  « 1 statuette person. assis tête manque calcaire 250 » (ALT 147, archives musée Rodin).

 

L’antiquaire Joseph Altounian, écrivait à Rodin du Caire le 10 Août 1912 : « Cher Maître, J’ai l’honneur de vous faire savoir que je viens de rentrer aujourd’hui même au Caire après avoir accompli le voyage dans la Haute-Égypte dont voici les principales étapes. Éléphantine, Abydos, Phylae, Héracleopolis, Sakhara, Memphis, etc., ou j’ai séjourné pour recueillir pour votre collection des fragments de bas-reliefs, granit, calcaire, basalte, bref tout ce que j’ai jugé pouvant vous intéresser. Ce lot renferme 24 pièces des bas-reliefs et des reliefs en creux des grands et des petits, le tout appartenant aux différentes dynasties ayant régné dans les régions que j’ai traversées, plus 19 pièces de fragments en ronde bosse le tout présente la sculpture des meilleures dynasties. » J. Altounian était parti du Caire en juillet 1912, et l’on peut suivre son périple sur son agenda (archives Altunian) : Minieh, Mallawi, Assiout, Abou Tig, Assiout, Sohag, Achmim, Abou Tig, Baliana, Abydos, Baliana, Keneh, Kous, Louxor, Sohag, Achmim, Sohag, Mallawi, Le Caire, où il arriva le 7 août.

 

Le 28 Août 1912, Altounian écrit au sculpteur : « Cher Maître J’ai l’honneur de vous annoncer que je suis arrivée à Paris depuis quelques jours. Je me suis présenté 77 rue de Varenne mais on m’a dit que vous étiez absent ; jour cela. Je vous adresse la présente à votre adresse à Paris espérant qu’on vous la faira suivre. Donc je vous prie cher Maître de me dire le jour que vous rentrez à Paris afin que je vienne vous soumettre le bordereau avec la nomenclature des objets que je vous ai expédié du Caire.». Le 6 septembre, Altounian recevait de Rodin « la somme de frs 850 (huit cent cinquante francs) comme prêt pour m’aider à dégager les 6 caisses antiques de la Douane ; Monsieur Rodin n’est pas engagé à acheter ce lot d’antiquités s’ils ne lui plaisent pas. Il achètera que ce qu’il lui plaira.». Rodin choisit un grand nombre d’œuvres de ce lot dont la statue Co.1118 et versa à l’antiquaire 5000 francs le 11 septembre 1912.


 

La statue fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

La statue a été photographiée dans les années 1950-1960 (voir image historique ci-contre, archives musée Rodin). Elle est montée sur son socle moderne en marbre noir et exposée sur un socle plus grand, sans doute en pierre. Ce socle en marbre noir a été créé par la maison André pour l’exposition Rodin collectionneur qui s’est tenue dans la chapelle de l’Hôtel Biron en 1967-1968.

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Roi

Torse provenant d'une statue

Égypte > provenance inconnue

L’âge classique > Ancien Empire (2700-2200 av. J.C.) > IVe dynastie (?)

[voir chronologie]

Gneiss

H. 21,00 CM : L. 24,40 CM : Prof. 13,00 CM

CO. 948

Commentaire

Etat de conservation

Ce torse masculin est conservé du cou à la taille. Le fragment est néanmoins en bon état de conservation. Le côté droit est le plus endommagé puisque toute l’épaule et une bonne partie de la retombée du némès ont disparu dans la même cassure que la tête, qui traverse l’objet en diagonal, passant sur le haut du pectoral droit ; le bras au-dessus du coude manque également. Le bras gauche est brisé au niveau du coude, suivant la ligne de cassure qui traverse le buste de part en part et passe par le nombril.

Le dos porte les traces d’arrachement d'une plaque dorsale, entièrement disparue, presque assurément volontaire.

Le fragment présente très peu d’épaufrures : un éclat sur le haut de l’épaule gauche et quelques éclats en bordure externe du pan gauche du némès.

 

Si les cassures au niveau du cou peuvent être naturelles, ce qui n’est pas une certitude, celles de la base du fragment et de la plaque dorsale sont presque assurément volontaires et ont été débitées dans l'Antiquité.

Quant au bras droit, il est difficile de se prononcer concernant les cassures : en effet, elles adoptent un aspect très différent des autres, les surfaces sont aplanies et semblent avoir été légèrement polies avec du sable. Y a-t-il eu réparation antique, un débitage moderne ou simplement une exposition aux éléments naturels ? 

Description

Ce torse appartient à une statue de roi dont il est difficile de déterminer la position, mais l’amorce de l’avant-bras gauche suggère une position assise, les bras le long du corps, les avant-bras perpendiculaires, posés sur les cuisses. Nous pouvons supposer qu’une main était ouverte, la paume sur le genou, tandis que l’autre était fermée, le poing serré. Le statut royal du personnage est indiqué par les retombées du némès de part et d’autre du cou, une coiffe exclusivement royale qui apparait, dans sa forme définitive, à la IVe dynastie, sous le règne du fils et successeur de Khéops, Rêdjedef, dont une tête est conservée au musée du Louvre (E 12626 ; ZIEGLER 1997, p. 25 et 42-45 (1)). Les rayures des retombées sont rendues par une succession de bandes horizontales en relief et en creux, sans délimitation par des incisions.

L’amorce du cou est encore bien visible. Il ne semble pas y avoir de trace d’une barbe entre les deux retombées du némès, un attribut royal presque systématiquement présent dans l’iconographie des souverains d’Égypte.

Le roi était sans doute vêtu du pagne chendjyt, costume traditionnel du souverain d’Égypte.

 

Le torse est nu et soigneusement modelé. Les détails anatomiques sont bien présents. La clavicule gauche est marquée par un léger bourrelet qui s’étend de la bordure interne du pan gauche du némès, sous le cou, jusqu’au sommet de l’épaule gauche et apparait saillant lorsque la statue est vue de face. Chaque mamelon est signalé par un élément circulaire en relief détouré par une incision. Le sculpteur s’est attaché à rendre la musculature du torse, notamment les pectoraux gonflés. Une dépression verticale – la ligne blanche abdominale – relie la ligne des pectoraux au nombril tandis qu’une dépression horizontale traverse le torse au-dessus du nombril. Ces deux sillons permettent de mettre en valeur les abdominaux. Le nombril, creusé, adopte la forme d’un demi-cercle assez plat. Une réserve de pierre comble l’espace entre les bras et le torse. La taille est cintrée.

La musculature des bras est également marquée. Sur le côté gauche, le mieux conservé, l’épaule est très ronde ; un creux et un renflement de la pierre rendent le biceps.

 

La face arrière du fragment apporte plus d’informations. À la base de la nuque, on peut apercevoir le départ du némès, qui semble avoir été lisse. Aucune trace du catogan, que ce soit en positif ou en négatif, n’est visible dans l’axe central de la statue, sans doute à cause de la présence du support dorsal. Si l’on considère encore cet axe central, on s’aperçoit que le traitement du dos n’est pas symétrique : seul le côté droit donne à voir les chairs délicatement modelées, avec une taille légèrement cintrée. La ceinture du pagne est figurée par un relief bordé à ses limites supérieure et inférieure par une incision (la cassure se situe au niveau de l’incision inférieure). Du côté droit, la transition est assez nette avec le support dorsal dont le sommet se trouve au-dessous du némès. Le côté gauche, en revanche, est traité de manière très différente : il n’y a pas de rendu anatomique, l’arrière du bras gauche se fond progressivement dans l’amorce du support dorsal. Les traces d’arrachement indiquent également que la plaque dorsale était plus haute du côté droit. Cela implique sans doute que le côté droit de la statue pouvait être vu mais pas le gauche.

 

Il est donc possible que le fragment ait fait partie d’un groupe statuaire : le côté droit du roi aurait constitué une extrémité du groupe tandis qu’à sa gauche se trouvait une autre figure. Cela expliquerait le traitement plus spécifique de ce côté, où éléments anatomiques et structuraux semblent se fondre les uns dans les autres, une impression accentuée par le poli, soit parce que la deuxième figure et la continuité de la plaque dorsale gênaient le sculpteur, soit parce que ce côté n’étant pas directement visible, il n’y avait pas nécessité de le travailler en détail. Si cette hypothèse est correcte, reste à savoir quelle était cette figure aux côtés du roi : une reine assise comme lui ? Une divinité – féminine ou masculine – assise ou bien debout ?

 

Le type de pierre utilisé – le gneiss – appartient à la catégorie de ce que les Anciens Égyptiens appelaient les « belles pierres dures » (?c3.t nfr.t.?), dans lesquelles étaient exécutées les commandes prestigieuses, en particulier les commandes royales. Deux carrières de gneiss, offrant différentes variétés, étaient connues à l’époque pharaonique, l’une à proximité du Gebel el-Asr, dans le désert nubien au nord-ouest d’Abou Simbel (exploitée principalement à l’Ancien et au Moyen Empire), et l’autre près du village de Tombos, au niveau de la IIIe cataracte du Nil, en plein cœur du Soudan (exploitée de la XVIIIe à la XXVe dynastie). La pierre dans laquelle a été sculptée la statue Co. 948, d’un gris foncé légèrement verdâtre et translucide, correspond au gneiss des gisements du Gebel el-Asr. Il a beaucoup été utilisé pour la vaisselle de pierre de la fin de la période prédynastique à la VIe dynastie. Son emploi dans la statuaire semble plus spécifique à l’Ancien Empire (en particulier la IVe et la Ve dynastie) et à la XIIe dynastie (NICHOLSON, SHAW 2000, p. 32-35).

En l’absence d’inscription ou de visage, dont les traits auraient pu être attribués à un souverain particulier, seule la façon dont le torse a été traité nous permet d’émettre des suppositions quant à la datation de l’œuvre. Les proportions, la musculature développée et le modelé pointent immédiatement vers l’Ancien Empire, plus précisément la Ve dynastie, ce qui correspond au choix du matériau employé. S’en procurer à l’Ancien Empire impliquait de mettre en place une logistique complexe pour envoyer des expéditions loin dans le Sud.

 

La IVe dynastie a livré de nombreux exemples statuaires dans différents matériaux, notamment pour Khéphren et Mykérinos. La statuaire de Khéphren est très abondante ; elle provient pour l’essentiel de son complexe funéraire à Giza. Les vestiges découverts dans son temple de la vallée (ou temple d’accueil) témoignent de l’importance du gneiss dans la production en ronde-bosse de son règne. L’oeuvre la plus fameuse, réalisée dans cette pierre, est conservée au musée du Caire (CG 14 ; BORCHARDT 1911, p. 14-16, pl. 4, n°14) : le roi est représenté assis sur un trône, coiffé d’un némès qui laisse une grande partie des épaules nue. Derrière sa tête, le faucon Horus le protège de ses ailes déployées. La façon d’exécuter les rayures des pans du némès, uniquement par des bandes en relief et en creux, sans utiliser d’incisions, en laissant le reste de la coiffe lisse rappelle le traitement de la statue Co. 948. La musculature est bien développée, notamment les biceps, plus importants que sur l’oeuvre du musée Rodin. Sur une autre statue du Caire appartenant à ce même roi (CG 41 ; BORCHARDT 1911, p. 38, pl. 11, n°41), en calcite cette fois, la musculature des bras est un peu moins marquée et correspond bien à celle de notre statue, de même que le traitement du torse, avec les mamelons en relief, l’indication des clavicules et la dichotomie lisse/rayé du némès. La statue entière mesure 77 cm de hauteur, des dimensions très proches de celles de la statue du musée Rodin si elle étaitcomplète. Elle provient, elle aussi, du temple d’accueil de son complexe funéraire. Sur ces deux oeuvres conservées au Caire, une réserve de pierre relie la barbe non pas au torse mais au cou, comme c’était peut-être le cas sur le torse Co. 948 ; ce n’est cependant pas une constante dans sa production statuaire.

Les sculptures de Mykérinos, également abondantes, présentent aussi des similitudes avec la statue dumusée Rodin. Sur le groupe en grauwacke conservé au Museum of Fine Arts de Boston (inv. n° 11.1738 ; REISNER 1931, p. 37, 110, n°17, 123-124, pl. 55-60 ; PORTER, MOSS 1974, p. 29 ; FAY 1998, p. 164-166 (7), 179-180, fig. 11-12, p. 159-186), le modelé du torse rappelle celui de la statue de Rodin avec des épaules larges et musculeuses, des biceps marqués sans être développés à l’excès, des pectoraux avecdes mamelons en relief et surtout des clavicules saillantes. Le torse est plus allongé que pour la statue du musée Rodin, ce qui peut se justifier par la posture debout du souverain dans le groupe de Boston. En revanche, le némès est entièrement lisse. Cette fois, le roi n’est pas seul mais accompagné de la reine qui l’enlace d’une étreinte conventionnelle dans l’art égyptien. Selon les oeuvres connues, la barbe postiche peut être reliée au cou ou à la fourchette sternale. Comme son père, il semble avoir eu une prédilection pou rle gneiss, en témoigne la série de statues le représentant assis, à différents stades de leur exécution, mises au jour dans le temple de la vallée de sa pyramide à Giza (REISNER 1931, p. 36-37, 112-113 (n° 25-32, 35-36, 38), p. 123-124, pl. 62 ; Reisner qualifie la pierre de « diorite, translucent ». PORTER, MOSS 1974, p.30-31 ; plusieurs de ces pièces sont aujourd'hui conservées au Museum of Fine Arts de Boston).

Enfin, le groupe représentant le roi Sahourê assis sur un trône, accompagné de la personnification du nome de Coptos debout à côté de lui et de plus petite taille (Metropolitan Museum of Art de New York, inv. 18.2.4 : HAYES,1953, p. 70, fig. 46), mérite d’être signalé. Cette statue de la Ve dynastie a été exécutée en gneiss. Nous retrouvons nombre de caractéristiques de la statue du musée Rodin, notamment pour le traitement du némès et la musculature prononcée. On constate néanmoins une légère différence dans la finition : le fragment du musée Rodin présente un aspect plus poli que la statue de New York, ce qui peut s’expliquer par des conditions d’enfouissement et de conservation différentes, en particulier si la statue du MetropolitanMuseum a été davantage exposée aux intempéries. Cette oeuvre offre également, de par la position despersonnages, un parallèle possible expliquant l’aspect singulier du dos de la statue Co 948.

Il est difficile de trancher de manière catégorique en faveur d’une dynastie plutôt qu’une autre, même si le buste du musée Rodin semble présenter plus d’affinités avec la statuaire de la IVe dynastie, en particuliercelle de Khéphren.

 

Inscription

Anépigraphe. 

Historique

Acquise par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 149, "Torse fragmentaire en diorite ayant appartenu à une statue royale. Les deux retombées du […] subsistent. L’épaule droite manque ainsi que le dos. H. 22. Estimé 600 F."

Donation Rodin à l’État français 1916

Commentaire historique

Le fragment fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français. En décembre 1913, il fut photographié par Eugène Druet dans une vitrine, au centre d'une salle du premier étage de l'hôtel Drouot (voir images historiques, Ph.02476). Il figure sur une photographie reproduite dans l'ouvrage de Gustave Coquiot, Rodin à l'hôtel Biron et à Meudon, paru en 1917. Il y présenté dans une vitrine, entouré d'autres reliefs égyptiens.

 

 

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