Relief funéraire en creux

Homme tourné vers la gauche, devant des offrandes

Égypte > provenance inconnue

Nouvel Empire, XVIIIe dynastie probablement, époque amarnienne ou postamarnienne

[VOIR CHRONOLOGIE]

Grès polychromé

H. 20,4 CM ; l. 30 CM ; P. 5,6 CM

Co. 913

Commentaire

Etat de conservation

Ce fragment de bas-relief est en assez bon état de conservation. Des traces d’outils sont visibles au revers. Un piquetage léger et régulier a été pratiqué ; il est actuellement émoussé. Les chants ne semblent pas originaux. Les tranches gauche, droite et inférieure sont des cassures. La tranche supérieure est plus régulière. Des traces d’outils, obliques, sont conservées sur le chant inférieur.

 

Des zones importantes de polychromie sont conservées. Cette polychromie est sensible à l’eau. Elle est composée d’une couche blanche et de rehauts de couleur. Le visage de l’homme et la partie inférieure de sa perruque sont ocre orangé. La partie supérieure de la perruque, aux nuances violet foncé aujourd’hui, était très certainement à l’origine brun noir. Les cercles qui composent la frise et les poissons sont tracés en rouge sur fond jaune. La grappe de canards contient d’importants résidus d’une matière blanche, en particulier dans sa partie inférieure, ainsi que du rouge foncé et du bleu dans la partie supérieure.

 

La pierre (grès) est fragile et des grains de sable risquent de se détacher si des frottements sont exercés. Cependant, aucun processus de dégradation n’est en cours. L’œuvre présente de nombreuses cassures et épaufrures. Les couches picturales sont lacunaires et usées.

Description

IL s'agit d'un relief dans un creux profond caractéristique de l'époque (post-)amarnienne.Un homme, dont seuls la tête et le haut du buste sont conservés, est tourné vers la gauche. Il porte une perruque lisse et dont les pans triangulaires descendent sur les épaules, et un vêtement blanc. Cette perruque est peinte en brun noir. Ce type de perruque simple (composée en une seule partie et sans indication de mèche) se retrouve sur les parois de tombes du Nouvel Empire de Saqqara (voir par exemple, dans la Bub. I. 20, tombe de Maïa, Mère nourricière du roi Toutankhamon : ZIVIE 2009, pl. 22). C’est ce même type de perruque qui recouvre la tête de la statue d’Horemheb, général en chef de Toutânkhamon, conservée au musée de Leyde (Leiden AST4, voir RAVEN, VERSCHOOR, WALSEM 2011, illustration de couverture et p. 380).

 

L’œil et le sourcil, comme toujours représentés de face, sont en relief, de même que la bouche ; un éclat a endommagé le nez. Le vêtement du personnage a été laissé lisse. Il est difficile d’interpréter le modelé qui recouvre l’épaule gauche du personnage (voir le fac-similé de Nathalie Couton-Perche). Il semble réalisé en tissu blanc, et correspond peut-être à une partie du vêtement ou bien au bras gauche rabattu du personnage. Mais il pourrait aussi s’agir d’un insigne maintenu sur l’épaule (voir pour comparaison la palette de peintre portée par Thoutmès dans sa tombe de Saqqara (Bub. I . 19 : ZIVIE 2013, pl. 25)).

 

Devant le personnage, une frise verticale est composée d’une juxtaposition de treize anneaux. Ces éléments circulaires sont difficiles à comprendre ; il pourrait s’agir de boules d’encens. Placés à côté, deux types d’offrandes carnées empilées sont visibles. Tout d’abord, une grappe de canards, tête en bas, dans la partie inférieure. Dans la collection du musée Rodin, on peut voir deux autres « grappes de canards » (trois volailles attachées par la queue et placées tête en bas) sur le relief Co. 1302 provenant de la tombe de Pay (fin de la XVIIIe dynastie, voir RAVEN 2005). La grappe de canards du relief Co. 913 est tout à fait similaire à celle tenue par un porteur d’offrandes sur le soubassement de la paroi sud du vestibule de la tombe de Meryneith à Saqqara (RAVEN, WALSEM 2014, p. 82-85). Au-dessus des malheureux volatiles du relief Co. 913, l’image d’une grappe de trois poissons, tête en haut, est partiellement conservée.

Aucune inscription n’est visible sur la face gravée.

 

Ce bas-relief fragmentaire provient vraisemblablement d’une paroi de tombe égyptienne qui représentait peut-être à l’origine une scène d’offrande. L’homme était placé à proximité d’un amoncellement de nourriture qu’il devait présenter ou recevoir. Le relief Co. 913 a conservé de cet amoncellent l’offrande de canards et de poissons. Selon les croyances égyptiennes, les morts ont autant besoin que les vivants de s’alimenter pour conserver intactes leurs forces vitales. Le culte quotidien comprenait donc des apports de nourriture : les offrandes étaient déposées par la famille du défunt ou, à défaut, par un prêtre funéraire sur l’autel prévu à cet effet dans la chapelle de culte de la tombe. Mais les Égyptiens avaient conscience que le temps faisait son œuvre, et que par conséquent, les cultes des morts finissaient par ne plus être assurés de manière régulière. Ils eurent donc recours à des artifices pour compenser ces aléas : gravant et peignant des images d’offrandes sur les parois des tombes et sur des stèles, ou plaçant parmi le mobilier funéraire des substituts d’offrandes, tels des « modèles » de canards troussés (voir GUICHARD 2014, p. 130). En outre, par la formule d’offrandes gravée en hiéroglyphes sur les monuments, les victuailles énumérées alimentaient le défunt grâce à la magie créatrice des signes de l’écriture. Le dessin de l’offrande dans le texte ou la lecture de son nom la rendait active.

 

Les offrandes animales placées sur les autels sont essentiellement des pièces de bœuf (tête, pattes, côtes, foie et cœur), mais les volailles (canards et oies) plumées et troussées sont également bien représentées. Dans certaines scènes apparaissent de véritables amoncellements de victuailles, comme sur ce relief conservé au musée du Louvre (B 32), cf. GUICHARD 2014, p. 129.

Des volailles entières sont fréquemment apportées à la tombe par des serviteurs qui les tiennent par les ailes. Ces porteurs d’offrandes défilent sur les parois des tombes dès l’Ancien Empire (Louvre AF 10243, GUICHARD 2014, p. 124) jusqu’à celles de la Basse Époque (Louvre E 11266).

 

Les poissons du Nil, comme le boulti (Tilapia Nilotica), faisaient également partie de l’alimentation des Anciens Égyptiens et apparaissent naturellement sur les tables d’offrandes représentées dans les tombes du Nouvel Empire. On les trouve par exemple dans la tombe de Menna (TT69, seconde salle, mur droit), à l’extrémité gauche d’une scène d’arpentage des champs. On remarque que deux poissons (un Tilapia et un Lates – perche du Nil) sont accompagnés d’autres victuailles : deux concombres, deux oisillons dans un nid, deux œufs et des coupes de fruits.

Pour plus d’informations sur l’alimentation des Anciens Égyptiens, consulter le catalogue d’exposition du Musée du Malgré-Tout à Treignes (WARMENBOL, DOYEN 2004) et l’ouvrage de M. Peters-Destéract (PETERS-DESTERACT 2005).

Œuvres associées

Le relief Co. 3183 (en grès également) présente un matériau et des couleurs semblables au relief Co. 913.

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Oxan Aslanian le 24 septembre 1913.

Donation Rodin à l'Etat français en 1916.

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