Horus Faucon

Égypte > Provenance inconnue
Datation indéterminée > peut-être Époque gréco-romaine d’après le style
H. 30,6 cm ; L. 19,9 cm ; P. 18,7 cm
Pierre dure noire
Co. 968
 

Commentaire

Etat de conservation

Statue fragmentaire pour laquelle la partie basse est manquante. La portion conservée est en relativement bon état, hormis le bec de l’oiseau cassé, des traces de griffures et les coins ébréchés. La cassure semble nette, voire volontaire, permettant aujourd’hui de poser la statue sur une surface plane. Néanmoins, l'usure de la pierre signale que cette détérioration est ancienne, peut-être même antique. 
Des traces de stuc sont encore visibles entre les deux pâtes de l’animal, à la base de son cou ou encore sur la tête, témoignant ainsi de l’ancienne polychromie de la statue.
 

Description

Posé sur un socle aujourd’hui disparu, le faucon Co. 2783 est particulièrement massif. 
La tête de l’animal est stylisée et peu détaillée. Le crâne du rapace a volontairement été aplatit par le sculpteur, afin qu’il puisse servir de support à une couronne amovible. Un tel traitement – signalant l’usage de cette statue dans le cadre d’un culte – accentue le relief des arcades sourcilières. Cet élément, naturellement prononcé chez les rapaces, est une particularité qui leur permet de se protéger du soleil lorsqu’ils volent. Le bec l’oiseau, crochu à l’origine, a aujourd’hui disparu.
Les yeux du faucon sont mis en avant, grâce à un fort relief et leur forme parfaitement ronde. Ceci n’est pas sans rappeler d’autres statues de faucon, pour lesquelles des incrustations permettaient de mettre les pupilles en valeur (Louvre N3654), des éléments que la mythologie égyptienne associe généralement aux astres (la lune et le soleil). Autour de chaque œil, un croissant de plumes est figuré. Coloré sur certaines représentations en deux ou trois dimensions, ce détail est une caractéristique spécifique au faucon pèlerin. 
Les ailes, fines et excentrées, encadrent un large corps, un poitrail bombé qui renforce l’impression de puissance dégagée par la statue. En choisissant une telle figuration, l’artiste a ainsi cherché à se démarquer d'autres représentations d’Horus-faucon antiques plus naturalistes. 
À l’origine l’oiseau devait reposer sur un socle, de la même manière que la statue MMA 66.99.146.
 
Le faucon est un rapace carnivore qui se nourrit de petits oiseaux, de petits mammifères, de lézards, de serpents ou de gros insectes. Plusieurs espèces de cet animal sont présentes en Égypte, dont le faucon pèlerin (Falco peregrinus), le faucon lanier (Falco biarmicus tanypterus) ou encore le faucon crécerelle (Falco tinnunculus rupicaeformis).
 
Capable de voler très haut pour mieux repérer ses proies, l’oiseau est naturellement associé au soleil par les anciens égyptiens. C’est pour cette raison que plusieurs dieux faucons, tels que Horus-Rê, Horemakhet ou encore Horakhty, sont des divinités solaires. En planant dans le ciel, « le lointain » (Hor en égyptien) touche de ses ailes le soleil. Ses yeux sont alors comparés aux deux astres, la lune et le soleil.
Animal féroce, son évocation sert également pour rappeler la prédation, une qualité parfois associée à pharaon qui agrippe ses ennemis comme « un faucon saisit les petits oiseaux ». De même, le dieu faucon Sopdou a pour fonction de défendre les marges orientales de Basse-Égypte des intrusions asiatiques. Ce rôle de protecteur de l’Égypte conféré au faucon, qui guette le danger depuis les cieux, explique aisément pourquoi plusieurs génies revêtent l’aspect de l’oiseau. 
Cette association du faucon à des divinités égyptiennes est ancienne, dès l’émergence de la royauté pharaonique. 
 
À partir de la Basse Époque, le faucon devient un animal important dans l’imaginaire religieux, puisqu’il est considéré comme la manifestation de la divinité mais aussi parce qu’il est une expression possible du défunt. Cette conception ancienne se rencontre notamment dans les Textes des sarcophages, où le mort possède la capacité de se manifester sous l’aspect d’un oiseau, souvent le faucon, pour s’élever dans le ciel. Mais c’est au cours du Ier millénaire av. J.-C. que la figuration du faucon connaît un réel succès, via notamment le culte des divinités à travers leur animal emblématique. Des animaux, comme les faucons à Edfou, étaient élevés devant les temples. Un seul était alors intronisé, tandis que les  autres étaient momifiés et offerts par les dévots à la divinité. D’autres cités ont également entretenu des rapaces, comme Bouto, Athribis, Philae.
 
Bien que plusieurs divinités soient associées au faucon, il est très probable que les statues en pierre de cet oiseau soient des représentations du dieu Horus sous cette forme. Alors que cette divinité est représentée sous la forme humaine avec une tête de faucon à partir de la IIIe dynastie (Louvre E7703), il peut également revêtir l’aspect de l’animal ; deux formes qui ont eu un grand succès. Parfois coiffé de la double couronne, « le pschent », (MMA 34.2.1 ; Louvre E14282), le faucon peut aussi protéger le pharaon entre ses pâtes (Louvre E11152).
 

 

Inscription

Anépigraphe

Historique

Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian le 11 septembre 1912.

BOREUX 1913 : Meudon/Objets non en vitrine / Salle des antiques, 550 bis, "Faucon en granit gris, la coiffure et les pattes manquent. Très restauré. Refait très maladroitement pour la plus grande partie. Haut. 35 cent. Estimé quarante francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

Commentaire historique

Cette statue fut achetée auprès de l’antiquaire Joseph Altounian qui l’expédia dans un lot d’objets le 31 août 1912 et le décrivit ainsi :  « 1 hiboux intact manque nez granit 300 » (ALT 147, archives musée Rodin).

 

L’antiquaire Joseph Altounian, écrivait à Rodin du Caire le 10 Août 1912 : « Cher Maître, J’ai l’honneur de vous faire savoir que je viens de rentrer aujourd’hui même au Caire après avoir accompli le voyage dans la Haute-Égypte dont voici les principales étapes. Éléphantine, Abydos, Phylae, Héracleopolis, Sakhara, Memphis, etc., ou j’ai séjourné pour recueillir pour votre collection des fragments de bas-reliefs, granit, calcaire, basalte, bref tout ce que j’ai jugé pouvant vous intéresser. Ce lot renferme 24 pièces des bas-reliefs et des reliefs en creux des grands et des petits, le tout appartenant aux différentes dynasties ayant régné dans les régions que j’ai traversées, plus 19 pièces de fragments en ronde bosse le tout présente la sculpture des meilleures dynasties. » J. Altounian était parti du Caire en juillet 1912, et l’on peut suivre son périple sur son agenda (archives Altunian) : Minieh, Mallawi, Assiout, Abou Tig, Assiout, Sohag, Achmim, Abou Tig, Baliana, Abydos, Baliana, Keneh, Kous, Louxor, Sohag, Achmim, Sohag, Mallawi, Le Caire, où il arriva le 7 août.

 

Le 28 Août 1912, Altounian écrit au sculpteur : « Cher Maître J’ai l’honneur de vous annoncer que je suis arrivée à Paris depuis quelques jours. Je me suis présenté 77 rue de Varenne mais on m’a dit que vous étiez absent ; jour cela. Je vous adresse la présente à votre adresse à Paris espérant qu’on vous la faira suivre. Donc je vous prie cher Maître de me dire le jour que vous rentrez à Paris afin que je vienne vous soumettre le bordereau avec la nomenclature des objets que je vous ai expédié du Caire.». Le 6 septembre, Altounian recevait de Rodin « la somme de frs 850 (huit cent cinquante francs) comme prêt pour m’aider à dégager les 6 caisses antiques de la Douane ; Monsieur Rodin n’est pas engagé à acheter ce lot d’antiquités s’ils ne lui plaisent pas. Il achètera que ce qu’il lui plaira.». Rodin choisit un grand nombre d’œuvres de ce lot dont la staue Co.968 et versa à l’antiquaire 5000 francs le 11 septembre 1912.

L'oeuvre fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

< Retour à la collection