Hathor sous forme d’Isis-Aphrodite

Égypte > provenance inconnue

Époque romaine

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 33,5 CM : L. 13,8 CM P. 6 CM

Terre cuite

Co. 662

Commentaire

Etat de conservation

L’œuvre est en bon état de conservation. D’importants dépôts d’engobe préparatoire blanc sont conservés, notamment dans les creux. La matière est émoussée à plusieurs endroits, en particulier au niveau du visage dont les traits perdent en netteté. La figurine est cassée dans sa partie inférieure, à partir des genoux.

 

Description

Cette figurine en terre cuite représente une femme nue se tenant debout, les bras le long du corps. Sa chevelure est composée de longues boucles étagées, réparties de part et d’autre de son visage. De petites boucles apparaissent sur son front, surmontées de plusieurs couronnes superposées dont les premières sont maintenues par un petit ruban. Un ruban plus large et des fleurs encadrent cette coiffure et retombent sur les épaules. Des bracelets ornent ses bras au-dessus des coudes. Le triangle pubien est souligné, la poitrine développée, les fessiers légèrement prononcés. Le dos est lissé et comporte un trou d’évent en son centre. La silhouette de la femme est esquissée mais les boucles de sa chevelure ont été soigneusement modelées, permettant ainsi de distinguer le corps dénudé de la déesse de l’imposante coiffe qui le surmonte.

 

La figurine, actuellement cassée au-dessus des genoux, a été réalisée dans un moule bivalve.

Le type de la statuette Co. 662 apparaît à l’époque romaine. Souvent désignées comme étant l’image de la déesse syncrétique Isis Aphrodite, il peut s’agir aussi d’une représentation de la déesse Hathor empruntant certains éléments isiaques. De par leur nudité et leur attitude, ces figurines se démarquent des différentes représentations d’Isis telles qu’elles apparaissent dès l’époque hellénistique et romaine et s’inscrivent davantage dans la longue tradition des figurines féminines pharaoniques (voir BAILEY 2008, p. 7-9 ; COLIN 1994, p. 534-539). Hathor est la déesse de la féminité, de la fertilité, de la fécondité, de l’amour ainsi que la protectrice des défunts. Isis, qui est l’épouse et sœur d’Osiris et la mère d’Horus, devint une déesse vénérée dans tout le bassin méditerranéen à l’époque hellénistique et romaine (voir DUNAND 1979, p.62-73). Isis, souvent associée et confondue avec Aphrodite, composera alors avec Hathor une sorte de triade dont émanera pouvoir maternel et érotique tout à la fois (voir BAILEY 2008, p. 8). Hathor, Isis et Aphrodite vont souvent faire l’objet d’un culte commun.

 

Réparties sur tout le territoire, les statuettes représentant des femmes nues sont connues en Égypte depuis l’époque prédynastique et leurs caractéristiques ont évolué jusqu’à l’époque gréco-romaine. Pendant longtemps, les égyptologues les ont exclusivement associées à la sexualité masculine. Leur présence dans les tombes semblait indiquer qu’elles avaient pour rôle de revivifier le défunt, à l’image d’une Isis revivifiant Osiris et qui, en s’unissant à lui, permettait à son époux défunt de se régénérer en la personne de leur fils Horus. Ceci expliquait l’importance de leur nudité et l’insistance sur leurs attributs sexuels. Ces figurines ont donc souvent été considérées comme de simples « concubines du mort ». Leur dépôt rituel dans des tombes de femmes, en contexte domestique ou au cœur de sanctuaires imposa de nuancer cette théorie. Ces figurines féminines auraient aussi assumé le rôle d’un catalyseur, utilisé lors de rituels hathoriques et offert à la déesse afin qu’elle facilite fécondité et naissance, qu’elle protège les enfants mais aussi les défunts à qui elle permet de renaître dans l’au-delà. Elles étaient ensuite déposées en différents contextes selon les vœux, d’où leur présence dans des maisons, des temples et des tombes. La plupart des figurines du type de Co. 664 sont ornées de bijoux (voir par exemple BAILEY 2008, pl. 1, n° 2993, 2994 et DUNAND 1990, p. 128, n° 334). Certaines reproduisent le geste de l’anasyrma, terme grec désignant le fait de soulever ses jupes et qui trouve son origine dans la légende d’Hathor. La déesse aurait en effet eu recours à l’anasyrma afin de sortir le dieu Rê de sa bouderie, après qu’il ait été offensé par le dieu Baba (ou Bébon), dieu de la force virile. Différents rituels égyptiens incluaient ce geste, à l’image des danses interprétées par les khénerout, officiantes liées aux rites hathoriques, qui exposaient leur vulve au moment culminant du rituel. Une figurine du type de Co. 662, conservée au British Museum de Londres, présente de manière très nette l’anasyrma (inv. n° 3007, voir BAILEY 2008, pl. 3).

 

En dépit de l’absence visible de parure et de l’exécution de ce geste (sur l’Isis Aphrodite anasyrménè soulevant sa tunique, voir DUNAND 2000, p. 52-53), la figurine Co. 662 peut néanmoins être associée  au culte hathorique.

Œuvres associées

La collection égyptienne du musée Rodin possède une autre figurine en terre cuite similaire, la Co. 664, ainsi qu’un certain nombre de figurines féminines datant des époques antérieures.

 

De nombreuses collections possèdent des figurines semblables. Parmi les figurines semblables à la Co. 662, on peut citer celles du British Museum inv. n° 3000 (voir BAILEY 2008, pl. 2).

Inscription

Anépigraphe. 

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

JAMOT 1913, 209, "Partie supérieure d'une grande statuette de femme nue, énorme coiffure figurant un stéphané ronde à cinq rangs. Les bras tombant le long du corps, bracelets. Brisée au dessus des genoux. Terre rougeâtre foncé. Basse-Egypte. Bandelettes et pointillé en blanc sur la stéphané. H. 0,34. Estimé 300 fr".

Donation Rodin 1916.

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