Homme debout, dans l'attitude la marche

Égypte > provenance inconnue

Moyen Empire et plus spécifiquement XIIe dynastie > 2033-1710 avant J .-C. > 1963-1786 avant J.-C.  

[VOIR CHRONOLOGIE]

Bois polychromé 

H. 41,5 cm  ; L. 10,5 cm  ; Pr. 27 cm  

Co. 650 

Commentaire

Etat de conservation

L’objet est en assez bon état de conservation. Cependant, des pièces sont cassées et le bois, ainsi que la polychromie, sont altérés. On constate une perte de matière sur le menton, de même que sur l’index et le majeur de la main gauche. Une partie de l’arrière de la cheville droite manque. La statuette présente également des fissures de tailles variées  : les plus remarquables s’étirent, tout d’abord sur le visage, entre le nez et l’œil gauche, du front à la base du nez ; puis, verticalement, sur le torse, du milieu de la poitrine jusqu’à la ceinture du pagne ; et enfin sur le socle, dans le sens longitudinal. La polychromie est globalement lacunaire et soulevée. Des écailles sont tombées par endroits, tout particulièrement au sommet du crâne, à l’arrière de la chevelure, sur le visage, le torse, le dos, le revers du pagne, les jambes et les pieds. Le pagne est recouvert de craquelures. La statuette a subi de sérieuses dégradations dues à de mauvaises conditions de conservation  : l’humidité a en effet désolidarisé l’homme de son socle, ainsi que le pied gauche du reste du corps. Ce pied a été retrouvé puis remis en place en 2013, au cours de la campagne d’étude de la collection. Auparavant, il avait été remplacé par une pièce de balsa, dans laquelle la statuette était maintenue par un goujon de bois. On remarque également sur le socle, principalement sur les côtés, des petits fendillements cubiques. Il s’agit des traces d’une attaque ancienne de champignons ligniphages. On note la présence de deux trous arrondis au revers, profonds et parfaitement alignés  : le premier, rebouché, se trouve dans le dos, entre les omoplates ; le second au milieu du fessier. 

Description

Cette statuette de bois représente un homme debout, vêtu d’un pagne, dans l’attitude de la marche, la jambe gauche en avant, les bras ballants le long du corps, paumes ouvertes contre les cuisses. Les pieds sont encastrés dans un long socle rectangulaire. Sur le crâne, une fine couche de cheveux naturels est figurée par de la peinture. La polychromie est bien visible  : la chevelure, les sourcils et les yeux sont ocre noir, la carnation et les contours de la ceinture et des plis du pagne ocre rouge, le fond du pagne blanc-crème. On remarque une nette différence de teinte entre les deux bras et le reste du corps. Maintes fois restauré et restitué, Co. 650 offre un aspect hétérogène, qui peut déconcerter au premier abord. La coiffure peinte en noir correspond le plus probablement à une chevelure naturelle rase. Une représentation d’une chevelure naturelle, peinte en volume, s’observe par exemple sur la célèbre statue en calcaire dite du «  scribe accroupi  » du musée du Louvre, datée de la IVe dynastie et trouvée à Saqqâra par Auguste Mariette (inv. n° N 2290  ; E 3023, voir ZIEGLER 1997, p. 204-208 : n° 58). Le type de coiffure du personnage du musée Rodin, plaquée contre son crâne, est parfois considéré comme une perruque très courte de type calotte, imitant une épaisseur de cheveux naturels (HARVEY 2001, p. 655, fig. 1b et p. 12  : W.3). Les yeux, incisés et peints, sont grands ouverts. Ils sont soulignés par un trait de maquillage s’étirant en légères pointes sur les tempes et dans le creux interne de l’œil, ainsi que par de fins sourcils arqués. Le nez, fortement repris à l’époque moderne, est petit et triangulaire ; en l’état, son profil ne correspond plus aux canons égyptiens. La bouche, difficilement lisible aujourd’hui, paraît large et charnue. Les lèvres semblent avoir été gonflées par des aplats de polychromie, à moins que la dégradation du bois n’induise l’observateur en erreur. Les oreilles de taille moyenne, le front droit et empiété par la chevelure, les pommettes hautes, les joues pleines et le menton petit et rond forment un visage ovale, franc et bien proportionné, soutenu par un cou délié. Les épaules sont larges, le torse mince, les hanches menues, la taille svelte. La poitrine et le nombril sont à peine esquissés. Les bras, frêles et droits, aux articulations absentes, et apparemment dénués de polychromie, dénotent par rapport au reste du corps. Les mains, longues et fines, sont dotées de doigts fuselés séparés par de légers surcreux dans le bois, mais a priori sans ongle. On remarque que les démarcations des phalanges sont plus visibles sur la main droite que la main gauche, cette dernière apparaissant plus claire et plus usée. Si le corps, le pied et le socle de la statuette ont été sculptés en figuier sycomore, les bras sont en jujubier. Quoique bien proportionnés au personnage, ils ont pu être prélevés sur une autre statue, le bras droit étant même sectionné au niveau des biceps. Ils peuvent ainsi être un réemploi, provenant d’une autre statuette brisée ou devenue inutile, les bras ayant été assemblés au corps au moment de l’élaboration de Co. 650, ou plus tard, en guise de réparation. L’homme est vêtu d’un pagne uni à bord arrondi, au pli de retour clairement figuré à l’avant. Le pagne est maintenu par une ceinture plate unie sans nœud, légèrement arrondie et remontée sur les hanches (HARVEY 2001, p. 658, fig. 3, p. 24, n° D2.f). Une ligne ocre-rouge souligne les bords du tissu (voir en particulier le pli de retour du pagne et les bords de la ceinture). Le pagne, très serré et s’arrêtant au-dessus du genou, contribue à dessiner une silhouette juvénile et élancée. Le fessier est petit et pointu, les jambes sont longues et minces, les articulations esquissées et délicates. Les pieds sont très abîmés et cassés  : une partie de la cheville droite, ainsi que les orteils du pied gauche, manquent. Les orteils du pied droit sont démarqués par des incisions. Les ongles ne sont pas apparents, sans doute à cause de la mauvaise conservation du bois et de la polychromie. Le socle sur lequel la statuette est placée, bien qu’à présent dépourvu de polychromie et d’inscription, était vraisemblablement destiné à être peint et porteur d’un texte. L’inscription comprenait usuellement le nom et les titres du défunt (voir, pour comparaison, le texte incisé sur le socle en bois de la statue de Tchétchi provenant du serdab de sa tombe (n° 6001 à Saqqâra), datant du règne de Pépi II (VIe dynastie). Cette statue, conservée au Metropolitan Museum of Art, représente le défunt dans sa jeunesse (inv. n° 26.2.8a.b). La statue du musée Rodin est composée de plusieurs éléments, assemblés à l’aide d’un système de tenon mortaise  : à la pièce principale, constituée de la tête, du corps et des jambes, sont ainsi rattachés les deux bras, les deux pieds et le socle rectangulaire. Une cheville de bois est visible dans le bras droit au niveau de l’épaule. Ce bras droit est aujourd’hui en deux parties  : on remarque une démarcation au-dessus de l’articulation du coude. Les deux pièces du bras droit sont fixées ensemble par un tenon traversant. L’extrémité inférieure des jambes est insérée dans la partie supérieure des pieds, sculptés séparément, grâce au même système de tenon mortaise et plus spécifiquement des chevilles de bois d’une longueur de 2,5 cm. Le socle présente deux encoches pour les pieds. Ces derniers sont maintenus dans le socle via des petites pièces de bois ajustées et aujourd’hui collées. La posture et la taille de Co. 650 tendent à montrer qu’il serait la représentation funéraire d’un maître de maison, propriétaire de la tombe. Il est tout à fait possible qu’il ait fait partie d’un groupe de statuettes funéraires de tailles et d’apparences variées, tel celui auquel appartient la statue de Tchétchi jeune citée supra. Les statuettes en bois sont particulièrement difficiles à dater du fait de l’existence d’archaïsme volontaire de la part des artisans. La coiffure rase est observée à plusieurs périodes  : à l’Ancien Empire (2700-2200 av. J.-C.), elle coiffe les enfants et les hommes jeunes. On peut citer par exemple le buste d’un scribe daté du règne d’Ounas, à la Ve dynastie, et conservé au musée du Caire  (HARVEY 2001, p. 63 et 168-169, A 28, JE 93166, SR 18272). On la retrouve à la fin de la Première Période intermédiaire et au début du Nouvel Empire, comme en témoigne la statuette masculine Co. 3399 du musée Rodin, où de courtes mèches sont matérialisées, ce qui n’est pas le cas de Co. 650. À des époques plus tardives, comme à la Basse Époque, son utilisation exprime la volonté de reproduire les modèles et les attitudes anciens. Le type de pagne que porte Co. 650 est également très présent à l’Ancien Empire. On le retrouve notamment sur le groupe de statues de Tchétchi, et notamment sur celle provenant de son serdab, voir supra. Debout sur un socle, dans l’attitude de la marche, la jambe gauche en avant, le bras gauche ballant le long du corps, le poing serré, le bras droit plié tenant originellement un objet aujourd’hui manquant, Tchétchi porte une perruque courte à boucles étagées, mais surtout un pagne similaire à Co. 650. Tout comme la coiffure rase, ce type de pagne se retrouve à des époques tardives, dans une volonté d’archaïsme. Ces deux caractéristiques vestimentaires (chevelure rase et pagne simple) sont rarement réunies dans la statuaire en bois privée, hormis à la Basse Époque. Pour exemple, la statue d’homme de la XXVIe dynastie conservée au musée du Louvre (inv. n° E 5345). De taille presqu’identique, l’homme arbore la même attitude que Co. 650, hormis le fait qu’il tient des rouleaux dans ses deux poings serrés. Le pagne, légèrement différent (le pli marque aussi la ceinture), présente cependant les mêmes caractéristiques  : homogène avec un pli vertical sur le devant, le séparant en deux parties, et doté d’une ceinture unie sans nœud, arrondie et remontée sur les hanches. L’attitude du personnage n’est malheureusement pas un indice probant. Les personnages masculins aux deux mains ouvertes contre les cuisses sont assez courants (HARVEY 2001, p. 660, fig. 6a et p. 39  : A.15). De plus, les bras ayant subi des réparations, il n’est pas certain que leur position ait été celle d’origine. Le style élancé et délié de la statuette, arborant un cou fin bien dégagé des épaules, laisse penser qu’elle a été réalisée dans le courant du Moyen Empire et plus spécifiquement de la XIIe dynastie. En conclusion, Co. 650 serait la représentation funéraire d’un propriétaire de tombe, et daterait vraisemblablement du début du Moyen Empire.

Inscription

Anépigraphe

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 53 bis, "Statuette d'homme debout sur une base. Il est vêtu de la shenti. Bois. XIIe dynastie. Haut. 43 centimètres. Estimée quatre cent francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

Commentaire historique

La statuette fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

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