Soldat

Caricature ou acteur

ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE
Époque Ptolémaïque ou faux ?
[VOIR CHRONOLOGIE]
TERRE CUITE 
CO. 3440

Commentaire

Etat de conservation

Presque complet. La moitié gauche du casque et le bord gauche du visage manquent.

Description

Personnage masculin bedonnant debout vêtu d'une tunique plissée courte. Il tient un bouclier rond et bombé de la main gauche et un bâton appuyé sur son épaule de la main droite. Il est barbu et porte un couvre-chef conique, le pilos. Le front est arrondi et les arcades sourcilières sont arrondies et régulières. Les yeux en amande sont saillants et leurs contours ont été reprécisés maladroitement à la pointe. Le nez et les lèvres sont écrasées. Il porte une longue barbe dont les mèches ont été détaillées. Le dessin de la main gauche est visible sur le bouclier ce qui démontre que celui-ci a été ajouté après l’invention du type. 
La figurine Co. 3440 observe un type proche de deux autres œuvres de la collection d’Auguste Rodin, les figurines Co. 5637 et Co. 2748, également vêtus d’une tunique courte et au même canon très trapu. Cet aspect associé à leur ventre bedonnant incitent à les interpréter comme des caricatures. Les représentations caricaturales sont généralement regroupées avec la catégorie générique des « grotesques », désignant un ensemble de motifs très populaires à l'époque hellénistique, ayant en commun la représentation de figures disgracieuses à l’allure plus ou moins ridicule. Ces figures ont été conçues en Grèce où elles dérivent des sujets théâtraux, apparus au Ve siècle av. J.-C. : les acteurs sont alors représentés dans leur rôle, caricaturaux, avec leur masque, un ventre postiche et un phallus postiche lorsque le rôle l'impose. Petit à petit, la représentation de l’individu en tant que tel vient se substituer à l’acteur qui l’incarne. Ainsi, les attributs de l’acteur intègrent l’iconographie : les visages congestionnés se substituent au masque et le ventre postiche est conservé sous la forme d’une bedaine, comme chez Co. 3440 et les autres soldats macédoniens de la collection. Une figurine similaire aux secondes, conservée au British Museum, est d’ailleurs identifiée comme un acteur par Donald M. Bailey en 2008 (Bailey 2008, 3556, p. 135-136). Jutta Fischer, qui publie quelques figurines du même type (Fischer 1994, Nr 196-222, pl. 17-18), les désigne directement comme Macédoniens, démontrant qu’il n’est pas aisé d’établir une distinction claire entre représentations théâtrales, donc d’un rôle fictif, et représentations « réelles » d’un individu ou d’une catégorie d’individu, d’autant plus lorsque celles-ci entrent dans le champ de la caricature. 
Les caricatures constituent des représentations à charge sociale et des effigies de l'altérité. Ces dernières sont diverses : le pauvre, l'esclave contre le notable ; le malade contre le bienportant ; l'étranger ou le barbare contre le Grec ou l'Egyptien. Ce dernier sujet peut être illustré par la tête Co. 2730, caricature de soldat macédonien. Même s’il s’agit de caricature, l’armée constitue par ailleurs un prétexte iconographique idéal pour représenter une autre communauté ethnique. Cette figurine, provenant d’Egypte ptolémaïque, est représentative de la réalité multiculturelle de l’Egypte lagide. Mais les effigies d’étrangers, notamment d’orientaux, produites en Egypte remontent au premier millénaire av. J.-C., à Memphis, et témoignent de l’antériorité de ce cosmopolitisme sur le territoire pharaonique (Ballet 2020, p. 96). Il s’agit également de l’évocation d’une réalité militaire : cette caricature peut être lue comme l’image du clérouque, un colon militaire d’origine macédonienne à qui est cédée une parcelle de terrain. 
Les figurines citées ci-dessus, publiée par Bailey et Fischer, sont datées par les auteurs du IIIe ou du IIe siècle av. J.-C., nous proposant ainsi une datation pour les figurines du musée Rodin. 
Cependant, l’association du pilos et de la longue barbe sur ce type de figure n’est pas commune et pousse à mettre en doute l’authenticité de Co. 3440. 
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