Modèle de sculpteur

Sphinx

Egypte > provenance inconnue

Époque hellénistique et romaine 

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 16 CM ; L. 21 CM ; P. 7,1 CM ; 

Grès rosé silicifié Co. 3409

Commentaire

Etat de conservation

La pierre est en bon état de conservation. Le nez est épaufré et les extrémités de l’uraeus ont disparus dans un éclat. La barbe postiche est manquante.

Description

Ce modèle de sculpteur en ronde-bosse, réalisé en grès, représente un sphinx à tête humaine et corps de lion. Il est allongé sur une base massive, aux angles légèrement arrondis.

Des incisions sur les épaules (deux lignes courbes) et sur les flancs (trois traits en diagonale) matérialisent les plis du pelage épais d’un fauve. Les pattes sont sommairement sculptées ; on compte quatre doigts sur chacune d’entre elles. Un éclat est nettement visible au niveau de la patte antérieure droite (extrémité supérieure gauche). La queue, d’une longueur excessive, remonte vers le côté droit du corps, la touffe s’allongeant entre les deux flancs. Le sphinx est coiffé d’un némès, surmonté d’un uraeus placé sur un bandeau. Les stries du némès sont finement incisées. L’uraeus a disparu dans un éclat (récent). Le visage est celui d’un homme. Les oreilles, sommairement déssinées, se dégagent sur la coiffe de tissu. Les traits du visage sont saillants, mais de proportions fines. Toute la face est émoussée. Les yeux sont fardés, la bouche, souriante, est charnue ; toute la partie droite des lèvres a disparu dans un éclat. L’extrémité du nez est manquante. De la barbe postiche, qui ornait le menton du sphinx, ne subsiste que la trace. Elle a complètement disparu dans un éclat.

 

Des lignes de petits impacts ronds, de couleur rosée, se suivent sur les deux côtés du poitrail et sur les pattes postérieures. Elles correspondraient à l’utilisation d’un petit trépan, à une date inconnue.

 

La base sur laquelle le lion est allongé, d’environ 3 cm de hauteur, est plus nettement arrondie sur les deux angles postérieurs. L’assise est stable mais la partie inférieure est parsemée de nombreux éclats et de traces d’outils, vraisemblablement contemporains de sa mise sur le marché de l’art.

 

Le sphinx est une chimère égyptienne qui représente la puissance du souverain et son union au dieu solaire Rê à travers le corps du lion. Les statues de sphinx sont les gardiens chargés de veiller sur les nécropoles et les temples. L’utilisation d’un grès rosé -associé au soleil et au rougeoiement du ciel- pour la réalisation de cette image de sphinx est ici en adéquation avec le caractère solaire de la créature (voir DE PUTTER 2006). Ce type de grès évoque de plus la couleur fauve du pelage. Pour un autre exemple de sphinx en grès silicifié rouge, daté de la XVIIIème dynastie, voir QUERTINMONT 2006 p. 225 (tête de sphinx d’une hauteur de 7,4 cm, conservé dans une collection privée).

 

 

 

De par son style et son allure générale, il semble plausible de dater cette statuette soit de l’époque hellénistique, soit plus probablement de l’époque romaine. Quoique sommairement réalisée, elle semble bien correspondre à un modèle de sculpteur, destiné à guider une composition monumentale.

La collection égyptienne du musée Rodin ne possède pas de modèle de sculpteur similaire. Les modèles de sphinx sont assez rares, notamment en grès. En revanche, on a retrouvé un très grand nombre de modèle de sculpteurs de lion à l’instar du Co. 837 de la collection Rodin ainsi que par exemple le 41.160.103 conservé au Metropolitan Museum of Art.

 

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian le 11 septembre 1912.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 86, "Petit sphinx en grès accroupi sur une base. Haut. 17 cent. Long. de la base. 22 cent. Anépigraphe. Objet faux."

Donation Rodin à l’État français 1916.

 

 

 

Commentaire historique

Cette statuette fut achetée auprès de l’antiquaire Joseph Altounian qui l’expédia dans un lot d’objets le 31 août 1912 et le décrivit ainsi :  « 1 Petit sphinx pierre de sable 200 » (ALT 147, archives musée Rodin).

 

L’antiquaire Joseph Altounian, écrivait à Rodin du Caire le 10 Août 1912 : « Cher Maître, J’ai l’honneur de vous faire savoir que je viens de rentrer aujourd’hui même au Caire après avoir accompli le voyage dans la Haute-Égypte dont voici les principales étapes. Éléphantine, Abydos, Phylae, Héracleopolis, Sakhara, Memphis, etc., ou j’ai séjourné pour recueillir pour votre collection des fragments de bas-reliefs, granit, calcaire, basalte, bref tout ce que j’ai jugé pouvant vous intéresser. Ce lot renferme 24 pièces des bas-reliefs et des reliefs en creux des grands et des petits, le tout appartenant aux différentes dynasties ayant régné dans les régions que j’ai traversées, plus 19 pièces de fragments en ronde bosse le tout présente la sculpture des meilleures dynasties. » J. Altounian était parti du Caire en juillet 1912, et l’on peut suivre son périple sur son agenda (archives Altunian) : Minieh, Mallawi, Assiout, Abou Tig, Assiout, Sohag, Achmim, Abou Tig, Baliana, Abydos, Baliana, Keneh, Kous, Louxor, Sohag, Achmim, Sohag, Mallawi, Le Caire, où il arriva le 7 août.

 

Le 28 Août 1912, Altounian écrit au sculpteur : « Cher Maître J’ai l’honneur de vous annoncer que je suis arrivée à Paris depuis quelques jours. Je me suis présenté 77 rue de Varenne mais on m’a dit que vous étiez absent ; jour cela. Je vous adresse la présente à votre adresse à Paris espérant qu’on vous la faira suivre. Donc je vous prie cher Maître de me dire le jour que vous rentrez à Paris afin que je vienne vous soumettre le bordereau avec la nomenclature des objets que je vous ai expédié du Caire.». Le 6 septembre, Altounian recevait de Rodin « la somme de frs 850 (huit cent cinquante francs) comme prêt pour m’aider à dégager les 6 caisses antiques de la Douane ; Monsieur Rodin n’est pas engagé à acheter ce lot d’antiquités s’ils ne lui plaisent pas. Il achètera que ce qu’il lui plaira.». Rodin choisit un grand nombre d’œuvres de ce lot dont l'oeuvre Co.3409 et versa à l’antiquaire 5000 francs le 11 septembre 1912.

 

Le sphinx fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

 

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