Homme debout

Statuette de défunt

Égypte > provenance inconnue 

Probablement Moyen Empire > 2033-1710 av. J.-C.

[VOIR CHRONOLOGIE]

Bois

H. 47,3 cm  ; L. 7 cm  ; Pr. 10 cm

Co. 3403

Commentaire

Etat de conservation

L’objet est en mauvais état de conservation. La statue est incomplète et le bois est altéré. Les oreilles, les bras, le téton droit, une partie des pieds et le socle d’origine manquent.   Le bois est dense, sain mais très sec, il porte les traces d’une ancienne attaque de pourriture cubique et est recouvert de fissures et de fentes verticales, de longueurs et de profondeurs variables. Les plus remarquables s’étirent sur le côté droit du visage, du sommet du crâne jusqu’au menton, sur le côté droit de la tête au-dessus de la cavité rectangulaire, sur la poitrine et sur le plan d’assemblage de l’épaule gauche.

 

 

Description

Cette statuette de bois figure un homme debout sur un socle, dans l’attitude de la marche. Jambe gauche légèrement en avant, il est vêtu d’un long pagne à devanteau, descendant jusqu’à mi-mollet. Les contours d’une coiffure courte, très légèrement incisés, sont observables autour du crâne. L’absence de polychromie ne permet pas d’affirmer si une couche de cheveux naturels était peinte en noir à l’origine. Le visage étant complètement émoussé, les traits sont difficilement discernables. On distingue cependant la trace des yeux étirés, du nez et de la bouche. Le crâne bien proportionné, le front et les pommettes hautes, les joues pleines, et le menton carré dessinent un visage long et ovale, porté par un cou mince et délié. Le reste du corps renforce cette impression de finesse et de réalisme. Le buste est relativement mince, la taille est fine, les hanches étroites. On notera le rendu particulièrement juste de la nuque, du renflement de l’estomac et du nombril. Un long pagne à devanteau, très moulant, souligne des jambes minces et une silhouette élancée.

 

Une figurine funéraire du Moyen Empire, conservée à la Glypothèque Ny Carlsberg de Copenhague (Inv. N° ÆIN 1343 in JØRGENSEN 1996, p. 154-155 : N° 61), a conservé un pagne long tissé en lin, recouvrant le pagne court modelé sur le corps en bois. Le pagne en tissu de la statuette de Copenhague donne une image concrète de celui modelé sur le personnage de la collection de Rodin, très vraisemblablement peint à l’origine. La longueur du pagne de Co.3403 n’a rien d’exceptionnel. Elle correspond à celle des statuettes en bois du chancelier Nakhti (XIIe dynastie) retrouvées dans la tombe N° 7 d’Assiout et conservées au musée du Louvre (Inv. n° E 11937 in DELANGE 1987, p. 151-153 et Inv. n° E 12002 in id. ib., p. 154-155). Il est retenu sur les hanches par une ceinture simple, laissée sans nœud de maintien ni ornement. 

Un mince pilier s’étire au revers de la statuette, d’entre les omoplates jusqu’aux talons. On constate que son axe est légèrement déporté vers la gauche. Aujourd’hui anépigraphe, il était peut-être, à l’origine, inscrit à la peinture.    Aujourd’hui monoxyle, l’œuvre était autrefois composée de plusieurs éléments : au corps, comprenant actuellement la tête, le buste, les jambes et le petit pilier dorsal, étaient ajoutés les oreilles, les mamelons et les bras, grâce à un système de tenon mortaise caractéristique. Ce dernier est tout spécialement visible au niveau des épaules : les restes d’une cheville de bois demeurent d’ailleurs dans le plan d’assemblage de l’épaule gauche. On remarque également la présence de deux cavités temporales destinées à l’encastrement de deux pièces, les oreilles le plus probablement, ou bien une perruque couvrante.

Par ailleurs, les mamelons sont figurés par deux petites pièces de bois cylindriques, encastrées dans des petits logements creusés de 0,3 cm de diamètre. On note que le mamelon droit manque. Sous les pieds, un morceau de bois taillé en forme de tenon permettait l’encastrement dans un socle, aujourd’hui disparu.

Les statuettes en bois sont particulièrement complexes à dater quand leur provenance n’est pas connue, du fait de l’existence d’archaïsme volontaire de la part des artisans. La difficulté est d’autant plus grande ici que les caractéristiques physiques du personnage sont effacées et que le pilier dorsal est anépigraphe. L’étude du pagne à devanteau peut constituer un indice. Long, tombant à mi-mollet, il arbore des stries horizontales, visibles le long des jambes, figurant un tissu plissé. Le devanteau, quant à lui, est parfaitement lisse. Ce type de pagne correspond au modèle D3a (HARVEY 2001, p. 26 et 658, fig. 3), à ceci près que celui de notre personnage arbore une ceinture plus arrondie, nettement remontée sur les hanches, et qui ne possède pas de nœud. Le pagne long à devanteau était utilisé à toutes les époques de l’Histoire égyptienne, s’allongeant plus systématiquement à partir du Nouvel Empire. Cependant, les dimensions de ce devanteau peuvent permettre d’élaborer quelques hypothèses concernant l’époque de réalisation de l’oeuvre. Si l’on compare Co. 3403 avec la statue d’Ihy, datant du début du règne de Pépi II (VIe dynastie, 2350-2200 av. J.-C), trouvée à Saqqâra dans une cache à statues (HARVEY 2001, p. 97-98 et 488-489  : B 59  ; MMA Database   : 27.9.3), les dissemblances sont frappantes, bien que la silhouette soit sensiblement la même. Debout, dans l’attitude de la marche, le pied gauche en avant, Ihy arbore une couche de cheveux naturels peinte en noir sur le crâne, et un long pagne tombant à mi-mollet, dont le large devanteau est brisé sur le côté gauche. Il manque également la main gauche, les deux pieds et les petites chevilles de bois marquant les mamelons et le nombril. Cependant les deux bras sont en place : ballant le long du corps, le poing droit tenant serré un objet cylindrique. On constate ainsi que Ihy porte un pagne semblable à Co. 3403  : si la ceinture arrondie remonte haut sur les hanches, elle ne présente pas de nœud. Néanmoins, le devanteau, formant un triangle presque parfait, est très volumineux à sa base, alors que celui de Co. 3403 est d’une largeur à peu près égale à celle des hanches. On notera également qu’il ne possède pas de pilier dorsal. Par ailleurs, le style global de la statuette d’Ihy, caractéristique de l’Ancien Empire, avec une silhouette grande, mince, assez hiératique, aux épaules larges et carrées, est assez différente de celui de Co. 3403. Ce dernier présente des traits et un aspect plus souples et déliés. Ces particularités laissent penser que Co. 3403 daterait plus sûrement du Moyen Empire.

Le parallèle avec la statuette du fonctionnaire Senbi est particulièrement édifiant (MMA Database : 11.150.27). De taille presqu’identique à Co. 3403 (la statuette de Senbi mesure 41 cm), elle figure un homme debout sur un socle, dans l’attitude de la marche, la jambe gauche en avant, les bras ballant le long du corps, poings serrés. Il porte une fine couche de cheveux naturels (dont le contour est marqué par un léger surcreux dans le bois, et peut-être anciennement par une couche de peinture noire, aujourd’hui disparue), ainsi qu’un long pagne à devanteau, tombant à mi-mollet. Il partage donc avec Co. 3403 une attitude similaire, de même que des traits réalistes, déliés et légèrement potelés. Tout comme Co. 3403, la largeur de la base du devanteau est quasiment égale à celle des hanches. La présence de polychromie, bien conservée, nous permet d’imaginer une restitution de celle de Co. 3403, en partant du principe que ce dernier était également peint. Par ailleurs, le socle de Senbi porte une inscription de deux lignes, devant les pieds, invocation d’offrandes pour le ka du fonctionnaire. Le socle originel de Co. 3403 manque, mais on peut supposer qu’il avait les mêmes caractéristiques, ou que des inscriptions du même type se trouvaient sur le pilier dorsal. On notera tout de même que la statuette de Senbi possède des yeux et des sourcils non pas peints mais incrustés (cuivre, cristal et pâte noire), et qu’elle n’arbore pas de pilier dorsal.  

En conclusion, Co. 3403 serait la représentation funéraire d’un propriétaire de tombe, et daterait vraisemblablement du Moyen Empire (2033-1710 av. J.-C.).

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 245, "Statue d'un personnage debout, adossé à un pilier. Il est vêtu d'une shenti nouée à la ceinture. Les bras et les pieds manquent et la figure est très dégradée. Hauteur (sans le socle moderne) 43 cent. 1/2. Bois. Estimé vingt francs."

Donation Rodin à l’État français en 1916.

Commentaire historique

La statuette fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

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