Tête d’homme

Égypte > provenance inconnue
Basse Époque probablement
H. 22 CM ; L. 10,8 CM ; Pr. 19 CM.
Statue fragmentaire en calcaire
Co. 3078
 

Commentaire

Etat de conservation

La tête est en bon état de conservation. L’œuvre présentée ici est une statue en calcaire fragmentaire, pour laquelle seule la tête a été conservée. Celle-ci demeure en assez bon état de conservation, malgré l’altération de la partie inférieure droite du visage, d’une partie du nez et l’érosion quasi complète de l’oreille droite. Ces détériorations sont peut-être contemporaines, des témoins de la chute de la statue ayant entraîné sa décapitation.

Description

Cette tête, d’assez grande dimension pour une statue privée, possède encore le témoin d’un ancien pilier dorsal, qui semble avoir soutenu la tête jusqu’à mi-hauteur du crane. Le visage au front droit s’élargit en un ovale aux joues pleines. Le départ du cou est conservé, et fait montre d’un léger évasement en direction des épaules. Le crâne, quant à lui, est d’apparence naturaliste, légèrement bombé au-dessus des tempes, et ne présente pas d’étirement excessif à l’arrière. Le modelé soigné laisse entrevoir la légère dépression naturelle entre l’os pariétal et l’os temporal, à l’arrière des oreilles.
 
Le personnage représenté ici ne porte pas de perruque, mais les cheveux ras, ou une calotte, dont la limite de l’implantation est sculptée en très bas relief, le long du front et des tempes pour disparaître au niveau des oreilles.
Les sourcils se détachent par un léger relief et un modelé délicat ; d’abord horizontaux, ils s’inclinent à mi-parcours en décrivant une courbe. 
Les yeux, placés au centre de la tête, sont en amande, avec une caroncule lacrymale particulièrement marquée. Les globes oculaires sont très légèrement modelés, mais l’iris est à peine indiqué. Les dépressions sous les yeux, ainsi que les pommettes, sont assez marquées. Le nez fin et longiligne dessine un triangle isocèle au centre du visage et la bouche, symétrique et schématique, est presque horizontale, sans sillon naso-labial marqué, mais avec commissures très larges.
L’ensemble de ces éléments stylistiques dégage une forte sensation archaïsante : la forme des yeux ou de la bouche et l’implantation des cheveux en particulier sont très similaires aux caractéristiques de l’art des IVe et Ve dynasties.
 
En l’état, cette tête n’est ainsi pas sans rappeler « les têtes de réserves » des IVe et Ve dynasties, un type d’objet limité à cette courte période où la tête seule était sculptée volontairement, et dont l’usage, quoiqu’il soit évident qu’il répond à des croyances funéraires et magiques, demeure encore relativement obscur (TEFNIN 1991). Néanmoins, cette impression est essentiellement due au degré de conservation de cette statue – qui aujourd’hui présente uniquement la tête et le départ du cou, mais avait bien été conçue comme une statue en pied, puisque la brisure est bien visible et qu’elle était pourvue d’un pilier dorsal. Les détails anatomiques évoqués ci-dessus cependant ainsi que le matériau (le calcaire étant favori pour la sculpture, surtout privée, aux époques anciennes, mais bien plus rare aux périodes tardives où il est supplanté par la diorite) ne permettent pas d’exclure une citation artistique de l’art de l’Ancien Empire.
 
En l’absence d’une grande partie du monument et d’inscription, la datation de cette sculpture demeure délicate. Dans un ouvrage aujourd’hui ancien, B. Bothmer établissait un parallèle entre cette tête et une autre  conservée au Museum of Fine Art de Boston (MFA 07.494) qu’il date de la XXVe dynastie. Elles ont en commun la représentation de cheveux très ras ou peut-être même d’une calotte, qui selon lui se rencontre durant l’époque tardive aux XXVe et XXVIe dynasties (BOTHMER 1960, p. 11). Si la représentation d’homme avec les cheveux courts et rasés est attestée dans la statuaire dès l’Ancien Empire, il demeure que peu de statues réalisées en pierre présentent ce type de coiffure, au profit de diverses perruques longues ou courtes ; le crâne rasé est bien plus courant en revanche dans les représentations bidimensionnelles (BRANDL 2008, p. 360-362). Un autre parallèle très concluant pour la pièce de la collection Rodin est une tête conservée à Lausanne, également sculptée dans du calcaire. Haute de 21 cm, cette tête ovoïde aux cheveux ras possède un nez assez long et une petite bouche légèrement souriante. À l’origine, un pilier dorsal la soutenait, comme la statuette co. 3078, jusqu’à mi-hauteur du crâne. Elle a de même été datée de la Basse Époque, sans précision supplémentaire, par Henri Wild (WILD 1956, p. 19, pl. VI).
 
D’autres datations concurrentes ont cependant pu être avancées pour des objets comparables. Dans son étude sur les statues de particuliers à l’époque tardive, conservées au musée du Louvre, O. Perdu signale également que ce type de coiffure, bien attesté pour les XXVe et XXVIe dynasties, l’est aussi pour les statues d’époques ptolémaïque et romaine (PERDU 2012a, p. 37). Elles doivent en tout cas être distinguées des egg-heads des dernières dynasties indigènes, qui présentent un étirement exagéré du crâne et aucun cheveu (PERDU 2012b, p. 82 89, n°25-32). La tête du MFA 07.094 a elle-même connu une nouvelle datation (comme plusieurs statues originellement attribuées à la Basse Époque) par J. Josephson qui la considère plutôt comme datant de la fin du Moyen Empire ou du début de la Deuxième Période Intermédiaire (JOSEPHSON 1997). La forme du visage, ou le traitement des yeux et de la bouche pourraient effectivement être comparés à un style connu pour diverses statues désormais attribuées plutôt à la fin de la XIe ou début de la XIIe dynastie (FAY 2003, p. 43-44), notamment la tête inv.no. 77.6 conservée au Brooklyn Museum. Celle-ci, cependant, se distingue en particulier par sa perruque bouclée, très différente de la coiffure de la tête du musée Rodin.
 
Il demeure par ailleurs difficile de présupposer de l’aspect originel de la statuette. On peut cependant rappeler que plusieurs statues en pied, avec pilier dorsal et représentant un homme au crâne rasé, sont connues pour l’extrême fin de la XXVe dynastie et le début de la XXVIe dynastie, comme par exemple les statues du Musée du Caire inv.nos. CGC 48610 et CGC 48638 (JOSEPHSON, ELDAMATY 1999, p. 21-23 et 91-93, pls. 10 et 38). La CGC 48610, elle-même réalisée en calcaire, possède une hauteur totale de 72 cm, qui paraît cohérente avec le module de la tête Co. 3078 de la collection Rodin.
 
Ainsi, malgré un traitement des yeux et des sourcils qui peut rappeler les statues du début du Moyen Empire, la finesse du nez, les pommettes saillantes et hautes, le bas du visage étiré et ovale et la « calotte » coiffant le crâne sont autant d’éléments qui rappellent clairement l’Ancien Empire. Or, les XXVe et XXVIe dynasties sont une période qui favorise considérablement les références archaïsantes au glorieux passé de l’Egypte, à l’époque éloigné de deux millénaires déjà, et divers autres éléments semblent cohérents avec une datation à cette même période tardive, notamment la taille de la tête – 22 cm, pour une statue en pied atteignant peut-être 70 à 80 cm de haut.
 

 

Inscription

Anépigraphe

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 66, Tête de personnage rasé à crâne extraordinarement haut et arrondi. Epoque saïte. Très restaurée. Estimée cent francs.

Donation Rodin à l’État français 1916.

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