Baubo

Égypte > provenance exacte inconnue, probablement Basse Égypte

Époque Héllénistique et romaine > ca Ier s. av. J.-C. – 1er s. ap. J.-C.

[VOIR CHRONOLOGIE]

Terre cuite 

H. 4,1 CM ; L. 3,5 CM ; P. 1,9 CM

Co. 2714

Commentaire

Etat de conservation

L'œuvre est en bon état de conservation. Les traits du visage sont cependant émoussés et une fêlure traverse l’objet depuis l’épaule jusqu’au pied gauche, dont l’extrémité est cassée.

Description

La figurine représente une femme nue accroupie, largement offerte et aux chairs épanouies.

La tête est ronde, les joues charnues, les traits de la face sont assez émoussés. Le front est bas, les yeux sont incisés mais très émoussés. Le nez est large ; les lèvres, souriantes, sont figurées par deux lignes parallèles ; le menton est volontaire. Une coiffure d’inspiration hellénistique ceint sa tête et recouvre ses oreilles. Une tresse torsadée entoure le visage, retombant en deux longes mèches à petites boucles étagées de chaque côté du visage. Une couronne, sans doute florale, la surmonte. Un voile simple, qui a été lissé par l’artisan, descend jusqu’au niveau des épaules. Il recouvre la partie postérieure de la coiffure. Cette coiffure se retrouve sur un très grand nombre de figurines de ce type (voir BAIEY, 2008, pl. 25 n°3143).

L’orifice très large que l’on observe au sommet du crâne peut laisser penser qu’un élément devait s’y ficher. On peut alors penser à un pot ou bien à un bouton de lotus dont beaucoup de Baubos sont pourvues. Son bras droit pend le long du corps, le coude étant posé sur la cuisse droite et la main droite sur le pubis. Le bras gauche est posé sur la cuisse gauche, la main gauche reposant sur le genou gauche. Les doigts, initialement représentés au moyen d’incisions, sont presque complètement émoussés. Les seins sont particulièrement volumineux et saillants. Juste en dessous, des incisions représentent les bourrelets. Le ventre est massif et saillant. Le nombril, matérialisé par un simple trou arrondi, est large et profond. La rondeur du ventre est soulignée par deux replis sous la poitrine et une dépression entre le bas-ventre et le pubis. Ces incisions encadrent le thorax et concrétisent le renflement considérable du ventre, celui d’une femme très certainement porteuse de vie. Les cuisses sont larges ainsi que les mollets, collés contre elles. Le pied droit, le seul conservé, est posé au sol. Moulé à la main, les orteils du pied droit ne sont pas détaillés mais un anneau de cheville se devine.

Une fêlure traverse l’objet depuis l’épaule gauche jusqu’au pied, dont l’extrémité est cassée.

Au revers, sous la coiffe en tissu, le dos apparaît largement arrondi. Les bras ne sont pas collés au corps et l’espace entre les bras et le corps est comblé. Deux incisions, évasées en leur extrémité, partent des lombaires pour atteindre la région du pubis, marquant des fessiers larges mais plats.

L’objet a été fabriqué en terre cuite moulée, technique utilisée par les Grecs depuis l’époque archaïque et répandue en Egypte à l’époque hellénistique (voir DUNAND 1990, pp. 6-9). Deux moules, en Egypte généralement en plâtre, sont nécessaires, un pour la partie antérieure, l’autre pour la partie postérieure,  et les traces de suture entre ces deux moules sont évidentes de part et d’autre du Co. 2714. L’objet, réalisé en terre cuite à engobe brun rouge clair, a été badigeonné d’un épais enduit blanc, préparatoire à la peinture. Des traces de carnation roses sont visibles.

La figurine Co. 2714 appartient au type de figurine féminine dite « Baubo », apparue au cours de l’époque ptolémaïque et qui a perduré pendant la période romaine. L’iconographie de ces figurines est grecque ou gréco-romaine. Les figurines de ce type retrouvées en Egypte proviennent en très grande majorité de Basse Egypte, principalement d’Alexandrie et de Naucratis ainsi que du Fayoum. Leurs contextes de découvertes sont variés, allant des casernes aux temples ou aux ateliers. La majorité des figurines fabriquées en Egypte sont réalisés en terre cuite moulée. Mais des exemplaires de la même époque existent également en faïence égyptienne, à l’image de celle conservée au Metropolitan Museum of Arts sous le numéro d’inventaire 15.43.329 ou en verre, à l’image des figurines conservées au British Museum sous le numéro d’inventaire 18,710612.22  retrouvées en Egypte mais de fabrication phénicienne. Ces figurines sont toutes représentées nues, offrants leur sexe, jambes écartées. Seule la position exacte des mains et des bras varie d’une figurine à l’autre. Certaines sont dépourvues de tête, d’autres peuvent chevaucher un sanglier, d’autres encore jouent de la harpe, ce dernier type comportant également les figurines où la tête est placée au-dessus de la vulve.

Le nom de « Baubo » fait référence à la version orphique du mythe de Déméter, rapportée par Clément d’Alexandrie. L’hymne raconte que la déesse, désespérée par l’enlèvement de sa fille Perséphone par Hadès, trouve refuge à Eleusis où elle est recueillie par Baubo. Celle-ci l’invite à boire, mais essuie un refus de la part de Déméter. Baubo décide alors de soulever ses jupes, lui dévoilant ainsi ses parties génitales. De surprise, la déesse éclate de rire, surmonte sa douleur et accepte la boisson. La découverte de figurines datant de la fin du IVsiècle av. J.-C. dans les vestiges du temple de Déméter à Priène, représentant chacune une femme dont le visage est posé juste au-dessus de la vulve, incita les archéologues à donner leur donner le nom de Baubo, bien que ces figurines n’immortalisent pas le geste de dévoiler ostensiblement ses parties génitales tel que rapporté dans l’hymne orphique de Déméter. Les figurines découvertes en Egypte reçurent elles-aussi le nom de Baubo, leur posture rappelant plus clairement celle de Baubo dans le mythe orphique.

 

L’obscénité apparente de ces figurines ne doit pas les cantonner aux catégories d’objets à caractère exclusivement érotique. En effet, plusieurs représentations féminines offrant ostensiblement leur sexe à la vue de tous, écartant parfois même ses lèvres à pleines mains, existent dans différentes cultures et à différentes époques. On peut citer, à titre d’exemple, la déesse indienne de la ferilité Lajja Gauri (une de ses représentations est conservée au Metropolitan Museum of Arts sous le numéro d’inventaire 2000.284.13) dont les attributs divins sont précisément symbolisés par son exhibition sexuelle.

Les figurines de type Baubo découvertes en Egypte sont à remettre dans le contexte de la longue et riche évolution des figurines féminines nues d’Egypte. Dès le Moyen Empire, un certain nombre de types de figurines féminines font leur apparition en Egypte. Représentées nues, ces femmes sont, au contraire des Baubos, longilignes et dépourvue de toute obscénité, en dépit de leur nudité. Une autre grande catégorie est connue en Egypte, c’est celle des figurines féminines nues accompagnées d’un enfant allaitant. Dans les deux cas, elles sont liées à la fertilité et possèdent des fonctions protectrices et régénératrices aussi bien pour les vivants que pour les morts. A la Basse Epoque apparaît une nouvelle catégorie de figurines, préparant l’apparition des Baubos. Il s’agit d’un type de figurine jambes écartées présentant une vulve, prémisse des figurines de l’époque ptolémaïque. Un exemplaire est conservé au British Museum sous le numéro d’inventaire 1965,0930,954. Les Baubos sont des petits objets pour beaucoup pourvus d’un orifice ou d’une bélière au sommet du crâne permettant de les suspendre et peut-être de les porter sur soi comme des amulettes. Il semblerait donc qu’on ait affaire à des figurines garantissant la fertilité, la protection et la régénération, à l’image des précédentes figurines égyptiennes connues jusqu’à lors. La possibilité d’une grossesse expliquerait la corpulence des figurines. Les figurines de type Baubo sont donc à comprendre à la fois comme une étape fondamentale de la longue évolution des figurines féminines égyptiennes ainsi que comme une tradition hybride, mêlant des influences grecques évidentes, à des traditions égyptiennes et sans doute aussi des influences orientales, aux fonctions apotropaïques.

La figurine Co. 2714 s’inscrit dans cette tradition de la piété personnelle. Beaucoup de Baubos ont une coiffure ornée d’un vase ou d’un bouton de lotus, traits iconographiques que les figurines de Baubos ont en commun avec les figurines d’Harpocrates. Un exemple est conservé au Metropolitan Museum of Art sous le numéro 17.194.420. Cet élément ne fait que renforcer et confirmer la vocation de la figurine à apporter prospérité et fertilité à son détenteur par le pouvoir vital du  sexe féminin. 

La collection égyptienne du musée Rodin possède trois autres figurines de type « Baubo », à savoir les figurines n° Co. 2798, Co. 6120 et Co. 6091.

Inscription

Anépigraphe.

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