Maât accroupie

ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE

ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe - XXXIe dynastie > 656 - 30 AVANT J.-C.

[voir chronologie]

BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)

H. : 4,1 cm ; L. : 1,9 cm ; P. : 2,4 cm ;

Co. 2427

Commentaire

Etat de conservation

L'œuvre est en bon état de conservation. Elle est entière à l’exception de la plume qui complétait la coiffe. L’orifice dans lequel elle était fichée est toujours visible sur le dessus du crâne. L’avant des genoux et l’arrière du crâne sont abîmés. Le métal est oxydé, particulièrement au niveau des genoux.

Description

L’œuvre représente la déesse Maât assise dans la position des divinités et des femmes. Ses genoux sont ramenés sur sa poitrine et ses mains sont posées sur ses genoux. Elle est coiffée d’une perruque tripartite cerclée d’un bandeau aux arêtes bombées, destiné à maintenir en place dans ses mèches une plume. Une haute plume d’autruche, attribut caractéristique de Maât, s’échappait en effet sur le dessus, on remarque toujours la petite dépression au sommet du crâne qui accueillait la plume rapportée. La perruque est décorée verticalement de stries plus ou moins parallèles les unes aux autres. À leur extrémité, un ruban horizontal maintient les deux pans de la coiffe qui tombent sur la poitrine ainsi que la partie descendant dans le dos. La déesse est vêtue d’une tunique ample qui recouvre entièrement son corps. Ce vêtement ne laisse presque aucun détail anatomique transparaître hormis le profil des bras et une poitrine menue. 

Maât présente un visage rond et plein. Les oreilles, hautes et disproportionnées par rapport au visage, ainsi que le petit nez empâté sont modelés en saillie alors que les yeux et la bouche sont en creux. En effet, deux sillons créent le contour des grands yeux. Le retour du creux dessinant le bord supérieur de l’œil façonne le sourcil. Les joues pleines flanquent un petit menton fuyant. Par ailleurs, la bouche n’est rendue que par une simple ligne horizontale. Le cou épais introduit des épaules étroites et tombantes. Notons que la poitrine de la déesse n’est que légèrement modelée au travers du vêtement. Les jambes et les bras sont traités comme un bloc prenant une forme approximativement triangulaire. Le dessus et les côtés du bloc sont plats alors que les arêtes sont vives. Les pieds, bien que recouverts par le costume, se dégagent à l’avant de la statuette.

Une fine encoche rectangulaire dans le dos de Maât suppose un placage. Ses dimensions réduites (4 cm de haut) permettent de supposer que cette figurine était une amulette. La détérioration du métal à l’arrière du crâne pourrait ainsi correspondre aux traces d’arrachement d’une bélière, aujourd’hui perdue. Néanmoins, une figurine de Maât à l’attitude similaire, insérée sur une petite base rectangulaire, est posée sur un autel en forme de naos (hauteur totale 11,7 cm.). Acheté dans le commerce de l’art en 2006 et datée de la Troisième période intermédiaire, l’objet est conservé au Musée royal de Mariemont (Inv. N° Ac.2006/242, DERRICKS Claire, « Maât », in Cl. Derricks, L. Delvaux (éd.), Antiquité égyptiennes au Musée Royal de Mariemont, Morlanwelz, 2009, p. 172-173) et DELHOVE Arnaud, « Statuette de Maât », A. Quertinmont (dir), Dieux, Génie et Démons en Égypte ancienne, Musée Royal de Mariemont, 21 mai-20 novembre 2016, Morlanwelz, 2016, p. 78-79).

 

La déesse Maât personnifie les concepts de vérité, de justice et d’ordre cosmique, appelés la maât (sans majuscule) par les Égyptiens anciens (sur cette déesse, voir CORTEGGIANI Jean-Pierre, L'Égypte ancienne et ses dieux : dictionnaire illustré, Paris, 2007, p. 303-305 ; sur la notion de maât, voir ASSMANN Jan, Maât, L'Égypte pharaonique et l'idée de justice sociale, Paris 1989).

La déesse est attestée dès l’Ancien Empire dans les Textes des Pyramides (TP 1582). Fille de Rê à partir du Nouvel Empire, elle devient sœur du roi régnant, lui-même fils de Rê. Au-delà de cette filiation, la légitimation et l’efficacité du règne dépendaient du respect des concepts personnifiés par Maât, qui n’est pas seulement sœur du roi mais également son juge. En effet, l’ordre de la maât devait être renouvelé et préservé constamment, permettant au roi de réussir après sa mort la redoutable épreuve de la pesée de son cœur, siège des pensées et des actes pour les anciens égyptiens. Si Maât considérait que l’ordre universel et l’équilibre qui en découle avaient été respectés par le défunt roi, ce dernier accédait à une vie éternelle sur les trônes de Geb. Généralement représentée entièrement anthropomorphe, Maât pouvait aussi être figurée par une simple plume, celle-ci servant par ailleurs de contrepoids lors de la pesée du cœur. Si aucun temple ne semble lui avoir été dédié, un petit temple existait autrefois dans l’enceinte de Khonsou à Karnak. Sa fonction reste encore discutée mais l’hypothèse le plus généralement retenue est que des jugements y étaient rendus. Par ailleurs, on connaît le titre honorifique de « Prêtre de Maât » qui était donné aux magistrats  rendant la justice. Ces ministres du culte portaient autour du cou une amulette de Maât, qui permettait en particulier de les distinguer. Il est ainsi possible d’imaginer la figurine Co. 2427 dans cet usage.

 

La divinité Maât a été très largement représentée durant l’Égypte pharaonique, que cela soit sur des reliefs, sur lesquels elle personnifie les offrandes au sens large, ou en trois dimensions dont voici quelques exemples :

Musée du Louvre, Paris : E 4436

Metropolitan Museum of Art, New York : 10.130.1302 et 07.228.30.

British Museum, Londres : EA 60382, EA 49732, EA 60380, EA 36457EA 60383, EA 64498 (deux œuvres  portent le même N° d'inventaire, l'une représente Mâat couronnée du pschent, la seconde de la plume) et EA 12517

Penn Museum, Philadelphie : 29-70-790E 11437.

Œuvres associées

Les collections du musée Rodin ne conservent aucune autre œuvre du même type que la Co. 2427. Seule l’amulette Co. 5815 peut lui être rapprochée. Sur ce petit bronze, Maât anthropomorphe est assise face à Thot, figuré sous les traits d’un ibis. Ce dieu était considéré comme son époux. Il l’accompagnait lors de la pesée du cœur et prenait en note les conclusions du jugement.

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Meudon / pavillon de l'Alma / vitrines 23 et 24, 521, "Petite Maït assise. Bronze. Haut. 4 cent. Estimée dix francs."

Donation à l’État français en 1916.

Commentaire historique

L'objet était exposé du vivant de Rodin dans une vitrine du pavillon de l'Alma à Meudon.

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