Ityphallique

Égypte > Provenance inconnue

Basse Époque

[VOIR CHRONOLOGIE]

Calcaire

H. 6,8 CM ; L. 2,9 CM

Co. 2358

Commentaire

Etat de conservation

L'œuvre est en bon état de conservation. De nombreux éclats sont visibles à la surface. Une fissure court depuis l’épaule droite jusqu’au milieu du dos. Des traces de pigments ocre sont visibles sur l’ensemble du personnage, sur un fond badigeonné d'ocre.

 

Description

La figurine Co. 2358, anciennement connue sous le numéro d’inventaire DRE 253 se trouvant sur une étiquette sous la base, fait partie des erotica que l’on trouve en Egypte et plus précisément des figurines ithyphalliques. Sur une base repose un personnage nu, assis. Son dos est impeccablement droit, ses jambes sont étendues, ses pieds sont étirés. Devant lui s’étend son pénis, démesurément long et tendu à l’horizontale. Il s’étend entre ses pieds étendus. Le bras droit est collé au torse, l’avant-bras pressé sur le côté du phallus, main dépliée, les délimitations des doigts n’étant presque pas visibles. Son bras gauche, est complètement replié, tenant un objet rond sur l’épaule. Cet objet, vraisemblablement un pot, est collé contre sa tête. L’orifice du récipient est tourné vers l’avant, permettant à son contenu de se déverser en direction du phallus. Les traits de la main gauche, comme ceux de la main droite, sont peu visibles. Le sillon inter-fessier est bien marqué. L’oreille gauche, très décollée, est saillante; des incisions peu profondes semblent délimiter le cuir chevelu en haut du front. Les yeux sont grands et modelés par des incisions en amande. Les narines sont représentées par des cavités circulaires. La bouche est matérialisée par un sillon en forme de demi-cercle, se terminant par deux traits horizontaux ; la figurine semble dotée d’un large sourire. Les sillons délimitant la zone du gland sont réguliers. L’orifice se trouvant au sommet du phallus est représenté au moyen d’une incision très peu profonde, parcourant cette région dans le sens de la longueur. On remarque l’absence de testicules. Le nouveau numéro d’inventaire est inscrit sur une pellicule isolante sous la base, à côté de l’ancienne étiquette. La figurine est stable et tient sans support. Une fissure court depuis l’épaule droite jusqu’au milieu du dos. Des traces de pigments ocre sont visibles sur l’ensemble du personnage.

 

La statuette Co. 2358 appartient aux figurines ithyphalliques que l’on trouve en Egypte tout au long de la période pharaonique. Les matériaux utilisés sont généralement le bois, la pierre, la terre cuite et parfois la faïence. Les plus anciennes figurines ithyphalliques en calcaire retrouvées à ce jour sont datées de l’Ancien Empire, notamment celles déposées dans le temple de Satet à Assouan. Les sites où furent mis au jour ces figurines sont très souvent associés à des sanctuaires, à l’instar de Deir el-Bahari, Mirgissa, Timna ou le Gebel Zeit. L’essentiel du corpus provient de la période gréco-romaine, époque où leur production s’intensifia. Longtemps mis à l’écart par la communauté savante en raison de leur caractère obscène apparent, ce matériel suscite encore toute une série de questions. Le sexe masculin est un élément bien connu de l’iconographie égyptienne. C’est un des attributs et caractéristiques principaux de nombreuses divinités telles qu’Osiris, Baba, Min, Amon-Rê ou encore Bès. Le phallus d’Osiris joue un rôle crucial dans la version du mythe rapporté par Plutarque qui indique que le dieu, martyrisé par son frère Seth, fut découpé en quatorze morceaux dispersés dans les eaux fluviales, rassemblés ensuite par sa sœur et épouse Isis afin reconstituer le corps de son époux. Dans ce récit, l’unique morceau qu’elle ne put retrouver était le phallus d’Osiris, avalé par le poisson oxhyrinque. La déesse parvint à le reconstituer magiquement afin de permettre la conception de leur fils, Horus. Osiris est une divinité fortement liée à la fertilité du monde végétal. On attribue la crue du Nil à l’écoulement des lymphes, ou rejdouou, du cadavre du dieu. Parmi les Mystères d’Osiris, célébrés au mois de Khoiak, on peut mentionner les « osiris végétant », figurines faites de boue dans lesquelles on faisait germer des plantes, symbolisant la gestation et renaissance du dieu. Osiris est une divinité masculine de la fertilité et de la terre. La terre est d’ailleurs un élément masculin dans l’univers égyptien, incarné par le dieu Geb. Min est une autre divinité masculine vouée au maintien de  la fertilité. Très ancienne divinité représentée quasi systématiquement de façon momiforme, il arbore invariablement un phallus en érection. Le dieu babouin Baba, dont l’aspect phallique est mis en valeur dès la rédaction des Textes des Pyramides, est également le garant de la fertilité humaine et animale. Bès, le nain d’aspect grotesque est également une personnalité divine étroitement liée à la fertilité sous toutes ses formes. A cette courte liste, on pourrait ajouter les noms d’autres dieux tels qu’Amon-Rê ou Rê. Procréation et  naissance étant autant l’apanage des divinités masculines que féminines, il est tentant d’associer ce type de figurines masculines épanouies et prêtes à donner la vie à  celles des figurines féminines appelées à tort « concubines du mort », prêtes à accueillir la vie. On remarque que certaines des divinités représentées ithyphalliques comme Min ou encore Bès sont étroitement associées à Hathor, déesse, entre autre, de la fertilité et de la fécondité. Ainsi, Min de Koptos est-il adoré en partenariat avec Hathor au Gebel Zeit, par exemple. Ce duo divin personnifie le pouvoir créateur par l’association des éléments masculins et féminins. G. Pinch évoque l’hypothèse qu’il était possible d’offrir des offrandes similaires à l’une comme à l’autre divinité (PINCH 1986, p.239). Bès, qui est également associé à Hathor sans pour autant en être son égal à l’instar de Min, reçoit de toute évidence des figurines ithyphalliques en offrandes et ce dès l’époque ptolémaïque au moins, notamment dans ses sanctuaires à Saqqarah. Hathor, dont uns des noms est « La Dame de la Vulve », est célébrée lors des festivals ayant lieu à Edfou. Au cours de l’un deux, elle est présentée avec le phallus de Rê-Atum. Selon la cosmogonie égyptienne, c’est en effet par la masturbation que le démiurge engendra les autres divinités. Hathor est parfois identifié à la main du dieu qui a permis la masturbation créatrice ou même à son sperme. L’offrande de phallus votifs à la déesse en cette occasion permettait peut-être donc de revivre cette union originelle. L’exhibition du sexe masculin était peut-être aussi l’équivalent de l’anasyrma, ce geste consistant à dévoiler son sexe, qu’Hathor avait exécuté afin de sortir le dieu Rê de sa bouderie. Le phallus, symbole évident de fécondité et de fertilité, peut faire office d’offrandes à plusieurs divinités, notamment à Hathor et ils ont été retrouvés en nombre conséquent dans des sanctuaires dédiés à Hathor, notamment à Deir el-Bahari. Pour autant, la vocation exacte de ce type d’objet reste quelque peu vague. Un seul phallus inscrit est connu à ce jour, dédié par le scribe Ramose à Hathor. Il date du Nouvel Empire et a été retrouvé à Deir el-Medineh. L’inscription est difficile à interpréter, s’agit-il d’une supplication pour avoir des enfants ou bien pour être régénéré au sein du temple ? Un autre phallus en stéatite, de provenance inconnue, porte le cartouche de Thoutmosis III (Conservé au musée national d’histoire et d’art du Luxembourg (Inv. N° 2012-025/0004). Il est d’une longueur de 10,65 cm et d’un diamètre de 1, 95 cm. En contexte égyptien, le phallus humain est non seulement associé à la fertilité humaine mais également au mondes végétal et animal. La figurine Co. 2358 est donc à considérer soit comme un objet apotropaïque, soit comme un objet rituel destiné à favoriser l’union de la déesse Hathor au principe masculine et permettant ainsi la régénération permanente des éléments. 

La collection égyptienne du musée Rodin possède deux autres figurines ithyphalliques, à savoir les figurines Co. 2510 et Co. 2518.

 

La figurine Co. 2358 s’inscrit dans cette longue tradition égyptienne des erotica. Comme ce n’est pas seulement un phallus qui est représenté, mais un personnage tout entier, il s’agirait plutôt d’un ex-voto qu’un objet rituel. On observe que le personnage, outre qu’il est dépourvu de vêtement et de bijoux, est également dépourvu d’autres attributs particuliers, constante sur ce type de figurines. Les traits du visage rappellent ceux d’un animal plus que ceux d’un homme. Il faut sans doute y voir le visage d’un singe, animal qui offre souvent sa tête à de nombreuses figurines ithyphalliques. Avatar du dieu ithyphallique Baba, le singe possède une forte connotation érotique. C’est en effet sous ces traits que sont représentés beaucoup d’hommes dans de nombreux graffiti érotiques. L’animal n’est pas seulement lié à l’érotisme, mais également à la déesse Hathor et le Mythe de la déesse lointaine rappelle qu’elle fut apaisée grâce au son de la harpe produit par un singe. Il n’y a donc pas la volonté ici de mettre l’accent sur la virilité masculine humaine mais sur l’importance religieuse de l’objet. La figurine emprunte également un élément iconographique que l’on retrouve surtout chez le dieu Harpocrate : le pot. Symbole de la prospérité, il vient renforcer l’ensemble de la symbolique de la figurine. Cet élément se retrouve sur d’autres figurines ithyphalliques, bien sur son emplacement varie d’une figurine à l’autre (voir la figurine numéro EA90351 du British Museum. Comme la plupart des ex-voto ithyphalliques, la figurine Co. 2358 porte les restes de pigments ocre, ces mêmes pigments que l’on retrouve sur beaucoup d’autres objets du même type. Comme bien souvent, le sculpteur a insisté sur les détails du pénis en érection, laissant un aspect plus frustre au corps du personnage. La figurine Co.2358 partage un certain nombre de traits communs avec les figurines retrouvées à Naucratis dont certains personnages enlacent leur pénis tendu à l’horizontale, à l’instar des figurines conservées au British Museum sous les numéros d’inventaire 1965,0939.939, ou encore 1965,0930.935.

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 233, "Figure obscène en calcaire. Long. 10 cent. Estimée dix francs."

Donation Rodin à l'Etat français en 1916.

Commentaire historique

L'oeuvre était exposée à l'hôtel Biron en 1913, dans une préfiguration du futur musée.

< Retour à la collection