Thot ibiocéphale

Egypte > Provenance inconnue

 Nouvel Empire à Basse Époque

[VOIR CHRONOLOGIE]

Faïence siliceuse

H. 5,9 CM; L. 3,4 CM; P. 3,4 CM

Co. 2332

Commentaire

Etat de conservation

L'ouvre est en bon état de conservation. L'objet est cassé dans la diagonale du bas du ventre au milieu du dos, ainsi que sous les épaules. Quelques éclats et cassures sont notamment  visibles autour du nombril. La glaçure recouvrant l’objet est cependant très bien conservée sur l’ensemble de la figurine.

 

Description

Cette figurine en faïence représente un homme à tête d’Ibis. Il est coiffé d’une perruque tripartite, aux mèches finement incisées. Les mèches de la perruque s’arrêtent en haut des pectoraux et sous les omoplates. A leur extrémité, les trois pans de la perruque sont maintenus en place par un ruban fin. Malgré son apparente simplicité, la représentation de cette perruque est sophistiquée. Une même mèche retombe de part et d’autre de la tête, la coiffure se refermant sur une ultime mèche, placée à la verticale à l’arrière du crâne. A l’instar des représentations anthropomorphes du dieu-crocodile Sobek par exemple, la jonction disgracieuse entre le long cou sinueux spécifique à l’ibis et les épaules humaines de cette figurine est masquée par un collier ousekh à quatre rangs de perles, détaillé. Le premier rang est constitué de perles sphériques, le second de perles cylindriques, le troisième d’une composition de perles vraisemblablement florales, le quatrième d’une guirlande de perles allongées. La musculature est saillante, notamment au niveau des pectoraux et des abdominaux. Le nombril est profondément creusé. Les traits de l’oiseau sont reproduits avec finesse et précision. Les lignes du long bec recourbé sont régulières ; le renforcement de pâte qui comble l’espace entre le cou et le bec pour le soutenir en épouse la finesse. Les yeux sont ronds, petits et en relief. La cassure au niveau des bras et des hanches masque la position dans laquelle était représenté initialement le dieu, marchant ou assis.

Il s’agit de toute évidence d’une figurine à l’effigie du dieu Thot (voir CORTEGGIANI 2007 p. 543-548). Divinité ancienne, Thot est le dieu de la connaissance et des écritures, qui fixe le destin et calcule le temps. Thot consigne par écrit tout ce qui est important dans la vie et dans la mort et assiste à la pesée du cœur du défunt. Grand juge divin, Thot étant étroitement associé à la lune est  souvent coiffé de l’astre lunaire. Son premier et principal animal emblématique est l’ibis dont le bec évoque d’une part le croissant de l’astre et la régularité de sa marche d’autre part la capacité de maîtriser le calcul. La figurine Co. 2332 est à l’image de la représentation la plus courante du dieu, c’est-à-dire avec un corps humain et un visage d’ibis. Les figurines sur lesquelles le dieu est représenté à l’image d’un babouin, son deuxième animal emblématique, sont moins fréquentes (cf le musée Rodin Co. 2311).

La couleur bleue de cette figurine, évoquant la turquoise, est hautement chargée de symbolique divine. Les Egyptiens distinguaient la couleur bleue naturelle de la couleur synthétique en ajoutant maa (véritable) devant hesebedj (bleu). La fabrication d’objets émaillés de couleur dite « bleu égyptien » nécessite de maîtriser l’usage de différentes matières.  La silice, élément nécessaire à la vitrification, est présente dans le quartz (disponible dans le désert oriental et à Assouan) ainsi que dans le sable d’Egypte. L’ajout de feldspaths à la pâte peut compléter l’apport en silice. Le quartz nécessitant des fondants dans le cadre de ces cuissons à basse température, des alcalis tels que la soude, présente dans le natron provenant du Ouadi Natroun, d’El Kab ou de la province de Baharie, sont utilisés. L’ajout de chaux permet de former des silicates et d’aider la fusion du quartz à basse. Des éléments tels que la gomme arabique, l’argile et le natron sont nécessaires pour conférer de la plasticité au quartz. Enfin, l’oxyde de cuivre, issu de la calcination et de l’oxydation du cuivre produit la couleur bleue (le cuivre étant disponible dans le Sinaï, le désert oriental ou importé de Nubie et d’Asie mineure). L’ajout de cobalt pour renforcer la couleur bleue est possible. La figurine Co. 2332 a été moulée puis recouverte d’une pâte formée d’un mélange des ingrédients mentionnés ci-dessus. A la cuisson, la glaçure s’est opérée, produisant au final l’aspect fortement émaillé de cet objet. Malgré le soin apporté à la confection de l’objet, quelques bulles sont visibles en surface.

 

Statuette destinée à une fonction votive, la figurine Co. 2311 était placée dans un sanctuaire dédié au dieu. Mais on peut aussi lui attribuer une fonction plus apotropaïque et lui concevoir un lieu de destination domestique ou funéraire.

La collection égyptienne du musée Rodin ne possède pas d’autre statuette similaire à l’effigie de Thot. En revanche, un grand nombre de figurines semblables à la Co. 2332 sont actuellement conservées dans différents musées à travers le monde, datent majoritairement du Nouvel Empire et de la Basse Époque.

Le musée du Louvre conserve une amulette similaire à la Co. 2332 sous le numéro d’inventaire N4079d et la figurine Inv. N° N. 4081  (voir LHOYER Bénédicte, in Des animaux et des pharaons 2014, notice 279 p. 251 (GUICHARD Hélène dir., Des animaux et des pharaons. Le règne animal dans l’Egypte ancienne, Lens, Barcelone, 2014).

 

Le Petrie Museum conserve plusieurs amulettes similaires à l’instar de la UC52950.

Œuvres associées

 

 

Inscription

Anépigraphe.

 

Historique

Acquis par Rodin chez l'antiquaire Étienne Pennelli le 13 mars 1905.

BOREUX 1913 : Meudon / atelier  de peinture / vitrine 12, 418, "Partie supérieure d'une très jolie figurine de Thot biocéphale en terre émaillée bleue. Haut. 6 cent. Estimé deux cent francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

Commentaire historique

L'objet fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

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