Satyre

Applique de mobilier

Égypte > provenance inconnue

Fin du III -IVe siècle ap. J.-C. ?

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 9,65 cm ; l. 5,1 cm ; P. max 1,2 cm

Os, tibia de bœuf, face postérieure.

Co. 2097

Commentaire

Etat de conservation

Une cassure en diagonale a coupé le personnage à mi-corps, et a engendré la perte de la partie supérieure de l’élément de placage. On observe également une lacune sur l’angle inférieur dextre. La face interne de la pièce comporte en partie basse des traces de tissu osseux spongieux, qui réapparaissent aussi faiblement dans l’angle supérieur dextre. Les trabécules visibles sur la face interne sont encore emplies de sédiments. Les faces externe, et surtout interne, dont les bords sont particulièrement émoussés, offrent un aspect très lustré. Une tache ocre brun marque l’intérieur de la cavité médullaire, correspondant peut-être à l’emplacement d’une ancienne étiquette.

 

Description

Le satyre évolue vers la droite d’un pas leste, mais ses jambes croisées, ainsi que la rotation accomplie par sa jambe gauche, laissent à penser qu’il amorçait un mouvement de torsion afin de porter son regard vers l’arrière. Sur un grand nombre d’appliques, les jeunes faunes égayant le cortège dionysiaque adoptent une attitude tournoyante (LANCESTREMÈRE BELLOW, BIASS-FABIANI 2018, p. 154, cat. 106). Les jambes accompagnent donc le pivotement du buste et de la tête. Si seules trois appliques du musée Rodin (Co. 2068, Co. 2093 et Co. 2262-Co. 2313) présentent encore, conservés presque sur toute leur hauteur, des satyres avançant d’un pas cadencé vers la droite, d’autres fragments devaient accueillir le même type iconographique (Co. 2145, Co. 2055, Co. 2063, Co. 2101, Co. 2116, Co. 2148).

 

La nudité du personnage est tempérée par le port d’une peau de bête retombant en pans ondulés de part et d’autre des jambes. L’un de ces pans est retenu par la main gauche. Contrairement aux pardalides arborées par les satyres des appliques Co 2262-Co. 2313 et Co. 2275, les mouchetures de la peau de fauve n’ont pas été indiquées par de minuscules perforations circulaires, mais par de petites encoches en V, à l’aide d’une fine pointe métallique (DELASSUS 2020, p. 51 n. 22). Cet autre procédé ornemental se distingue également sur plusieurs reliefs réservés à la description des partenaires de Dionysos, conservés dans les collections du musée Benaki (MARANGOU 1976, 18931, p. 96, n° 51, pl. 14c ; 18966, p. 96, n° 52, pl. 15a ; 12750, p. 96, pl. 15b). On peut encore citer, parmi d’autres exemples, les pièces 12109 du musée gréco-romain d’Alexandrie (BONACASA-CARRA 1995, p. 280-281, pl. XXXV-2 ; TÖRÖK 2005, p. 56-57, n° 11), et 822-1905 au Victoria & Albert Museum de Londres (LONGHURST 1927, p. 21 ; BECKWITH 1963, p. 12, fig. 26 p. 49), ou les deux appliques appartenant autrefois aux musée de Berlin (I. 2982 et I. 2905 : WULFF 1909, p. 113-114, n° 394, 396, pl. XVII).

 

 

Les jambes fines et allongées se caractérisent par une musculature très saillante au niveau des mollets. La jambe droite paraît d’ailleurs anormalement maigre à l’arrière du genou, tandis que le mollet semble soudainement très gonflé. Le sculpteur a pris soin d’indiquer par deux incisions l’emplacement de la rotule sur le genou gauche. Un modelé soigné et un polissage poussé contribuent à doter la partie inférieure du corps de ce satyre d’une plasticité incontestable. Si par la position des jambes et leur élongation, cette pièce peut être rapprochée de l’applique Co. 2068 du musée Rodin, la qualité du relief ainsi que l’attention accordée au polissage l’en démarquent. Deux appliques du musée Rodin, déjà citées, sculptées d’un satyre esquissant un pas de danse vers la droite, peuvent être également mises en parallèle avec notre exemplaire : Co. 2093 et Co. 2262-Co. 2313. Le rythme des satyres qu’elles supportent s’avère plus rapide et agité, comme tendent à le démontrer l’écart important existant entre les deux jambes, ainsi que le pied gauche posé sur la pointe du relief Co. 2262-Co. 2313. Ces figurent se différencient sensiblement de la nôtre, malgré une musculature accentuée, par un corps aux jambes plus courtes, davantage en déséquilibre. La justesse d’observation des jambes de l’applique étudiée rappelle davantage l’approche illusionniste de deux exemplaires du musée Benaki (12757 et 18914 : MARANGOU 1976, p. 93, n° 37-38, pl. 12b-c), malgré un fessier moins développé.

 

La forme ovoïde placée entre les jambes du personnage, correspond sans doute à un tympanon tombé au sol. Une autre occurrence de la présence de cet instrument, placé pour combler le vide entre les jambes croisées d’un satyre, peut être relevée sur une pièce exhumée lors des fouilles menées sur le site du théâtre Diana à Alexandrie (DI 96. 3144.37.2 : RODZIEWICZ 2007, n° 7, p. 64-65, n° 7, pl. 4, pl. 86-4). Il n’est pas rare de trouver ces petits tambourins, jonchant le sol. Les décors de placage en os composés de plusieurs plaquettes, comme celui du musée du Louvre (MND 1866, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines : MARANGOU 1976, pl. 17a ; MICHON 1935-1937, p. 357-361, pl.) ou celui découvert à Pergé en Turquie (K.F1 / 44.02.6 ej : ESCHBACH 2014, p. 75-77, fig. 2), montrent plusieurs de ces disques se logeant entre les jambes des figures.

 

Le naturel de la pose empruntée par le satyre, comme la souplesse de ses jambes, sont les signes d’une fine compréhension du mouvement. S’ajoutent à ces qualités, un sens du relief et des finitions attribuables à un artisan en pleine possession de son savoir-faire. Le rendu des textures, notamment des ocelles des peaux de panthère a été avancé comme un possible indice de datation par E. Rodziewicz (RODZIEWICZ 2007, p. 22). La première phase de production alexandrine aurait privilégié les cavités circulaires perforées délicatement, tandis qu’une seconde période aurait préféré des taches de forme triangulaire, imprimées par percussion d’une lame de métal sur la matière osseuse. Il semble néanmoins difficile de se baser sur cette variation décorative pour déterminer une date d’exécution.

 

Sachant que L. Marangou renvoie à la période sévérienne pour les deux appliques sculptées d’une figure de satyre, à la plasticité affirmée, du musée Benaki (12757 et 18914 : MARANGOU 1976, p. 93, n° 37-38, pl. 12b-c), et qu’elle n’hésite pas à dater de la fin du IIIe siècle ou du début du IVe siècle certaines pièces portant de petites encoches triangulaires, nous pouvons proposer de manière un peu arbitraire une datation à la fin du IIIe ou au cours du IVe siècle pour notre relief.

 

Comparaisons

-Alexandrie, fouilles du théâtre Diana, DI 96. 3144.37.2 (tympanon).

-Alexandrie, 12109 (traitement de la pardalide).

-Athènes, musée Benaki, 12750, 18931, 18966 (traitement de la pardalide), 12757, 18914 (plasticité des jambes).

-Berlin, anciennement au Staatliche Museen, I 2982 et I. 2905 (pardalide).

-Paris, musée Rodin, Co. 2068, Co. 2093 et Co. 2262-Co. 2313 (iconographie et attitude).

 

Historique

Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.

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