Satyre portant une outre de vin

Applique de mobilier :

Égypte > Provenance inconnue IVe siècle ap. J.-C. ?

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 14 cm ; l. 4,65 cm ; P. 1,9 CM

Os, humérus gauche de boeuf, face médiale

Co. 2056

Commentaire

Etat de conservation

L’applique est conservée dans son intégralité et ne présente que quelques éclats le long du chant sommital et surtout du bord senestre. Les angles supérieur et inférieur du bord senestre sont légèrement endommagés. Au dos, on distingue un éclat de surface en partie supérieure dextre, et une tache d’oxydation métallique dans la région inférieure.

Description

Cette applique de forme convexe est le seul exemplaire sculpté d’une figure de satyre du musée Rodin à être complet. Se dirigeant d’un pas rapide vers la gauche, le jeune faune porte son regard vers l’arrière. Sa silhouette longiligne occupe toute la hauteur de la section de diaphyse. Nu, à l’exception d’un long manteau retombant dans le dos, il porte sur l’épaule gauche une outre de vin de forme ovoïde. Son bras gauche, qui maintient l’outre par son extrémité, semble dissimulé par des plis du vêtement, alors que la main droite accompagne le mouvement de l’étoffe soulevée par la danse. Le buste, légèrement arqué, suit la torsion du cou et de la tête. L’attitude tournoyante du corps, ainsi que la tête rejetée sur l’épaule droite, engendrent une orientation contradictoire du visage et des jambes.

 

Le type iconographique du jeune satyre askophoros paraît l’un des plus fréquents sur les reliefs en os de la fin de l’époque romaine. On le recense sur la moitié des pièces dévolues à ce sujet conservées dans les collections du musée Rodin. Il est néanmoins peu aisé d’établir une relation entre ces représentations et des œuvres qui auraient pu leur servir de modèles. Un certain nombre de sarcophages romains de style néo-attique (130-150 ap. J-C.), tels celui exposé au Palais Maffei à Vérone, ou celui appartenant à la Ny-Carlsberg Glyptothek de Copenhague, offrent une figure de satyre marchant d’un pas alerte vers la gauche, assez proche de la nôtre (TURCAN 1966, p. 151-152, pl. 10c). On retrouve également une figure, à l’iconographie analogue, sur le plat d’Ariane du trésor de Kaiseraugst, réalisé peu avant le milieu du IVe siècle (BARATTE, PAINTER, LEYGE 1989, p. 261-262, n° 224). Une série de reliefs du musée Rodin propose une silhouette à l’attitude similaire : Co. 2058, Co. 2201, Co. 2275. La pièce Co. 2068, qui présente un satyre askophoros préservé sur toute sa hauteur, correspond à la contrepartie symétrique de notre pièce. Sa figure sculptée dans un humérus droit de bovidé, fait directement écho à celle de notre pièce, qui s’inscrit dans la diaphyse d’un humérus gauche.

 

La silhouette semble avoir été étirée en longueur de manière à occuper toute la surface disponible, offerte par la matrice en os. Le buste, vu de trois-quarts, malgré une structure musculaire apparente, demeure assez étroit, comme sur le fragment d’applique Co. 2058 du musée Rodin, le relief 13242 du musée gréco-romain d’Alexandrie (MARANGOU 1976, pl. 15c) et la pièce 21876 du musée Benaki (MARANGOU 1976, p. 96, n° 50, pl. 15d). Les pectoraux en légère saillie sont séparés par une incision verticale, ainsi qu’un recreusement de la matière osseuse. Le buste allongé surmonte un bassin très peu large et des jambes aux cuisses presque décharnées. Les pieds ne sont qu’évoqués par des appendices informes. Enfin, on notera que l’artisan n’a pas pris soin de détailler la main droite. Un parallèle évident peut être établi avec l’applique sculptée d’un satyre mise au jour sur le site archéologique du théâtre Diana à Alexandrie (DIA.97.4205.2.3 : RODZIEWICZ 2020, p. 363-366, fig. 1 p. 364). Les pièces ont été façonnées toutes deux dans un humérus de bœuf, souscrivent au même type iconographique, et révèlent une approche sculpturale similaire.

 

Le visage qui se détache devant l’outre de vin révèle son profil gauche. Il est couronné d’une courte chevelure bouclée surmontant une oreille pointue. Un seul coup de fin ciseau a permis de déterminer la ligne du front et du nez, tandis que d’autres enlèvements de matière, moins abrupts, ont fait naître la ligne de la joue descendant jusqu’au menton en pointe. La bouche se caractérise par des lèvres plutôt épaisses, surmontées par deux minuscules entailles indiquant les narines. L’œil est signalé par une ligne incisée qui s’étire jusqu’au milieu de la joue. La petitesse du visage s’accorde au canon fin et allongé du reste du corps.

 

L’élongation des proportions, que l’on peut également observer sur les appliques Co. 2066 et Co. 2068 du musée Rodin, ainsi que la forte stylisation des membres, traduisent un travail rapide de la matière osseuse. Au rendu assez sensible de la structure musculaire du buste, s’oppose un rendu allusif des drapés et des traits faciaux, ce qu’accentuent les nombreuses traces d’outils encore lisibles sur l’œuvre. Bien que cette pièce s’inspire d’un modèle hellénistique, son inégalité de facture nous conduit à proposer une datation au IVe siècle.

Comparaisons 

-Alexandrie, musée gréco-romain, 13242 (comparaison stylistique).

-Athènes, musée Benaki, 21876 (comparaison stylistique).

-Paris, musée Rodin, Co. 2058, Co. 2201, Co. 2275 (type iconographique) ; Co. 2068 (contre-partie symétrique).

Historique

Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.

 

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