Figurine funéraire

Femme debout

Égypte > provenance inconnue 

Moyen Empire > 2200-2033 avant J.-C. > 2033-1710 avant J. C. 

[VOIR CHRONOLOGIE]

Bois anciennement polychromé

H. 53,6 cm ; L. 8,5 cm ; Pr. 8 cm 

Co. 3398

Comment

State of preservation

L’état de conservation est plutôt bon. Le bois est sain, malgré la présence de nombreuses fentes et pertes de matières au sommet du crâne, sur la perruque, sur le devant du corps, dans le dos, au niveau des reins et des cuisses, ainsi que sur les pieds, où elles sont particulièrement profondes.   Par ailleurs, le nez est abîmé. L’incrustation de l’iris gauche est manquante. Des cavités rondes, plus ou moins larges, se remarquent sur l’épaule et sous le fessier gauche. La rondelle du bras droit est cassée et a disparu en partie. Les nœuds du bois ont travaillé au niveau des genoux et de l’omoplate droite. De petites marques, peut-être des coups, sont visibles sur les jambes.   De plus, on remarque un éclaircissement de la surface au niveau de la perruque, des deux bras, et de la base des pieds.

Description

La statuette Co. 3398 représente une femme debout, les pieds joints. Bras allongés le long de son corps, ses paumes ouvertes sont étendues à plat contre les cuisses. Elle porte une perruque tripartite mi-longue à mèches étagées, et une robe longue et moulante. Le bas du vêtement est figuré au niveau des mollets par une jonction du bois. La polychromie d’origine est difficilement discernable, l’œuvre apparaissant couverte d’une couche brunâtre. Cependant, les incrustations du visage demeurent presqu’intactes, malgré l’absence de l’iris de l’œil gauche. Tandis que les sourcils et le contour des yeux sont en lapis-lazuli bleuté, la sclérotique est blanche, vraisemblablement en pâte de verre, et l’iris, quant à lui, a été fabriqué dans une matière noire encore à déterminer (pâte de verre  ?).  

 

Ces éléments incrustés confèrent à la statuette un regard intense, mis en avant par de larges yeux, eux-mêmes soulignés par un épais trait de maquillage dont la pointe s’étire jusqu’aux tempes, des sourcils élégants et courbés, un visage ovale aux pommettes pleines et aux lèvres charnues, esquissant un léger sourire. Malgré une perruque épaisse, qui, de profil, donne l’impression que la tête est légèrement disproportionnée par rapport au reste du corps, l’œuvre frappe par sa grande finesse, notamment au vu de sa taille (53,6 cm de hauteur). Les épaules et la taille sont fines, la poitrine menue, les hanches marquées par un léger décrochement, les courbes sont pleines. Le nombril et le pubis sont bien modelés. Les jambes sont longues et fuselées, mais néanmoins plus massives que le reste du corps. On note que, de profil, les mollets sont aussi larges que les cuisses, et les pieds proportionnels aux dimensions de la tête. Les articulations des genoux sont à peine esquissées. Quant aux bras, ils dénotent par leur allongement et leur raideur apparente, au point que l’articulation du coude semble totalement absente. Le bras gauche est légèrement plus petit et plus fin que le bras droit. Les doigts, très longs et sans ongle - hormis sur les pouces -, sont évoqués par un léger surcreux dans le bois, contrairement aux orteils, bien dessinés. Ces derniers sont représentés avec plus de réalisme et de rondeur, et arborent des ongles bien visibles, malgré l’état du bois.  

 

La tête, le corps et les jambes sont monoxyles ; les bras sont au contraire rapportés. Ils sont rattachés au corps par un système de tenon-mortaise, caractéristique de ce genre de sculpture. Des vestiges des plans d’assemblage restent visibles, spécialement au niveau de l’épaule gauche, où une large cavité ronde s’observe, destinée à accueillir une petite cheville de bois.  

 

Les statuettes en bois sont particulièrement difficiles à dater hors contexte de découverte, car sujettes à des archaïsmes volontaires de la part des sculpteurs.  

La forme particulière de la perruque, étagée et tripartite, mais relativement courte, particulièrement à l’arrière où la mèche s’arrondit fortement au-dessus des omoplates (HARVEY 2001, p. 20 et 657 : «  Wf.6  »), permettrait de supposer que la statuette Co. 3398 n’a pas été fabriquée après la Deuxième Période intermédiaire, période pendant laquelle les perruques tripartites longues et les perruques enveloppantes commencent à se généraliser sur les statues en bois de particuliers (VANDIER 1958, p. 437).  

Un parallèle peut être fait avec une statuette de femme en bois conservée au Musée du Caire et datant du Moyen Empire (Inv. N° CG 28994, BORCHARDT 1911, p. 149 et pl. 47 : Fig. 225). La perruque est similaire (tripartite courte à mèches étagées, s’arrondissant à l’arrière au niveau des épaules) mais on remarquera toutefois que les oreilles sont visibles, ce qui n’est pas le cas de la statuette Co. 3398. Yeux et sourcils incrustés, la statuette du musée du Caire aurait été nue, comme l’indiqueraient les traces de peinture préservées au niveau du triangle pubien. 

L’attitude de Co. 3398, attestée dès l’Ancien Empire, perdure au Moyen Empire comme le montre la statuette de la Dame Djehutynakht, datant de la XIe dynastie et conservée au Museum of Fine Arts de Boston (Inv. N° 20.1127,  https://collections.mfa.org/search/objects/*/20.1127). Elle se tient en effet debout, les pieds joints, bras ballants le long du corps, paumes ouvertes à plat contre les cuisses et est vêtue d’une longue robe moulante similaire, s’arrêtant à mi-mollet.  

Les traits délicats du visage de Co. 3398, de même que sa silhouette longiligne, font également supposer que notre statuette daterait du Moyen Empire, XIIe dynastie (VANDIER 1958, p. 152). La ressemblance avec une autre statuette en bois du musée Rodin de la même période, la Co. 3396, est à relever : même tenue - autant que nous le laisse entrevoir l’état du bois -, et même silhouette longiligne et délicate, au torse menu, à la taille fine, au bassin allongé et aux hanches marquées par un léger décrochement.  L’état général de la polychromie nous accorde peu d’éléments concrets pour proposer une reconstitution certaine des habits et des parures, hormis la carnation ocre et les cheveux noirs, typiques des canons classiques de représentation égyptienne. Une statuette en bois du Moyen Empire, conservée au Musée du Caire (CGC N° 28905, BORCHARDT 1911, p. 152 et pl. 48  : Fig. 231) permet d’élaborer quelques hypothèses de restitution. Le vêtement, aujourd’hui presque indiscernable, de la figurine Co. 3398 peut être compris comme une longue robe retenue par deux bretelles placées sur les seins (VANDIER 1958, p. 253). Cette robe n’a pas conservé sa polychromie. Il est plus difficile d’affirmer si la femme arborait des bijoux peints.   L’attitude et la taille de Co. 3398 tendent à montrer qu’elle serait la représentation funéraire d’une maîtresse de maison, dans sa fonction de gestionnaire du foyer. Image de la propriétaire de la tombe d’où elle provient ou bien présente en tant qu’épouse du défunt (Cf. Co. 2346 et Co. 3396), cette statuette serait à dater le plus vraisemblablement du Moyen Empire. 

Inscription

Anépigraphe. 

Historic

Acheté par l'antiquaire Joseph Altounian à Louxor en 1912 et expédié à Paris à l'antiquaire Joseph Brummer  le 1er avril 1912.

Acquis par Rodin auprès de Joseph Brummer en 1912.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 53, "[Statue de femme nue debout les bras au corps.] Id. (pied de meuble). Les pieds reposent encore sur le tenon d'encastrement. Perruque à grandes boucles retombant sur les épaules, le bras gauche est détaché du corps. Bois. Haut. 57 cent. Estimée 800 francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

Historic comment

L'oeuvre était exposée à l'hôtel Biron en 1913. Rodin l'a confié à l’artiste japonais Kichizo Inagaki qui a confectionné son socle bois entre 1913 et 1916.

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Ouchebti momiforme

Égypte > provenance inconnue 

Probablement Nouvel Empire > 1550-1069 avant J.-C. 

[VOIR CHRONOLOGIE]

Bois polychromé

Statuette H. 20,8 cm ; L. 5,3 cm ; Pr. 3,7 cm 

Socle H. 5,5 cm ; D. 5,2 cm

Co. 2349

Comment

State of preservation

L’objet est en assez mauvais état de conservation. Le bois est sain, mais la polychromie, qui a presque totalement disparu, est pulvérulente. On remarque de minces fissures verticales au sommet du crâne et à l’arrière de la perruque, ainsi qu’une certaine irrégularité au niveau des pieds, probablement des petits manques. La présence d’auréoles sur les bras, le torse, ainsi que sur la partie basse du corps, de face et au revers, témoigne d’une conservation prolongée dans un milieu humide.  

Description

La figurine funéraire Co. 2349 est un chaouabti momiforme monoxyle, enchâssé sur un petit socle moderne en marbre, appelé aussi mini-piédouche. Le personnage se tient debout, les pieds joints, les bras croisés, le corps enserré dans un suaire uniforme ne laissant libre que la tête. Il porte une perruque longue, tripartite. La polychromie a presqu’entièrement disparu, hormis des traces d’ocre noir, presque bleu, conservées sur le côté gauche, les contours de la chevelure ainsi qu’à l’avant du corps, où deux lignes parallèles verticales s’étirent depuis les bras jusqu’au niveau des chevilles. La campagne de restauration de 2019 (F. Kurzenne) a mis en évidence des vestiges d’ocre jaune aux alentours du visage et d’ocre rouge sur l’épaule gauche. 

 

La figurine frappe par sa simplicité, et la schématisation de sa silhouette. Les traits de la face, partie du corps la plus travaillée, sont épais, et pour certains à peine esquissés  : de grands yeux allongés, un nez triangulaire à l’arête fine mais aux narines épatées, une bouche large. Le front et les pommettes hauts, les joues pleines, le menton fort, au profil pointu, forment un visage solide et serein. La perruque est lisse et s’arrête à mi-torse ; elle couvre les oreilles.  

Le corps de la statuette est rectiligne et statique. Les bras croisés forment des angles droits, les volumes des jambes et des pieds se devinent sous le vêtement couvrant. On note tout de même une volonté de bien délimiter le contour de la perruque, et le modelé des bras. La courbe des reins est signifiée par un léger épaississement de la silhouette.  

 

Également appelés ouchebtis ou chabtis (à partir de la Troisième Période intermédiaire, plus spécifiquement aux alentours de la XXIème dynastie), les chaouabtis,  des mots shaouabty «  statuette en bois  », ou/et shebi «  remplacer  » (Chaouabtis 2003, p. 11), sont des serviteurs funéraires déposés dans les tombes et destinés à travailler pour le défunt dans l’au-delà, et à assurer les corvées à sa place. Leur apparition est attestée au moins dès le Moyen Empire, époque à laquelle ils ont remplacé les «  modèles  », petites figurines de travailleurs représentés en activité (brasseurs, boulangers, ou, pour un exemple de cuisinier, voir la statuette musée Rodin Co. 6434). Les chaouabtis tiennent le plus souvent des outils, ce qui leur permettait de s’acquitter de leurs tâches. Les textes inscrits sur leur corps, en lignes ou en colonnes, comportaient en général le nom du propriétaire, ainsi qu’un court passage du Livre des Morts.  

 

Il serait aisé de faire un rapprochement stylistique entre la figurine Co. 2349 et les chaouabtis de Séthi Ier (XIXème dynastie), retrouvés par plusieurs centaines dans sa tombe (la KV 17 de la Vallée des Rois). Le chaouabti E 21539 conservé au Musée du Louvre (BOVOT 2003, p. 160  : fig. n° 62) partage avec la figurine Co. 2349 la même attitude (à savoir momiforme, les bras croisés, le corps entièrement emprisonné dans un linceul), la même perruque tripartite, le même visage épais et imberbe aux traits lourds, aux yeux étirés, et au menton carré, ainsi que la même silhouette allongée et massive. Par ailleurs, le chaouabti E 21538, également au Musée du Louvre (BOVOT 2003, p. 158-159  : fig. 61), présente un profil pointu très similaire à la figurine Co. 2349. La collection de Séthi Ier comporte des chaouabtis badigeonnés d’un enduit noirâtre appelé «  bitume  », qui serait plus spécifiquement une gomme-laque (sur cette résine végétale, voir BOVOT 2003, p. 105). Il est possible que la figurine Co. 2349 ait été à l’origine recouverte de la même substance, puis libérée de cette couche noirâtre à l’époque moderne, soit pour retrouver les traces de sa polychromie d’origine, soit pour l’utiliser à titre magico-médical.   

Cependant, on observe des différences flagrantes ; en particulier, le texte étalé sur le devant et l’arrière des jambes des exemplaires inscrits attribués à Séthi Ier se présente sous la forme de cinq ou six lignes de hiéroglyphes. Or, d’après les traits verticaux ocre noir conservés sur l’avant de la figurine Co. 2349, il semblerait assez probable que le texte, s’il y en avait bien un, était peint en colonne(s), et uniquement sur la face avant.   

 

Cette dernière caractéristique se retrouve sur des exemplaires découverts à Deir el-Médina, comme le chaouabti en bois stuqué et peint de la Dame Meresger, datant de la XIXème dynastie et conservé au Musée du Louvre (Inv. N° N 2684, ANDREU 2002, p. 295-296  : Fig. 224). Momiforme, très longiligne, la figurine arbore une perruque tripartite noire, et ses bras croisés sont emprisonnés dans le suaire. Les bijoux, un grand collier, ainsi que le texte (disposé en colonnes sur les jambes et délimité par un trait), sont peints en noir sur fond ocre et blanc. La polychromie, bien conservée, permet de contempler un visage imberbe à la carnation ocre rouge, aux sourcils et aux iris noirs, et à la sclérotique blanche. Le chaouabti de Dame Meresger correspond ainsi à l’un des deux types de serviteurs funéraires caractéristiques de Deir el-Médina : celui des figures «  filiformes   » , en bois stuqué et peint, à la taille comprise entre 15 et 20 cm, à la sculpture « grossière » et aux bras « traités sommairement », au texte réduit sur une « simple colonne » citant simplement le nom du propriétaire (ANDREU 2002, p. 296  : description et interprétation). Les traces de polychromie mises en évidence par la campagne de restauration de 2019 autorisent à voir dans le chaouabti Co. 2349 un objet de ce type. Des traces d’ocre jaune s’observant aux environs de la face, la figurine serait celle d’une dame, le teint des délicates maîtresses de maison égyptiennes étant en général plus clair que celui de leurs époux.

 

L’absence de décor et d’inscription rend la datation difficile. La perruque tripartite unie, aussi appelée «  perruque archaïque  » (Chaouabtis 2003, p. 26  : tableau des coiffures, genre n°1), existant à toutes les époques, elle n’est pas un critère probant. L’absence de pilier dorsal serait l’indice d’une fabrication antérieure à la Basse Époque, voire même avant la Troisième Période intermédiaire, période pendant laquelle se répand une position particulière des bras, l’un étant croisé et l’autre ballant le long du corps. Enfin, il n’a certainement pas été sculpté pendant la période amarnienne où le costume des vivants prime sur le suaire osirien (Chaouabtis 2003, p. 24). On notera que l’utilisation du bois, pour ce genre de mobilier funéraire, correspond plus particulièrement à une période comprise entre la XVIIème dynastie et la fin du Nouvel Empire, notamment avec des essences comme le tamaris (Chaouabtis 2003, p. 32 et ushabti.com, rubrique « Determine Age »), ce qui est le cas de la figurine du Musée Rodin.  

 

En conclusion, le chaouabti Co. 2349 proviendrait assez vraisemblablement de l’équipement funéraire d’une dame du Nouvel Empire, sans exclure néanmoins de l’ajouter à la longue liste des chaouabtis de Séti Ier. Datant vraisemblablement de la XIXème dynastie, il est probable qu’il faisait partie d’un ensemble de plusieurs chaouabtis, assez souvent réunis dans un coffret.  

Inscription

Anépigraphe, mais peut-être anciennement inscrit. 

Historic

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Meudon / pavillon de l'Alma / vitrine 5, 309, "Ushabti en bois peint. Une ligne verticale a presque entièrement disparu. Haut. 21 cent. Sans valeur."

Donation Rodin à l’État français en 1916.

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Masque de cercueil féminin

Égypte > provenance inconnue

Probablement Troisième Période intermédiaire > 1069-664 avant J.-C. 

[VOIR CHRONOLOGIE]

Bois polychromé

H. 30 cm ; L. 16 cm ; Pr. 10, 3 cm 

Co. 3394

 

Comment

State of preservation

L'objet est en assez mauvais état de conservation. Le bois, la toile et la polychromie sont altérés et portent notamment les stigmates d’une ancienne attaque d’insectes xylophages - plusieurs trous d’envol sont visibles, en particulier sur les côtés où le bois est dénudé -, ainsi que la trace de nombreuses moisissures blanches aujourd’hui stabilisées, spécialement sur les zones enduites de colle de peau. La toile de marouflage se détache en plusieurs points de son support et s’effiloche en bordure, tandis que les différentes couches picturales s’écaillent par endroits, laissant apparaître la toile, notamment sous l’œil droit, sur toute la joue gauche et sur le nez. La sous-couche préparatoire de couleur crème, visible sur le nez et le menton par exemple, est particulièrement pulvérulente.

Description

Ce visage provient d’un masque funéraire de femme, initialement intégré à la partie supérieure d’un sarcophage. La tête de la défunte est cernée d’une coiffe dite en « dépouille de vautour » dont il ne reste que la partie antérieure, surplombant son front, et le départ des ailes. Originellement attribut des reines, mères et épouses de rois, ou bien des déesses (VERNUS, YOYOTTE 2005, p. 422 : «vautour»), le port de cette coiffe très spécifique, en forme de vautour femelle, s’est progressivement stylisé et étendu aux sarcophages féminins. Elle est couverte d'un bandeau recouvert de pétales de lotus.

 

Malgré un état de conservation passable, les couleurs d’origine sont remarquablement préservées: la carnation et le plumage de la dépouille du vautour sont ocre ; la perruque, le fond du bandeau, les plumes du vautour, les sourcils et les yeux sont noirs ; le bandeau et la chevelure qui apparaît dessous sont actuellement bleus ; les contours de la coiffure sont ocre rouge. La tonalité claire du visage de la femme correspond au canon égyptien habituel, suivant lequel les carnations féminines sont plus pâles que celles des hommes.

 

L’objet est composite : à la pièce principale, que forment le visage et une partie de la coiffure, est assemblé un fragment de planche, maintenu par des chevilles en bois. Ce fragment a été arraché à une structure plus complexe d’ais assemblés. Deux morceaux de bois isolés sans numéro d’inventaire propre ont été associés au masque, mais ils n’en proviennent pas directement ; le plus gros est même moderne.

 

Les grands yeux soulignés d’un lourd trait de fard, les sourcils épais et courbés, le visage ovale et la carnation jaune doré sont caractéristiques de la production de sarcophages de la Troisième Période intermédiaire. Le cartonnage de dame Meresamon, musicienne du culte d’Amon, conservé à l’Ashmolean Museum d’Oxford (Inv. N° 1960.1288), qui date de cette même période, et plus spécifiquement de la XXIIIe (818-715 av. J.-C.) ou XXIVe dynastie (727-664 av. J.-C.), est stylistiquement très proche de Co. 3394. Si la carnation est plus foncée -ocre rouge, ce qui ne se conforme pas au canon de représentation des corps féminins -, il arbore les mêmes traits: sourcils épais, grands yeux cernés de noir, nez aquilin, visage ovale. La coiffure se prête également à la comparaison: le bandeau orné d’écailles cerne une dépouille de vautour, figurée par des points noirs sur un fond ocre jaune.

 

Une coiffure et un visage similaires se retrouvent sur les cercueils externes de la dame Taânetenmes, fille d’un prophète d’Amon de la même période (Musées Royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles, Inv. N° E.5890 a-c, cf. DELVAUX, THERASSE 2015, p. 114-119, fig. 30), même si la chevelure et le bandeau sont plus complexes. Ce cercueil, comme celui de Meresamon conservé à Oxford, a comme provenance attestée le site des nécropoles de Thèbes-ouest. On peut conjecturer que ce serait peut-être le cas de Co. 3394, même si sa provenance demeure inconnue. Le cartonnage de dame Meresamon et les cercueils de la dame Taânetenmes étant complets, ils permettent de comprendre globalement le cercueil d’origine auquel appartient le fragment du musée Rodin. Dame de la haute société, on peut supposer que la défunte anonyme du masque Co. 3394 était coiffée d’une délicate perruque tripartite dont les mèches retombaient jusqu'à la poitrine, elle-même recouverte d'une multitude de colliers polychromes. Le reste du corps était sans doute représenté enveloppé dans un linceul, et peint de diverses divinités protectrices.

Inscription

Anépigraphe. 

Historic

Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian en mai 1913.

Donation Rodin à l'Etat français en 1916.

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Seth

Sous sa forme de canidé couché

Égypte > provenance inconnue

Probablement Basse Époque > 664-323 avant J.-C. 

[VOIR CHRONOLOGIE]

Bois polychromé

H. 19, 3 cm ; L. 8, 5 cm ; Pr. 45 cm 

Co. 3397

Comment

State of preservation

L'état de conservation est passable. Le bois et la polychromie sont altérés. L'objet présente de nombreuses fentes, toutes dans le sens du fil du bois. La plus remarquable court sur le dos de l'animal. L'enduit ocre jaune, ainsi que la couche picturale sombre, se soulèvent et s'écaillent par endroits, laissant apparaître l'enduit préparatoire et le bois. On observe également la présence de petits agglomérats blancs et dendritiques, sans doute d'anciens champignons, aujourd'hui inactifs. Par ailleurs, de la terre de fouilles a été retrouvée, ponctuellement, collée à la couche picturale noire.

Description

Cette statuette en bois figure un canidé couché, la tête relevée, les oreilles et la queue dressées. On distingue, malgré l'altération générale du bois et de la polychromie, les couleurs d'origines. L’intérieur des oreilles, le contour des yeux et de la gueule, ainsi que le bout du museau sont ocre rouge-rosé ; le pelage de l'animal est noir ; la touffe de poils, placée à l’extrémité de la queue, est plus claire et a perdu sa polychromie d’origine.

 

Co. 3397 est très stylisé. Les oreilles, très hautes et assez larges dans leur partie inférieure, ont été sculptées dans un seul et même morceau de bois, ce qui leur confère une découpe en forme de croissant de lune. Le museau, fin et pointu, est particulièrement allongé. Les yeux, à peine suggérés, sont délimités par un surcreux en demi-cercle et un trait d'ocre rouge-rosé. Une couleur similaire figure le contour de la gueule de l'animal et sa truffe. Le reste du corps est assez fin, sans pour autant être délicat. Le sculpteur a pris la peine de représenter la ligne et la silhouette caractéristiques d'un canidé égyptien : un cou mince, des épaules larges, un corps épais au niveau des côtes mais s'affinant à la taille, le décrochement du poitrail, l'espace marqué entre le corps et les muscles des cuisses, l'arrière-train légèrement redressé, de longues pattes dotées d'une extrémité en forme de boule et dont les phalanges, légèrement creusées, se distinguent parfaitement et effleurent le bas des flancs.

 

L'animal est composé de huit morceaux de bois, assemblés les uns aux autres par un système de tenon-mortaise et de chevilles. Les assemblages étaient consolidés par un enduit ocre jaune. Ainsi, à la pièce principale -le corps-, sont rattachés la tête, les oreilles (formées d'une seule et même pièce), un élément de bois cylindrique composant le collier, les quatre pattes, et la queue. On remarque la présence de petites cavités parfaitement circulaires entre les deux oreilles, sous la patte antérieure droite (de 3 mm de diamètre), ainsi qu'entre les deux pattes arrières (de 5 mm de diamètre et de moins d'1 cm de profondeur).

 

La figurine Co. 3397 est certainement un dieu Anubis, tout comme Co. 2442 et Co. 2347, représenté sous sa forme de canidé. Le dieu Anubis, fils d'Osiris et de Nephtys, patron des embaumeurs, était le gardien de la nécropole et une divinité psychopompe, (CORTEGGIANI 2007, p.42-44 et YOYOTTE VERNUS 2005, p.126: « Anubis »). Cette statuette fait partie d'un mobilier funéraire, surmontant un sarcophage ou un coffre funéraire contenant généralement les vases canopes (CHAPPAZ CHAMAY 2002, p. 95). Les chiens domestiques ou sauvages de l’Égypte ancienne se caractérisent, pour la plupart, par une queue recourbée en spirale. Ce n'est cependant pas le cas du lévrier, dont les représentations restent rares (YOYOTTE VERNUS 2005, p. 167 et 544: « chien sauvage et chien domestique »). La position de la queue est inhabituelle. S’il est plus courant que la queue des statuettes d'Anubis-chacal couché retombe vers le sol, ou soit repliée vers le corps ou l'arrière-train, il n'est pas rare qu'elle se trouve dans le prolongement du corps (YOYOTTE VERNUS 2005, p.127: « Anubis »).

 

La longueur et la finesse inhabituelles du museau, de même que la forme particulière des oreilles et de la queue suggèrent plus fortement une identification de Co. 3397 à l’animal Séthien. Seth, dieu du désordre, de la tempête et du désert (CORTEGGIANI 2007, p. 501-505: « Seth ») est décrit comme un « canidé fantastique », semblable à un lévrier sauvage arpentant les contrées désertiques, à la queue dressée et fourchue, aux oreilles carrées terminées par des extrémités à angle droit, au museau long et recourbé (pour une scène désertique comportant la représentation d’un animal séthien, voir le décor peint sur les murs de la tombe de Baquet III datée de la fin de la XIème dynastie (Béni Hassan, tombe N° 15, paroi Nord, premier registre de la paroi Nord de la chapelle, in KANAWATI EVANS 2018, p. 25-26 et pl. 13 (a))). On constate que Co. 3397 arbore des similarités stylistiques avec une petite statuette en bois de canidé couché conservée au musée d'art et d'histoire de Genève, datant de la Basse Époque (664-323 av. J.-C.). Recouverte originellement d'une couche picturale noire, l’attitude de l’animal est identique, il possède des oreilles très hautes, élargies dans leur partie inférieure, un museau particulièrement long et pointu, de même que des extrémités de pattes en forme de boule (CHAPPAZ CHAMAY 2002, p. 95: figure 79).

 

Ainsi, cette statuette serait très probablement la représentation d'un animal séthien, réalisé à la Basse Époque (664-323 av. J.-C.).

Inscription

Anépigraphe. 

Historic

Acquis par Rodin entre 1893 et 1917.

Donation Rodin à l’État français en 1916.

 

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Masque funéraire de femme

Fin de l'Époque ptolémaïque ou début de l'Époque romaine > 332-30 avant J.-C. > 30 avant - 337 après J.-C.

[VOIR CHRONOLOGIE]

Bois polychromé

Tête : H. 24 cm ; L. 15,5 cm ; P. 8 cm

Cadre : H. 40 cm ; L. 30 cm ; P. 9,5 cm

Co. 3391

Comment

State of preservation

L'objet est en mauvais état de conservation. En effet, le bois, la polychromie et le cadre sont très altérés. Le bois est desséché et fendu sur l'ensemble de l'œuvre, au point que les traits du visage sont difficilement lisibles. Les fentes sont particulièrement remarquables sur le côté droit du visage, et la coiffure. La couche d’enduit préparatoire et la polychromie sont extrêmement lacunaires. Quelques amas pulvérulents subsistent néanmoins, notamment sur le côté gauche de la face, ainsi que sur une partie du nez, de la bouche et du menton.  Ils se soulèvent et se désagrègent au moindre contact. Le cadre de présentation moderne est endommagé : le velours est usé et tâché d'humidité, les clous de fixation oxydés. 

Description

Cette tête est un masque funéraire de femme, fixé sur un cadre en bois recouvert de velours. La polychromie d'origine du visage est extrêmement lacunaire : on remarque cependant, sur le côté gauche, le nez, la bouche et le menton, des amas d'enduit blanc et des tâches de couche picturale rouge.  

 

La tête est surmontée d'une coiffure haute, où les deux pans visibles de la chevelure sont réalisés en deux bandeaux, légèrement espacés. Ils sont bombés et larges. Les traits du visage sont difficilement lisibles ; au vu des légers surcreux laissés dans le bois, les deux yeux semblent grands et hauts placés sur la face. Le nez est long et aquilin. La bouche est petite, d'une largeur égale à la base du nez, mais les lèvres sont très pulpeuses. La lèvre supérieure avance sur la lèvre inférieure. Le front, dégagé, est haut et large, les joues droites, le menton rond et épais, dessinent un visage longiligne et étiré.  

 

Ce masque, image d'une défunte, était fixé sur la partie supérieure d'un sarcophage, à l'aide d'un système de tenon-mortaise. On remarque en effet six chevilles encore en place : deux dans le creux de chaque pan de cheveux, deux sur chaque tempe et deux de chaque côté de la bouche. Cette technique d’assemblage d’un masque, réalisé à part puis fixé sur un sarcophage, se rencontre par exemple pour le sarcophage de Ta-pu-sheret de la Glyptothek Ny Carlsberg de Copenhague, inventorié AEIN 299. Sur ce sarcophage, daté de ca 900-750 avant notre ère, le visage et une partie de la chevelure, au-dessus du front, ainsi que les deux mèches de poitrine de la perruque tripartite, sont des éléments rapportés, assemblés à l'aide de chevilles (JØRGENSEN 2001, p. 164-166 : le sarcophage de Ta-pu-sheret).  

 

Au vu des restes de polychromie, le masque Co. 3391 est à rapprocher de celle d’un fragment de tête de cercueil, M.P. 94.3.19, conservé dans la collection égyptienne du Musée de Picardie (PERDU, RICKAL, MAHÉO 1994, p. 31 : fragment d'une tête de cercueil). La carnation du visage d’Amiens, daté du Nouvel Empire (1550-1069 av. J.-C.), est blanche, les sourcils, le contour des yeux et les iris sont bleus, les paupières et la bouche sont rouges. Le défunt arbore sur sa perruque bleutée un double bandeau qui est orné de deux registres de carrés marqués d'un rond central, alternant avec des groupes de trois stries verticales bleu, blanches et rouges.  

 

La forme longiligne du visage rappelle celle de certains sarcophages d'époque romaine, à l'image du cercueil de femme EA 29587 conservé au British Museum à Londres et datant du Ier siècle avant ou après Jésus-Christ (JØRGENSEN 2001, p. 21 : sarcophage de bois peint). Sa face, de carnation blanche, arbore en effet de grands yeux noirs soulignés par de fins sourcils, légèrement incurvés aux tempes. Le nez est aquilin. La bouche, de la même largeur que la base du nez, est pulpeuse. Les joues sont droites et le menton, rond et fuyant, dessinent un visage fuselé.  

L'état de dégradation de Co. 3391 pourrait laisser supposer qu'il aurait été retrouvé en surface, peut-être dans la nécropole de Saqqara.  Ce masque funéraire de femme date de la fin de l'époque ptolémaïque (332-30 av. J.-C.) ou du début de l'époque romaine (30 av. J.-C.-337 ap. J.-C).  

Inscription

Anépigraphe. 

Historic

Acquis par Rodin entre 1893 et 1914..

Donation Rodin à l’État français en 1916.

 

Historic comment

Ce masque funéraire a conservé son encadrement ancien sur une planche de bois recouverte de velours marron. Ce montage est probablement antérieur à son acquisition par Rodin.

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Femme debout

Égypte > provenance inconnue

Première Période intermédiaire ou début du Moyen Empire > 2200-2033 avant J.-C. > 2033-1710 avant J.-C.

Bois polychromé

Statuette : H. 33,6 cm ; L. 5,5 cm ; Pr. 4,5 cm

Tête : H. 4,5 cm ; L. 2,7 cm ; Pr. 1,1 cm 

Co. 3396 (corps) - Co. 2309 (masque)

Comment

State of preservation

L'objet est en assez bon état de conservation, malgré l'altération du bois. En effet, la statuette présente sur son ensemble de nombreuses fentes longitudinales de dimensions irrégulières. Par ailleurs, des attaques anciennes d'insectes xylophages ont entraîné des pertes de matières, et laissé des traces caractéristiques, à savoir des galeries, des pulvérulences et des éclisses de bois, notamment sur le bras gauche, la main droite, la poitrine, les cuisses et le pied gauche.  

En outre, les différents éléments composant la statuette, hormis le pied droit, se sont détachés, à cause d'un collage trop fragile. Le bras droit a été cassé en deux morceaux. De plus, la couche picturale noire recouvrant l’objet présente des traces d’usure et est lacunaire. 

 

 

Description

La statuette Co. 3396 (corps égyptien) – Co. 2309 (masque indéterminé) représente une femme debout, les pieds joints, les bras ballant le long du corps, les paumes ouvertes contre les cuisses, montée sur un socle. Elle arbore une perruque étagée à boucles, très courte, dégageant les oreilles, ainsi qu'une longue robe moulante, dont le bas est visible au niveau des chevilles. L'œuvre a été recouverte d'une couche picturale noire, directement appliquée sur le bois. On remarque que le visage original de la statuette a disparu, et a été remplacé par un masque, de style et d’époque indéterminés 

 

La statuette est composée de plusieurs morceaux. Sur l'élément principal, le corps, ont été assemblés le masque, les deux bras et les deux pieds. Les traces du système d'assemblage ancien, habituellement visibles au niveau de la jonction des bras et des épaules, ainsi que des pieds et du socle, ont disparu. Cependant, il est fort probable que tous ces éléments aient été maintenus ensemble par un système de tenon-mortaise (cf. Objet Co. 0651). Aujourd'hui, seuls le corps et le pied droit ont été rassemblés.  

 

Le contraste entre la qualité d’exécution du corps, comparée à celles du masque, des bras, et des pieds est marquant. Ce qui reste de la tête laisse deviner une face de forme ovale et menue, que prolonge un cou délicat. Le buste est étroit, la poitrine menue, la taille fine, les jambes très longues. Le renflement des hanches et des articulations est à peine marqué. À l’inverse, les bras et les pieds rapportés semblent grossiers et légèrement disproportionnés. Le masque Co. 2309 qui est adjoint à la statuette évoque une influence étrusque. Le visage, triangulaire, est doté d'une frange bouclée, de grands yeux, d'un nez pointu et d'une bouche souriante. Du point de vue de la stylistique, il semble que les éléments rapportés, au moins le masque et les bras, sont modernes

 

Les statuettes en bois sont particulièrement difficiles à dater, car sujettes à des archaïsmes volontaires de la part des sculpteurs. S'il est malaisé de reconstituer la tenue de la jeune femme, la perruque courte étagée à boucles découvrant les oreilles (HARVEY 2001, p. 20 et 657 : critère Wf.4) reproduit un modèle daté de la fin de l'Ancien Empire (2700-2200 av. J.-C.). Cependant, le cou bien dégagé des épaules, de même que la silhouette longiligne, laissent supposer que cette statuette daterait de la fin de la Première Période intermédiaire (2200-2033 av. J.-C.) ou du tout début du Moyen Empire (VANDIER 1958, p.152). Une statuette presqu'identique, conservée au Metropolitan Museum of Art de New York (Inv. N° MMA 58.125.3), confirme cette hypothèse (HARVEY 2001, p. 508-509 : B69). Elle représente une jeune femme debout, les pieds joints, les bras ballants le long du corps, les paumes ouvertes contre les cuisses. Elle arbore la même perruque, sorte de calotte (SCAMUZZI 1966, planche XIII : description) épousant la forme du crâne, et présente la même silhouette élancée. On remarque cependant que les boucles de la coiffure sont plus nombreuses et serrées que celles de la statuette Co. 3396 - Co. 2309.

 

La statuette en bois Co. 3396-2309 daterait donc de la Première Période intermédiaire (2200-2033 av. J.-C.) ou du tout début du Moyen Empire (2033-1710 av. J.-C.)

Inscription

Anépigraphe. 

Historic

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 52, "Statue de femme nue debout les bras au corps. Perruque courte. Bois. Haut. 33 cent. Estimée 400 francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

Historic comment

La statuette fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

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Fragment de cercueil

Égypte > provenance inconnue

Époques tardives à période gréco-romaine > 1069-323 avant J.-C. > 332 av.-337 après J.-C.

[VOIR CHRONOLOGIE]

Bois polychromé

H. 28,6 cm ; L. 22,2 cm ; Pr. 10 cm

Co. 3436

 

 

Comment

State of preservation

L'état de conservation est très mauvais. Le bois est très altéré et fragile et chaque manipulation entraîne des pertes de matière. Une attaque d'insectes xylophages a laissé la face et les côtés du masque parsemés de minuscules trous d'envol. De longues fissures verticales s'étirent sur la surface du visage, en particulier au niveau des yeux, autour du nez et de la bouche. L’extrémité du nez manque, sans doute brisée suite à un choc ou bien fragilisée par le mauvais état de conservation du bois. 

 

Description

Ce masque est un élément de couvercle de cercueil, figurant le visage d'un défunt, auquel est rattaché un morceau de coiffure, fragmentaire. La polychromie d'origine, sans doute très colorée, est aujourd'hui indiscernable. 

 

Le visage, souriant, donne une impression générale de bonhomie. Les yeux en amande, grands et rapprochés, sont soulignés par un trait de fard figuré en léger relief, étiré aux tempes, et se terminant en une petite pointe sur la face interne de l'oeil. Les sourcils, longs et fins, eux aussi rehaussés par un relief, suivent la courbe de la paupière. Le nez, assez fin à la racine, s'épate largement à la base. L’extrémité manquante du nez fait paraître les narines anormalement dilatées. Les lèvres, épaisses, s'étirent en un grand sourire pointu et aux commissures très marquées. On remarque que la lèvre supérieure avance très légèrement sur la lèvre inférieure. Le front petit et fuyant, les joues pleines aux pommettes hautes, le menton menu mais assez rond, dessinent un visage rebondi et avenant. Les traits du visage ont sans doute été déformés par les conditions de préservation de l’objet. 

 

Deux chevilles de bois, fichées au sommet de la coiffure et au bas de la joue droite, indiquent que le masque Co. 3436 était un élément rapporté. Son épaisseur, de même que son revers plan et lisse, vierge de toute sorte d'enduit ou de couche picturale aujourd’hui, démontrent qu'il faisait partie intégrante de la partie supérieure d'un couvercle de cercueil. 

 

La datation du masque et la définition de son genre sont très difficiles. L'absence de cavité destinée à recevoir une barbe postiche, les traits pleins, à la rondeur très accentuée, de même qu'une certaine délicatesse dans le traitement du regard, pourraient faire pencher en faveur d'un visage féminin.   

La taille des yeux, l'épatement du nez et la plénitude des joues se retrouvent sur le sarcophage anthropoïde de Psamétik, fils de Sbarekhy, conservé au Musée des Beaux-Arts de Grenoble et datant probablement de l'époque saïto-perse, entre la Troisième Période intermédiaire (715/713-664 av J.-C.) et la Basse Époque (664-323 av. J.-C.) (KUENY YOYOTTE 1979, p. 106-110, fig. 125: Inv. N° 1996). Ce cercueil, en bois stuqué et peint, figure le défunt comme enveloppé dans son linceul, arborant des décors polychromes sur fond crème. Le visage, peint en vert, est cerné par une coiffure imposante, composée de raies noires et jaunes. L'écart entre la coiffure et les sourcils est très mince, tout comme Co. 3436. Néanmoins, le défunt porte une barbe postiche, et les traits de fard, de même que les sourcils, sont peints en noir sans relief. 

 

Le badigeon, aujourd’hui grisâtre, appliqué sur toute la surface du masque semble être bien plus qu'un simple enduit préparatoire destiné à supporter une polychromie, puisqu'il modèle et transforme quelque peu les traits du visage sculptés dans le bois. Ce type d'enduit, à l'épaisseur conséquente mais irrégulière, pourrait avoir été destiné à recevoir une dorure. C'est le cas, par exemple, du cercueil de Néhemsymontou, chef de bordée et matelot de la barque du temple d'Amon, conservé au château-musée de Boulogne-sur-Mer et datant de la Troisième Période intermédiaire (1069-664 av. J.-C.) (GOMBERT-MEURICE 2018, p. 231-233 : Cat. 118A, Inv. 1b  ; Inv. 29.840). Le défunt arbore une carnation dorée, les yeux et les sourcils sont rehaussés par un léger relief, et peints en noir. Les yeux sont grands, le visage plein, le nez assez large et la bouche souriante. Comme pour notre masque, l'écart entre la coiffure tripartite à raies noires et jaunes, surmontée d'une bande à motifs d'écailles bleu, blanc et rouge, et l'arcade sourcilière est relativement restreint. Cependant, encore une fois, il porte une barbe postiche. 

 

En supposant que le masque ait été originellement doré, il n'est pas impossible qu'il ait été un élément de cercueil gréco-romain, donc plus tardif, à la manière des momies découvertes dans l'Oasis de Bahariya (30 av.-337 ap. J.-C.). Une partie des masques de ces momies était en bois recouvert de plâtre et doré à la feuille. Le visage de l'un de ces masques est particulièrement ressemblant, (HAWASS 2000, p. 60-61), doté d'yeux larges et très rapprochés, de joues pleines, à la bouche très souriante, et au menton charnu. 

 

Le masque de défunte ou de défunt Co. 3436 semble difficile à dater. Il pourrait avoir été sculpté aux époques tardives (1069-323 av. J.-C.) ou pendant la période gréco-romaine (332 av.-337 ap. J.-C.). 

 

Inscription

Anépigraphe. 

Historic

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

Donation Rodin à l’État français en 1916.

 

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Porteuse d'offrandes

Égypte > provenance inconnue

Moyen Empire > XIIe dynastie

[VOIR CHRONOLOGIE]

Bois polychromé

H. 38,5 cm ; L. 11 cm ; Pr. 6,6 cm

Co. 2348

Comment

State of preservation

L'objet est en bon état de conservation. Cependant, le bois et la polychromie sont altérés. On note ainsi les traces d'anciennes attaques d'insectes xylophages sur la jambe gauche et la base. Par ailleurs, des fentes longitudinales s'étirent sur le côté droit du torse et du fessier, ainsi que sur l'épaule gauche. Le bois comporte de nombreux défauts, et un nœud important s'est détaché au niveau des cuisses sur la face avant. Les volumes ont été perforés. La cheville de bois maintenant la main droite au panier d'offrandes est cassée. Quant à la polychromie, elle est très lacunaire. Des fragments d'enduit et d'engobe se sont écaillés et soulevés sur l'ensemble de la statuette. 

Description

Cette statuette réalisée en bois représente une femme debout, les pieds joints, arborant une perruque boule lisse mi-longue couvrant les oreilles et portant un panier de victuailles sur la tête. Sa main droite maintient ce panier en équilibre, son bras gauche est ballant le long du corps, paume ouverte contre la cuisse. La femme est placée sur un petit socle. Ses jambes sont serrées, le pied gauche étant très légèrement avancé. Le bois était entièrement peint et les couleurs d'origine sont conservées: la carnation, la robe et les mèches de la perruque sont ocre jaune ; les sourcils, l'iris, sans doute le contour de l'œil, certaines parties de la robe et des bijoux, les poils pubiens et les sandales sont noirs ; la perruque est peinte en bleu clair ; les motifs en croisillons sur les côtés du panier, les offrandes amassées au sommet de ce dernier, certaines parties de la robe et des bijoux, ainsi que la base, sont rouges. 

 

Co. 2348 est d'une finesse et d'une délicatesse remarquables, en particulier dans les détails de la polychromie encore conservée. Les yeux, ronds et assez grands, sont placés haut sur la face. Ils sont soulignés par des sourcils fins et droits, légèrement incurvés aux tempes. Le nez, au profil un peu aplati, est mince. La bouche, de la même largeur que la base du nez, est petite et charnue. La lèvre inférieure est plus pulpeuse et moins avancée que la lèvre supérieure. Les joues pleines, aux pommettes hautes et légèrement saillantes, et le petit menton, dessinent un visage ovale, soutenu par un cou gracieux.

Le reste du corps est à l'image du visage, svelte et élégant. Le buste est long et étroit, la poitrine petite et pointue. Le sillon ventral et le nombril sont bien marqués. Les hanches aiguës sont indiquées par un léger décrochement descendant jusqu'au pubis triangulaire. La forme de ce dernier est accentuée par une ligne de traits verticaux d'ocre noir figurant la pilosité pubienne. L'entrejambe et le sillon inter-jambiaire sont eux aussi surlignés d'un trait d'ocre noir. Les membres, bras et jambes, sont longs et déliés. Les doigts et les orteils, aux ongles menus, sont délimités par un léger surcreux et soulignés d'un trait d'ocre rouge. Les articulations, spécialement celles des genoux, sont fines et bien marquées. 

Le panier est particulièrement riche en détails : hormis les motifs en croisillons d'ocre rouge sur fond jaune décorant les faces latérales, il arbore sur la face supérieure une série d'idéogrammes, également peints à l'ocre rouge, figurant en deux dimensions les différentes offrandes que contiennent le panier. Malgré le soulèvement de la polychromie qui rend la lecture difficile, on distingue encore une tête de bœuf et une oie troussée. 

 

Cette statuette est composée de plusieurs morceaux, assemblés grâce à un système de tenons et de mortaise. Sur l'élément principal, le corps, le panier d'offrandes, les bras et le socle d’origine, aujourd’hui disparu et remplacé par un socle moderne, ont été assemblés. Ainsi, une petite cheville transperce la paume de la main droite et se fiche dans le panier, afin de les maintenir ensemble. De même, des tenons sont encore visibles au sommet du crâne, fixant le panier à la tête, et dans la partie supérieure des bras afin de les fixer aux épaules. À l’époque contemporaine, les jonctions entre les bras et les épaules ont été couvertes de colle de peau afin de solidifier les assemblages. Cette colle, qui a débordé, recouvre une partie du bois et de la polychromie. Un système de tenon-mortaise était également utilisé pour emboîter la statuette à son socle, système reproduit sur le socle moderne. 

 

L'altération des couches picturales n'empêche cependant pas une restitution du vêtement et des ornements peints sur le corps de la jeune femme. En effet, des traces de pigments sous l'aisselle gauche, près du cou, sur les poignets, les chevilles et les pieds, laissent à penser que cette dernière arborait une robe fourreau très serré, maintenue par une bretelle unique passée sur l'épaule gauche. Sous la poitrine, un liseré court sur la robe, composé de deux fines lignes d'ocre noir et d'ocre rouge séparées par un espace d'ocre jaune légèrement plus large. On remarque également les traces de deux paires de bracelets de poignets et de chevilles. Les bracelets de poignets semblent composés d'une large bande noire enserrée par deux bandes plus fines d'ocre rouge ; et les bracelets de cheville, quant à eux, d'un large espace d'ocre jaune enserré par deux bandes plus fines d'ocre rouge. Elle est chaussée de sandales, peintes en noir. On distingue les lanières passant entre les orteils, de même que des séries de points de chaque côté des pieds, près de la jonction avec la base.

 

L'attitude et les accessoires sont caractéristiques des porteuses d'offrandes, à savoir, la personnification d'un domaine funéraire, placée dans la tombe d'un défunt pour lui apporter symboliquement la nourriture nécessaire à sa survie dans l'au-delà (cf. Co. 2346). Ce type bien particulier de statuaire se caractérise par la présence d'une corbeille posée sur la tête, maintenue en équilibre d'une main, l'autre bras reposant habituellement le long du corps, ou tenant un vase ou une volaille. Les porteuses d’offrandes sont vêtues d’une robe fourreau, moulante et très serrée (VANDIER 1958, p.147-148). 

 

La tenue et la perruque semblent caractéristiques du Moyen Empire. Il est courant que les porteuses d'offrandes de cette époque soient vêtues à la mode de l'Ancien Empire, à la manière des représentations des dieux et des déesses (HARVEY 2001, p. 20 et 656: mélange entre Wf.1 et Wf.3). Par ailleurs le corps fin et délié de Co. 2348, de même que sa silhouette élancée, se rapproche beaucoup plus du style du Moyen Empire (2033-1710 av. J.-C.). Notre statuette ressemble effectivement à  l'E10781 du Musée du Louvre, datant de la XIIe dynastie (1963-1786 avant J.-C.). Tout comme Co. 2348, la porteuse d’offrande du Louvre se tient debout, un panier d'offrandes sur la tête, une main le maintenant en équilibre. Elle est cependant clairement dans l'attitude de la marche, la jambe gauche en avant. Elle soutient le panier avec la main gauche et tient un vase dans la main droite. Autre différence, les offrandes sont matérialisées en trois dimensions dans le panier. On remarque néanmoins que le type de tenue, une robe fourreau moulante, et la coiffure, une perruque boule lisse couvrant les oreilles, sont similaires (Base atlas du Musée du Louvre: E10781, porteuse d'offrandes). 

 

Il semble donc que Co. 2348 date de la XIIe dynastie. 

Inscription

Anépigraphe. 

Historic

Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian entre 1910 et 1914.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 56, "Porteuse d'auge en bois stuqué et peint. Le stuc a disparu en partie. Haut. (sans le socle) 37 centimètres. Estimé 200 francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

Historic comment

La statuette fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

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HÉMEN

sous sa forme de faucon

Égypte > provenance inconnue

Probablement Basse Époque > 664-323 avant J.-C. 

[VOIR CHRONOLOGIE]

Bois polychromé 

H. 13,6 cm ; L. 10,6 cm ; Pr. 28 cm

Co. 651

Comment

State of preservation

L'objet est en bon état de conservation. Cependant, le bois et la polychromie sont altérés. Une longue fissure court sur le dos du faucon. La polychromie s'est soulevée et écaillée par endroits, laissant les couches picturales inférieures visibles. C'est notamment le cas sur la face, le poitrail, la partie supérieure des ailes, la queue et la patte gauche. 

Description

Réalisée en bois recouvert de polychromie, cette statuette figure un faucon debout, les ailes repliées dans le dos. Il s’agit vraisemblablement de l’image du dieu Hémen, seigneur de Héfat, une ville du 3nome de Haute Égypte située au sud de Louqsor et actuelle Moalla (CORTEGGIANI 2017, p. 192-193 : « Hémen »). On note que la polychromie d'origine a été altérée par l'ajout moderne d'une couche picturale grisâtre, écaillée et soulevée ça et là. 

Le faucon est presqu'à l'échelle. La tête, plutôt petite, présente un bec menu et des yeux ronds. L'état fragmentaire de la polychromie révèle le travail du sculpteur, mettant en particulier en évidence que les orbites sont légèrement saillantes dans le bois, et que le volume de l'œil est rendu par une boule d'enduit. Les longues ailes sont repliées, rattachées à un poitrail massif. Elles reposent, délicatement entrecroisées, sur une queue carrée, légèrement incurvée vers le sol. Les tibias, figurés avec leur fourrure, forment deux parallélépipèdes identiques. Ce faucon, au réalisme saisissant et parfaitement proportionné, donne une impression de finesse et de puissance. 

L'œuvre était constituée de plusieurs parties: au corps, sculpté dans un morceau de bois monolithe, s'ajoutait la partie inférieure des pattes, aujourd'hui disparue. On note la présence de trous de tenons modernes sur le revers de la queue, en bas à gauche, ainsi que sous le tibia gauche. 

 

La position caractéristique de l'oiseau et son absence de couronne suggèrent que la statuette Co. 0651 serait une représentation du dieu Hémen, l'une des nombreuses formes du dieu Horus, fils d'Osiris et d'Isis. Ce dieu justicier est réputé pour châtier les pilleurs de sépulture (CORTEGGIANI 2017, p. 192-193: « Hémen »). Les représentations de faucon sont habituellement assez colorées, surtout lorsqu'elles sont réalisées en bois (voir aussi Co. 2483). Il est cependant difficile, sans une analyse plus approfondie des différentes couches picturales, de restituer les pigments originaux. 

Les représentations du dieu Hémen en ronde-bosse sont assez exceptionnelles. Nous pourrions cependant comparer Co. 0651 avec une pièce connue du musée du Louvre, un ex-voto, inventorié E25276, offert par le pharaon Taharqa au dieu Hémen pour avoir fait cesser la famine qui s'était abattue sur l’Égypte (VANDIER 1955, p. 73-76). Cette œuvre représente le roi Taharqa, des vases dans les mains, agenouillé devant le dieu figuré sous la forme d'un faucon aux ailes repliées dans le dos, tenant un serpent dressé entre ses pattes. Tandis que la statuette du roi est en bronze et d'excellente qualité, celle du faucon, d’un style moins raffiné, est en schiste recouvert d'une feuille d'or. Ces deux statuettes sont encastrées dans un socle plaqué d'argent. Le dieu faucon du musée du Louvre, dont l'attitude est similaire à Co. 0651, a été réalisé au plus tôt à l'Ancien Empire (2700-2200 av. J.-C.), mais en tous les cas avant le règne du pharaon à l’image duquel ce groupe statuaire l’associe, Taharqa (690-664 av. J.-C., à la Troisième Période intermédiaire). Ainsi, tout comme le groupe E25276 du musée du Louvre, le faucon en bois Co. 0651 pourrait être un ex-voto, ou du moins, avoir fait partie du mobilier d'un temple. 

La datation de l'objet, de style archaïsant, est complexe, la Basse Époque (664-323 av. J.-C.) semblant le plus probable. Pattes et socle ayant disparus, nous ne savons pas si l’image du faucon était associée à celle d’un serpent. 

 

En conclusion, Co. 0651 serait une représentation du dieu faucon Hémen, probablement un ex-voto déposé dans un temple et datant de la Basse Époque (664-323 av. J.-C.). 

 

Inscription

Anépigraphe. 

Historic

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Meudon / Objets non en vitrine / atelier Tweed, 562, "Faucon en bois jadis peint. Les pattes manquent. Long. (de la tête à la queue) 30 cent. Haut. 14 cent. Estimé trois cent francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

Historic comment

L'objet était exposé en 1913 dans l'atelier Tweed à Meudon. 

Le sculpteur aimait le montrer à ses visiteurs : « ... Et cet épervier ! Rodin me montre un oiseau en bois de sycomore, et sa main se formant en cloche, le saisit doucement, dévotement, comme s'il avait peur de lui faire mal. « Regardez cette tête sans cou !... Un corps et le bec tout de suite !... C'est formidable !... Tenez ! il enfile les ailes ! Il va s'envoler ! » Et le maître, élevant l'oiseau, tourne sur lui-même comme pour lui faire fendre l'espace. « Les Égyptiens, continue-t-il, furent plus farouches que les Grecs, plus rudes peut-être, mais aussi grands. Les grecs ont été charmants : ils ont inventé la grâce. Mais les uns et les autres ont aimé la vie avec autant de ferveur : ils l'ont épiée et reproduite avec une égale sincérité. Voilà pourquoi je les mets sur le même rang. Ce sont mes maîtres : je n'aspire qu'à être leur très humble disciple » (GSELL 1er mai 1906, p. 94). S'agit-il de la même oeuvre vue par le critique Léon Maillard dans la maison de Rodin à Meudon-Bellevue en 1893 : « C'est à Sèvres que je vis pour la première fois un épervier, chef-d'oeuvre égyptien, en une matière inconnue, qui peut être du bois, qui peut être de la pierre, ou une combinaison céramique quelconque, un épervier que Rodin tenait entre ses mains, et qui était d'une si merveilleuse forme, d'une entente si harmonieuse, qu'il semblait encore tressaillir sous la caresse des doigts. Cet épervier, je l'ai revu maintes et maintes fois, et toujours j'ai ressenti une émotion semblable. C'est lui qui a fixé, pour moi, l'intense vision de Rodin, car il la possédait en entier par cette caresse. Je pense que les jours où la fatigue pouvait vaincre ses muscles, le sculpteur retrouvait sa force et sa direction en touchant les ailes palpitantes de l'oiseau éternel. » (MAILLARD 1899, p. 39).

Iil pourrait alors s'agir d'une des plus anciennes oeuvres de la collection, provenant peut-être des oeuvres exposées par Rodin avant cette date à la Folie Neufbourg.

 

 

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Amon - Min - Kamoutef ithyphallique

Égypte > provenance inconnue

Basse Époque > 664-323 avant J.-C.

[VOIR CHRONOLOGIE]

Bois polychromé

H. 19,2 cm ; L. 8,7 cm ; Pr. 6,5 cm

Co. 2451 (corps du dieu) - Co. 6254 (pieds du dieu et socle)

Comment

State of preservation

L'objet est en assez bon état de conservation. Cependant, des pièces sont manquantes ou cassées, et le bois, ainsi que la polychromie, sont altérés. Le piédestal sur lequel l’image du dieu était fixée et le flagellum qu’il brandissait dans sa main droite ont disparus.  
L'avant-bras droit est brisé en deux fragments et les pieds sont cassés au niveau des chevilles. L'assemblage du bras droit dans l’épaule n’est plus jointif et l’axe est légèrement mobile. Des fissures verticales s'étirent de chaque côté de la tête, ainsi que sur le côté droit du corps. On note la présence de fentes sur la face avant de la jambe droite, et sur le profil gauche des pieds. Enfin, on constate deux cavités circulaires, une sur l'épaule droite et l’autre dans le dos, au niveau de la hanche droite. La polychromie, quant à elle, est très lacunaire. Le bois et l'enduit préparatoire sont visibles. Les couleurs sont altérées : le blanc, en particulier, a jauni au fil du temps. Ce qui subsiste de la polychromie est fragilisé par un écaillage ancien.  

Description

La représentation ityphallique très particulière de la statuette Co. 2451 / Co. 6254 est celle du dieu Amon-Min-Kamoutef, debout sur un socle, les pieds joints. Son corps est enserré dans une gaine qui emprisonne les jambes et le bras gauche, et laisse libres la tête, le bras levé et le phallus. Bras gauche plaqué sur le corps, sa main gauche entoure, protège et maintient son sexe en érection. Son bras droit est relevé en équerre au niveau de la tête, main ouverte, paume tournée vers l'avant. L’un des attributs de Min, le flagellum brandit est aujourd’hui manquant et seul subsiste le tenon de maintien, qui traverse la main droite sous le majeur. Le dieu porte un collier, une barbe postiche tressée, et une coiffure complexe composée de deux hautes plumes fixées sur un mortier.  
 
Le visage, bien qu'abîmé, offre une impression de gravité et de sérénité. Les yeux, grands et arrondis, dont seul le droit a conservé les traits de peinture, étaient simplement dessinés en noir sur l'enduit blanc. Le nez, fin à la racine, s'épate légèrement à la base. La bouche, aux lèvres charnues, est bien dessinée. Les joues pleines et le menton épais forment une face bien proportionnée, large et puissante. Quoique de petite taille, l’image du dieu est forte, rassurante. 
 
Malgré l'altération de la polychromie, on perçoit aisément les couleurs d'origine. La statuette a été enduite d’une ou de plusieurs sous-couches préparatoires. La carnation, autrement dit le visage, le bras droit et le sexe, ainsi que la barbe postiche sont noirs. Le vêtement, un linceul de lin blanc,  est peint en blanc. Notons que la couleur noire a également été utilisée pour dessiner les yeux, et le collier sur fond blanc. Les deux plumes de la couronne arborent des motifs d’écailles, dessinés en noir sur fond blanc et en partie comblés de rouge. Ils figurent les sillons stylisés des plumes, qui encadrent un disque solaire central, peint lui aussi en rouge et cerclé de noir. La face arrière de la coiffe a été laissée blanche, sans ornement. Des traces d'ocre rouge ont été relevées à l'arrière du cou, de même que des grains d'or pigment au revers de la coiffe.  
 
Cette statuette est composée de plusieurs morceaux, assemblés grâce à un système de tenons et de mortaises, parfois chevillés. Sur le corps gainé du dieu, l’élément central de la statuette, les deux hautes plumes, le bras droit (en deux parties) et le sexe, caractéristiques de son image ont été ainsi assemblés. La main droite arborait originellement un flagellum (autre attribut caractéristique), aujourd'hui disparu, tout comme l'est le piédestal dans lequel devait s'enchâsser le tenon ménagé sous les pieds. On peut apercevoir des chevilles d'assemblage sur l'articulation du coude droit, réunissant les deux fragments du bras, et dans la paume de la main levée, qui maintenaient en place le flagellum. Le percement circulaire visible sur l'épaule droite se révèle être la cavité de l'ancien tenon reliant l'avant-bras au buste. Les deux hautes plumes s’insèrent dans une cavité ménagée en haut du mortier et le sexe, quant à lui, est simplement emboîté dans le corps par un système de tenon-mortaise.  
 
Le dieu représenté par cette statuette est la réunion de deux divinités : Amon, dieu des rois et seigneur de Karnak, et Min, dieu de la fertilité et seigneur de Coptos et d'Akhmî (CORTEGGIANI 2007, «  Amon  » en particulier p. 31-32 et « Min  »  p. 332-335). Les deux divinités sont en effet souvent associées pour ne former qu'une seule entité, Kamoutef, le «  taureau de sa m ère ». Selon Jean-Pierre Corteggiani, ce terme, faisant référence à la fonction génitrice des dieux, serait le nom d'une ancienne divinité cosmique locale qui, en s'unissant à sa mère, aurait engendré le soleil, sous la forme d'un jeune veau (CORTEGGIANI 2007, p. 332-335). Le dieu de Co. 2451 arbore donc la couronne d'Amon, ainsi que son vêtement enveloppant, mais adopte également les chairs noires de Min et son attitude ityphallique. Sans contexte archéologique, il est difficile de déterminer s’il s’agit en réalité d’une image d’Amon-Kamoutef seul, qui aurait dans ce cas les chairs bleues, ou d’une représentation de Min-Kamoutef seul, le dieu géniteur aux chairs noires, couleur du limon fertilisant du Nil. La collection égyptienne du musée Rodin conserve une autre image du dieu Amon-Rê-Kamoutef sur la statue théophore de Khâemouaset, premier prophète d'Amon, réalisée en grauwacke et datée de la période ramesside (Inv. N° Co. 965).
 
Il est probable que cette statuette ait été un ex-voto, déposé dans un sanctuaire en remerciement d'un souhait exaucé (ZIEGLER BOVOT 2011, p. 414 : voir la définition d'ex-voto). Il est difficile de dater précisément cette statuette. Le style incite cependant à proposer une réalisation de la Basse Époque (664–323 av. J.-C.).  

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Inscription

Anépigraphe. 

Historic

Acquis par Rodin auprès de l'antiquaire Joseph Altounian fin 1912.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 63, "Min ithyphallique debout le bras droit levé. Coiffé chez de deux plumes d'Amon. Bois stuqué et peint. Haut. (sans la base rapportée). 30 cent. Estimé 200 francs."

Donation Rodin à l'État français 1916.

Historic comment

La statuette fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

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