Ouchebti momiforme

Égypte > Provenance inconnue

Nouvel Empire, fin de la XIXe dynastie probablement (d’après le style)

[VOIR CHRONOLOGIE]

Terre cuite polychrome

H. 15,2 CM ; L. 3,3 CM ; P. 2,7 CM

Co. 2431

Comment

State of preservation

L’œuvre est en mauvais état de conservation. Toute la surface de l’objet est fortement érodée, ce qui a endommagé la peinture et arasé les éléments en relief, tels que les traits du visage, la perruque et les bras. En conséquence, le matériau d’origine – une argile de couleur ocre rouge – est apparent (cf. Co. 2416). Néanmoins, de nombreuses traces de polychromie sont conservées, notamment sur le haut du corps (voir description).

 

Les pieds de la figurine manquent, hormis un petit fragment situé à l’arrière. La partie inférieure des jambes a été cassée horizontalement, puis recollée. Un orifice et une trace de rouille, situés à la base de la statuette, indiquent qu’un tenon métallique était autrefois fiché sous les pieds ; il s’agit probablement des stigmates d’un système moderne de soclage, qui a fragilisé la figurine à cet endroit.

Description

Ouchebti en terre cuite polychrome (sur ce type de figurines funéraires, voir BOVOT, ZIEGLER 2003). Le personnage momiforme se tient debout. Le fragment recollé à l’arrière des pieds indique que cette partie était arrondie, comme sur Co. 2416. Les autres membres ne sont pas visibles, hormis les bras croisés sur la poitrine et le visage, qui ont été grossièrement modelés. L’objet était sans doute à l’origine entièrement recouvert de peinture aux tons soutenus (cf. Co. 2350). Les couleurs toujours présentes sont le noir (pour la perruque) et l’ocre jaune, couleur de la chair féminine. Le dos de la statuette est arrondi, aucun détail n’est visible hormis des traces de pigment noir sur la perruque.

 

La couleur ocre de la peau et la longueur de la perruque tripartite (dont les deux pans à l’avant descendent sur la poitrine) laissent suggérer qu’il s’agit d’une statuette funéraire de femme. Les traits du visage sont arasés, mais on discerne les cavités des yeux, toujours remplis d’ocre jaune.

 

Les deux bras sont croisés sur la poitrine, les deux mains ont les poings fermés et seul le pouce est apparent. Malgré l’état de conservation critique, il est plausible de restituer que la figurine tenant dans ses mains un instrument agricole.

 

La matière avec laquelle a été façonnée cette statuette est une argile ocre, mélangeant terre nilotique rouge et terre marneuse plus pâle. En surface, les inclusions minérales (dont des particules de mica) et végétales des dégraissants sont nombreuses et conséquentes.

 

L’objet à été moulé, cuit puis animé par un décor peint. La cassure au niveau des pieds permet de constater l’aspect calciné de la matière intérieure de la figurine. L’objet a été exagérément cuit.

 

L’ouchebti faisait partie de l’équipement funéraire des égyptiens aisés. Chargée de répondre à l’appel du défunt pour effectuer à sa place les tâches agricoles dans le monde des morts (transposition de celui des vivants), la figurine Co. 2431 devait à l’origine tenir dans ses poings fermés une houe, peinte de chaque côté le long des bras. Néanmoins, plus aucune trace n’est visible à l’heure actuelle.

Le matériau, la technique de fabrication et le style de la statuette Co. 2431 suggèrent une datation du Nouvel Empire. Les pieds arrondis sont caractéristiques de la fin de la XIXe dynastie, vers 1200 av. J.-C. (Source : https://www.ushabtis.com/chronological-overview/, 19th Dynasty.) Le plus proche parallèle est un ouchebti au nom de Djéhoutymès conservé dans une collection particulière. Le titre de ce grand dignitaire « Grand des cinq » (titre des hauts prêtres de Thot à Hermopolis), suggèrent qu’il était enterré à Touna el-Gebel, nécropole de la ville d’Hermopolis Magna.

Related pieces

Le musée Rodin possède deux ouchebtis de même matériau et de même style que Co. 2431, Co. 2416 et Co. 2350. Ce dernier, inscrit au nom de Kapachépès, est en meilleur état de conservation. Un autre ouchebti d’époque ramesside se trouve dans la même collection (Co. 2357). Réalisé en calcaire polychrome, il provient de l’équipement funéraire d’un certain Pentaour, grand dignitaire.

Inscription

Anépigraphe, en raison de l’état de conservation de l’objet. Il est cependant probable qu’une colonne d’inscription était tracée à l’avant de la figurine. Sur les deux ouchebtis associées, les Co. 2416 et Co. 2350, une colonne de hiéroglyphes est bien peinte en noir sur fond ocre, sur les jambes de la statuette.

Historic

Acheté par Rodin auprès du sculpteur Antoine Bourdelle le 14 décembre 1906.

Donation Rodin à l’État français en 1916.

 

Historic comment

Cet objet provient probablement d'Antoine Bourdelle, autre collectionneur et marchand. Ce sculpteur est assez peu connu pour cette activité, révélée par ses archives et en particulier son cahier de compte et un carnet titré « Objets libres », conservés au musée Bourdelle ainsi que ses lettres à Rodin, conservées au musée Rodin (Antoine Bourdelle, Auguste Rodin, Correspondance (1893-1912), Édition de Colin Lemoine et Véronique Mattiussi, Paris, Collection Art de Artistes, Gallimard, 2013.)

 

Le sculpteur se fournissait chez des antiquaires, ou plutôt des brocanteurs, tout au long de la route le menant vers son sud natal, Dijon, Clermont-Ferrand, Nîmes, Marseille, plus exceptionnellement en Suisse. A son retour à Paris, il revendait ces objets à différentes relations, dont Rodin dès 1897, avec un pic en 1906 : « Pour votre superbe Musée, j’ai trouvé chez des bric-à–brac et Antiquaires de Provence des Antiques, des bronzes, des pierres, des marbres, du fer, du bois, splendides, qui enrichiraient beaucoup ou un peu votre collection. » (Lettre de Bourdelle à Rodin, 7 novembre 1906, archives musée Rodin, BOU.843). En novembre, il écrivit encore de Marseille : « Mon cher Maître, J'ai reçu cinq cents francs. J'en ferai le mieux possible dans l'intérêt de votre musée. J'ai vu et acquis de si charmants morceaux. Je fais des démarches aujourd'hui pour un grand chapiteau de marbre. J'ai trouvé de vieux indos-chinois. [...] J'ai vu des splendides photos de sculptures égyptiennes chez Mr Foucard, l'éminent égyptologue qui vous fût présenté pendant que vous dessiniez Sisowath à Marseille. Croyez l'idée de ce monarque que l'épervier sacré défend ! à bientôt et bien dévoué. Bourdelle. » (Lettre de Bourdelle à Rodin, archives musée Rodin, BOU.843)

Le 4 novembre, Bourdelle ajoutait : Cher Maître, Je termine et je vais rentrer et venir vous voir = tous les soirs après le travail je vais, pour un de mes amis de Marseille, voir les Antiquaires. J'ai trouvé de très belles choses. Bronzes, terres, marbres, bois, Antiques, gothiques, Renaissance, Indou, Louis XIV et XV, [...]. (Lettre de Bourdelle à Rodin, archives musée Rodin, BOU.843)

Le 24 novembre, Bourdelle chantait son amour de l’art égyptien qu’il considérait comme un instrument de mesure de la beauté : « Mon cher Maître/ Quitté Marseille par un soleil bleu./ Rentrons par l’auvergne = vais revoir un moulage de sculpture gaulois belle comme de l'Égyptien./ meilleures amitiés cher Maître/ E. A. Bourdelle »(Carte postale de Bourdelle à Rodin, archives musée Rodin, BOU.843).

Le 12 décembre 1906, Rodin invitait Bourdelle à venir le voir à Meudon : « Mon cher Bourdelle, Je serai à Meudon vendredi toute la journée, mais si vous pouvez venir de très grand matin, nous serons plus tranquilles. Cordialement à vous et mes hommages à Madame. A. Rodin. (Lettre de Bourdelle à Rodin, archives musée Rodin, BOU.843).

 

Bourdelle recensait dans un cahier les objets égyptiens destinés à Rodin : « Porté par moi chez Rodin. 14 déc 1906 / Momie terre cuite Egypte 3 » Ou « Apporté à Rodin / 16 décembre 1906 / Momie terre Egyptienne 15 c hauteur sans couleur 12. » [...] « (Carnet Bourdelle, p. 1, archives musée Bourdelle). Bourdelle conserva dans sa collection une autre figurine similaire (Musée Bourdelle, MBCO612). Ces deux œuvres pourraient avoir été achetées ensemble chez l’antiquaire N. Rolland, tenant boutique 7 rue Sainte à Marseille dont la carte de visite retrouvée dans les archives du musée Bourdelle indique au revers : « Rolland/ deux peintures médaillon/ Deux terres égyptiennes/ Un bronze hindou/ Une miniature 40 F ovale/ Deux bonbonnières/ le tout deux cents avec grand cadre ovale bois sculpté et portrait peint/ tête de camé antique. »

 

 

Les prix étaient très bas et les objets de faible qualité. Bourdelle fit-il de ce commerce un gagne-pain, lui qui travaillait alors pour vivre comme praticien de Rodin ? Sans doute l’envisageait-il davantage comme un lien d’amitié avec un artiste dont il souhaitait se rapprocher en satisfaisant son obsession collectionneuse. Rodin lui demanda en 1906 de cesser ses envois pour consacrer son argent à sa sculpture (Lettre de Auguste Rodin à Antoine Bourdelle, 17 décembre 1906, Archives musée Bourdelle, Correspondance, p. 204).  Au sein de la collection de Rodin, les œuvres acquises de Bourdelle apparaissent comme un lot exogène, petits objets sans valeur et parfois en mauvais état. Elles ne trouvaient aucun équivalent dans les objets achetés par Rodin chez les antiquaires, mais peuvent être reliées aux petits antiques exposés dans les vitrines du musée Bourdelle. (B. Garnier, "Le language de l'antique, Antoine Bourdelle, Auguste Rodin, Anatole France, Elie Faure", Bourdelle et l'antique. Une passion moderne, Paris, 2017, p. 30-35)

 

 

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