Baubo

Égypte probablement > Provenance exacte inconnue, probablement Basse Égypte

Époque Héllénistique et romaine

[VOIR CHRONOLOGIE]

Terre cuite

H. 6,6 CM ; L. 6,5  CM ; P. 3,7 CM

Co. 2798

Comment

State of preservation

L'œuvre est en mauvais état de conservation. Elle est cassée au niveau du cou et du pied droit. La tête est manquante et la cassure s’étend entre l’épaule droite et la base du cou, jusqu’au sommet de l’épaule gauche. La terre cuite se fendille en surface sous le bras droit et sous les deux fessiers. De légers éclats sont visibles en surface.

Description

La figurine représente une femme nue, en position accroupie, exhibant ses parties intimes. Elle est stable et ne nécessite pas de support extérieur. Une large perforation circulaire traverse la figurine de part en part, sur toute sa longueur.

La tête de la femme a disparu. Son bras droit repose sur un support indéterminé, sa main droite tenant un récipient, posé sur le genou droit. L’orifice de ce vase est tourné vers le bas. Son bras gauche pend le long du corps, le coude reposant sur la cuisse gauche et la main touchant le haut du pubis. La représentation de la main est délicate et soignée et les proportions de chaque orteil sont respectées. Ses bras, potelés, sont richement parés. Sur le bras droit, un bracelet à deux rangs est mis en valeur sous l’épaule, et un jonc à un rang orne le poignet. A gauche, un épais bracelet à un rang est glissé sous l’épaule et au poignet. Les doigts sont tous représentés. Les seins sont ronds, larges et évasés mais peu saillants. Les mamelons sont figurés grâce à deux petits orifices peu profonds, au milieu de chaque sein. Entre les deux seins, on remarque la présence d’un ornement constitué d’une boule saillante surmontant un disque plus large. Ce médaillon semble avoir été maintenu à l’aide de rubans croisés autour de la poitrine, dont une partie serait encore visible de part et d’autre sous les aisselles et au-dessus des seins. Le vase plastique en terre cuite d’époque romaine du musée du Louvre N° E. 20767 présente une suspension de ce type (DUNAND 1990, p. 207 N° 567). Au niveau de la cage thoracique, de légères ondulations matérialisent des bourrelets de chair. Le bassin est large, le ventre volumineux et saillant. En son centre, une légère incision marque le nombril. Etroite et peu profonde, elle adopte la forme d’un triangle dont la pointe est tournée vers le bas. Au-dessus, un léger pli accentue l’effet volumineux du ventre. Deux replis de chair rejoignant les deux hanches séparent le bas-ventre du pubis et mettent en valeur la rondeur du ventre. Le triangle pubien est profond. Une incision large mais peu profonde marque les parties génitales. Les cuisses sont larges ainsi que les mollets, collés contre elles. Le pied droit est cassé est le pied gauche est trop émoussé pour que l’on puisse y distinguer si les orteils ont été figurés. Un double bracelet orne chaque cheville. La surface sous la figurine a été aplanie avec un instrument de type couteau afin d’en assurer la stabilité en position dressée.

 

La figurine a été confectionnée dans un moule bivalve dont les traces de suture sont encore bien visibles. Les ornements visibles en partie antérieure (collier et bracelets) n’ont pas été gravés dans le moule postérieur. Au revers, les bras ne sont pas directement collés au corps et l’espace entre les bras et le corps n’a pas été évidé. Les omoplates sont saillantes. Juste au-dessous, on observe la figuration d’un léger creux, matérialisant la cambrure naturelle du dos. Entre les omoplates et le bas du dos des ondulations figurent, comme au niveau du ventre, l’imposante masse corporelle de la figurine. Deux ronds sont profondément marqués au niveau des lombaires. L’assise de la figurine est particulièrement charnue. Un large sillon souligne l’espace interfessier. Pour mettre en valeur la silhouette volumineuse, il s’affine jusque sous la figurine. Les fessiers ont été modelés de façon à permettre à la figurine une position assise et la base a été aplatie avec un instrument afin d’en assurer la stabilité.

 

La statuette Co. 2798 appartient au type des figurines « Baubo », apparues à l’époque ptolémaïque en Egypte jusque pendant la période romaine. Suivant une iconographie grecque ou gréco-romaine, les Baubos retrouvées en Egypte proviennent en très grande majorité de Basse Egypte, principalement d’Alexandrie et de Naucratis ainsi que du Fayoum. Les lieux et contextes de découverte sont variés, casernes, temples ou ateliers. La majorité des figurines de type Baubo fabriquées en Egypte sont réalisés en terre cuite moulée. Mais des exemplaires de la même époque existent également en faïence égyptienne (Metropolitan Museum of Arts sous le numéro d’inventaire 15.43.329) et en verre (British Museum sous le numéro d’inventaire 18,710612.22), retrouvées en Egypte mais de fabrication phénicienne. Ces figurines sont toutes représentées nues, jambes écartées et exhibant leur sexe. La position exacte des mains et des bras varie d’une figurine à l’autre. Certaines sont dépourvues de tête, d’autres peuvent chevaucher un sanglier, d’autres encore jouent de la harpe (type incluant également des figurines où la tête est placée au-dessus de la vulve).

 

Le nom de « baubo » fait référence à la version orphique du mythe de Déméter, rapportée par Clément d’Alexandrie. L’hymne raconte que la déesse, désespérée par l’enlèvement de sa fille Perséphone par Hadès, trouve refuge à Eleusis où elle est recueillie par Baubo. Celle-ci l’invite à boire, mais essuie un refus de la part de Déméter. Elle décide alors de soulever ses jupes, lui dévoilant ainsi ses parties intimes. De surprise, la déesse éclate de rire, surmonte sa douleur et accepte la boisson. La découverte de figurines représentant chacune une femme dont le visage est posé juste au-dessus de la vulve datant de la fin du IVème siècle av. J.-C. dans les vestiges du temple de Déméter à Priène incita les archéologues à donner leur donner le nom de Baubo, bien que ces figurines n’immortalisent pas le geste de dévoiler ostensiblement ses parties génitales tel que rapporté dans l’hymne orphique de Déméter. Les statuettes découvertes en Egypte reçurent également le nom de Baubo, leur posture rappelant plus clairement celle de la déesse Baubo dans le mythe orphique.

 

L’obscénité apparente de ces figurines ne doit pas les cantonner aux catégories d’objets à caractère exclusivement érotique. En effet, plusieurs représentations féminines offrant ostensiblement leur sexe à la vue de tous, écartant parfois même ses lèvres à pleines mains, existent dans différentes cultures et à différentes époques. On peut citer, à titre d’exemple, la déesse indienne de la ferilité Lajja Gauri (une de ses représentations est conservée au Metropolitan Museum of Arts sous le numéro d’inventaire 2000.284.13) dont les attributs divins sont précisément symbolisés par son exhibition sexuelle.

 

Les figurines de type Baubo découvertes en Egypte sont à remettre dans le contexte de la longue et riche évolution des figurines féminines nues d’Egypte. Dès le Moyen Empire, un certain nombre de types de figurines féminines font leur apparition en Egypte. Représentées nues, ces femmes sont, au contraire des Baubos, longilignes et dépourvue de toute obscénité, en dépit de leur nudité. Une autre grande catégorie est connue en Egypte, c’est celle des figurines féminines nues accompagnées d’un enfant allaitant. Dans les deux cas, elles sont liées à la fertilité et possèdent des fonctions protectrices et régénératrices aussi bien pour les vivants que pour les morts. A la Basse Epoque apparaît une nouvelle catégorie de figurines, préparant l’apparition des Baubos. Il s’agit d’un type de figurine jambes écartées présentant une vulve, prémisse des figurines de l’époque ptolémaïque. Un exemplaire est conservé au British Museum sous le numéro d’inventaire 1965,0930,954. Certains Baubos sont pourvus d’un orifice ou d’une bélière au sommet du crâne permettant de les suspendre et peut-être de les porter sur soi comme des amulettes puisqu’il s’agit d’objets de petite taille. Il semblerait donc qu’on ait affaire à des figurines garantissant la fertilité, la protection et la régénération, à l’image des précédentes figurines égyptiennes connues jusqu’à lors. La possibilité d’une grossesse expliquerait la corpulence des figurines. Les figurines de type Baubo sont donc à comprendre à la fois comme une étape fondamentale de la longue évolution des figurines féminines égyptiennes ainsi que comme une tradition hybride, mêlant des influences grecques évidentes, à des traditions égyptiennes et sans doute aussi des influences orientales, aux fonctions apotropaïques.

 

La figurine Co.2798 s’inscrit dans cette tradition de la piété personnelle. Elle tient dans la main droite un vase renversé, duquel semble s’échapper un contenu difficile à identifier. On ne peut s’empêcher de faire un rapprochement avec les figurines d’Harpocrate où le dieu plonge sa main dans un pot, symbolisant ainsi la prospérité (un exemple est conservé au Metropolitan Museum of Art sous le numéro d’inventaire 89.2.2002). Cet élément ne fait que renforcer et confirmer la vocation de la figurine Co. 2798 à apporter prospérité et fertilité à son détenteur par le pouvoir vital du sexe féminin.  

La collection égyptienne du musée Rodin possède trois autres figurines de type Baubo conservées sous les numéros d’inventaire Co. 2714, Co. 6120 et Co. 6091.

Inscription

Anépigraphe.

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