Thot accroupi

Égypte > provenance inconnue

Nouvel Empire à postérieur

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. : 4,4 CM ; L. : 2,8 CM ; P. : 2,5 CM

Faïence siliceuse à dominante verte

Co. 2311

Comment

State of preservation

L'œuvre est en bon état de conservation. Des cassures anciennes sont cependant visibles sur la partie droite du crâne et le côté gauche de la base. Des éclats plus récents sont présents à l’avant, sur la partie gauche du museau et l’angle gauche de la base. Ces éclats permettent d’observer l’aspect gris-vert d’origine du matériau.

 

Description

Sur cette figurine, un babouin est représenté en position accroupie. Il est assis sur une base, queue repliée sur le côté droit et pattes antérieures posées sur ses genoux. Les phalanges et les  orteils sont soigneusement individualisés. L’animal est assis sur ses ischions (partie inférieure de l’os iliaque), protégés par d’épaisses callosités fessières, callosités qui sont colorées sur l’espèce vivante. Ses parties génitales, largement étendues, reposent sur le sol. Cette insistance sur son pénis répond à la culture égyptienne, où la vitalité sexuelle attribuée au babouin lui attribue un rôle apotropaïque (VERNUS, 2005, p. 622). Les traits, finement sculptés, démontrent la dextérité de l’artiste et sa connaissance des caractéristiques de l’espèce représentée. Ainsi, le museau du singe représenté est semblable à celui d’un chien. Allongé et glabre, les narines sont situées à son extrémité. Le faciès du singe est également réaliste. La visière (bourrelet osseux qui surmonte l’œil), les crêtes sourcilières et occipitales accentuées de cette figurine correspondent bien à celles d’un babouin. Les oreilles sont placées de face, devant deux épaisses touffes de poil implantées à l’horizontale, caractéristiques à l’espèce. De longues mèches recouvrent son crâne aplati et retombent verticalement sur ses épaules. La matérialisation du pelage adopte un sens naturel (touffes dressées à l’horizontale de part et d’autre du visage, allongées à la verticale sur la tête du primate). Cette crinière, qui  se termine par deux pans qui s’étirent avec élégance sur les épaules, est le seul élément  matérialisé du pelage, le reste du corps ayant été laissé lisse, y compris le camail (épaississement du pelage en forme de cape). L’espèce représentée serait un babouin « doguera » ou babouin « olive », le Papio anubis doguera, plus grand que l’espèce prépondérante (le Papio hamadryas) dont le pelage, moins épais, laisse ses oreilles découvertes (sur les deux espèces, voir OSBORN, OSBORNOVÁ 1998, p. 32-37 (Papio hamadryas) et 38-30 (Papio anubis). Le nom français de « babouin » dériverait du nom du dieu égyptien Baba (ou Bébon). Baba, dieu de la force virile, est cité dès les Textes des Pyramides (CORTEGGIANI 2007 p. 72-74). Singe coloré,  son phallus surdimensionné servait de verrou pour les « portes du ciel », c’est-à-dire les vantaux des tabernacles où les statues divines étaient exposées (voir Les Portes du Ciel 2009 (ETIENNE Marc dir., Les Portes du Ciel. Visions du monde dans l’Egypte ancienne, Paris, 2009).

 

Une perforation cylindrique de moins d’un centimètre est visible au sommet de la tête. Derrière cette perforation, l’amorce d’une suspension subsiste. Il est probable d’y voir un système permettant d’insérer et de maintenir une coiffure (s’il s’agit d’une effigie de Thot, la coiffure de la figurine Co. 2311 serait assez probablement composée d’un disque lunaire). D’autres figurines présentant ce même type de perforation ont été retrouvées à l’instar de la UC60051 conservée au Petrie Museum ou de la W1329 conservée à l’Egypt Center de Swansea. L’ancien numéro d’inventaire de l’objet, DRE 193, correspond à la Donation d’A. Rodin à l’Etat français.

 

Cette statuette est très vraisemblablement une effigie de Thot. L’image qu’elle présente de l’hypostase du dieu est classique. La morphologie du babouin est réaliste, sa position accroupie correspond également aux autres figurines et statuettes du dieu. Divinité ancienne, Thot est le dieu de la connaissance, de l'écriture, qui fixe le destin et calcule le temps. Thot consigne par écrit tout ce qui est important dans la vie et dans la mort et assiste à la pesée du cœur du défunt. Grand juge divin, Thot est étroitement associé à la lune.

Si le premier animal emblématique du dieu est l’ibis (oiseau dont le pas saccadé aurait été mis en relation par les anciens égyptiens avec le calcul, la mesure et la connaissance précise, qualités attribuées au dieu Thot), le second est le babouin. Cette association au babouin remonte au Nouvel Empire et a pour origine la ville d’Hermopolis, où Thot a supplanté l’ancien dieu-singe Hedjour. Les représentations de babouins ont été retrouvées en grand nombre dans les sanctuaires dédiés à Thot. Les nécropoles de babouins momifiés, notamment dans la région thébaine, illustrent les liens étroits et sacrés unissant le primate au dieu de la connaissance. Thot représenté sous sa forme de babouin ne possède que très rarement un corps d’homme, contrairement à la forme ibis de Thot qui présente très souvent un corps humain (cf la figurine musée Rodin Co. 2332).

L’association de Thot avec le soleil tiendrait au fait que les égyptiens avaient remarqué les postures et mimiques des babouins, réunis en groupes bruyants au lever du soleil afin de rappeler les limites de leur territoire. Voir, par exemple, la surprenant gestuelle des quatre babouins adorant le soleil levant, toutefois différent de Thot, provenant du socle de l’obélisque oriental de Ramsès II à Louqsor (face sud-ouest), conservée au Département des Antiquités égyptiennes du Louvre (Inv. N° N 381 = D 31, Elisabeth DAVID, et BOVOT Jean-Luc, Des animaux et des pharaons 2014, notice 365 p. 330-331 (GUICHARD Hélène dir., Des animaux et des pharaons. Le règne animal dans l’Egypte ancienne, Lens, Barcelone, Paris, 2014).

 

On peut envisager une fonction votive à la figurine Co. 2311, placée dans un sanctuaire dédié au dieu. On peut aussi lui attribuer une fonction plus apotropaïque et lui concevoir une provenance domestique ou funéraire.



Un grand nombre de figurines semblables à la Co. 2311 sont conservées dans différents musées à travers le monde. Les matériaux utilisés sont variés et ces objets semblent avoir été fabriqués durant une très grande partie de l’histoire égyptienne antique. Les trois figurines suivantes présentent des similitudes avec la Co. 2311 : Musée du Louvre AF 2317 ; Swansea Egypt Center W1329; British Museum 1888, 0601.78.

Related pieces

La figurine de Thot accroupi sous sa forme de babouin musée Rodin Co. 817 est à rapprocher de la figurine Co. 2311.

 

Inscription

Anépigraphe. 

Historic

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 193, "Petit cynocéphale accroupi sur une base en terre émaillée aujourd'hui recouverte d'une patine presque noire. L'oreille droite est cassée. Epoque thébaine. Haut. (sans le socle moderne). 42 millimètres. Estimé deux cent francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

Historic comment

L'objet fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

 

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