Égypte > provenance inconnue
IIIe-IVe siècle ap. J.-C. ?
H. 11,3 cm ; l. 4,8 cm ; P. 1,9 cm
Os, humérus gauche de bœuf, face latérale
Co. 2086
Égypte > provenance inconnue
IIIe-IVe siècle ap. J.-C. ?
H. 11,3 cm ; l. 4,8 cm ; P. 1,9 cm
Os, humérus gauche de bœuf, face latérale
Co. 2086
Une lacune importante a fait disparaître la plus grande partie du visage du satyre et a généré un réseau de fentes longitudinales, suivant, pour l’une, le contour de l’épaule de la figure masculine. La partie inférieure de l’applique est cassée en biais. Quelques courtes fentes courent près du bord dextre, sur les pans de la nébride et sur la cuisse droite. La surface de l’œuvre, – précisément le buste et le bras droit du satyre –, semble constellée de stigmates laissés par des radicelles lors d’un enfouissement prolongé de l’œuvre. Au revers, l’intérieur de la cavité médullaire offre un aspect crayeux. Deux fissures produites par la cassure en partie supérieure, se développent côté dextre : la première contourne les crêtes des trabécules, la seconde s’ouvre dans l’épaisseur du bord dextre. On remarque également une fente dans le sens radial, sur le chant sommital, et une petite fente partant du sommet du bord interne senestre.
Tout en avançant vers la gauche, le jeune satyre détourne le regard vers l’arrière, ce qui génère une brusque torsion de la tête et un étirement de la partie supérieure du buste. Cette pose est également adoptée par les figures des appliques Co. 2056, 2058, 2081, 2201, 2275 du musée Rodin. À la différence de ces satyres qui tiennent une outre de vin sur l’épaule, une grappe de raisin ou l’anse d’un petit panier, il supporte par le fond une haute corbeille en osier remplie de fruits globulaires. Si les érotès porteurs de corbeilles peuplent souvent les faces de sarcophages romains, l’oreille au pavillon pointu et la musculature exacerbée du personnage plaident ici en faveur de l’identification d’un satyre. De son visage ne demeurent que son oreille gauche, qui s’apparente bien à celle d’un faune, et quelques mèches bouclées de la chevelure courte qui la bordent. La façon dont sont décrites les boucles serrées de la coiffure n’est pas sans rappeler la chevelure des satyres des appliques Co. 2058 du musée Rodin, AF 6570 du département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre (QUONIAM, CHARLES-PICARD 1970, p. 186, n° 243) et 18931 du musée Benaki (MARANGOU 1976, p. 96, n° 51, pl. 14c).
Les muscles très développés du bras offrent un contraste appuyé avec le reste du torse à l’aspect plus juvénile. La position des jambes – dans la limite de ce qu’on peut observer – accompagne la torsion du buste. Les muscles saillants et fermes de la cuisse droite et du mollet gauche concourent à faire naître le même sentiment de vigueur et de solidité que le biceps du bras droit. Derrière la figure retombe une peau animale, dont les trois pans déchiquetés, marqués en leur centre par une nervure, entretiennent une parenté formelle avec la nébride sculptée sur le seul fragment d’applique conservé au musée Rodin représentant le dieu Pan (Co. 2143).
Le haut panier que soutient la main droite du satyre offre une paroi de vannerie tressée traduite par des lignes obliques, renforcée à la base, en partie médiane, et au bord, par des cordons (DELASSUS 2020, p. 51 n. 18, p. 82 fig. 11). Le même type de panier est observable sur l’applique au dieu Pan précédemment citée, et sur une applique sculptée d’un éros de la collection d’A. Rodin (Co. 2178). Sur une applique autrefois conservée aux musées de Berlin (I. 2882 : WULFF 1909, p. 113-114, n° 394, pl. XVII), on distingue un panier au dessin de vannerie plus élaboré et contenant des fruits charnus, porté assez bas, par une figure de satyre. La similitude de l’attitude du jeune compagnon de Dionysos, ainsi que la présence d’une corbeille au corps évasé, permettent de rapprocher notre pièce de deux éléments sculptés. Malgré leur forme quadrangulaire et leur faible relief, une pièce du musée national de Port-Saïd, autrefois au musée du Caire (STRZYGOWSKI 1904, p. 184-185, n° 7092) et une seconde, du Landesmuseum de Mayence (PJG 335 : HEIDE, THIEL 2004, p. 160-161, III. 5.6), frappent par leur proximité iconographique. Une troisième pièce, faisant partie des collections du musée royal d’Art et Histoire de Bruxelles (05046), présente une forte ressemblance avec la nôtre en dépit de son état fragmentaire.
Par son relief prononcé et la justesse de proportions du corps du satyre, cette pièce figure parmi les appliques de forme convexe les plus abouties parmi la série ornée d’un satyre conservée au musée Rodin. L’applique du musée du Landesmuseum à l’iconographie analogue a été datée du IVe-Ve siècle, mais dans le cas de l’exemplaire du musée Rodin, la qualité de facture et la sûreté du modelé invitent à songer à une réalisation légèrement plus précoce, au cours des IIIe et IVe siècles.
Comparaisons
-Athènes, musée Benaki, 18931 (coiffure).
-Bruxelles, musée Art et Histoire, 05046 (iconographie).
-Mayence, Landesmuseum, PJG 335 (iconographie).
-Paris, musée du Louvre, DAE, AF 6570 (coiffure).
-Paris, musée Rodin, Co. 2058 (coiffure), Co. 2178 (nébride).
-Port-Saïd, musée national, anciennement au musée du Caire, n° 7092 (iconographie).
Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.
Égypte > provenance inconnue
IVe siècle ap. J.-C. ?
H. 6,62 cm ; l. 3,15 cm ; P. max 2,4 cm
Os, humérus gauche de bœuf, face latérale
Co. 2081
Ne subsiste de l’applique que sa partie supérieure dextre. La partie inférieure du personnage est manquante, de même que ses bras. De nombreux petits éclats sont venus endommager le chant sommital. Les profondes trabécules visibles sur la face interne abritent encore des sédiments et des concrétions.
Malgré l’état extrêmement fragmentaire de cette pièce, il est possible de reconnaître un personnage masculin à la chevelure volumineuse. Son buste, vu de trois-quarts, est tourné vers la gauche alors que la tête, a contrario, regarde vers la droite. Il semble que le jeune homme soit en train d’effectuer une volte-face, comme un grand nombre de satyres sculptés sur les appliques en os de la fin de l’Antiquité. Sa position est identique à celle du faune porteur de corbeille du relief Co. 2086 du musée Rodin. La figure de notre applique tendait en effet le bras droit pour supporter un objet. Plusieurs déclinaisons de ce type iconographique s’observent sur quelques reliefs : une pièce exposée au musée national de Port-Saïd, autrefois au musée du Caire (STRZYGOWSKI 1904, p. 184-185, n° 7092), une applique du Landesmuseum de Mayence (PJG 335 : HEIDE, THIEL 2004, p. 160-161, III. 5.6), et un fragment de placage en os abrité au sein du musée d’Art et Histoire de Bruxelles (05046). L’exemplaire conservé au musée gréco-romain d’Alexandrie sous le numéro 12010 propose aussi une figure à la position analogue (BONACASA-CARRA 2012, p. 40, 44, fig. 1). Enfin, sur une applique préservée sur toute sa hauteur du musée Benaki (18938 : MARANGOU 1976, p. 94-95, n° 44, pl. 13b), un satyre tient à l’aide de son bras droit, levé assez haut devant son buste, ce que L. Marangou identifie comme un tympanon, mais qui pourrait correspondre à une corbeille plate en partie renversée ou à une grande phiale.
S’il n’est pas exclu que notre satyre ait pu tenir une corbeille en osier, l’extrémité de la forme ovoïde que l’on distingue à gauche de son visage, laisse à penser qu’il pouvait également retenir une outre par le col. Bien que la plupart des satyres aient recours au même bras pour supporter le poids de l’outre, et la retenir par son extrémité, certains soutiennent également du bras opposé le contenant rempli de vin. Cette variante est illustrée par une petite applique appartenant au cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale de France (reg.D.3037-3) et le fragment de relief 05045 du musée d'Art et Histoire de Bruxelles. Deux pièces témoignent d’un type iconographique légèrement différent : le satyre stabilise de sa main gauche l’outre de cuir, tandis qu’il tient de son bras droit barrant son torse, un vase. Il s’agit de la partie de l’applique 18929 du musée Benaki (MARANGOU 1976, p. 95, n° 49, pl. 14b) et d’un spécimen assez plat exposé au musée d’Israël de Jérusalem.
Le visage au front bombé, au nez fort et épaté, est surmonté d’une chevelure assez courte mais luxuriante, dégageant une nuque très raide. Cette coiffure un peu hirsute, aux mèches souples, est traitée plus librement que les chevelures bouclées de la plupart des satyres. Les yeux aux orbites enfoncées sont indiqués par des coups de burin. De même, les lèvres se résument à deux courtes incisions au-dessus d’un menton fuyant. Le drapé qui tombe dans le dos du satyre indique la présence d’un manteau. Entièrement nu, le buste est déformé par une hypertrophie de l’épaule et du trapèze droits.
Les maladresses dans le rendu des masses musculaires, ainsi que le dessin hâtif du profil du visage, témoignent d’un travail rapide ou d’une mauvaise maîtrise des proportions. La rigidité du buste et de la tête, à la torsion peu naturelle, place cette applique dans le sillage de la pièce 18938 du musée Benaki (MARANGOU 1976, op. cit.), ou de la pièce Co. 2116 du musée Rodin, qui en présente en quelque sorte l’image inversée. Toutes ces caractéristiques nous invitent à ne pas placer l’exécution de cette applique avant le IVe siècle.
Comparaisons
-Alexandrie, musée gréco-romain, 12010 (attitude).
-Athènes, musée Benaki, 18938 (attitude et style).
-Bruxelles, musée d'Art et Histoire, 05045, 05046 (attitude).
-Mayence, Landesmuseum, PJG 335 (attitude).
-Paris, Bibliothèque nationale de France, cabinet des médailles, reg.D.3037-3.
-Paris, musée Rodin, Co. 2086 (attitude), Co. 2116 (contrepartie symétrique).
-Port-Saïd, musée national, anciennement au musée du Caire, n° 7092 (attitude).
Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.
Égypte > provenance inconnue
IVe - Ve siècle ap. J.-C. ?
H. 15,8 cm ; l. 4 cm ; P. 3,1 cm
Os, tibia droit de bœuf
Co. 2066
L’applique est brisée en partie supérieure et sur le côté senestre. De ce fait, la tête, manquante, le bras gauche, la partie inférieure et le pied droit sont perdus. De légères taches d’oxydation, dues à la proximité d’un objet métallique durant la période d’enfouissement, couvrent la surface, sur l’épaule droite, et sous le pied gauche. Un discret fendillement de la surface de l’œuvre est à relever. De petites taches ocre se rencontrent à la fois sur la face principale de l’objet, et sur la face interne. Des sédiments sont encore présents au dos de la pièce.
Le jeune homme nu se dirige vers la gauche, tenant un petit panier rempli de fruits dans la main droite. Le drapé d’un manteau, sans doute jeté sur les épaules, retombe derrière ses jambes. L’amorce du cou encore visible, le torse vu de trois-quarts, ainsi que la position des jambes, suggèrent qu’il devait tourner le visage vers l’arrière. Le bras gauche, dont on n’aperçoit que l’aisselle, encadrait la tête, dans une attitude de délassement. Cette posture empruntée aux représentations de Dionysos et Silène influencées par l’Apollon Lycien s’observe sur trois appliques du musée Benaki (MARANGOU 1976 : 18917, p. 93, n° 35, pl. 12f ; 18914, p. 93, n° 38, pl. 12c ; 18913, p. 94, n° 39, pl. 13c), sur un relief conservé au musée Pouchkine à Moscou (3120 : BANK, BESSONOVA 1977, p. 161, n° 302), et un fragment d’applique passé en vente aux enchères à Paris en 2015 (Rémy Le Fur & associés, Art précolombien, mobilier et objets d'art, Hôtel Drouot, 21/10/2015, lot 54).
Le satyre tenant une grappe de raisin Co. 2057 du musée Rodin offre une comparaison frappante à notre applique en dépit d’un canon moins allongé. Son bras gauche semble aussi relevé au-dessus de la tête bien que la lecture en soit difficile. Son buste, comme celui du personnage sculpté sur notre applique, se présente davantage de face que ceux des satyres portant une corbeille ou un askos de la série suivante : Co. 2056, Co. 2058, Co. 2086, Co. 2201.
Le torse du personnage sculpté sur notre pièce, doté de chairs un peu molles, donne naissance à des jambes très étirées. Les détails anatomiques comme les clavicules, la ligne du sternum, la linea alba courant jusqu’au nombril, ou le pli inguinal, ont été ajoutés avec une certaine nervosité à l’aide d’un fin burin. De forme triangulaire, le nombril surplombe un ventre légèrement enflé. Une petite maladresse est à signaler dans la position des jambes. La cuisse gauche, très étroite, ne se trouve pas dans l’axe du reste de la jambe qui la prolonge. Le pied gauche, qui seul subsiste, repose sur une ligne de sol ou une plinthe suggérée par un simple trait incisé. Le talon levé confère un dynamisme à la silhouette et indique que le personnage marche d’un pas alerte, ou est en train de danser. L’incision qui court au milieu du dessus du pied lui confère l’aspect d’un sabot de bouc.
Le panier de très petite taille dont le satyre tient l’anse, est sculpté sans véritable soin, s’apparentant à une forme conique d’où émergent quelques éléments vaguement globulaires. Cet attribut se retrouve sur d’autres appliques en os, qui en livrent souvent une description plus consciencieuse : on regardera à ce propos l’applique Co. 2201 du musée Rodin, la pièce 1913, 1027.9 du British Museum (PETRIE, MACKAY 1915, p. 43, pl. L, fig. 1), l’applique 18925 du musée Benaki (MARANGOU 1976, p. 95, n° 48, pl. 14a), un relief mis en vente par Christie’s à New York (Christie’s, Antiquities, New York, 12/12/2002, lot 216), et un autre vendu à Paris chez Piasa en 2003 (Piasa, Archéologie, Drouot-Montaigne, 02/10/2003, lot 415). Deux pièces de plus petite taille passées en vente publique montrent cette même corbeille : vente Sotheby’s, Antiquities and islamic art, New York, 17/12/1998, lot 380 et vente en ligne, Liveauctioneers, M. Malter, Encino, CA, 29/02/2004, lot. 75). Les satyres des reliefs 13242 du musée gréco-romain d’Alexandrie (MARANGOU 1976, pl. 15c) et 21876 du musée Benaki (MARANGOU 1976, p. 96, n° 50, pl. 15d), retiennent encore l’anse d’un panier disparu.
Les contours de la figure sont fortement cernés de manière à en mettre en valeur les volumes. Toutefois, les formes très schématiques et les enlèvements de matière encore bien visibles sur les membres trahissent une main assez rude. Le façonnage hâtif de la figure trouve un parallèle dans l’applique Co. 2057. Les maladresses ainsi que la forte stylisation laissent à penser que cette pièce pourrait avoir été exécutée au IVe-Ve siècle.
Comparaisons
-Athènes, musée Benaki, 18913, 18914, 18917 (type Lykeios).
-Moscou, musée Pouchkine, 3120 (type Lykeios).
-Paris, musée Rodin, Co. 2057 (attitude et proportions), Co. 2201 (panier).
-Vente Paris, hôtel Drouot, Rémy Le Fur et associés, Art précolombien, mobilier et objets d'art, 21/10/2015, lot 54 (type Lykeios).
Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916
Égypte > provenance inconnue
IIIe-IVe siècle ap. J.-C. ?
H. 9,5 cm ; l. 3,15 cm ; P. 1,58 cm (P. d’origine : 2,7 cm)
Os, humérus droit de bœuf, face latérale
Co. 2058
Une cassure, qui a suivi la ligne de profil du visage ainsi que les contours du buste, des hanches et des cuisses, a entraîné la disparition de la partie dextre de l’applique. Les jambes sont brisées au niveau des genoux. Des éclats sont observables dans l’angle supérieur senestre et un peu plus bas. Des traces noires d’aspect gras s’observent sur les parties les plus en saillie.
Le jeune satyre à la musculature vigoureuse détourne le visage vers l’arrière tandis qu’il avance vers la gauche. De sa main gauche masquée par le drapé de la nébride ou du manteau qui retombe le long du corps, il supporte une outre gonflée de vin qui repose sur son épaule gauche. Malgré la présence de satyres askophoroi sur les sarcophages romains des IIe-IIIe siècles, il n’est pas évident de déterminer quel a pu être le modèle pour ce sujet iconographique sculpté sur les pièces de placage de mobilier en os. Deux sarcophages appartenant au courant néo-attique (130-150 ap. J-C.), l’un conservé au Palais Maffei à Vérone, et l’autre appartenant à la Ny-Carlsberg Glyptothek de Copenhague, offrent une figure de satyre assez proche (TURCAN 1966, p. 151-152, pl. 10c), tout comme le plat d’Ariane du trésor de Kaiseraugst réalisé peu avant le milieu du IVe siècle (BARATTE, PAINTER, LEYGE 1989, p. 261-262, n° 224). Sur ces trois œuvres, le jeune disciple du dieu du vin présente un visage de face ou vu sous son profil droit, mais marche d’un pas alerte vers la gauche portant une outre de vin comme le satyre de l’applique du musée Rodin. La position de ce dernier est identique à celle qu’adoptent les satyres sur les appliques Co. 2056 et Co. 2275. En outre, il constitue la contrepartie symétrique du personnage sculpté sur le fragment d’applique Co. 2055.
Le vif mouvement qEn raison de la forte torsion du cou, assez long, le visage offre son profil gauche. Une épaisse chevelure bouclée surmonte une oreille de faune. Cette masse capillaire trouve des comparaisons éloquentes dans la chevelure à boucles serrées des satyres des appliques Co. 2086 du musée Rodin, AF 6570 du musée du Louvre (QUONIAM, PICARD 1970, p. 186, n° 243) et 18931 du musée Benaki (MARANGOU 1976, p. 96, n° 51, pl. 14c). La bouche aux lèvres pincées est surplombée par un nez droit. L’œil gauche assez étiré, à la pupille signalée de façon très discrète, se loge sous une arcade sourcilière prononcée et un front bas.
Le vif mouvement qui anime le satyre est traduit avec une certaine justesse. L’artisan a fait preuve également d’un véritable sens du modelé dans la subtile traduction des masses musculaires étirées et les chairs lisses du personnage. Le buste allongé et étroit, vu de trois-quarts, présente un travail soigné. Des incisions matérialisant la présence des clavicules se rejoignent pour indiquer le sternum. Une fine ondulation vient aussi souligner les pectoraux tandis qu’une ligne gravée en surface suggère la ligne blanche qui descend jusqu’au nombril, creusé par un léger coup de burin. La même précision apportée aux détails anatomiques s’observe dans les parties génitales ou la rotule du genou droit.
La plasticité conférée au corps du satyre, ainsi que le soin accordé au visage sont les signes indéniables d’une facture de qualité, et d’un regard porté un modèle hellénistique. Ces traits invitent à considérer cette applique comme l’un des exemplaires les plus réussis du musée Rodin dédiés aux satyres askophoroi. Tant par son iconographie que par certains éléments formels, notre pièce rappelle fortement le fragment 21876 du musée Benaki (MARANGOU 1976, p. 96, n° 50, pl. 15d), mais aussi l’applique découverte à Alexandrie sur le site du théatre Diana (DIA.97.4205.2.3 : RODZIEWICZ 2020, p. 363-366, fig. 1 p. 364). Bien que le torse semble moins large et les cuisses plus fines sur la pièce du musée Rodin que sur ces reliefs de comparaison, on retrouve un personnage à la taille mince et au buste tendu vers l’arrière, surmonté d’un haut cou, sur lequel vient se greffer une tête menue fortement tournée vers l’arrière. Le manque d’indices significatifs concernant la datation nous conduit à conserver la plus grande prudence et à proposer un façonnage de l’objet entre le IIIe et le IVe siècle.
Comparaisons
-Athènes, musée Benaki, 18931 (coiffure), 21876 (ensemble).
-Paris, musée du Louvre, DAE, AF 6570.
-Paris, musée Rodin, Co. 2055, Co. 2056, Co. 2275, Co. 2274-Co. 2314.
Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.
Égypte > Provenance inconnue
IVe - Ve siècle ap. J.-C. ?
H. 15,4 CM; l. 5,65 CM ; P. 1,7 CM
Os, humérus droit de bœuf, face latérale.
Co. 2057
La bordure dextre est brisée sur toute sa hauteur. Des éclats viennent aussi endommager l’angle inférieur senestre et la surface interne de l’angle supérieur du même côté. Les cassures ont généré une fente qui court le long de la main droite du personnage. L’angle supérieur senestre présente un fendillement longitudinal très léger. Les trabécules, sur la surface interne, sont encore emplies de sédiment. Quelques taches brunes peuvent être relevées sur la paroi de la cavité médullaire.
Occupant toute la hauteur de l’applique, le jeune satyre est sculpté dans l’attitude de la marche ou dansant, les jambes se croisant. Alors qu’il avance vers la droite, il tourne la tête vers l’arrière, ce qui imprime un mouvement de torsion à l’ensemble de son corps. Son bras gauche semble être relevé dans un geste exprimant la nonchalance ou le repos. Cette pose n’est toutefois pas totalement intelligible, d’autant plus que le bras semble coupé au niveau du coude, le manque de hauteur de la diaphyse l’empêchant de décrire un arc-de-cercle autour de la tête. Il est néanmoins intéressant de souligner qu’une autre applique du musée Rodin (Co. 2056), souscrit à ce type iconographique qui renvoie aux figures de Dionysos ou de Silène, la main ramenée au-dessus de la tête, et par de là ces modèles, à l’Apollon Lykeios. Cette attitude s’observe également sur trois appliques du musée Benaki (MARANGOU 1976 : 18917, n° 35 p. 93, n° 35, pl. 12f ; 18914, n° 38 p. 93, n° 38, pl. 12c ; 18913, p. 94, n°39, pl. 13c), sur un relief conservé au musée Pouchkine à Moscou (3120 : BANK, BESSONOVA 1977, p. 161, n° 302), et sur un fragment d’applique passé en vente aux enchères à Paris en 2015 (Rémy Le Fur & associés, Art précolombien, mobilier et objets d'art, Hôtel Drouot, 21/10/2015, lot 54). Une applique mise en vente aux enchères à Paris par F. de Ricqlès en 2001 (F. de Ricqlès, Archéologie, Drouot-Montaigne, 22-23/04/2001, lot 122) propose une figure de satyre au bras levé qui ne se prolonge par au-delà du coude, comme sur notre applique, sans doute par manque de place.
Au lieu d’un panier, le satyre tient une grappe de raisin, attribut qui appartient au répertoire dionysiaque (DELASSUS 2020, p. 51, n. 20). Le fruit, agrémenté d’une large feuille, se distingue aussi sur l’applique Co. 2093 du musée Rodin et sur une pièce conservée au Virginia Museum of Fine Arts de Richmond (66.12.3 : GONOSOVÁ, KONDOLEON 1994, p. 206-207, n° 68). Le relief 30.62 des collections du musée Pouchkine de Moscou (BANK, BESSONOVA 1977, p. 161-162, n° 304), correspond à l’image en miroir de notre applique. Enfin, le fragment mis au jour à Halusa en Palestine (GOLDFUS, BOWES 2000, p. 190, fig. 5, p. 191-192), devait sans doute appartenir à une applique à la silhouette proche du satyre qui retient notre attention.
Le visage aux joues pleines, vu de trois-quarts, est couronné d’une chevelure courte et crêpelée. Les yeux en léger relief placés sous des arcades sourcilières saillantes, sont séparés par un nez long et plutôt large, surmontant une bouche menue aux lèvres épaisses. La tête rappelle, malgré un travail moins soigné, le visage du satyre de l’applique 18919 du musée Benaki (MARANGOU 1976, p. 92, n° 30, pl. 12e). D’après L. Marangou, la traduction des pupilles au moyen de billes animées sur lesquelles viennent jouer l’ombre et la lumière se situe dans la lignée de la tradition hellénistique (MARANGOU 1976, p. 75).
La tête se rattache au buste par un cou presque absent. Le changement d’orientation du satyre est beaucoup moins accentué que sur les pièces Co. 2056, Co. 2058 ou Co. 2201. Le torse demeure presque droit, ce qui confère à l’ensemble de la silhouette un caractère plus calme. Les proportions du personnage semblent plus équilibrées et le canon moins étiré que sur les pièces Co. 2056 et Co. 2066. Une incision au burin part de l’épaule droite pour marquer la clavicule, puis se poursuit au niveau du sternum et de la ligne blanche pour atteindre le nombril. Une ligne ondoyante souligne la musculature des pectoraux signifiée par une légère saillie. Les contours fortement incisés permettent de donner davantage de relief à une sculpture qui n’en possède pas beaucoup. Si le mouvement du corps est traduit avec un certain naturel, certains éléments ont été délaissés. C’est le cas du bras droit qui se termine par un moignon en guise de main, ou des pieds simplement esquissés. Un manteau, sans doute jeté sur les épaules retombe dans le dos et le long des cuisses du personnage.
Par ses chairs assez lisses à l’articulation des muscles estompée, la pièce rappelle fortement le satyre du relief Co. 2066. Quoique moins élancée, notre figure offre un degré de simplification des volumes assez proche. Le dessin frustre des membres concorde avec les nombreuses butées de lame laissées apparentes sur le corps et le visage, comme sculpté en de multiples petites facettes. La stylisation des formes, à laquelle s’ajoute la parenté iconographique avec la pièce découverte à Halusa dans un contexte archéologique du Ve-VIe siècle, invite à ne pas situer la réalisation de cette applique avant le IVe-Ve siècle.
Comparaisons
-Athènes, musée Benaki, 18913, 18914, 18917 (type Lykeios), 18919 (visage et rendu des yeux).
-Halusa (Palestine), mission archéologique de 1997.
-Moscou, musée Pouchkine, 3120 (type Lykeios et grappe de raisin : contre-partie symétrique).
-Paris, musée Rodin, Co. 2066 (type Lykeios), Co. 2093 (grappe de raisin).
-Richmond, Virginia Museum of Fine Arts, 66.12. (grappe de raisin).
-Vente Paris, hôtel Drouot, Rémy Le Fur et associés, Art précolombien, mobilier et objets d'art, 21/10/2015, lot 54 (type Lykeios).
-Vente Paris, hôtel Drouot-Montaigne, F. de Ricqlès, Archéologie, 22-23/04/2001, lot 122 (type Lykeios).
Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.
Égypte > Provenance inconnue IVe siècle ap. J.-C. ?
H. 14 cm ; l. 4,65 cm ; P. 1,9 CM
Os, humérus gauche de boeuf, face médiale
Co. 2056
L’applique est conservée dans son intégralité et ne présente que quelques éclats le long du chant sommital et surtout du bord senestre. Les angles supérieur et inférieur du bord senestre sont légèrement endommagés. Au dos, on distingue un éclat de surface en partie supérieure dextre, et une tache d’oxydation métallique dans la région inférieure.
Cette applique de forme convexe est le seul exemplaire sculpté d’une figure de satyre du musée Rodin à être complet. Se dirigeant d’un pas rapide vers la gauche, le jeune faune porte son regard vers l’arrière. Sa silhouette longiligne occupe toute la hauteur de la section de diaphyse. Nu, à l’exception d’un long manteau retombant dans le dos, il porte sur l’épaule gauche une outre de vin de forme ovoïde. Son bras gauche, qui maintient l’outre par son extrémité, semble dissimulé par des plis du vêtement, alors que la main droite accompagne le mouvement de l’étoffe soulevée par la danse. Le buste, légèrement arqué, suit la torsion du cou et de la tête. L’attitude tournoyante du corps, ainsi que la tête rejetée sur l’épaule droite, engendrent une orientation contradictoire du visage et des jambes.
Le type iconographique du jeune satyre askophoros paraît l’un des plus fréquents sur les reliefs en os de la fin de l’époque romaine. On le recense sur la moitié des pièces dévolues à ce sujet conservées dans les collections du musée Rodin. Il est néanmoins peu aisé d’établir une relation entre ces représentations et des œuvres qui auraient pu leur servir de modèles. Un certain nombre de sarcophages romains de style néo-attique (130-150 ap. J-C.), tels celui exposé au Palais Maffei à Vérone, ou celui appartenant à la Ny-Carlsberg Glyptothek de Copenhague, offrent une figure de satyre marchant d’un pas alerte vers la gauche, assez proche de la nôtre (TURCAN 1966, p. 151-152, pl. 10c). On retrouve également une figure, à l’iconographie analogue, sur le plat d’Ariane du trésor de Kaiseraugst, réalisé peu avant le milieu du IVe siècle (BARATTE, PAINTER, LEYGE 1989, p. 261-262, n° 224). Une série de reliefs du musée Rodin propose une silhouette à l’attitude similaire : Co. 2058, Co. 2201, Co. 2275. La pièce Co. 2068, qui présente un satyre askophoros préservé sur toute sa hauteur, correspond à la contrepartie symétrique de notre pièce. Sa figure sculptée dans un humérus droit de bovidé, fait directement écho à celle de notre pièce, qui s’inscrit dans la diaphyse d’un humérus gauche.
La silhouette semble avoir été étirée en longueur de manière à occuper toute la surface disponible, offerte par la matrice en os. Le buste, vu de trois-quarts, malgré une structure musculaire apparente, demeure assez étroit, comme sur le fragment d’applique Co. 2058 du musée Rodin, le relief 13242 du musée gréco-romain d’Alexandrie (MARANGOU 1976, pl. 15c) et la pièce 21876 du musée Benaki (MARANGOU 1976, p. 96, n° 50, pl. 15d). Les pectoraux en légère saillie sont séparés par une incision verticale, ainsi qu’un recreusement de la matière osseuse. Le buste allongé surmonte un bassin très peu large et des jambes aux cuisses presque décharnées. Les pieds ne sont qu’évoqués par des appendices informes. Enfin, on notera que l’artisan n’a pas pris soin de détailler la main droite. Un parallèle évident peut être établi avec l’applique sculptée d’un satyre mise au jour sur le site archéologique du théâtre Diana à Alexandrie (DIA.97.4205.2.3 : RODZIEWICZ 2020, p. 363-366, fig. 1 p. 364). Les pièces ont été façonnées toutes deux dans un humérus de bœuf, souscrivent au même type iconographique, et révèlent une approche sculpturale similaire.
Le visage qui se détache devant l’outre de vin révèle son profil gauche. Il est couronné d’une courte chevelure bouclée surmontant une oreille pointue. Un seul coup de fin ciseau a permis de déterminer la ligne du front et du nez, tandis que d’autres enlèvements de matière, moins abrupts, ont fait naître la ligne de la joue descendant jusqu’au menton en pointe. La bouche se caractérise par des lèvres plutôt épaisses, surmontées par deux minuscules entailles indiquant les narines. L’œil est signalé par une ligne incisée qui s’étire jusqu’au milieu de la joue. La petitesse du visage s’accorde au canon fin et allongé du reste du corps.
L’élongation des proportions, que l’on peut également observer sur les appliques Co. 2066 et Co. 2068 du musée Rodin, ainsi que la forte stylisation des membres, traduisent un travail rapide de la matière osseuse. Au rendu assez sensible de la structure musculaire du buste, s’oppose un rendu allusif des drapés et des traits faciaux, ce qu’accentuent les nombreuses traces d’outils encore lisibles sur l’œuvre. Bien que cette pièce s’inspire d’un modèle hellénistique, son inégalité de facture nous conduit à proposer une datation au IVe siècle.
Comparaisons
-Alexandrie, musée gréco-romain, 13242 (comparaison stylistique).
-Athènes, musée Benaki, 21876 (comparaison stylistique).
-Paris, musée Rodin, Co. 2058, Co. 2201, Co. 2275 (type iconographique) ; Co. 2068 (contre-partie symétrique).
Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.
Égypte > provenance inconnue
IVe siècle ap. J.-C. ?
Os, tibia de bovidé ?
H. 7,73 cm ; L. 2, 18 cm ; P. 1,3 cm
Co. 2320
L'œuvre est en bon état de conservation. Le fragment correspond à une partie du bord senestre d’une applique. On note la présence d’un petit éclat sur la surface interne de ce bord.
Bien que l’applique soit réduite à un état particulièrement fragmentaire, ce qui en subsiste suffit à assurer le type iconographique mis en œuvre. Le torse dénudé aux chairs affaissées, la main tenant une grappe de raisin, et le récipient à panse globulaire que tient le personnage, sont autant de signes s’accordant avec le type iconographique du vieux Silène barbu, qui prend forme au cours du IVe siècle av. J.-C. et perdure sans modification importante jusqu’à la fin de l’Antiquité (DELASSUS 2020, p. 51-52, n. 25-26).
À l’époque hellénistique, les représentations de Silène semblent contaminées par le schéma d’Apollon ou de Dionysos Lycien. En effet, le vieillard souvent pourvu d’un gros ventre et de membres gras, emprunte dans bien des cas, sur les reliefs en os, l’attitude nonchalante de Dionysos, amolli par l’ivresse, levant son bras droit au-dessus de la tête. La figure de notre applique, à l’épaule gauche couverte par un pan de l’himation, devait souscrire à ce schéma. Sa posture était caractérisée par un hanchement, qui engendrait un déséquilibre. L’appui du bras gauche sur une colonnette torse, dont la partie supérieure est d’ailleurs encore visible sur le fragment, permettait d’y remédier.
L’impressionnant élément de mobilier en ivoire découvert lors des sondages pratiqués autour du château « haut » de Sidon (Saïda, Liban) par G. Contenau en 1920, met en scène Silène qui adopte cette pose abandonnée (CONTENAU 1923, p. 269-272, pl. XL-XLII). Celle-ci est reprise par un grand nombre des figures qui incarnent le vieux disciple de Dionysos, sculptées sur des appliques en os de facture plus modeste. Nous citerons en guise d’exemples des reliefs du musée Benaki (18949, 10316 : MARANGOU 1976, p. 96-97, n° 54, 56-58, pl. 17b, pl. 18a, b, c), les plaquettes E 17198 et AF 6576 du département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre (MARANGOU 1976 p. 97, pl. 18d), un fragment de Berlin (WULFF 1909, p. 115, n° 403, pl. XVIII), l’applique 25249 du musée gréco-romain d’Alexandrie (BONACASA-CARRA 1995, p. 280-281), un relief du Rijksmuseum van Oudheden de Leyde (F 1956.12.2), un autre du Metropolitan Museum of Art (07.228.44 : EVANS, RATLIFF 2012, p. 20, n° 10B), la série d’appliques du Staatliche Museum Ägyptischer Kunst de Münich (ÄS 5296 : Marangou 1976, Pl. 16c) et une pièce ayant fait partie de la collection de Clercq (n°80-E 184 : RIDDER 1906, p. 177, n° 244, pl. 41).
Sur toutes ces comparaisons, Silène supporte de la main gauche un vase pansu à fond arrondi et lèvre en ressaut, similaire à celui qu’on repère encore sur notre fragment. La forme évoque celle d’un dinos, récipient utilisé lors des banquets, courant à l’époque archaïque dans le monde grec, pour mélanger le vin à l’eau. La taille est cependant très réduite, et seule l’applique E.37.1982 appartenant au Fitzwilliam Museum de Cambridge propose un vase ressemblant à un cratère aux dimensions plus imposantes (BOURRIAU 1984, p. 135, n° 504-15, pl. XXI-3, n° 512). Contrairement à cet attribut souvent représenté, qui se trouve directement associé au breuvage plongeant Silène dans un état d’ébriété, la grappe de raisin qu’on aperçoit en partie supérieure du fragment est rare. À la manière de Dionysos qui saisit sur quelques reliefs en os des pampres de vigne de sa main levée, Silène tient une grappe de raisin au-dessus de son épaule gauche. Ce fragment est le seul à offrir ce détail avec une applique anciennement conservée aux musées de Berlin (WULFF 1909, p. 115, n° 404, pl. XVIII). Toutefois, dans ce cas, la grappe tenue par la main droite baissée, touche presque le sol.
Malgré, la taille réduite du fragment, certains détails tels que les doigts bien individualisés de la main levée, ou la lèvre en saillie du récipient, conjugués à un polissage assez poussé de la surface, laissent imaginer une pièce dont la facture était sans doute d’une qualité supérieure à celle de l’applique Co. 2150. En tenant compte de la datation avancée par L. Marangou pour les reliefs du musée Benaki – à savoir le IIIe siècle –, et du contexte archéologique bien daté dans lequel se trouvait l’élément de placage exhumé à Perge mettant en scène une figure de Silène (fin du IVe siècle : ESCHBACH 2014, p. 80), il est possible d’envisager, tout en restant prudent, une réalisation au cours du IVe siècle.
Comparaisons
-Alexandrie, musée gréco-romain, 25249.
-Athènes, musée Benaki, 18949, 10316.
-Münich, Staatliche Museum Ägyptischer Kunst, ÄS 5296.
-Paris, ancienne collection de Clercq.
-Paris, musée du Louvre, AF 6576.
Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.
Égypte > provenance inconnue
IVe siècle ap. J.-C.
Os, humérus gauche de boeuf
H. 9,45 cm ; L. 3,9 cm ; P. 2,2 cm
Co. 2252
L'œuvre est en bon état de conservation. La partie supérieure, le bord senestre ainsi que l’angle inférieur gauche sont manquants. Ne sont conservés indemnes qu’une partie du bord droit et du chant inférieur. Les lignes de cassure ont suivi la cambrure du dos et l’inclinaison du torse d’un côté, la retombée du drapé du manteau de l’autre. Un éclat vient endommager l’angle inférieur droit.
Le buste d’homme nu, au ventre renflé, associé à des jambes croisées, masquées par l’étoffe d’un himation, engage à reconnaître une représentation de Silène, pédagogue du jeune dieu de l’ivresse et mystagogue du rituel dionysiaque (DELASSUS 2020, p. 52, n. 26). Souvent doté d’une apparence quelque peu grotesque, il fait partie intégrante du cortège de Dionysos, voisinant avec les satyres et les ménades. Le type iconographique du vieux silène ventripotent, qui se développe au IVe siècle av. J.-C., emprunte fréquemment sur les reliefs en os, certaines caractéristiques posturales à Apollon ou Dionysos Lykeios. Comme le laisse supposer la partie supérieure du torse qui subsiste, le vieillard au corps en déséquilibre, ramenait peut-être le bras droit au-dessus de sa tête, tandis qu’il devait chercher un appui de son bras gauche. C’est dans cette attitude qu’il apparaissait sur l’applique Co. 2320 aujourd’hui très fragmentaire.
Si un grand nombre d’appliques isolées, ainsi que les deux compositions du Staatliche Museum Ägyptischer Kunst de Münich (ÄS 5296 : MARANGOU 1976, pl. 16c ; Eschbach 2014, p. 78, n. 13, p. 79, fig. 5), offrent des figures qui souscrivent au schéma du Silène au repos, appesanti par l’ivresse, rares sont celles qui révèlent encore les jeux de plis de l’himation dissimulant les jambes. Malgré un embonpoint moins accentué que sur la plupart des appliques, l’arrondi du ventre est ici souligné par le drapé roulé de l’himation décrivant un arc-de-cercle. Ce détail, traité avec une plasticité assez affirmée, se retrouve régulièrement sur les représentations en os de vieux Silène, comme l’attestent entre autres trois reliefs du musée du Louvre (département des Antiquités égyptiennes, E 17198, E 17199 et AF 6576 : Marangou 1976, p. 96-97, pl. 18 d, 19b).
Les plis de peau de la poitrine, dont l’amorce est visible en partie haute du fragment, faisaient écho au plissé du manteau qui se déployait sur les jambes. Nonobstant un traitement différent et plus graphique du vêtement, notre applique se rapproche par la pose du personnage et ses proportions, du relief 25249 du musée gréco-romain d’Alexandrie (BONACASA-CARRA 1995, p. 280-281, pl. XXXIV-5 ; ENSOLI, LA ROCCA, 2000, p. 474, n° 87). Elle renvoie également à une applique de la collection de Clercq provenant de Tartous en Syrie (n°80-E 184 : RIDDER 1906, p. 177, n° 244, pl. 41). La figure de Silène qui décore cette dernière constitue la contrepartie symétrique de notre personnage mutilé, mais s’en distingue, comme sur l’applique alexandrine, par un himation aux plis plus fluides, soulignant davantage la forme ainsi que le mouvement des jambes.
Le pied gauche, qui dépasse du manteau, par son contour schématique témoigne d’une rapidité d’exécution. Une strie horizontale courant en partie inférieure semble matérialiser une ligne de sol ou une bordure.La perte du visage et des bras nous prive d’éléments stylistiques qui faciliteraient la datation. En raison de l’inégalité de facture observable sur le drapé de l’himation, nous pouvons nous orienter vers une réalisation au cours du IVe siècle.
Comparaisons
-Alexandrie, musée gréco-romain, 25249.
-Münich, Staatliche Museum Ägyptischer Kunst, ÄS 5296.
-Paris, ancienne collection de Clercq.
-Paris, musée du Louvre, DAE,E 17198, E 17199, AF 6576 (agencement du drapé sous le ventre).
-Paris, musée Rodin, Co. 2320 (attitude).
Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.
Égypte > provenance inconnue
IVe siècle ap. J.-C. ?
Os, humérus droit de bovidé ?
H. 6,9 cm ; L. 3,8 cm ; P. 1,8 cm
Co. 2150
L'œuvre est en bon état de conservation. Le fragment subsistant correspond à la partie gauche de la pièce. Sont préservés un segment de la bordure sommitale, ainsi que la moitié du bord senestre, marquée par une incurvation très prononcée. Une courte fente, surtout visible au dos de l’applique, fragilise l’angle supérieur conservé. La ligne de brisure, qui a entraîné la disparition des parties dextre et inférieure de la pièce, épouse les courbes du front et de l’épaule droite de la figure. Une tâche vert clair, sans doute liée à l’oxydation d’un objet métallique placé à proximité du relief lors de son enfouissement, se distingue légèrement au-dessus de la main du personnage. La surface, tout comme le revers, révèlent une usure importante.
Bien que les arrachements qui interrompent la silhouette à la taille nous privent de sa partie inférieure, nombre de caractéristiques renvoient à une représentation de Silène. D’abord lié à l’univers théâtral, le type iconographique du vieux Silène au buste difforme et ventru, se met en place au IVe siècle av. J.-C. Reconnu à la fois comme le père nourricier de Dionysos et son précepteur, son image se répand rapidement dans les arts plastiques pour devenir une composante essentielle du cortège dionysiaque, aux côtés des satyres, du dieu Pan et des ménades.
Reconnaissable à son crâne dégarni, sa barbe abondante, et son embonpoint, Silène se présente de face tout en détournant la tête vers l’arrière. Sa main gauche s’appuie sur la hampe d’un thyrse tandis que sa main droite, difficile à identifier, semble être ramenée contre son ventre. Un Silène sculpté sur un fragment d’applique du musée Benaki à Athènes adopte la même attitude, qui ne semble pas particulièrement courante pour ce type iconographique (10318 : MARANGOU 1976, p. 97, n° 55, pl. 17c). L’amorce des plis d’un drapé au niveau de la cassure inférieure laisse supposer la présence d’un himation enveloppant les jambes, comme sur la plupart des appliques consacrées à cette iconographie. Les jeux d’étoffe devaient contraster avec le torse, resté nu, de manière à accentuer l’aspect adipeux du vieillard.
Le thyrse, attribut magique par excellence lié à Dionysos, s’observe fréquemment dans les mains de Silène. Il peut, à la fois rythmer les frénétiques mouvements de sa danse, tout en assurant son pas, comme sur le décor de placage en os conservé au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre (MND 1866 : MARANGOU 1976, pl. 17a ; MICHON 1935-1937, p. 357-361, Pl.). La hampe lui sert aussi de soutien, évitant qu’il ne vacille sous l’effet de l’ivresse, à l’instar d’une figure tronquée de la série d’appliques du Staatliche Museum Ägyptischer Kunst de Münich (ÄS. 5296 : MARANGOU 1976, pl. 16c ; ESCHBACH 2014, p. 78, n. 13, p. 79, fig. 5), et des éléments de décor similaires découverts en 2002 sur l’acropole de Perge en Turquie (Inv. K.F1 / 44.02.6 ej : ESCHBACH 2014, p. 75-77, fig. 2).
Enfoncée dans les épaules, la tête se greffe sur un buste flasque. Les lourds plis de chairs sont matérialisés par une ligne redoublée en léger ressaut sur le ventre. Ce rendu de l’affaissement des tissus musculaires est récurrent sur bon nombre de reliefs. On l’observe notamment sur l’applique E 17199 du département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre (MARANGOU 1976, pl. 19b), et le relief 57.691 du Museum of Fine Arts de Boston (GRAEVEN 1903, p. 108, pl. 64). Cependant, le traitement plus synthétique du buste renvoie davantage à la figure qui se détache sur l’applique 18949 du musée Benaki (MARANGOU 1976, p. 96, n° 54, pl. 17b).
Le profil gauche du Silène dévoile un visage plutôt allongé, que termine une barbe en pointe aux poils raides incisés. L’œil enfoncé sous une arcade sourcilière proéminente et un front bombé, voisine avec un nez camus et une bouche lippue. À la base de la couronne de cheveux qui circonscrit le crâne chauve du personnage vient se loger une oreille au pavillon pointu. Bien que la tête offre un profil strict, son aspect rappelle, malgré des différences indéniables, les visages de Silène sur deux appliques : l’une au musée Benaki (10318 : MARANGOU 1976, op. cit.), la seconde au V & A Museum (823-1905 : LONGHURST 1927, p. 22 ; BECKWITH 1963, p. 12, 49, fig. 26).
En dépit d’une dépendance du type iconographique aux modèles hellénistiques, notre fragment ne peut avoir été sculpté avant le IIIe-IVe siècle. La rareté des reliefs en os datés des siècles précédents par contexte, et la rapidité d’exécution jointe à un manque de soin, sont deux arguments en faveur d’une attribution à cette période tardive. L. Marangou propose d’assigner à l’époque sévérienne les appliques 18949 et 10813 du musée Benaki, citées précédemment comme comparaisons, tandis qu’O. Wulff rattache au IIIe-IVe siècle, sur des critères stylistiques, deux appliques provenant d’Égypte, anciennement conservées aux musées de Berlin (WULFF 1909, p. 115, n° 403-404, pl. XVIII).
La seule applique supportant une image de Silène qui bénéficie d’un contexte archéologique est celle mise au jour à Perge (Turquie) (K.F1/44.02.6 ej : ESCHBACH 2014, op. cit.). N. Eschbach a proposé comme terminus ante quem pour la réalisation de celle-ci, la fin du IVe siècle ou le début du Ve siècle, date de destruction de la maison romaine dans le dernier niveau de laquelle le relief en os a été découvert. Ces analogies invitent à placer, de façon quelque peu arbitraire, la fabrication de notre applique au IVe siècle.
Comparaisons
-Athènes, musée Benaki, 10813 (position de la main sur le ventre et tête), inv. 18949 (buste).
-Boston, Museum of Fine Arts, 57.691 (plis de chairs du buste)
-Londres, V & A Museum, 823-1905 (visage).
-Paris, musée du Louvre, DAE, E 17199 (plis de chairs du buste).
Acquis par A. Rodin entre 1893 et 1917. Donation A. Rodin à l’État français en 1916.
Égypte > provenance inconnue
IIIe-IVe siècle ap. J.-C. ?
Os long de boeuf
H. 9,4 cm ; L. 2,9 cm ; P. 0,9 cm
Co. 2143
L'œuvre est en bon état de conservation. N’est conservée de l’applique que la partie senestre, puisque celle-ci est fracturée sur toute sa hauteur. Une fente partant du bord droit court en direction du poignet du personnage. La ligne de sol figurée en limite de la bordure inférieure est altérée par un petit éclat.
La surface de la pièce peu polie est encore recouverte d’une couche de sédiments assez uniforme. Le dos, détérioré, semble porter les stigmates laissés par des radicelles, auxquels se superposent encore quelques sédiments. Sa partie inférieure légèrement délitée, présente une coloration ocre rouge, qui s’étend vers le haut de manière discontinue. Sur la face principale, elle se remarque aussi en de multiples endroits, notamment le long du thorax du personnage, de la jambe velue, ainsi qu’au creux de son bras.
Quelques détails significatifs de la physionomie de la figure, malgré l’état fragmentaire de l’applique, trahissent la présence du dieu Pan (DELASSUS 2020, p. 52, n. 28). Si sa tête barbue et cornue a disparu, on reconnaît ce dieu thériomorphe à ses cuisses caprines qui se prolongent par des pattes à sabots de bouc. Avançant vers la gauche, Pan supporte de sa main aux doigts effilés, une corbeille en osier tressé garnie de fruits. Une peau de lynx ou une nébride tombe de son bras droit jusqu’au sol, en de nombreux pans déchiquetés. Le panier, comme la dépouille animale, se retrouvent sur le relief du musée Rodin Co. 2086 sculpté d’un satyre. La lacération de la peau en trois pans lancéolés et nervurés en leur centre, presque à la manière d’une feuille de palme, est très similaire sur les deux pièces.
La silhouette aux proportions courtes se découpe avec netteté sur le fond bien aplani. La ferme musculature du thorax se perçoit encore au-dessus des cuisses couvertes de poils. L’artisan a su conféré une plasticité à l’ensemble et suggéré la profondeur par une bordure devant laquelle se détache le sabot du dieu. Le souci du volume, doublé d’un sens du détail ostensible dans la reprise au burin de la toison des pattes ou du tressage de la corbeille, témoigne d’une facture de qualité.
De toutes les appliques constituant le corpus du musée Rodin, cette pièce fragmentaire est la seule à évoquer le dieu Pan. Divinité champêtre par excellence, sa silhouette caricaturale, dans laquelle transparaît sa nature primitive, abonde souvent, à l’époque romaine, dans les représentations du cortège dionysiaque. Les sarcophages, les pièces d’orfèvrerie (plat du trésor de Mildenhall, British Museum, 1946, 1007.2) comme les textiles de la fin de l’Antiquité (Tenture de Dionysos, Fondation Abegg, Riggisberg, 3100.a) font une large place à cette divinité, qui par son caractère sauvage et impétueux rivalise avec les satyres, au sein du thiase dionysiaque.
Quatre éléments de placage en os réputés provenir d’Égypte convoquent de manière irréfutable le dieu Pan. Deux appartiennent au musée Benaki : le premier montre le dieu dansant frénétiquement avec des ménades et des satyres (18771 : MARANGOU1976, p. 106, n° 108, pl. 34a), tandis que le second, qui lui est exclusivement réservé, est sculpté d’une figure tenant l’anse d’un panier et en enjambant un autre renversé (18953 : MARANGOU 1976, p. 106-107, n° 109, pl. 34c). Seules deux pièces dotent la divinité à la physionomie hybride de ses attributs les plus caractéristiques, le pedum, bâton pastoral à terminaison recourbée, et la syrinx. L’applique 13398 du musée gréco-romain d’Alexandrie le dépeint brandissant uniquement le pedum (BONACASA-CARRA 1995, p. 280, pl. XXXVI-2), alors que celle du musée du Caire provenant de Medinet el-Fayoum le gratifie des deux instruments (STRZYGOWSKI 1904 : p. 192, n° 7114, fig. 250) .
Avancer une date pour ce fragment à l’iconographie, somme toute moins courante que les autres séries, constitue une gageure. Le fait que L. Marangou retienne une datation basse pour l’applique 18953 (IVe siècle), sans doute à cause de la rigidité et de la stylisation de la figure, nous invite à assigner une date légèrement plus haute à notre fragment. En raison de la maîtrise du raccourci du bras tenant la corbeille, des volumes bien accentués et de la finesse des détails, nous pouvons envisager une fabrication au cours des IIIe et IVe siècles.
Comparaisons
Pour le type iconographique de façon générale :
-Alexandrie, musée gréco-romain, 13398.
-Athènes, musée Benaki, 18953.
-Le Caire, anciennement au musée égyptien, 7114.
Pour certains détails iconographiques :
-Paris, musée Rodin, Co. 2086 (corbeille et peau animale)