Plaque en forme de tête de Bès

Égypte > Provenance inconnue

 Basse Époque

[VOIR CHRONOLOGIE]

Terre cuite

H. 4,7 CM : L. 2,7  CM : P. 1,2 CM : Pds. 0,011 kg

Co. 6396

Commentaire

Etat de conservation

L'œuvre est en mauvais état de conservation. La figurine est légèrement cassé sur les bords. Quelques inclusions sont visibles au revers. On remarque la présence de terre archéologique dans les cavités de l’avant ainsi qu’au revers. Une cassure franche se situe au sommet du crâne, qui ne semble pas correspondre au bris de la coiffe qui l’aurait surmonté à l’origine. Il est à noter que toute la partie gauche supérieure du masque présente des problèmes de moulage (absence visible de matière) et de cuisson (bulles très visibles en surface à l’avers, absence de glaçure sur toute la partie supérieure arrière de la plaque).

Description

Cette petite plaque de terre cuite vernissée de couleur turquoise clair représente un visage grimaçant. Le front est haut et entouré de boucles épaisses (voir en particulier sur la partie droite du visage). Les arcades sourcilières sont épaisses et donnent aux sourcils, froncés, un air broussailleux. Les orbites sont particulièrement larges, les yeux sont grands ouverts mais il est difficile d’en comprendre la forme exacte. La base du nez est large. Le nez est court et épaté. Dans son prolongement, deux longues moustaches retombent au niveau des commissures des lèvres. La bouche est grande et ouverte. Les lèvres supérieures et inférieures sont éloignées l’une de l’autre ; leur position évoque celle des masques de théâtre grecs. Les deux rangées de dents sont visibles, soigneusement moulées. Bien que masquées par la glaçure, il est possible de les comparer avec celles de la statue en calcaire musée Rodin Co. 966. Pour effrayer ses adversaires, Bès tire la langue. De longues mèches, caractéristiques de la barbe-crinière léonine de Bès encadrent son visage, retombant dans le cou.

Le revers de cette plaque est plat. Sur une étiquette ancienne (octogonale rectangulaire et bordée d’un double liseré bleu), le N° 242 inscrit à l’encre noire. Il correspond à l’ancien numéro d’inventaire de l’objet (DRE 242), établi par Ch. Boreux en 1913. Le numéro d’inventaire actuel (Co. 6396) est inscrit à l’encre noire sur pellicule isolante dans l’angle inférieur droit.

 

Les traits du visage correspondent à une image de Bès, généralement représenté de face et non de profil. Bien que souvent considéré comme un dieu, Bès est une divinité secondaire. Le visage de type grotesque et léonin de l’amulette Co. 6396 est celui d’une divinité familière et protectrice (Sur les divinités Bès et Beset, voir CORTEGGIANI 2007 p. 84-87). Bès est un nom générique donné à toute une série de nains qui peuvent parfois être confondus avec d’autres génies tel Aha ou Hity. D’origine nubienne, les représentations de Bès sont attestées dès le Moyen Empire. Au Nouvel Empire, il devint une divinité extrêmement populaire. De forme naine, Bès possède de longs bras, est joufflu et affublé d’épais sourcils, d’une barbe aux longues mèches détaillées et très souvent coiffé d’une couronne de plumes d’autruche retenues par un bandeau (voir par exemple la statuette en calcaire musée Rodin Co. 3385). Au Nouvel Empire, Bès porte souvent une peau de léopard. Une des caractéristiques principales de son iconographie réside dans le fait que le génie est presque toujours représenté de face, convention inhabituelle à l’art égyptien. Le nain a une parèdre, Beset, mais on lui attribue généralement Taoueret comme épouse. Béset n’apparaît d’ailleurs pas dans les lots d’ex-votos à l’effigie de Bès découvert dans les sanctuaires hathoriques (voir PINCH, 1993). Protecteur du foyer, Bès assure aux humains un sommeil reposant, chasse les cauchemars et est réputé leur garantir une vie sexuelle épanouissante. La sexualité est un aspect essentiel de sa personnalité, ce qui lui conférait de toute évidence un esprit gai et jovial, renforcé par son surpoids, signe d’abondance. Bès est également une figure particulièrement importante dans l’univers de la femme et de l’enfant. Il les protège pendant la grossesse et au moment de l’accouchement et garantit l’harmonie familiale. On doit son visage sévère, ses grimaces parfois effrayantes et ses postures guerrières à son rôle de protecteur. Bès protège les humains en éloignant les forces du mal et est ainsi généralement désigné comme étant le « Combattant ». Bès est l’assistant magique de la déesse Hathor et non son égal. Bon nombre de ses représentations et effigies ont d’ailleurs été retrouvées dans les sanctuaires dédiés à la déesse. Dans le mythe de la déesse lointaine (voir INCONNU-BOCQUILLON, 2001), on raconte qu’il escorta Hathor durant son retour en Egypte en lui jouant de la musique. Le génie se retrouve donc ainsi protecteur des danseuses et des prêtresses d’Hathor. Il incarne de plus les aspects violents et défensifs de la déesse, décourageant les velléités d’attaque de ses ennemis contre ses adorateurs. Bès connaîtra une postérité féconde et l’on trouve des représentations du nain jusqu’au premier siècle du premier millénaire de notre ère.

 

Bien qu’artificielle, la couleur bleu-vert de cette amulette est chargée de symbolique divine, soigneusement disinguée dans l’écriture de la couleur bleue naturelle pour laquelle les Egyptiens ajoutaient maa (véritable) devant hesebedj (bleu). Parmi les matières premières nécessaires à la fabrication d’objets émaillés de couleur dite “bleu égyptien”  se trouve la silice, élément nécessaire à la vitrification. La silice se trouve en particulier dans le quartz (disponible dans le désert oriental et à Assouan) ainsi que dans le sable d’Egypte.  L’ajout de feldspaths à la pâte peut compléter l’apport en silice. Comme il est nécessaire d’ajouter des substance au quartz pour le faire fondre à basse température, on retrouve dans les pâtes égyptiennes des alcalins tels que la soude, présente dans le natron disponible en particulier dans le Ouadi Natroun. L’ajout de chaux permet de former des silicates, permettant la fusion du quartz à basse température. Des éléments tels que la gomme arabique, l’argile et le natron sont également nécessaires pour conférer de la plasticité au quartz. C’est par l’oxyde de cuivre, issu de la calcination et de l’oxydation du cuivre, que naît cette tonalité bleue caractéristique de l’ancienne Egypte. Le cuivre était disponible dans le Sinaï, le désert oriental ou importé de Nubie et d’Asie mineure. L’ajout de cobalt pour renforcer la couleur bleue est possible. Afin de réaliser la figurine Co.6396, la pâte composant la tête de Bès a été coulée dans un moule, à l’instar du moule EC676 conservé à l’Egypt Centre de Swansea. Durant la caisson, la vitrification a permit d’obtenir un objet finement émaillé.

 

La production de figurines à l’effigie de Bès réalisées en faïence égyptienne s’intensifia à partir du Nouvel Empire. Leur fonction apotropaïque évidente les classe dans la catégorie des amulettes. Objet à destination funéraire, domestique ou votive la figurine Co. 6396 ne possède aucune perforation ni aucun autre système de suspention. Placé auprès d’une momie, le petit masque grimaçant Co. 6396 accompagnait le défunt, lui garantissant un voyage paisible dans l’au-delà. Déposé dans une habitation, il en protégeait les occupants. Bès étant son fidèle compagnon, l’amulette Co. 6396 était peut-être aussi une figurine offerte en ex-voto à Hathor afin de solliciter la protection de la déesse. De tels objets font en effet partie du matériel votif retrouvé dans différents sanctuaires dédiés à la déesse. Ce visage de Bès s’inscrit parfaitement dans les pratiques religieuses populaires et révèle les goûts esthétiques qui apparaissent dès le Nouvel Empire. 

La collection Rodin possède une autre tête de Bès sous le numéro d’inventaire Co. 3064 en calcaire polychrome, mais aucune tête en terre cuite glaçurée. Une tête similaire se trouve au Petrie Museum sous le numéro d’invenaire UC52865

Inscription

Anépigraphe.

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