Ouchebti momiforme

Égypte > Région thébaine probablement

Troisième Période intermédiaire, XXIe dynastie probablement

[VOIR CHRONOLOGIE]

Faïence siliceuse bleu turquoise rehaussée de noir intense

H. 14,9 CM : l. 4,4 CM (BRAS) : P. 3,5 CM (SOCLE)

Co. 2432

Commentaire

Etat de conservation

L’œuvre est en très bon état de conservation. Néanmoins, une cassure récente au niveau des jambes a sectionné l’ouchebti en deux parties, recollées. La glaçure a conservé la vivacité de sa couleur et son aspect brillant. L’inscription, peinte à l’encre noire, est partiellement effacée. Des dépôts brunâtres (probablement de la terre d’enfouissement) sont visibles par larges plaques sur le dessus de la tête et dans le dos et comblent partiellement les creux de la figurine.

Description

Ouchebti en fritte émaillée bleu intense. Le personnage est représenté debout, dressé sur un socle qui épouse la forme de la statuette. Son corps est entièrement emmailloté : les membres ne sont pas visibles, à l’exception des avant-bras qui apparaissent en relief, croisés au niveau de la poitrine. La statuette est imberbe et arbore une longue perruque tripartite. Les traits du visage sont grossièrement modelés. Les détails des yeux et des sourcils sont rendus au moyen de peinture noire, qui sert également à indiquer les longues mèches de la perruque et le bandeau (qui forme une boucle à l’arrière du crâne), ainsi que la houe tenue dans chaque main et le grand sac de graines qui barre le bas du dos. L'Ouchebti n'a pas de pilier dorsal. Recouverts par l’épaisse glaçure, des défauts dans l’homogénéité de la pâte se distinguent néanmoins sur toute la surface de l’objet (voir en particulier au niveau des pieds).

 

Co. 2432 se caractérise par la vivacité de sa glaçure bleue et par les détails ajoutés au moyen d’épais traits noirs : la perruque, les houes et l’inscription. Une particularité de cet ouchebti est la boucle visible à l’arrière de la tête, appelée « seched ». Il s’agit d’un simple bandeau de tissu posé sur le front et noué à l’arrière du crâne, permettant de maintenir en place les mèches de la perruque. Bien visibles sur la perruque, les deux pans du bandeau retombent à l’arrière du crâne.

 

L’ouchebti faisait partie de l’équipement funéraire des défunts aisés. Chargée de répondre à l’appel du défunt pour effectuer à sa place les tâches agricoles dans le monde des morts (transposition de celui des vivants), la figurine Co. 2432 tient dans ses poings fermés une houe. Peints de chaque côté le long des bras, ces deux instruments agraires sont en réalité à replacer dans l’axe voulu par l’artisan, c’est-à-dire dépassant des deux côtés du corps (sur la notion d’aspectivité dans les principes de représentation en Égypte ancienne, voir ZIEGLER, BOVOT 2001). Pour comparaison, voir par exemple, le chaouabti de Toutânkhamon conservé au Musée Egyptien du Caire (Inv. N° JE 60830), où les insignes régaliens (le sceptre et le flagellum) du pharaon défunt sont insérés dans la figurine en bois.

 

Le sac de graines est très justement matérialisé. Il s’agit d’un grand sac (2,7 cm de largeur sur 2,3 cm de hauteur), suspendu aux épaules par deux solides cordelettes. Les cordelettes s’arrêtent net dans le dos, au niveau des épaules. Le sac de graines est fermé par un nœud de chaque côté, dont les boucles sont bien visibles. Les croisillons du sac ont été incisés dans la terre avant cuisson, puis l’artisan a relevé par un trait noir le dessin des fibres. Il est possible de comprendre les étapes de son travail. Il a tout d’abord peint les traits horizontaux, qu’il a ensuite croisés avec des traits verticaux nettement plus soutenus, inclinés selon un biais de droite à gauche. La ligne peinte, continue, va en s’amincissant vers la partie inférieure. L’observation de l’épaisseur des traits verticaux permet de reconstituer que l’artisan, droitier, a commencé son décor en haut à gauche, pour finir le dernier trait en bas à droite. Tenant l’objet dans le creux de sa main gauche, il a adopté ces gestes pour éviter d’effacer avec sa main droite les lignes déjà peintes. Si l’objet a été fabriqué dans une série, la précision et la qualité de l’exécution du décor atteste d’un atelier expérimenté et proche du pouvoir.

 

Ces divers éléments permettent de dater précisément cet objet de la XXIe dynastie (SCHNEIDER 1977, type 4.3.1) et de suggérer une provenance thébaine. En effet, il est possible de le comparer aux ouchebtis du grand prêtre d’Amon et souverain de la Haute-Égypte Pinedjem Ier (vers 1050 av. J.-C.), découverts dans la Cachette Royale de Deir el-Bahari (DB320) en 1881. Une centaine de figurines sont aujourd’hui comptabilisées.

 

Voici un exemplaire conservé au Metropolitan Museum of Art de New York (26.7.981). Et un second au musée du Louvre, à Paris (E 7666) (BOVOT 2003, p. 190-1).

 

Les ouchebtis appartenant à d’autres occupants de la Cachette (essentiellement des membres de la famille des grands prêtres) sont également semblables à Co. 2432, ce qui confirme la datation. On remarque que les inscriptions, consistant le plus souvent en une seule colonne, sont toujours placées à l’avant de la figurine. Elles peuvent exceptionnellement être disposées en deux colonnes (cf. Co. 2432), comme sur le serviteur funéraire de la prêtresse Nestanebeticherou, conservé à l’Ashmolean Museum d’Oxford sous le numéro d’inventaire 1884.50.

 

Bien que plus petit et de couleur plus claire, Co. 5645 peut être daté de la même époque que Co. 2432.

Inscription

Deux colonnes de hiéroglyphes sont peintes en noir à l’avant de la statuette, entre des traits verticaux. Le texte, qui est très effacé, part de sous les bras et descend jusqu’aux pieds.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Meudon/pavillon de l'Alma/vitrine 8, 338, "Ushabti d'homme en terre émaillée bleue. Deux lignes verticales d'hiéroglyphes illisibles peints en bleu et noir. Haut. 14 cent. 1/2. Estimé cinq francs."

Donation Rodin à l’État français en 1916.

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