Reliquaire

Ichneumon

ÉGYPTE > PROVENANCE INCONNUE

ÉPOQUE TARDIVE OU ÉPOQUE PTOLÉMAÏQUE > XXVIe - XXXIe dynastie > 656 - 30 AVANT J.-C.

[voir chronologie]

BRONZE (ALLIAGE CUIVREUX)

H. : 2,2 cm ; L. : 2,2 cm ; P. : 11,3 cm

Co. 2413

Commentaire

Etat de conservation

L'oeuvre présente un état de conservation correct bien que le métal soit oxydé, particulièrement sous le ventre de l’animal.

La partie antérieure de la base est fragmentée et les détails anatomiques sont patinés. Mis à part le socle ou réceptable sur lequel l'animal se tenait, l'oeuvre est complète.

 

Le reliquaire présente une surface brun sombre composée d’oxydes bruns et des traces de sulfates. La surface est assez lisse. De petites traces de terre d’enfouissement sont encore visibles. Des chlorures sont disséminés sur la surface. 

Description

L’œuvre représente un ichneumon en position de marche. Sur l’Herpestes ichneumon, grande mangouste égyptienne à longs poils très représentée dans les scènes nilotiques des chapelles funéraires, (voir OSBORN Dale J., OSBORNOVÁ Jana, The Mammals of Ancient Egypt, The Natural History of Egypt : Vol. IV, Warminster, 1998, p. 92-96 et VERNUS Pascal, « Ichneumon », in P. Vernus, J. Yoyotte, Bestiaire des Pharaons, Paris, 2005 p. 610-613, notice et p. 790-791, bibliographie). L’animal est placé sur une longue et fine plaque en bronze sous laquelle un tenon fait du même matériau servait originellement à maintenir l'oeuvre sur un socle plus imposant, probablement un reliquaire. Il a été réutilisé pour son insertion dans un socle rond en pierre rouge et blanche de type marbre. La plaque en bronze épouse les contours de l’animal, s’affinant progressivement jusqu’à l’extrémité de la queue. Ils forment un ensemble indissociable. 

Le corps de l’ichneumon est plus long que sa queue bien qu’elle soit, proportionnellement au corps, très longue. Sa longueur est d’environ 5,1 cm. la longueur totale de l’animal  étant de 11,3 cm. Large à sa naissance, elle s’amincit rapidement mais garde ensuite la même épaisseur jusqu’à sa pointe. Son extrémité se confond progressivement avec la plaque. Le museau, carnassier, est long et très pointu. Il est flanqué de deux dépressions ovales dessinant les yeux. Au niveau des paupières, des particules dorées sont observables. Les oreilles, figurées par un léger bourrelet, sont peu visibles. Malgré la corrosion, les mâchoires se devinent, étroites sous le museau dont le profil, presque anguleux sur son sommet, accorde à la statuette l’attitude d’un prédateur. Une dépression aplatie recouvre le sommet du crâne qui, particulièrement large, pourrait avoir été aménagé pour accueillir une incrustation. Un petit collier de fourrure encercle le cou de l’animal. Le dos, large et arrondi, se différencie du ventre, qui est de forme concave. Ce dernier semble être resté à l’état brut après le moulage car elle n’a pas été polie, de même que les faces internes des pattes courtes et épaisses, notamment les postérieures. Les pattes sont légèrement fléchies, la patte gauche s’avance, l’arrière-train de l’animal descend sensiblement. Les griffes des mangoustes ne sont pas rétractiles et le sculpteur a pris soin de bien les matérialiser au bout des doigts de l’animal dans la masse du bronze. 

 

Les statuettes de mangouste égyptienne ont été réalisées dès l’époque saïte. D’après les auteurs antiques, l’ichneumon, chasseur de rat et de serpent, était apprécié pour ses qualités de prédateur. Il était alors souvent associé au chat qui possédait les mêmes prérogatives de protecteur du foyer. Les égyptiens cherchèrent même à domestiquer certains individus. Dans l’une des scènes décorant la tombe d’un dignitaire de la XIe dynastie à Béni Hassan (tombe de Baqet, n° 29), un ichneumon est tenu en laisse dans un défilé animé de cinq chasseurs armés (NEWBERRY Percy E., Beni Hasan, Part II, ASE vol. II, Londres, 1893, p. 34 et pl. XXX, tombe n° 29, mur est).

 

Prédateur attesté, on le retrouve ainsi dans la mythologie égyptienne en tant qu’ennemi du serpent Apophis qui, chaque nuit, souhaite interrompre la course du Soleil et faire tomber le monde dans le chaos. La mangouste égyptienne était par conséquent attachée à une divinité solaire telle qu’Atoum ou Rê, mais également Horus. Dans l’oasis de Kharga, sur un relief du temple d’Amon à Hibis, Horus prend ainsi la forme d’une mangouste. La musaraigne est étroitement associée à l’ichneumon. En effet, selon la mythologie égyptienne, chaque matin la musaraigne se transforme en ichneumon, symbolisant le lever du soleil et inversement, l’ichneumon se transforme en musaraigne chaque soir au moment du crépuscule. Ils représentent respectivement « l’Horus aveugle » (la musaraigne, animal nocturne, ne supportant pas la lumière du jour) et « l’Horus voyant » (l’ichneumon, prédateur diurne). Un tableau comparatif des caractéristiques anatomiques différenciant les ichneumons des musaraignes est à trouver dans OSBORN Dale J., OSBORNOVÁ Jana, The Mammals of Ancient Egypt, The Natural History of Egypt, Vol. IV, Warminster, 1998, p. 27.

 

Les statuettes en bronze d’ichneumon figurent le plus souvent l’animal debout, dressé sur ses pattes arrières et couronné d’un disque solaire orné d’un uraeus (par exemple à la Ny Carlesberg Glyptotek ÆIN 622). Expression de sa complexité et de sa sophistication, la mythologie égyptienne associa la mangouste à la déesse Ouadjet, divinité à tête de serpent et représentée à partir de la Basse-Époque comme une femme léontocéphale portant le disque solaire. La mangouste était son animal sacré. Un bel exemple de cette association est conservé au Musée du Cinquantenaire de Bruxelles (Inv. N° E. 7074). Datant probablement de la XXVIe dynastie, il s’agit d’une statue en bois de la déesse léontocéphale assise, à l’intérieur de laquelle fut retrouvée la momie entière d’un jeune ichneumon.

 

Les reliquaires de l’Antiquité égyptienne sont des objets archéologiques assez bien connus, les cimetières d’animaux sacrés étant nombreux sur le territoire égyptien. Ils comprenaient deux types d’animaux, les « uniques » et les « multiples » (cf. CHARRON Alain (dir.), La mort n’est pas une fin, Pratiques funéraires en Égypte d’Alexandre à Cléopâtre, Catalogue d’exposition 28 septembre 2002-5 janvier 2003, Musée de l’Arles antique, Arles, 2002, p. 176). La première catégorie regroupe des animaux choisis, parmi ses congénères et par les prêtres grâce à une statue divine qu’ils manipulaient, pour représenter de son vivant une divinité particulière. Les « uniques » les plus connus sont les taureaux Mnévis et Apis dont la plus ancienne attestation d’inhumation date du règne d’Amenhotep III. Ici, avec l’œuvre Co. 2413 il s’agit du reliquaire d’un « multiple ». Ces « multiples » n’étaient pas choisis pour leur caractère sacré mais c’est par les rites de leur mise à mort, leur momification et les prières récitées à cet instant que leur était conféré un caractère divin. Les animaux les plus représentés sont les serpents, les chats, les chiens, les ibis et les crocodiles. Ils n’avaient pas de pouvoir à part entière, c’était le dieu qu’ils représentaient à leur mort qui était encensé. Transformés en ba de la divinité, ils acquéraient un rôle de médiateur et transmettaient les doléances de la population. Les reliquaires étaient créés sur demande des dévots et les prêtres se chargeaient d’y insérer soit un animal entièrement momifié, soit une partie de cette momie, voire même un paquetage simulant la forme de l’animal. Quoiqu’il en soit, ils étaient courants afin de subvenir aux besoins des commanditaires. Au fil du temps, les commandes devenant de plus en plus nombreuses, certaines bêtes étaient ainsi élevées dans le seul but de servir d’objet de dévotion après leur mise à mort rituelle. 

 

Deux œuvres d’un type similaire à la statuette Co. 2413 sont conservées au British Museum de Londres (EA 6770 et EA 59056), et au Metropolitan Museum of Arts de New York (04.2.464 et 04.2.658), trois au Museo Egizio de Turin (S. 18099, S. 18098 et Prov. 3310). L’iconographie de deux reliquaires du Musée du Louvre (E 17227, E 22877) est légèrement différente de l’œuvre Co. 2413. La mangouste est accompagnée d’un homme en prière, placé devant (E 22877) et derrière (E 17227) l’animal. Au Musée du Cinquantenaire de Bruxelles, l’œuvre E. 6662 représente également un ichneumon sur une base rectangulaire.

À la Ny Carlsberg Glyptotek, deux reliquaires d’ichneumon correspondent au type de l’œuvre Co. 2413 : ÆIN 261 et ÆIN 1779.

Œuvres associées

Les collections du Musée Rodin ne possèdent qu’un seul reliquaire d’ichneumon. 

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

Donation à l’État français en 1916.

Commentaire historique

L’objet a été fiché sur un socle rond en pierre rouge et blanche de type marbre, vraisemblablement contemporain de sa mise en vente sur le marché de l’art.

Une étiquette ancienne, sur laquelle est écrit « B n°33 », a été collée sous le socle. Entourée d’un liseré bleu, elle est de forme carrée.

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