Partie de sistre

Égypte > provenance inconnue

Troisième Période Intermédiaire à Époque hellénistique et romaine, probablement

[VOIR CHRONOLOGIE]

H. 8,6 CM : L. 19 CM; P. 4,5 CM

Calcaire

Co. 825

Commentaire

Etat de conservation

L'oeuvre est très fragmentaire. Tout ce qui est au-dessus des yeux de la déesse a disparu, ainsi que tout ce qui est sous le collier large. Le nez est arasé. Le reste est en bon état. Un bouchage moderne comble désormais la cavité par laquelle le sistre était emmanché. Le haut de la tête a également été retravaillé et consolidé.

Description

De belle facture, l'objet présente dos-à-dos deux visages de la déesse Hathor encadrés de deux uraeus. Elle est coiffée d'une perruque tripartite laissant ses oreilles de vache dégagées, aux retombées décorées de trois bandeaux. Elle est parée d'un collier ousekh à huit rangs sur une face et sept sur l'autre, décorés de perles et de fleurs de lotus. Sur l'une des faces, le premier rang de perles du pectoral est présenté en plus haut relief ; les autres sont simplement incisés. Elle a un visage triangulaire avec un menton fort. Relativement étirés, les yeux montent légèrement vers les tempes ; la pointe lacrimale descend vers le nez. Les yeux sont délimités par une ligne en relief, avec une ligne de fard droite qui se poursuit vers les tempes. Les sourcils, en relief, forment un arc, se pousuivant en parallèle de la ligne de fard de l'oeil. Le nez était légèrement large, avec un canal nabionasal court et bien marqué. Elle possède des lèvres pulpeuses, avec une commissure des lèvres creusées. Les oreilles de vache sont décorées de côtes en éventail, à la manière d'une conque.

Hathor possède de multiples facettes dans la mythologie égyptienne. L’une de ses attributions les plus importantes et les plus anciennes l’associe à la fertilité, en tant que déesse-vache. Hathor est en effet assimilée, dès la fin de l’Ancien Empire, à une divinité plus ancienne, dont elle reprend l’iconographie : un visage humain vu de face et pourvu de cornes et d’oreilles de vache. Son lien très fort avec la monarchie l’amène, de plus, très tôt, à assumer le rôle de nourrice céleste pour le roi-enfant. Ces attributs bovins sont une constante de l’iconographie d’Hathor tout au long de l’époque pharaonique : on reconnaît ici clairement les oreilles de vache, creuses en leur centre pour leur donner une profondeur, de part et d’autre du visage triangulaire de la déesse. Le visage hathorique vu de face est  caractéristique de la décoration des sistres, mais se retrouve aussi dans d’autres contextes, notamment sous la forme de chapiteaux de colonnes, dont les plus célèbres peuvent être admirés avec toute leur polychromie dans le temple gréco-romain de Denderah.

 

Le sistre apparaît dans l’iconographie dès l’Ancien Empire et reste un instrument de musique majeur, utilisé lors de différents rites jusqu’à la fin de la période pharaonique. Ce type d’instrument, une sorte de crécelle émettant des sons métalliques par entrechoquement de petites rondelles en métal, était utilisé essentiellement dans un contexte rituel. C'est un important vecteur d’apaisement pour la déesse qui, lorsqu’elle est en colère, possède une personnalité beaucoup moins avenante. Plusieurs mythes mettent en scène le courroux d’Hathor, notamment celui de la Déesse Lointaine. Au cours d’une de ses colères, la déesse prend l’apparence de Sekhmet et s’enfuit en Nubie. Charmée et apaisée, elle revient de son lointain exil sous les traits de la déesse Bastet. Dans un autre mythe, elle apparaît encore sous les traits de la lionne Sekhmet et est envoyée par Rê pour punir l’humanité de son impiété.

 

Le sistre est également mythiquement lié aux attributions érotiques d’Hathor, associée à la féminité, la sensualité et les pulsions amoureuses. Plusieurs textes anciens mettent en relation le sistre, instrument de musique par excellence d’Hathor, et Atoum le démiurge. En effet, d’après le mythe héliopolitain de la création du monde, Atoum donne naissance par masturbation aux jumeaux Chou et Tefnout. Cette action procréatrice solitaire, élément fondamental dans le processus d’organisation de la création, se voit même personnifiée par la déesse Iousââs, dont le nom, suffisamment non équivoque, signifie « elle vient et elle grandit ». Les arceaux du sistre sont métaphoriquement assimilés aux mains jointes du démiurge enserrant son sexe, tandis que les tringles – par leur mouvement – évoquent l’acte sexuel et font écho aux fonctions érotiques de la déesse. Il est également possible que le son émis par le sistre évoque celui produit par la déesse vache lorsqu’elle arpente les fourrés de papyrus, emplacement mythique de la gestation d’Horus et lieu de prédilection de la déesse.

 

Instrument magique, le sistre permet de chasser les mauvais esprits et d’attirer les génies protecteurs. Si le sistre peut être manié par des agents ritualistes masculins, c’est avant tout un objet utilisé par les femmes, qu’elles soient prêtresses, membres de la famille royale, ou encore d’autres déesses.

 

Il existait en Égypte ancienne deux types de sistres : le sistre sesheshet et le sistre sekhem. Le nom du premier est une onomatopée. Ce premier type, souvent réalisé en bois ou faïence siliceuse, est composé d’un manche, d’une tête d’Hathor et d’une représentation stylisée de la porte bekhen, une porte monumentale flanquée de deux colonnades et parfois de deux volutes latérales. Un bel exemple de sistre sesheshet se trouve au Metropolitan Museum of Art de New York (inv. n° 07.228.77). Le deuxième type de sistre porte le nom de sekhem, un terme qui signifie en égyptien « image divine ». Contrairement au sistre sesheshet, il est principalement réalisé en métal ou en pierre et sa partie supérieure est composée de barres horizontales chargées d’anneaux. Le Metropolitan Museum of Art possède également un exemplaire de ce type de sistre (inv. n° 68.44). Un autre exemple se trouve dans la collection égyptienne du musée Rodin sous le numéro d’inventaire Co. 794. Pour en savoir plus sur les formes de sistres et leurs évolution, voir ELWART, EMERIT 2019, p. 315-334).

 

En raison de son matériau, il est possible que la tête hathorique Co. 825 ait originellement appartenu à un sistre de type sekhem. L’œuvre Co. 825 est très similaire à celle portant le numéro d’inventaire Co. 830.

 

Les collections du Musée Rodin conservent plusieurs autres fragments de sistre hathorique, comme les éléments Co. 794, Co. 830, ou encore Co. 3096 (ce dernier en alliage cuivreux)

Inscription

Anépigraphe.

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 183, "Double tête d'Hathor en terre émaillée. La patrie supérieure manque. Morceau de sistre. Haut. 8 cent. Larg. 8 cent. 1/2. Estimée quatre vingt francs."

Donation Rodin à l’État français 1916.

 

 

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