Roi ou dieu coiffé de la couronne atef

Tête provenant d'une statue

Égypte > provenance inconnue

Ier millénaire, Basse Époque, (XXVIe-XXXe dynastie)

[voir chronologie]

Granitoïde

H. 29,9 cm ; L. 14,4 cm ; P. 23,9 cm

Co. 957

Commentaire

Etat de conservation

L’état de conservation est mauvais. Le fragment est affecté par de nombreux éclats et cassures. Le nez a disparu, de même que le bas de la joue droite, les rémiges qui encadraient la couronne – on voit encore l’amorce de la plume gauche et le négatif laissé par la plume droite – et le sommet de la coiffe. Les arêtes du pilier dorsal sont également très abimées ; des épaufrures ont endommagé l’inscription.

La bouche semble avoir été effacée par l’érosion.

Description

Cette tête masculine est coiffée de la couronne atef. Elle se compose d'une haute tiare, flanquée de deux plumes d’autruche et de cornes de bélier. Si la couronne atef est parfois portée par le roi à partir de l'Ancien Empire (Sahourî dans son contexte funéraire, par exemple) au cours de certains rituels, elle est surtout l’attribut du dieu Osiris, qui règne sur le monde des morts et préside au tribunal de l’au-delà, lors de la pesée des âmes. Les plumes d’autruche sont le symbole de la vérité et de la justice.

Nous pouvons donc supposer que cette tête appartenait à une statue d’Osiris engoncé dans son linceul, ou à celle d'un roi représenté sous forme osisirienne, placés debout ou bien assis.

 

La couronne porte les traces d’un uraeus. Un uraeus plus récent remplaçait l'uraeus originel, disparu mais dont les traces sont conservées sur l'œuvre. D’après la documentation et les photographies d’archives, cet uraeus restauré à une date inconnue avait une fonction plus symbolique qu’esthétique puisqu’il était très simplifié : un losange lisse avec, sans doute, une protubérance pour marquer la tête (déjà disparue sur une photographie de 1958) et une queue qui remontait le long de la couronne jusqu’à une hauteur que nous ne pouvons pas déterminer. Il a été enlevé avant l’exposition Rodin collectionneur, peut-être lors de l’intervention d'un restaurateur de la maison André.

 

Le visage est court et carré, puissamment modelé, mais l’état de la pierre nous prive de nombreux détails. La partie gauche du visage, mieux conservée, nous permet de distinguer des sourcils arqués en relief dont le contour est bordé par une incision et des yeux légèrement inclinés vers les tempes. Un trait de khôl marque le contour des yeux et les prolonge, ainsi que les sourcils, jusque sur les tempes.

Le négatif du nez nous indique qu’il était long, compte tenu des proportions du visage, et proche de la bouche. La commissure des lèvres était bien marquée, peut-être grâce à l’utilisation d’un trépan. Le menton est court et arrondi.

 

Une ligne incisée part de la couronne et fait le tour du visage : il s’agit de l’attache de la barbe recourbée, attribut des divinités masculines. Le dessous du menton est trop endommagé pour en estimer l’emprise.

 

À l’arrière de la statue, l’extrémité supérieure du pilier dorsal s’effile : il adopte peut-être la forme d’un obélisque. Même si cette caractéristique est plutôt rare, il ne s’agit pas d’un cas isolé. On trouve par exemple des piliers dorsaux en forme d’obélisque sur des colosses placés devant le IIe pylône du grand temple de Karnak ; réalisés sous les thoutmosides, ils ont été remployés et modifiés par Ramsès II. Des amulettes de divinités produites à l’époque saïte possèdent également un pilier dorsal en forme d’obélisque, comme l’amulette fragmentaire représentant Sekhmet conservée aux Musées d’Art et d’Histoire de Genève (MF 1410).

 

La statue, un peu plus petite que nature, se trouvait sans doute dans un temple, où elle avait été dédiée par le roi ou un particulier. Les inscriptions gravées sur le pilier dorsal, si elles avaient été mieux conservées, nous auraient sans doute permis de connaître l’identité du dédicant et l’emplacement originel de l’œuvre.

 

Inscription

Le pilier dorsal comporte une inscription hiéroglyphique répartie en trois colonnes. La colonne centrale, qui démarre plus haut, est délimitée de part et d’autre par une ligne verticale incisée et flanquée de chaque côté par une autre colonne de hiéroglyphes débutant plus bas.

Les hiéroglyphes sont gravés peu profondément. La lecture se fait de droite à gauche. 

Historique

Acquise par Rodin entre 1893 et 1913.

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 283, " Tête royale ayant appartenu à une statue. Couronne blanche et uraeus. Sur la partie subsistante du pilier dorsal on lit (écrit verticalement) [hiéroglyphes]. Granit gris. Haut. 28 cent. [Estimée] 300 Fr. Le nez est cassé."

Donation Rodin à l’État français 1916.

Commentaire historique

La tête fut exposée à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux la décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français.

Les photographies prises en 1958 par Bernard von Bothmer pour la constitution de son Corpus of Late Egyptian Sculpture (CLES) nous renseignent sur la présence d’un uraeus très schématique sur la couronne à cette date. Cet attribut royal n’est, de toute évidence, pas de facture égyptienne, du moins pas antique.

Les photographies prises en 1967, à l’occasion de l’exposition Rodin collectionneur, montrent que cet uraeus a disparu.

S’il est par ailleurs attesté que les anciens Égyptiens effectuaient des restaurations sur leurs monuments, il s’agit bien là d’une restauration moderne supprimée dans les années 1960, soit par souci d’authenticité, soit parce que l’uraeus était endommagé. Quant à son origine, elle est difficile à déterminer. On peut envisager une restauration pour favoriser l’achat, chez un antiquaire égyptien ou européen, afin de rendre à l’œuvre son aspect originel.

 

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