Amulette en forme de tête d'éléphant

Egypte > Provenance inconnue

Prédynastique

[VOIR CHRONOLOGIE]

Cristal de roche

H. 3,5 CM; L. 3,2 CM; P. 1,8 CM

Co. 2355

 

Commentaire

Etat de conservation

L'œuvre est en bon état de conservation. L’objet est cependant encrassé et empoussiéré. Des microfissures et quelques éclats sont visibles en surface.

 

Description

Cette figurine épouse la forme d’une tête d’éléphant. La face de l’animal a été réalisée en léger relief, notamment au niveau de la pointe des défenses. Les orbites oculaires sont rondes et profondes. Très rapprochées, elles étaient vraisemblablement incrustées à l’origine si on les rapproche de la figurine d’éléphant datée du prédynastique (Nagada II) conservée au Metropolitan Museum of Art de New York (Inv. n° 59.101.1. Réalisée en serpentinite, les yeux de la figurine du MET 59.101.1 sont incrustés en os ou ivoire . La trompe de la figurine Co. 2355 est exagérément courte, et une petite incision y marque le trou des narines. Les oreilles sont extrêmement réduites ; seule leur silhouette ronde est respectée, sur laquelle reposent les défenses. Les défenses de l’animal se recourbent sur la tête. Système de suspension, une perforation conséquente traverse l’objet dans le sens de la largeur, sous le crâne. On remarque plusieurs traces noires dans la partie l’arrière de l’objet, ainsi que vers le bas de la trompe et autour des défenses. En l’absence de tout contexte, la datation de la figurine Co. 2355 est difficile à déterminer.

 

L’éléphant, quoique discret dans les sources, fait néanmoins partie intégrante de la culture égyptienne (sur l’éléphant en Egypte ancienne, voir OSBORN, OSBORNOVÁ 1998, p. 125-130 et VERNUS Pascal, “Eléphant”, in VERNUS-YOYOTTE p. 134-136 et p. 747). Animal présent dans la culture, la langue et la symbolique, l’ivoire de ses défenses donnera en particulier vie à toutes les époques à de nombreux objets décoratifs et apotropaïque. Progressivement rejetés dès les débuts de l’histoire égyptienne vers le Sud, les derniers éléphants sauvages ne se retrouveront qu’en Nubie et la ville égyptienne appelée Éléphantine par les Grecs est ainsi située près d’Assouan. L’éléphant disparaissant assez rapidement du territoire égyptien, ce fait expliquerait qu’un aussi gros animal ait si peu influencé la religion antique. Cette absence physique de l’animal conduisit à des représentations de plus en plus éloignées de la réalité morphologique, seule la Nubie continuant à produire des objets offrant une image plus réaliste du mammifère. À partir du Nouvel Empire cependant, expéditions et conquêtes favorisèrent de nouveau le contact avec le pachyderme. C’est sous les Ptolémées que les éléphants d’Asie furent introduits en territoire égyptien, dans un contexte militaire.

 

La symbolique de l’éléphant dans les pratiques privées reste débattue (VERNUS 2005, p. 135). Les Égyptiens considéraient que les défenses de l’éléphant étaient avant tout des outils permettant d’attaquer avant de se défendre. Il est possible que l’éléphant symbolise une forme de protection contre les forces chaotiques, en procurant la force et la puissance nécessaire à son porteur.

 

La figurine Co. 2355 s’inscrit donc dans la longue tradition des amulettes. Ces objets, aux dimensions généralement petites, apparaissent dès le début de l’histoire. Le mot amulette peut être traduit de différentes façons en égyptien mais l’étymologie renvoie toujours à la notion de protection. Les amulettes peuvent être de différentes matières et représenter des symboles mythologiques, comme par exemple l’œil oudjat, le pilier djed ou bien des signes hiéroglyphiques ou encore des représentations de divinités. Mais il peut aussi s’agir de rouleaux de papyrus contenant des incantations magiques, pliés selon un certain procédé et portés par la personne à protéger. Cette tradition sera notamment très répandue au cours de la période ramesside (voir DONNAT, 2016). Avant le Nouvel Empire, les amulettes sont surtout retrouvées en contexte funéraire. En effet, ces objets étaient utilisés aussi bien pour les vivants que pour les morts et durant toute l’histoire pharaonique, on en plaçait, parfois en larges quantités, entre les bandelettes des momies afin d’assurer au défunt un voyage paisible dans l’au-delà. Les amulettes sont également portées sur soi, soit en forme de pendentifs, de bracelets ou de bagues, comme ce fut notamment le cas à Amarna (STEVENS 2009, p. 10). Néanmoins, la production des amulettes s’intensifie nettement au cours de la XVIIIe dynastie. La production massive d’objets en faïence silceuse influe également la fabrication d’amulettes dont les matières deviennent de plus en plus variées et qui sont de plus en plus portées à la façon de bijoux, incluses dans des colliers ou des bracelets. Les amulettes sont donc un élément central de la piété populaire et nous informent également sur les rituels ayant lieu au sein du foyer. Il n’est pas exclu que certaines d’entre elles étaient suspendues ou placées à divers endroits de la demeure afin d’assurer la protection de la maisonnée. La documentation actuelle nous livre peu d’informations concernant les rites de consécration de ces objets. Autant est-il possible de deviner le rôle du magicien lors de la réalisation de papyri protecteurs, autant les rituels permettant de rendre une amulette en pierre, en bois ou en faïence active restent difficiles à déterminer.

 

Pendant longtemps, de nombreuses amulettes à l’iconographie similaire à la tête Co. 2355 et datant pour la plupart du Prédynastiques ont été interprétées comme représentant des faciès de taureaux. Cependant, il a progressivement semblé plus probable d'y voir aussi celui d'éléphants (VAN LEPP 1999, p. 107-111). En effet, l’iconographie égyptienne « fantastique » de l’animal tend à le représenter sans oreilles, avec une trompe réduite et parfois des défenses s’entrecroisant, voire avec une défense unique. Sa silhouette peut parfois aussi imiter celle de la panthère (VERNUS 2005, p. 134-136). A l'heure actuelle, l'identification entre une figure bovine et/ou celle d'un pachiderme reste en cours.

 

S’ajoutant à la rareté de son iconographie, la tête d’éléphant Co. 2355 a été réalisée dans matériau peu fréquent pour un objet égyptien, un cristal de roche légèrement laiteux. Sur cette pierre de la famille du quartz, voir NICHOLSON, SHAW 2000, p. 52 et DE PUTTER, KARLSHAUSEN 1992, p. 132-133. Provenant des gisements de calcaire situés entre le Fayoum et l’Osais de Bahariya, du Sinaï ou du désert oriental, le cristal de roche était parfois utilisé dans les objets égyptiens depuis les époques prédynastiques (coupe de l’époque thinite, Paris, musée du Louvre Inv. n° E. 28043, in DE PUTTER, KARLSHAUSEN 1992, p. 133 et pl. 50a) jusqu’aux périodes tardives (figurine d’Harpocrate conservée au Petrie Museum de l’University College de Londres, Inv. n° 2496, voir PREYS René, in Pierres égyptiennes… 2000, p. 207 N° 77).

Une figurine de babouin, réalisée elle aussi en cristal de roche, de provenance inconnue et d’époque indéterminée, est conservée au musée royal de Mariemont (Inv. N° Ac.2003/27). Elle présente le même système de suspension par perforation latérale (voir DERRIKS Claire, in DERRIKS, DELVAUX 2009, p. 248-249).

La collection égyptienne du musée Rodin ne possède aucune amulette similaire, tant dans le thème iconographique que dans la matière.

 

Réalisées dans différents matériaux depuis le Prédynastique jusqu’après le Nouvel Empire, des figurines offrent les mêmes caractéristiques iconographiques dans d’autres musées. Parmi celles similaires à la Co.2355 on trouve la figurine AF 6903 exposée au Musée du Louvre (https://collections.louvre.fr/ark:/53355/cl010007330), la 59.101.1 conservée au Metropolitan Museum of Art de New York, celles conservées au Petrie Museum sous les numéro UC6164UC10328UC6153UC6005 ou encore la 2007.207.2 conservée au Yale Art Gally.

Œuvres associées

 

 

Inscription

Anépigraphe. 

Historique

Acquis par Rodin entre 1893 et 1913.

Donation Rodin à l’État français en 1916.

 

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