Le général Imeneminet et sa mère Dépet

Fragment de bas-relief

Égypte > Saqqâra, chapelle d’Imeneminet (probablement)

Nouvel Empire > fin de la XVIIIe dynastie, règne d’Horemheb

[VOIR CHRONOLOGIE]

Calcaire

H. 41 CM ; l. 38,5 CM ; P. 3 CM

Co. 3076

Comment

State of preservation

Ce fragment de relief, aujourd’hui de forme trapézoïdale, a été déposé de la paroi d’une chapelle funéraire : on le constate au fait qu’aucun des chants n’est d’origine et que tous ont été repris à la râpe (chants droit et supérieur) ou poncés (chant gauche). La scène a été coupée en bas (les jambes des personnages s’arrêtent en haut du mollet et les pieds de leurs fauteuils manquent) et sur le côté gauche (le début de l’inscription en colonnes et le bras droit d’Imeneminet ont disparu). La scène devait à l’origine se prolonger également à la partie supérieure dans la mesure où l’inscription est incomplète (voir plus bas, « Inscription »).

 

L’état de conservation de l’œuvre est bon, hormis diverses épaufrures sur toute la face gravée et plusieurs éclats au niveau des visages, consécutifs à des coups. En effet, le visage de la dame Dépet est très endommagé, ses traits ne sont même plus discernables tandis que celui de l’homme est abîmé au niveau de la bouche. La perruque d’Imeneminet présente du bouchage ocre. De très légères traces de pigment rouge sont discernables sur son pouce et son bras.

Description

Deux personnages, un homme et une femme, élégamment vêtus et richement parés, sont assis sur des chaises pourvues de petits coussins. Seule la chaise de la femme présente un haut dossier vertical. Des offrandes alimentaires sont empilées sous sa chaise, il s’agit peut-être d’un cuissot et de fruits ou légumes (voir le fac-similé de N. Couton-Perche). Les personnages paraissent assis l’un derrière l’autre, mais ils sont en réalité côte à côte, grâce à la convention du « décalage latéral », que dénote notamment la superposition des genoux de la femme et du séant de l’homme.

 

L’homme, à gauche, est vêtu d’un long pagne plissé – qui remonte sur les reins et s’arrête au niveau des genoux – noué à la taille, et d’une longue tunique transparente, plissée à l’extrémité des manches, qui vont, en s’évasant, presque jusqu’au coude. Ce type de superpositions de matières et de drapés est caractéristique de la mode vestimentaire du Nouvel Empire et plus particulièrement des XVIIIe et XIXe dynasties. Il porte une perruque mi-longue à pans coupés : des boucles finement ciselées retombent sur le front et les épaules tandis que la calotte est gaufrée comme le montrent les chevrons incisés dans la pierre. Son menton s’orne d’une courte barbe, son cou ceint d’un collier à double rangée de grosses perles. De la main gauche, il tient réunis le sceptre de commandement, une massue piriforme et un boomerang. L’extrémité de son bras droit est en lacune. L’œil est étiré, les canthi sont accentués. L’iris est tourné vers le haut. Son sourcil est représenté par un trait finement incisé qui suit la courbe de l’œil.

 

La femme, quant à elle, n’arbore aucun bijou, même si elle est vêtue et coiffée avec la même élégance. La finesse de sa longue robe moulante est suggérée par le modelé du sein et la présence du nombril en transparence : le lin le plus fin est l’apanage des classes les plus riches. Comme pour l’homme qui l’accompagne, sa longue tunique est pourvue de manches évasées et plissées ; la robe est peut-être asymétrique, puisque le bras gauche apparaît nu sous l’épaule. Sa perruque longue, tressée avec sophistication, est retenue par un bandeau lisse qui lui ceint le front. Elle est surmontée de deux corolles de lotus et de papyrus (l’une épanouie, l’autre en bouton), et d’un cône de parfum. Son bras droit serre sur sa poitrine un bouquet savamment composé tandis qu’elle étend légèrement le bras gauche devant elle, la paume tournée vers le bas. Ce geste typique révèle qu’il s’agit d’une scène de repas funéraire, où les défunts sont présentés face à une table de victuailles vers laquelle ils tendent la main, sans pour autant jamais porter la nourriture à leur bouche. Il est donc très probable que le fragment manquant à gauche représentait un guéridon chargé d’aliments, et que la main droite d’Imeneminet, manquante, s’avançait dans sa direction.

 

L’élégance et la jeunesse idéalisées des personnages sont complétés par la figuration de l’ensemble des critères de beauté caractéristiques de la fin de la XVIIIe dynastie : corps féminin mince et élancé, au sein rond, corps masculin svelte mais néanmoins bien nourri, avec les discrets bourrelets sous la poitrine, doigts longs et fins. La richesse de leurs costumes (vêtements, perruques, parures) et leurs attributs attestent de leur fonction élevée à la cour, que confirme l’inscription : « le scribe royal, grand chef de l’armée, Imeneminet, et sa mère, la maîtresse de maison, Dépet ».

 

Le général Imeneminet est un haut dignitaire du règne d’Horemheb, à l’extrême fin de la XVIIIe dynastie (vers 1330-1300 av. J.-C.). C’est un nom courant, et ce personnage qui portait également les titres de « premier chef de Memphis, général du maître du double pays, responsable du temple de Thoutmosis III » (PORTER MOSS 1981, p. 701-702) ne doit pas être confondu ses divers homonymes.

 

L’existence de ce personnage nommé Imeneminet est attestée par plusieurs reliefs fragmentaires provenant de sa tombe à Saqqâra, qui ont été recensés par DJUŽEVA 2000. L’emplacement exact de celle-ci n’est malheureusement pas connu, mais il est probable qu’elle se trouvait non loin de celle réalisée par le général Horemheb avant qu’il n’accède au trône, soit à proximité du complexe funéraire d’Ounas et du monastère Saint-Jérémie (voir PORTER MOSS 1981, p. 655 et pl. LXII pour la localisation). Parmi les autres éléments provenant de sa tombe, on peut citer un bas-relief en calcaire exposé au musée du Louvre (B6), où est à nouveau représentée sa mère Dépet, en compagnie de son père Amenmès ; cf. PORTER MOSS 1981, p. 701-2). Même si ce relief est de plus grandes dimensions et la polychromie en est mieux conservée, l’attitude de la mère est très semblable sur les deux fragments, et celle du père est comparable à celle d’Imeneminet lui-même sur le fragment Co. 3076. Un autre relief conservé au musée archéologique de Parme, troisième photo ; la datation Amenhotep III est erronée) comporte une formule d’offrandes aux divinités et une longue énumération des titres et fonctions d’Imeneminet et son rôle administratif, militaire et religieux de premier plan.

 

Il a également été suggéré que l’objet Co. 6417 aurait pu appartenir à la tombe d’Ameneminet (CARPANO 1994, p. 63), mais cette proposition ne s’appuie que sur des indices stylistiques, l’inscription étant illisible et le relief très fragmentaire.

Inscription

Cinq colonnes de signes hiéroglyphiques gravés en creux sont visibles au-dessus des personnages. Elles se lisent de gauche à droite. Le début du texte n’est pas compréhensible en raison de la conservation du fragment. Claire Lalouette, dans une notice manuscrite de l’œuvre, ajoute que « la scène originelle devait se prolonger également à la partie supérieure : en témoignent l’hiéroglyphe légèrement incomplet (le haut de l’arc manque) qui commence à la troisième colonne verticale de texte, et le sens même de celui-ci (si les quatre premières colonnes se font bien logiquement suite tel quel, la première et la cinquième colonne devaient commencer plus haut). »

(Traduction fournie par D. Farout)

Historic

Acquis par Rodin auprès de Joseph Altounian le 24 décembre 1910 ?

BOREUX 1913 : Hôtel Biron, 237, Bas relief fragmentaire en calcaire, représentant un homme et une femme tourné vers la gauche, agenouillés l’un derrière l’autre. L’homme tient le sceptre [dessin] et un vase : la femme tient des fleurs. Manteaux et jupes plissés. Inscription de 5 lignes donnant le nom du scribe, chef des soldats [hiéroglyphes] et de la dame Dpit. Les figures sont abîmées, et le monument a été si remanié qu’il a perdu toute valeur. Époque thébaine. 40 x 36 ½

Donation Rodin à l'État français1916.

Déposé au musée du Louvre depuis 1986 et  actuellement exposé dans la salle 639 (Sully, premier étage, parcours chronologique des Antiquités égyptiennes), vitrine 3 « les tombes des notables de Memphis », à côté du relief B6 « Imenmès et Dépet, les parents du général Imeneminet ».

Historic comment

Le relief fut exposé à l’hôtel Biron, parmi les chefs-d’œuvre de la collection égyptienne, là où Charles Boreux le décrivit à l’été 1913 dans l’inventaire qu’il fit en vue de la donation à l’État français (musée Rodin, Ph. 13620).

 

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