Les lieux de la collection
Les objets de la collection égyptienne sont présents dans les divers ateliers et maisons d’Auguste Rodin. Ils l’accompagnent au gré de ses déménagements, tantôt témoins de son intimité, tantôt au coeur du projet de fondation du futur musée.
Les premières traces de la collection égyptienne apparaissent dans deux lieux de Rodin l'atelier du dépôt des marbres, alloué par l'Etat en 1880 lors de la commande de la Porte de l'Enfer, puis la Folie-Neufbourg au Clos Payen, dès 1887. Auguste Rodin loue cet atelier parisien situé au 68 boulevard d'Italie, presque en face de celui de Camille Claudel. Il le quitte en février 1898 mais expédie à Meudon en 1902 les objets de la collection qui s'y trouvent encore.
En 1893, Auguste Rodin quitte Paris pour la banlieue. Il laisse un appartement, au 23 de « l’étouffante vieille rue des Grands-Augustins[1] » pour un lieu de vie simple, au sein de la nature, propice à la création[2].
Le Maître découvre Meudon qui domine la Seine et s'installe d'abord dans le quartier de Bellevue, dans la maison du Chien-Loup. Il réunit pour la première fois dans une même unité de lieu les trois aspects de sa vie, l’intimité du quotidien, la création et la collection. Le critique Léon Maillard (1860-1929) rapporte avoir vu pour la première fois dans ce lieu « un épervier, chef-d’œuvre égyptien, en une matière inconnue, qui peut être du bois, qui peut être de la pierre, ou une combinaison céramique quelconque, un épervier que Rodin tenait entre ses mains, et qui était d’une si merveilleuse forme, d’une entente si harmonieuse, qu’il semblait tressaillir sous la caresse des doigts »[3].
Quelques mois plus tard, il loue la villa des Brillants construite en 1883, par l'artiste peintre Delphine de Cool (1830-1921). Au rez-de-chaussée, il installe ses sculptures et les pièces à vivre. Au premier étage, sa chambre et au second, ses archives et ses peintures. Locataire de 1893 à 1895, Rodin en devient propriétaire et agrandit peu à peu sa propriété jusqu’en 1909. Il rénove et améliore les bâtiments existants tout en développant de nouveaux espaces. Il construit notamment des ateliers, des logements pour ses assistants et proches, ainsi qu’un bâtiment pour abriter son abondante collection d'antiques. Le jardin est alors utilisé comme lieu d'expérimentation, d'exposition et de promenade où il expose ses œuvres antiques. Pour l’art égyptien, Meudon est le lieu des petits objets, massés essentiellement dans l’atelier du pavillon de l’Alma, dans le musée des antiques et dans l’atelier de peinture de la villa. Ainsi, le premier musée égyptien se répand dans les pièces de vie comme dans les ateliers, au milieu de son œuvre, mêlée aux objets de toutes origines. Le 11 juin 1903, Rodin fait l’acquisition d’une autre maison, 15 chemin de Fleury, au pied de la colline de Meudon. La Goulette aux moines devient l’annexe de la villa des Brillants.
L’idée d’un musée à Meudon germe dans l’esprit de Rodin, qui souhaite construire vers 1909 un nouveau bâtiment pour abriter ses collections. Ce projet ne verra pas le jour, contredit par celui de l’hôtel Biron.
C’est par l’entremise du poète Rainer Maria Rilke (1875-1926) qu’Auguste Rodin découvre la propriété située au 77 Rue de Varenne. Dans l'attente d'être vendu, l'hôtel Biron et les autres bâtiments du domaine commencent à accueillir des locataires dès 1905, parmi lesquels de nombreux artistes. En 1908, le sculpteur loue quatre pièces au rez-de-chaussée, ouvrant sur la terrasse au sud, pour y installer ses ateliers. Il y découvre un jardin sauvage, où il installe certaines de ses œuvres et une partie de sa collection d’antiques.
En 1911, l’artiste collectionneur investit tout l’hôtel Biron pour y inscrire le parcours d’un futur musée[5]. Il charge l’entreprise de transport Chenue de l’installation des œuvres, arrivant massivement d’Égypte, et du transport d’autres antiquités de Meudon à Paris. En 1913, après la réalisation des inventaires de la collection égyptienne, accessibles ici, il commande au photographe Eugène Druet (1867-1916) des clichés des nouvelles salles et des antiques isolés afin de diffuser les images de ce nouveau musée.
[1] Judith Cladel, Rodin pris sur la vie, Paris, Éditions de la Plume, 1903, p. 57.
[2] Bénédicte Garnier, Rodin Intime. La villa des Brillants à Meudon, Paris, Éditions du Chêne, 2015.
[3] Léon Maillard, Études sur quelques artistes originaux : Auguste Rodin, statuaire, Paris, H. Floury, 1899, p. 39.
[4] Bénédicte Garnier, « Le premier musée égyptien à Meudon », Rêve d’Égypte, Paris, In Fine Arts, 2022, pp. 56-66.
[5] Bénédicte Garnier, « Une collection de musée », Rêve d’Égypte, Paris, In Fine Arts, 2022, pp. 123-135.